Photo : Hanoï, marchande de fleurs à vélo. Elle a son petit tabouret en plastique bleu suspendu par une ficelle pour les moments de pause (Vietnam, mai 2019).
Est-ce ainsi que les hommes vivent… au Vietnam ?
ΞΞΞΞΞ
Au Vietnam, nous avons trouvé que les gens étaient souriants, gentils et accueillants. Y’en a même qui, sans te connaître, pour rien, pour toi, t’offrent leur briquet tout neuf.
Dans presque tous les hôtels et guesthouses où nous nous sommes arrêtés, les propriétaires ou le personnel étaient ouverts et curieux d’apprendre comment nous, nous vivons, et pourquoi nous voyageons. J’ai eu l’impression d’un désir fort d’apprendre, de s’enrichir intellectuellement.
Comment oublier Ha à Hanoï, qui qui apprend le français depuis seulement deux mois et le parle incroyablement bien à force de travail acharné et de persévérance ?
– Monsieur, tu veux un mango smoothie ?
– Madame, tu vas où aujourd’hui ?
À Can Tho, il y a un garçon de douze ans aussi qui nous a abordés dans la rue, juste pour discuter. Il suait à grosses gouttes mais il a fait le job. Son papa l’attendait un peu plus loin avec son petit frère. Et j’ai revu deux fois une scène similaire avec des touristes à Hanoï.
Les parents vietnamiens envoient leurs enfants dans la rue pour pratiquer leur anglais avec les étrangers.
Le garçon nous expliquait que son père pense que l’anglais scolaire n’est pas suffisant et que c’est en parlant avec les touristes qu’il deviendra le meilleur de sa classe.
Ça semble un cliché éculé mais c’est ce que nous avons ressenti de nos quatre semaines au Vietnam : le travail est important. Et les enfants doivent exceller à l’école.
Et, comme partout en Asie, on ne s’énerve pas, on sourit et on dit oui oui.
Les Vietnamiens disent oui même s’ils n’ont rien compris à ce qu’on a demandé ou si la vraie réponse est non. Mais ils disent oui quand même.
Ça m’énerve. Par exemple quand on achète des pâtes pour les babi parce qu’on nous a dit oui pour une casserole mais qu’en fait on a une bouilloire rouillée. Ça m’énerve. Je vous l’avais déjà dit à propos du Laos que j’ai pourtant tant aimé. Je sais que ça fait partie des règles sociales en Asie : on ne dit pas ce que l’on pense si on ne pense pas oui. C’est à moi de m’y plier. Mais ça m’énerve.
Mickaël dit que c’est surtout un problème au travail dans les négociations, notamment avec les partenaires chinois : ils disent oui et tu ne peux pas démêler ce qui sera de ce qui est…
La vie, la rue
Ce que j’ai vu d’abord des paysages du Vietnam, c’est que c’est très vert. Forcément nous sommes arrivés par le sud du Cambodge jusqu’au delta du Mékong, et cette région est quadrillée de cours d’eau autour desquels la vie et les cultures se sont organisées. Mais même après, en voyageant à travers la campagne et les rizières, tout cela dans un camaïeu de vert ravissant.
Comme un jardin au premier matin.
Dans les villes, c’est autre chose. Toutes les routes sont goudronnées – c’est ce qui m’a donné, après le Cambodge et le Laos, cette impression d’ultra modernité – et la circulation est dense. Très dense. Bangkok-like. Avec moins d’autos, mais deux fois, trois fois (quatre fois ?) plus de motos.
Au Vietnam, tout le monde a sa moto. Enfin je veux dire : chaque famille. Au moins UNE moto.
J’ai dit ici que j’ai rencontré les gens les plus gros à Tahiti et dans les autres îles de Polynésie.
À l’inverse, j’ai vu au Vietnam les gens les plus minces. Et c’est une condition importante pour tenir à quatre, voire à cinq, sur une mobylette.
L’oreille du Grand Lièvre
Hé Papa, on est tous montés sur la balance ce matin [à l’accueil de l’hôtel, pour peser les bagages j’imagine], et Ha pèse 40°kg !
Ce qui vous donne l’idée du poids d’une femme vietnamienne de 25 ans (en bonne santé).
