Pastille sexe #5 : Ce que c’est qu’être sexy

Illustration de Diglee dans « Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux » (p.34).

 

Tout l’été, je vous propose ce que j’ai appelé des « pastilles sexe », comme un peu le pratiquaient les magazines féminins à une époque où je faisais les spécial tests sur la plage. Je ne sais pas pourquoi dans ce type de magazines les dossiers sexualité c’est toujours l’été, à croire que dès la rentrée tu poses à toi et à ton mari (ta femme) une ceinture anesthésiante, et allez salut, on se revoit en avril !
Enfin, je vais pas commencer à m’énerver…

L’idée de mes pastilles sexe, c’est de proposer une piste de réflexion à partir de ce que je lis et entends sur les rapports hommes / femmes et les relations amoureuses hétérosexuelles. Le tout dans un article court – d’où la pastille – avec le présupposé que personne l’été n’a envie de passer du temps seul(e) sur son ordi mais que ce sont d’excellents sujets à discuter entre amis. Et avant tout en couple, bien sûr.

Je sais qu’il y a aussi des préados qui aiment me lire – coucou les filles, je vous fais un cœur avec les mains ♥ – donc je précise que ces pastilles sexe de l’été ne nécessitent pas de contrôle parental comme sur Snapchat et qu’elles peuvent tout à fait être lues et discutées avec des préados. Voire avec des enfants comme chez nous, je me souviens très bien d’une conversation sur le porno l’été dernier en Grèce avec mes enfants qui avaient alors 7, 9 et 11 ans… mais évidemment ça dépend si vous êtes à l’aise sur ces sujets ou pas.  😉

Lisez, réfléchissez, discutez-en à plusieurs et interrogez-vous : c’est comme ça qu’on fait avancer nos représentations !

 

 

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Pour cette cinquième pastille, j’ai choisi une planche de l’illustratrice Diglee, tirée du recueil de lettres d’Ovidie que je suce comme des pastilles cet été : Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux (2020).
Elle accompagne la « lettre à celui qui m’a dit que je n’étais pas sexy ».

« Tu conviendras que c’est tout de même insupportable, cette injonction à être « sexy » selon vos critères, les tiens étant en l’occurrence ceux d’un mauvais boulard des années 90. Il aurait fallu que je sorte le porte-jarretelles là où toi tu pouvais te pointer avec un caleçon Monop’. Tu sais ce qui est sexy ? C’est d’être bien dans ses pompes, c’est de s’habiller comme on l’entend, c’est de se respecter en n’essayant pas de ressembler à une autre. » (p.36)

Pensez-y ! Partagez aussi, parlez-en, ça vous changera du covid…

 

Parce qu’on peut être terriblement sexy avec un tee-shirt mou et pas maquillée – schlag quoi, comme dit ma cops Marlou.
Personnellement ce que je trouve sexy, ce qui m’attire érotiquement, a peu à voir avec le physique des gens. Cela m’a valu, à plusieurs reprises, d’être taxée de sapiosexuelle (mais ça va, on s’en remet). J’assume totalement. Je sais que, projetée dans Game of Thrones, je serais séduite par Tyrion Lannister. Ou par Ygrid. C’est sûr. Et je l’assume même mieux que de trouver sexy aussi le Khal Drogo, chef des Dothrakis à la virilité ô combien emblématique. La virilité qui viole la Khaleesi sans vergogne lors de leur nuit de noces parce que c’est son droit. À mes yeux, cela fait une différence de taille avec Tyrion. Qui, quoique marié à Sansa Stark, ne pose pas ses mains sur elle parce qu’elle ne le veut pas. Cela fait une différence magistrale, une différence fondamentale.

J’ai eu cette discussion il y a quelques semaines avec mon mari et il m’a dit quand même, à propos du Khal :

– Ouais mais bon, c’est pas parce que t’es féministe que t’as pas le droit de t’envoyer un mec sexy !

