Comment fait-on des enfants ?

Photo : Le Marcass’ en Sardaigne, quand il n’avait pas encore 4 ans mais presque (avril 2017). Qu’est-ce qui, chez les enfants petits, est inné ? Qu’est-ce qui est acquis ?

 

Hier, le Marcass’ (7 ans) est parti en vrille à cause d’une carte de l’Italie et de pâtes que je lui ai demandé de dessiner. Gentiment. Je lui ai demandé gentiment. S’il te plaît, est-ce que tu veux bien. Et il est parti en vrille.

– Nan mais toi t’ordonnes ! Tu diriges tout, t’ordonnes ma vie, on dirait que t’es la reine ! Mais c’est MOI le roi et j’ai pas envie de faire tes pâtes, moi je veux que tu sois ma serviteuse !

J’en suis restée baba, comme disait ma grand-mère. Papa Écureuil était dans la cuisine en train de préparer un bouillon de légumes, il a pris un fou rire.

– C’est comme ça le pouvoir mon amour, ça se partage pas !

Et puis aussi :

– Tu connais le proverbe africain : « Le miel n’est bon que dans MA bouche »* ?…

On rigole mais ça interroge quand même. Moi ça m’interroge.

Le soir on a fait des jeux de société et la Petite Souris a gagné. Je trouvais que c’était bien parce que c’est son anniversaire aujourd’hui et c’est pas facile d’avoir 12 ans. Revois L’Effrontée si t’as oublié comment c’était.
Mais le Marcass’ a 7 ans, il a pas oublié lui, il sait pas. Il s’en fout. Il nous a bien regardés et il a dit :

– Je perds, mais dans ma tête je perds jamais.

 

Quand le Marcass’ avait deux ans et demi et qu’il adorait enfiler en secret les Docs de la reine (février 2016). J’aurais dû me méfier…

 

Plus tard, quand les enfants étaient couchés, j’ai demandé à Papa Écureuil :

– Mais pourquoi il est comme ça le Chouch ? Comment on l’a fait ?
Comment on l’a fait ? Tu veux que je te dise comment on l’a fait ?… On l’a fait avec toute ta frustration de pas être un mec !

Bon. D’accord, peut-être ça, mais aussi avec tout ce que Mickaël avait de chromosomes Y inexploités depuis le fond du fond de son âme (et plusieurs générations). Je refuse de prendre seule la responsabilité de toute cette testostérone compactée que nous avons créée.

 

C’est un bâton que j’ai trouvé sur mon chemin à l’automne dernier, en vacances chez papy et mamie. Marcel a dit : « T’as vu maman, c’est comme la dernière lettre de ton nom ! On va trouver un M maintenant. » (octobre 2020).

 

Et puis cette nuit, je me suis relevée pour écrire et j’ai pensé que quand je cours, je me lance tout le temps des défis comme dépasser le poteau électrique avant que l’auto me dépasse. Ou la poubelle jaune sur le trottoir, le portail gris, ce genre de trucs débiles. Quand l’auto arrive derrière moi, ça va, j’accélère bien et c’est bon, mais quand elle arrive en face, c’est plus risqué parce que elle et moi on avance ensemble vers la même rencontre. J’ai pas l’habitude.
Parfois je suis cramée alors je me dis : on a dépassé en même temps, ça compte pas. Ou : c’était pas une Peugeot, ça compte pas. Comme les cigarettes fines qu’on m’offre à l’atelier clandé, elles sont tellement fines qu’elles peuvent pas compter.

Mais la nuit, on est tout seul la nuit, on sait bien, on est honnête la nuit, et alors j’ai pensé que « ça compte pas », c’était peut-être pas si loin de :

– Je perds, mais dans ma tête je perds jamais.

Et que, peut-être aussi, les enfants ne sont pas si différents de nous.

 

(Sauf quand ils réclament toujours LA MÊME SOUPE le dimanche soir – la soupe de mounette – et que donc, pendant que Papa Écureuil la leur prépare, je fais une autre soupe, toujours différente, pour nous. Parce que moi déjà le dimanche soir j’ai envie de mourir en attendant qu’on soit vite lundi matin, alors avec une soupe qui serait toujours la même, tous les dimanches pareil, la même odeur, le même goût que tu connais par cœur, le même ressenti toute ta vie, imagine comment ça grince.)

 

Le dimanche quand je demande (gentiment) de l’aide pour éplucher les pois chiches. Pour la fameuse révithada qu’on va manger tous ensemble et qui va changer la face de mon dimanche soir. Perdre ou ne pas perdre, finalement ce n’est qu’un état d’esprit (février 2021).

 

* Évidemment ce n’est pas ça. Le vrai proverbe du Mali dont nous avions recouvert notre mariage est :

Le miel n’est jamais bon dans une seule bouche.

 

*****

 

Et vous, quels ingrédients mettez-vous pour faire les enfants ?

 

 

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