Gingembre de septembre

Illustration de Guillaume Long pour le G.

 

Comme je vous l’annonçais dans mon premier article de l’année (relisez-le, j’ai tout donné pour celui-là* ; mes prochains articles ne seront que succédanés à faible densité nutritionnelle !), je vous propose de célébrer les 3 ans d’existence de mon blog par un rappel des articles parus le même mois pour chaque année écoulée.

(* C’est pas tout à fait vrai… J’ai beaucoup donné aussi pour celui-ci et encore plus pour celui-là.)

 

Quand je pense septembre, je pense rentrée, cartables, nigari, gingembre et renouveau. Joie de vivre, espérance et balades à vélo.

Seulement cette année, c’est pas pareil. Cette année il y a dans ta tête le septembre rêvé – courir toute nue dans les champs de maïs, merci Guillaume pour cette illustration inattendue  🙂 – et dans la vraie vie le septembre que tu ne peux plus ignorer, le septembre en attendant la suite, il se peut qu’arrive la limite. Tu n’entends plus rien mais tu sais que tu dois te préparer, retourner dans la cour et affronter.

Alors que deux de tes enfants (les mêmes à chaque rentrée, et jamais celui qui a fait un asthme sévère du nourrisson jusqu’à ses trois ans, va comprendre) ont le nez bouché / qui coule, les yeux rouges et une toux d’irritation qui leur arrache la gorge, tu râpes du gingembre frais en mode machine de guerre pour fortifier l’immunité de ta maisonnée.
Tu te plains à ton mari :

– On aurait dû rapporter deux ou trois pots de miel de thym de Sifnos.

Ton mari te regarde droit dans les yeux, tu crois qu’il va te coller au mur plus vite qu’un flash de QR code.

– Tu te fous de ma gueule ?? À l’aller, j’ai porté tes cinq livres parce que tu refuses la liseuse, CINQ LIVRES (mais seulement 2 culottes) ! Au retour, on s’est trimballé des bouteilles d’huile d’olive pour tes copines + tout un tas de trucs à offrir à la maîtresse des garçons qui n’est plus leur maîtresse, un pot de miel qui coule et un pot de tahiné MÊME PAS GREC qui coule aussi, je te passe les cailloux peints et les poteries artisanales dont RIEN n’est pour nous, et toi tu me dis : on aurait dû rapporter deux ou trois pots de miel de thym de Sifnos ??

– Nan mais c’est pour diluer les huiles essentielles dedans… c’est parce que dès qu’on rentre à la maison, ils sont malades, c’est tout…

 

Je n’ai pas insisté. J’ai bien senti que ce serait mal venu vu que c’est pas moi qui me suis galérée à tout faire rentrer dans les sacs…

Alors, à défaut des champs de septembre, à défaut des buissons de thym sauvage qui ont peuplé mon été grec, je suis allée dans le jardin en friche depuis un mois et j’ai repris ma place habituelle pour fumer. Quand j’ai levé les yeux, j’ai vu qu’au milieu des mauvaises herbes une fleur nouvelle que je n’avais jamais vue avait poussé. Elle m’a éblouie de tout son jaune et j’ai tourné la tête parce qu’elle était trop belle, elle n’allait pas avec le reste.
Mais si vous savez, le reste. Ce avec quoi les gens ne font que s’échauffer. Le sujet qui divise, qui sépare, qui éloigne. L’éléphant blessé dans le salon.

 

À mon retour, au milieu des mauvaises herbes, une fleur s’est dressée vers le ciel (août 2021).

 

Il y a tant de choses autour de moi que je ne comprends pas et qui me foulent le cœur.
Il y a tant de moments fragiles, tant de jours qui ne sont pas à la hauteur.
La musique vient alors comme la poésie, comme les bras qui jamais ne se lassent de mes amies, soulever ma peine et me rappeler que la vie, c’est ça aussi.

Pour septembre, je veux partager avec vous une chanson qui est aussi un poème extraordinaire.
Un poème qui célèbre la folie, celle que je reconnais mienne et qui m’emmène loin vers les abysses, mais qui exalte aussi la vie dans ce qu’elle a de plus joyeux et de plus lumineux.

Je ne connais pas bien Higelin. Je ne le connais pas comme mon pote Frantz ou mon amie Marie, pour qui la mort d’Higelin a été un trou noir, un immense chagrin. Je ne connais pas bien mais ce que je connais d’Higelin, je l’aime. L’album « Crabouif » en entier, Je suis amoureux d’une cigarette, et puis cette chanson incroyable : Champagne.

C’est une chanson qui me renverse par son intelligence, son humour et son autodérision. Un doigt d’honneur à la normalité, à la conformité, à la sérénité même – que j’emmerde, pour celles et ceux qu’elle tue silencieusement, lentement mais sûrement.

