Dégage ton iench !

Photo : Ma prochaine pancarte de course. Je suis une coureuse solitaire (mai 2020).

 

Les berges sont rouvertes, les gens. C’est le déconfinement !
Je retrouve mes chemins de course d’avant. Avec aussi les promeneurs et les runneurs d’avant. Car rien vraiment ne change (et rien n’est différent non plus, n’en déplaise à J.-J. G.).

Je vais vous raconter. Je rentre juste de courir là – pendant que deux de mes enfants sont à l’école mi-désertée mi-déconfinée – je sens que je suis encore bien chauffée. Mais comme vous, peut-être vous ne l’êtes pas, je vous propose de démarrer par un petit échauffement.
Une manière de préambule qui donne la couleur à mon énervement…

 
Le bad boy

Dimanche dernier, alors que j’avais commencé ma course depuis quinze minutes, à l’endroit exact où j’ai pris la photo d’en-tête pour cet article, un mec a débarqué en courant du chemin de terre barré par la grille. On ne voit pas que c’est un chemin de terre sur la photo, mais après, c’est vraiment un chemin de terre.
Le mec donc, un joggeur donc, déboule du chemin interdit donc, me fait face et me lance sur un ton ironique :

– At-ten-tion… c’est pas bon de courir sur le bitume !

J’ai même pas répondu. Beaucoup de souffrance, peu de résultat. Franchement, il voulait me montrer quoi ? Qu’il a pas peur, lui, de jouer avec les interdits parce qu’il en a des grosses ? Crétin. Comme si j’avais pas assez de moi-même pour me battre sur les questions d’obéissance et de respect des règles imposées !

 

 

Si encore il y avait mis, cet homme, un peu d’éclat, une étincelle d’héroïsme, s’il avait pilé devant moi en motocross après un dérapage de ouf dans la boue (en marcel blanc), j’aurais pu, peut-être, me laisser impressionner. Effleurer les prémices d’un léger impressionnement.
Ou simplement s’il était arrivé en courant comme il l’a fait, mais alors en DÉBUT de confinement, quand je crevais d’envie de prendre justement ce chemin-là. Peut-être que j’aurais cédé. Admettons. Courons ensemble le long des chemins interdits et bravons les forces de l’ordre (tout en travaillant la notion d’humilité dont vous semblez être totalement dénué).

Mais… la veille du grand déconfinement annoncé ??
Mickaël m’avait mise en garde déjà, quand je suis partie courir ce matin du 10 mai 2020 :

J’te préviens, si tu prends 135 € d’amende aujourd’hui parce que t’es allée courir trop loin ou trop longtemps, j’vais être vénère !

Bon. Vous n’avez pas besoin de savoir si je suis finalement allée courir trop loin ou trop longtemps ce matin-là. Ou les deux. Ce qui compte, c’est l’avertissement de Papa Écureuil qui aveuglait par sa clarté limpide (et pléonastique) :

Faut vraiment être con pour ne pas respecter la règle du confinement alors qu’on déconfine demain.

Et c’est sans doute ce que j’aurais dû rétorquer au costaud bien baraqué qui se vante, le malotru, de passer derrière les grilles pendant que je cours comme une brebis du troupeau, certes rasée, certes sans le masque recommandé, mais sur la route autorisée.

 

Voilà. Il faut bien faire attention aux barrières.

 

Note de conjugaison (et de typographie), en passant.

Si quelqu’un a-sans-accent les compétences techniques pour gribouiller l’accent du « a » sur un fichier.jpg, ça m’évitera une ulcération supplémentaire de devoir expliquer à mes enfants que c’est comme ça maintenant la vie, où que tu regardes sur Internet (et partout ailleurs), c’est blindé de fautes et tout le monde s’en fout.
Si quelqu’un sait faire ça, merci d’en profiter pour remplacer les caractères primes par de vraies apostrophes. S’il vous plaît. On va dire que je pinaille mais ça compte vraiment pour moi.

 

Mais lui c’est rien. Le type dont je vous parle. Ce n’est que l’échauffement promis. Limite tu peux le trouver touchant dans sa tentative que tu le regardes comme un bandit de grand chemin parce qu’il a contourné un minuscule morceau de loi sur une petite sente.
Limite, j’ai dit. Limite touchant ne veut pas dire que je suis touchée. Moi mon cœur est fait d’acier et de pierre, comme un peu le monde dans la chanson-tube d’Irene Cara pour Flashdance.