Par rapport aux pays voisins, les Vietnamiens en deux-roues ont plus souvent un casque. Et celui qui conduit garde son téléphone portable collé à l’oreille, coincé dans le casque. D’où le casque. Malin.
Dans le premier appartement que nous louons à Hanoï, il y a une rampe lisse au milieu des escaliers pour permettre de monter le scooter dans les étages. Et, de fait, nous avons vu plein d’apparts et de restaurants, à Hué, à Da Nang, à Hoi An, où les gens rentrent leur scooter à l’intérieur pour la nuit. Voire ils dorment SUR le scoot.
La journée les motos roulent, ou bien elles stationnent alignées les unes contre les autres, innombrables, comme des stolons qui se reproduisent et gagnent du terrain sur les trottoirs, la chaussée.
L’oreille du Grand Lièvre
Si vous voulez apprendre à conduire sans faire un accident, il ne faut surtout pas venir au Vietnam ou en Thaïlande !
C’est vrai. Mais c’est encore pire pour les piétons. Au Vietnam, c’est dangereux de traverser la route. Tu risques ta vie à chaque croisement. Vraiment. Les autos ne s’arrêtent pas devant tes enfants engagés au milieu de la chaussée. Elles klaxonnent encore plus fort pour te signifier que tu dois dégager. Tu n’es pas dans ton droit.
Au marché, j’ai vu des tee-shirts avec des feux tricolores dessinés où c’était marqué :
Feu vert : I can go.
Feu orange : I can go.
Feu rouge : I still can go.
C’est censé être humoristique mais c’est EXACTEMENT comme ça que ça se passe.
Parce que sur la route, clairement, c’est le plus gros qui est prioritaire. Et qui passe, quoi qu’il se passe.
On a vu des scènes de folie. Déjà Mickaël trouve que je traverse à l’arrache et n’importe comment à Paris, que c’est de l’inconscience avec les enfants, mais là, à Hanoï, il était au bord de l’apoplexie.
Sur les trottoirs, ça peut être dangereux aussi. D’abord il y a toujours des motos qui roulent, mais surtout, tout le monde fume accroupi sur le trottoir, et donc à hauteur de main d’enfant. Ce qui fait que tu n’es pas tranquille si tes babi avancent sans regarder où ils vont – et un en particulier.
Encore une fois je dis tout le monde mais là je veux dire : les hommes.
Les hommes fument accroupis sur le trottoir en jouant aux cartes ou/et en buvant du thé : à Hanoï il y a des grins partout ! Enfin des grins, c’est moi qui dis des grins parce que ça me faisait un peu penser aux grins du Mali à cause du thé qui passe plusieurs fois et des tous petits verres. Mais sûrement qu’ici ça porte un autre nom et que « grin » n’a aucun sens. D’ailleurs les camarades vietnamiens de grins-qui-ne-sont-pas-des-grins sont moins nombreux (et moins joyeux).
En tout cas, pour vous tenir au courant, au Vietnam c’est 30 000 dongs le paquet de Marlboro (depuis le Laos, je n’ose plus trop tenter les marques locales…). Soit 1,15 €.
Au Vietnam, comme au Laos et au Cambodge, il n’y a pas de pièces. Une pièce de 10 ou même de 100 dongs représenterait une somme si ridiculement insignifiante !
Et sur tous les billets, il y a la face de Hô Chi Minh. Tu peux pas repartir du Vietnam et ne pas connaître la tête du vieux. Enfin c’est entre nous qu’on l’appelle « le vieux ». « C’est irrespectueux », nous a dit Lulu mais moi je pense qu’on peut dire « vieux » et être quand même respectueux.
Hô Chi Minh est un héros national et on croise son portrait partout dans la rue (en plus des billets donc).
À propos de la rue, dans mes deux articles sur la cuisine au Vietnam et la street food au Vietnam, j’ai oublié de vous dire qu’ici ils aiment tellement le phô que même pour dire « rue » ils disent phô ! (D’accord, c’est pas avec les mêmes accents mais quand même !)
Les pratiques, les coutumes
Nous n’avons pas rencontré de Vietnamien(ne)s avec qui nous avons pu vraiment parler des us et coutumes du pays. C’est pourquoi je ne parlerai ici que de ce que j’ai pu observer.
Par exemple, je ne sais rien du culte des ancêtres qui est pourtant fondamental au Vietnam. Tout le monde le pratique. Devant sa maison, son restaurant, son échoppe.