Il a dit « t’envoyer ». J’ai halluciné. (#MonMecEstGénial)

 

 

Tout ça pour dire : être sexy ne tient pas à une panoplie de strings en dentelle et de déshabillés violets.

Être sexy c’est dans la tête (et ça m’arrange car je ne porte pas de lingerie).

Je ne vous apprends rien, je suis seulement consternée que les injonctions hétéro-normées continuent de dicter, aux femmes autant qu’aux hommes, ce qui est « sexy » et ce qui ne l’est pas. La vision banale et étriquée de ce qui est désirable sur le marché du cul et de ce qui est à jeter à la benne. La prison des canons esthétiques qu’on intériorise, le carcan des conformités de genre, l’absence de jeu et de liberté. Et puis le manque de surprise et d’imagination surtout, c’est ça qui me tue. Qui me paraît le plus dingue et le plus mortifère.
Quel désir sans surprise, sans imagination ? Sans trouble ? Sans transgression ?

Alors que, comme le rappelait déjà il y a vingt ans ce grand expert du sexe qu’est Jackie Treehorn :

« People forget that the brain is the biggest erogenous zone. »
(Les gens oublient que le cerveau est la plus grande zone érogène.)

 

Extrait de The Big Lebowski (1998) : scène entre Jackie Treehorn (Ben Gazzara) et le Dude (Jeff Bridges).

 

Et puisque depuis mon article Le cœur (et les couilles) sur la table, je rattrape les épisodes des Couilles que j’ai loupés, cette semaine je vous recommande particulièrement l’épisode 37 : « Les vrais hommes ne violent pas ».
Il part du constat que l’immense majorité des violences sexuelles (98%) sont commises par des hommes et déconstruit les mythes, les schémas de socialisation masculine et les rapports de domination dans la séduction hétérosexuelle, notamment en France, qui peuvent expliquer la culture du viol.

L’invitée de Victoire Tuaillon pour cet épisode est Valérie Rey-Robert, l’auteure du blog féministe sérieusement écrit, documenté et argumenté Crêpe Georgette, dont je vous ai déjà parlé. Elle revient ici sur les problématiques de son livre, Une culture du viol à la française, publié en 2019.

 

Voilà voilà… (extrait du livre d’Ovidie et Diglee déjà cité, p.37)

 

Quand on ose tenir des propos féministes – qui ne sont rien de plus que des propos justes mais bon – non seulement ça ne fait pas bander mais en outre, même si on reste calme (ça arrive), il est très fréquent d’être qualifiée d’« agressive » par son ou ses interlocuteur(s) masculin(s) (hétéro(s), cela va sans dire) qui nous explique(nt) alors, non sans une certaine condescendance affectée, qu’on est agressive parce qu’on est :

soit frustrée car mal baisée (la faute à qui, j’ai envie de te dire)
soit sûrement lesbienne et donc pas vraiment une femme (WTF ??)

C’est un putain de guet-apens parce que c’est très difficile de ne pas DEVENIR agressive après ça. Même quand on sait qu’on va faire le jeu de ces hommes-là et qu’il ne faudrait surtout pas, c’est fucking difficile comme dirait mon amie Édith. Parce que quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, ils n’entendent pas. Et en plus d’être agressive, on n’est définitivement pas sexy.

Je pense qu’il faut lâcher l’affaire.
Je pense qu’il faut changer d’interlocuteur(s). Refuser les pantoufles du mec de l’illustration.
Je pense que ouf, il y a d’autres hommes prêts à s’interroger et à se remettre en question.