C’est une chanson qui me bouleverse à chaque écoute. L’énergie qui s’en dégage (surtout en live), l’orgue, le piano, le violon, les grelots, le pipeau, et puis les hurlements de loup et les lalalalala d’Higelin à la fin font vibrer mon cœur d’émotion.

Et puisque le champagne ne se boit jamais seul(e), c’est une chanson qui me rappelle à l’amitié, la vraie, authentique et puissante, la seule qui soigne et guérit… Champagne !

 

La nuit promet d’être belle, car voici qu’au fond du ciel apparaît la lune rousse… (Apollonia, Sifnos, 23 août 2021).

 

Jacques Higelin, Champagne, album « Champagne pour tout le monde, caviar pour les autres… », 1979.

La nuit promet d’être belle
Car voici qu’au fond du ciel
Apparaît la lune rousse
Saisi d’une sainte frousse
Tout le commun des mortels
Croit voir le diable à ses trousses
Valets volages et vulgaires
Ouvrez mon sarcophage
Et vous, pages pervers
Courrez au cimetière
Prévenez de ma part
Mes amis nécrophages
Que ce soir, nous sommes attendus dans les marécages
Voici mon message :
Cauchemars, fantômes et squelettes
Laissez flotter vos idées noires
Près de la mare aux oubliettes
Tenue de suaire obligatoire

Lutins, lucioles, feux-follets
Elfes, faunes et farfadets
S’effraient de mes grands carnassiers
Une muse un peu dodue
Me dit d’un air entendu :
« Vous auriez pu vous raser »
Comme je lui fais remarquer
Deux-trois pendus attablés
Qui sont venus sans cravate
J’vous fais remarquer
Elle me lance un œil hagard
Et vomit sans crier gare
Quelques vipères écarlates
Vampires éblouis par de lubriques vestales
Égéries insatiables chevauchant des Walkyries
Infernal appétit de frénésie bacchanale
Qui charment nos âmes envahies par la mélancolie

Envois
Satyres joufflus, boucs émissaires
Gargouilles émues, fières gorgones
Laissez ma couronne aux sorcières
Et mes chimères à la licorne

Soudain les arbres frissonnent
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition
L’air tellement accablé
Qu’on lui donnerait volontiers
Le Bon Dieu sans confession
S’il ne laissait, malicieux
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d’un bond
Dans un concert de jurons
Disant d’un ton pathétique
Que les damnés obscènes
Cyniques et corrompus
Fassent griefs de leurs peines
À ceux qu’ils ont élus
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables
En sont venus à douter d’eux-mêmes
Quel dédain suprême

Mais, déjà, le ciel blanchit
Esprits, je vous remercie
De m’avoir si bien reçu
Cocher, lugubre et bossu
Déposez-moi au manoir
Et lâchez ce crucifix
Décrochez-moi ces gousses d’ail
Qui déshonorent mon portail
Et me chercher sans retard
L’ami qui soigne et guérit
La folie qui m’accompagne
Et jamais ne m’a trahi…
Champagne !

 

Piste audio : Higelin, Champagne (live au Rex), 1992.

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En septembre 2018, c’était… le compte à rebours.

 

3 septembre 2018 : Bonne rentrée les amis !

 

4 septembre 2018 : La nouvelle maison de papy & mamie (article de la Petite Souris)

 

8 septembre 2018 : Le problème quand tu cuisines…

 

11 septembre 2018 : La B.O. love to love

 

14 septembre 2018 : La contraception & nous

 

18 septembre 2018 : Mon nom est personne

 

21 septembre 2018 : Une bonne blague (article du Grand Lièvre)

 

25 septembre 2018 : Qui sont les tourdumondistes ?

 

28 septembre 2018 : La langue française & moi

∼∼∼∼∼

En septembre 2019, c’était… le grand retour.

 

2 septembre 2019 : Mon TOP 10 des meilleures reprises de chansons

 

6 septembre 2019 : Partir, c’est revenir aussi

 

 

13 septembre 2019 : La B.O. des newsletters de Let’s go : on the road

 

25 septembre 2019 : Une seule vie & moi

 

27 septembre 2019 : Être ou ne pas être… délégué(e) !

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En septembre 2020, c’était… l’espérance.

 

2 septembre 2020 : Keep calm and swim naked

 

7 septembre 2020 : Mythos !

 

12 septembre 2020 : Manger en Grèce AVEC ARNAUD !

 

17 septembre 2020 : Fan de : Augustin

 

24 septembre 2020 : On marche mais on sait pas où on va

 

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Et vous, que vous inspire septembre ?

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