(C’est cadeau. Ne me remerciez pas. Le seau d’eau sur la meuf à moitié nue sur scène mais quand même en talons aiguilles parce que faut pas déconner avec les clichés sexy, c’est cadeau.)

 

Clip d’Irene Cara pour Flashdance : What a feeling ! (1983)

 
L’ami des bêtes

Aujourd’hui je suis donc lancée comme une fusée pour vous parler de ceux qui m’énervent quand je cours alors que je cours pour ne plus être énervée. Donc après, à cause d’eux, je suis toujours énervée. Il faudrait que je re-coure. Mais alors je risquerais de re-tomber sur des qui m’énervent encore plusse, non ?  🙁

Et ceux qui m’énervent entre tous, ce sont ceux qui sortent leur chien sans laisse, parce que… ben je sais pas. Le chien obéit bien, sûrement, c’est pas la question. Notez que je ne fais pas l’apologie de la laisse ; moi j’aimerais pas qu’on me mette une laisse, relis Le Loup et le Chien, et puis j’aimerais pas promener un chien en laisse non plus.
Mais.

D’abord, j’ai PAS de chien.

Ensuite, même si je suis à pied, en balade en famille par exemple – ce rêve exotique mais imaginons – j’ai une petite fille qui est terrorisée par les chiens. Dont le cœur s’emballe dès qu’un chien s’approche. Et donc mon cœur de maman à moi, tout d’acier et de pierre qu’il est, m’ordonne de l’entourer de mes bras pour la protéger.
À ce moment-là, le propriétaire du chien te dit :

– Oh non mais il est pas méchant, vous en faites pas ! Il veut juste la sentir et lui lécher les doigts, il lui fera rien !

 

MAIS JE VOUS EMMERDE, TOI ET TON CHIEN QUI EST PAS MÉCHANT !

Je me fous de savoir : son âge, la date de son dernier vaccin, s’il est végétarien et s’il aime les gros câlins ! Mon enfant a peur là tu vois, donc tu me racontes pas la vie de ton chien, et surtout, tu le tiens à tes pieds par le collier parce que le sentier n’est pas à ta mère, tu comprends ?

 

 

N’allez pas en déduire hâtivement que je n’aime pas les animaux. Ce serait exagéré. Ce serait faux. Je vomis les vidéos de chatons mais j’ai voulu un chien moi aussi quand j’étais petite. Et aujourd’hui j’aime des gens qui ont un chien. Surtout des gros chiens. Même un gros chien qui s’appelle Olaf, c’est pour dire !
Après, c’est vrai qu’à titre personnel, je préfère les cochons. Ou les écureuils intrépides. Pas trop les koalas parce qu’ils font flipper.

Bref, j’ai rien contre les mammifères qui sont pas des humains.
Papa Écureuil observe les oiseaux au moins pour deux, mes garçons étudient bien assez les reptiles pour nous cinq, et en plus j’adore l’humour végane. Si si. Je ne peux pas vous raconter parce que j’ai remarqué dernièrement que les blagues à l’écrit, ça passe pas bien. Mais j’adore. D’ailleurs je partage beaucoup avec les véganes (sauf le beurre).

Le problème, c’est plutôt que je fulmine de repenser à toutes ces situations où les gens te disent, à toi ou, pire, à ton enfant :
– Oh mais faut pas avoir peur !

Parfois tu as même droit au bonus :
– Et pi c’est pas la p’tite bête qui va manger la grosse !

 

MAIS DE QUOI TU ME PARLES LÀ ???

T’es qui toi pour me dire ce que je dois ressentir ou pas ?
Est-ce que ça a déjà aidé un enfant qui a peur, un seul, de s’entendre dire :
– Oh mais faut pas avoir peur !

Sans parler d’un enfant, est-ce que ça a déjà aidé qui que ce soit ?
Ma parole mais moi tu me dis faut pas avoir peur quand j’ai peur, mais je vais te taper !!!