 

 

 

Pour en revenir à la sexytude, passé 40 ans, il y a des choses que tu décides de ne plus faire – voire que tu n’as jamais vraiment fait. Je ne vais pas chez la manucure, je ne me maquille pas, je m’habille avec des loques de récup’ comme dit ma mère, je ne fais pas de teinture ni de soin de cheveux (et pour cause), je ne porte pas d’ensemble de lingerie, en vérité je ne mets pas de soutien-gorge, et sous une robe même pas de culotte donc tu vois, jusqu’au déshabillé en dentelle violet y’a trop de chemin !
Pourtant il y a d’autres injonctions du sexy dictées par les hommes qui restent en toi, alors que tu voudrais qu’elles s’arrêtent. Tu essayes, tu luttes de toutes tes forces, mais elles sont là et tu sais maintenant qu’elles ne partiront pas.

 

Ici, sur l’île de Sifnos, et en particulier le soir à Apollonia qui est the-place-to-be de la drague branchée, les jeunes femmes sont minces et bronzées, très maquillées, cheveux longs et détachés, ongles peints et outrageusement longs, mules brillantes à talons ou tongs bling-bling à semelles compensées, sous une robe de soirée courte ou longue mais toujours moulante et ultra décolletée. Tu les regardes passer pendant que tes enfants mangent une gaufre dans la rue et tu es au spectacle tellement elles semblent sorties d’une double page de papier glacé !
Ces filles sont probablement ce qui existe de plus opposé à moi mais je leur adresse souvent un sourire quand je les croise. J’éprouve un mélange de peine et de fascination pour le mal qu’elles se donnent à vouloir plaire, la perfection de leurs sourcils, les efforts qu’elles s’imposent, comme si elles ne croyaient pas qu’elles puissent être aimées sans tout ça. « Tout le tralala », comme disait ma grand-mère.
Je ressens un socle commun, de la bienveillance, comme une envie de les prendre dans mes bras et de leur dire :

T’inquiète pas, ça va aller. Même si tu te casses un ongle et que les poils repoussent sur tes jambes, même si tu as des auréoles de transpiration sur le tissu moiré synthétique de ta robe, ça va aller en fait. Tu sais quoi ? Même si tu ne rentres pas ton ventre quand tu sors du resto, ça va aller. Même.

 

Je crois que ça s’appelle la sororité. Et on peut l’éprouver MÊME quand on a le crâne rasé !  😉

 

Roseaux feat. Aloe Blacc, More than material, album « Roseaux first album », 2012.

 

C’est mon amie Émilie la super tatouée dont je vous ai déjà parlé ici et , qui m’a fait découvrir cette chanson au début de l’année. J’ai adoré.

I ain’t worry about your clothes
Cause the clothes don’t make the woman
I ain’t worry about your hair
Cause the hair can’t give me lovin’
Only you
I ain’t trippin’ on your shoes
‘Cause they don’t smile at me the way you do
Girl to me you’re a miracle
You’re so much more than material

 

Allez, maintenant que je vous ai bien donné envie de vous libérer de vos corsets trop serrés et de vous ébattre nues et joyeuses loin de vos prisons intérieures, je vais m’atteler à perdre 3 kg. Mais non, j’déconne ! Quoique 3 kg de moins quand même ce serait bien… Non non, c’est pour rigoler ! Ah… mais si en fait… c’était ça le truc que je voudrais tellement que ça s’arrête mais que je sais maintenant que ça ne partira pas… Mais non. Mais si. Mais non. Allez. Faites pas ce que j’ai l’air de dire, faites comme vous pouvez.

(Mais gardez dans un coin libre et sauvage de votre tête que le cerveau est la plus grande zone érogène parce que ça, c’est vrai  ♥)

 

 

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Références

Ovidie et Diglee, Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux, éd. Marabulles, 2020.

Podcast Les couilles sur la table, épisode 37 : Les vrais hommes ne violent pas

https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/les-vrais-hommes-ne-violent-pas/

 

Le blog féministe référence de Valérie Rey-Robert :

https://www.crepegeorgette.com/

 

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Précédemment
Pastille sexe #4 : Le ras-le bol (et les hormones)

À suivre
Pastille sexe #6 : L’espoir du changement

 

Et pour vous, c’est quoi sexy ?