 

Après c’est plus la peur qui me tient, c’est la colère de Vice-Versa ! La colère avale la peur toute crue.

 

Reprenons. Reprenons car je m’égare.
J’ai commencé par « d’abord, j’ai pas de chien » ; puis « ensuite, même si je suis à pied », et je ne pensais pas déjà m’énerver. Car « même si je suis à pied » appelle une suite qui est pire, et la suite, c’est : « enfin, quand je cours ».

Enfin, quand je cours, il y a AUSSI des gens qui baladent leur chien sans laisse.
Pendant le confinement je ne les rencontrais plus parce que je courais sur le bitume (→ relire le début de l’article avec les recommandations du Jacques Mesrine du running spécial confinement.)
Je ne voyais que leurs merdes. Aux chiens. J’en voyais plein les trottoirs même.

Mais quand je cours en forêt ou sur les berges, je croise beaucoup de chiens qui ne sont pas attachés. Sûrement qu’ils ne sont pas méchants et qu’ils obéissent au doigt et à l’œil, mais guess what ?
Poussés par le vent et l’envie de jouer, ils s’égayent, ils sautillent, ils s’éloignent de leur maître(sse) pour venir courir avec moi, entre mes jambes, et me renifler pareil, au même endroit, alors que je ne sais pas de quel côté les éviter parce qu’ils sont imprévisibles et qu’à chaque foulée je manque de trébucher sur eux et de me fracasser une cheville. Et ça m’énerve, mais ça m’énerve !

J’ai du rouge sang qui vient dans mes yeux, des fourmillements jusqu’au bout des mains, et des pensées criminelles du genre : je vais planter ce chien avec une fourche.

(C’est pas mon idée directe hein, c’est dans Le bizarre incident du chien pendant la nuit. C’est pas grand-chose mais je préfère quand même le préciser rapport à je ne suis pas un monstre.)

 

Après je m’en veux, je me dis que je suis vraiment qu’une vieille râleuse, alors que devine quoi ? Je suis justement en train de lire ce best-seller du développement personnel : J’arrête de râler !
Enfin, j’étais en train de le lire. Avant le confinement. Avant que je n’aie plus aucun déj’ toute seule avec du temps libre pour lire en mangeant. Maintenant je reprends le livre petit bout par petit bout, quand je sens que je recommence à râler. Parce que (pour l’instant), c’est plus fort que moi, les gens m’énervent !

Est-ce que j’impose à qui que ce soit mes enfants avec qui je vis pourtant de nouveau et malgré moi 24/24 ? Alors pourquoi EUX, ils m’imposent leur p… de clébard ?!*^#%$$???!!

Pardon. Pardon pour ça, si vous avez un animal de compagnie et tout. C’est quand je suis trop énervée. Et aussi un peu à cause de ça.

 

Capito bene, mon message ? Possiblé votre ami ? Grazie mille ! (mai 2020).
 
L’Homme (le vrai, celui qui sait)

Attendez c’est pas fini. Parce qu’il y a un autre truc qui m’énerve TROP quand je cours…
C’était déjà là avant le confinement mais j’hésitais à vous en parler parce que je crains de passer pour une snob. Et puis comme c’est arrivé encore aujourd’hui, je me dis que c’est peut-être ce que je suis après tout, une snob, et alors autant que je l’assume ! (Car tout s’assume.)

Quand je cours, à certains endroits selon les chemins, je tape des pointes. Je cours plus vite si vous voulez, en sprint, le plus vite possible. J’ai pas de chrono, ni montre, ni portable, ni rien, je suis à l’arrache, mais dans ma tête la pensée magique. Je cours à fond et je voudrais qu’il arrive ça. Je cours à fond et je vais réussir ça. Je cours à fond et la vie va me donner ça.
(Salut, je m’appelle Audrey, j’ai sept ans.)

Voyez l’idée. On dirait pas mais j’ai ma pudeur, je ne vais pas non plus vous raconter toute ma vie intérieure.

 Ce qu’il se passe donc, quand je suis à ce maximum de moi-même – et quoique l’action se déroule sur une courte distance et un temps limité – c’est que parfois je croise quelqu’un. Quelqu’un que mon cerveau vif et réactif identifie rapidement comme étant de type homme blanc entre 50 et 60 ans, qui court seul, qui sait, et qui va t’apprendre la vie cocotte. Parce que, tout en courant, ce quelqu’un commente au moment où tu le dépasses comme une bombe :

– Tu fais du fractionné là !

WTF ?? Si j’étais pas à bout de souffle, je pourrais riposter : mais non, mais pas du tout, c’est mon rythme de croisière, tête de b ! (Comme il a un bonnet, c’est pour ça. Mais moi aussi souvent j’ai un bonnet, avec une tête de b, donc je peux pas trop parler.)
Nan mais quoi ?!!
C’est le « tu » qui m’énerve. Je vous le dis, au cas où vous ne voyiez pas bien où est le problème. Sinon j’adore qu’on m’appelle cocotte. Juste ça dépend qui, et je n’aime que quand c’est moi qui choisis.

 

 

Je sais au fond que je suis pas cool et pas sympa, ça se trouve c’est un mec super et il commente parce qu’il a effectivement plein de choses à m’apprendre (cocotte). Alors je pourrais lui répondre d’un sourire complice, créant ainsi les conditions d’un échange favorable, mais putain… ça lui arracherait la gueule de corriger par :

– VOUS faites du fractionné là !

Ça changerait tout pour moi. Je pourrais écouter ses conseils comme j’écoute ceux de mon pote Fabien. Il m’expliquerait pourquoi je devrais fractionner, et comment, et en quoi cela me permettrait de vraiment progresser, et blablabla. Peut-être qu’il me proposerait de me coacher, et l’année prochaine je courrais le marathon, et ce serait génial !
Mais non. Je ne réponds pas d’un sourire complice, je ne crée pas les conditions d’un échange favorable, je me prive du marathon (peut-être).
Je sais que je suis vieux jeu et c’est même pas parce que je vieillis : j’étais comme ça à quinze ans déjà. Demande à ma mère !

Je ne tutoyais pas les inconnu(e)s et je n’aimais pas qu’on me tutoie non plus. Déjà.

Ça ne vient pas de mon éducation : je ne suis pas d’un milieu bourgeois, et ma mère, mon père, ma sœur ne sont pas comme moi.
En fait ma mère est instit’ et sachez qu’entre eux, ils se tutoient d’emblée. Même s’ils ne se connaissent pas. Je vous le dis, au cas où vous vous retrouviez coincé(e) à une soirée où il n’y a que des enseignants. C’est dur mais ça va aller, on survit. On s’habitue même ; à force on connaît toutes les blagues de profs (attention ce ne sont pas les mêmes que celles des véganes, sauf si vous tombez sur un(e) prof végane, mais pour ça il faut savoir avant, ça demande un peu d’entraînement) et on peut les raconter avant eux comme si on était des leurs, ils se marrent, c’est très gratifiant.

 

Un exemple de blague de prof. Si tu comprends pas, il faut être prof, cest pour ça.

 

Bref, tout ça pour dire que le tutoiement systématique alors que bon, on n’a pas couché ensemble alors que, de un, nous n’avons pas été présentés, de deux, ni senti que nous pouvions, d’un commun accord, nous acheminer vers le « tu », ce tutoiement m’agresse et me braque.
Me braque PARCE QUE il m’agresse.

La double peine c’est que je suis complètement isolée dans ma démarche, parmi mes amis et mes proches. Donc on me dit souvent que : j’ai un problème avec ça.
J’ai même déjà dû vous en parler dans cet article à Tahiti.

J’en ai aussi longuement discuté avec mon amie Édith qui est québécoise et c’était vraiment intéressant parce qu’au Québec comme en Polynésie, tout le monde se tutoie. Ce n’est pas le signe d’une familiarité, d’un rapprochement que tu n’as pas désiré. C’est la norme.
Alors pour Édith, c’est l’inverse de moi : c’est le vouvoiement qui est rude.

 

Moi non plus j’aime pas ça ! Et puis souvent, j’aime pas les gens (mais sauf Édith qui m’a tutoyée tout de suite et je l’aime).

 

*****

 

Vous aussi les gens vous saoulent alors que vous partez courir pour être seul(e) ?
Ou c’est moi, je suis trop méchante comme une sorcière ?

 

 

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