Les gens font brûler des bâtons d’encens par gros paquets plantés dans du sable et ils ajoutent des offrandes telles que fruits, cigarettes et faux billets. Les faux billets sont brûlés et les babi en ramassaient les morceaux ayant survécu aux flammes sur la route.
Ce sont les femmes, souvent, qui s’occupent de nettoyer et de renouveler les offrandes.
Madame Minh m’expliquait que les Vietnamiens sont hyper sexistes et que la pression sur les femmes est très forte. Une Vietnamienne de mon âge (soit après 40 ans) non mariée n’a aucune chance de trouver un homme car elle est considérée comme vieille et sa vie amoureuse est terminée. J’ai ouvert la bouche pour protester mais Madame Minh m’a coupée :
– Et les plus de 60 ans comme moi, nous sommes de vieilles tortues !
Je ne sais pas si c’est pour retarder le vieillissement de la peau mais j’ai remarqué que les femmes vietnamiennes se protègent scrupuleusement du soleil. C’est vrai aussi en Thaïlande et dans d’autres pays d’Asie, mais au Vietnam c’est encore plus flagrant : chapeau pointu à larges bords, masque qui couvre tout le visage et lunettes de soleil par-dessus, chemise à manches longues, gants qui avancent sur les poignets…
Dans la rue, dans les rizières, au marché, sur les stands de street food ou les marchés flottants, toutes les femmes, toutes catégories sociales et toutes générations confondues, je n’en ai jamais vu une seule qui reste au soleil sans avoir les bras et le visage couverts.
J’ai lu dans Ru un très beau passage sur le ao dài.
Le ao dài est la tenue traditionnelle des femmes vietnamiennes. Elle est composée de deux parties : un pantalon ample et fluide taille haute, et, par-dessus, une robe avec un col Mao et des manches longues ultra cintrée jusqu’à la taille, puis qui s’ouvre en fentes sur les côtés et descend jusqu’aux chevilles.
Assurément, le mieux pour vous rendre compte serait que je vous montre une photo. Mais quand je croisais une femme qui portait le ao dài, je restais tellement bloquée à la regarder passer qu’après c’était trop tard pour prendre une photo. Donc si vous voulez en savoir plus, vous pouvez toujours taper « ao dài » sur Wikipédia ou dans Google Images.
(Si vous n’êtes pas en transit par la Chine évidemment. Sinon cela ne va pas vous être possible. Too bad.)
Le ao dài est très couvrant – c’est une tenue traditionnelle, pas un mini-short pour aller en boîte – néanmoins il présente une particularité particulièrement sexy. C’est que la fente de la robe cintrée qui se transforme en tunique est coupée 2 à 3 cm plus haut que le haut du pantalon. Selon les mouvements, on peut donc parfois apercevoir un petit triangle de peau de chaque côté du bassin, qui est surnommé « le triangle de l’émotion ». C’est charmant, non ?
Voici en photo le passage de Ru qui m’a émue.
À la page suivante, l’auteure explique que sa grand-mère mettait dix fois plus de temps à enfiler la tunique de son ao dài que les hommes à le défaire, « car, après avoir accouché de dix enfants, il fallait sculpter son corps, le redessiner avec une gaine aux trente crochets pour respecter la coupe cintrée de cette robe hypocritement pudique et trompeusement candide ».
J’ai beaucoup aimé : « hypocritement pudique et trompeusement candide ».
C’est loin de moi mais justement, c’est pour ça.
Ma fascination.
Je sais que je devrais penser que ce n’est pas bien parce que le corps est serré et contraint…
Je sais que le ao dài est une entrave à la liberté des femmes au même titre que le corset…
… mais comme je trouve beau le corps des femmes qui le portent !
Évidemment le ao dài est adapté à la silhouette vietnamienne. Voire, il lui est exclusivement réservé.
C’est-à-dire que si tu pèses plus de 45 kg, le col Mao serré au cou qui n’ouvre pas d’espace sur la poitrine te sied tout de suite nettement moins. La taille marquée aussi, c’est pas pareil.
J’en ai déduit que le ao dài que je trouve si beau n’est pas généreux. Il est trop sélectif, il n’accueille pas tous les corps avec bienveillance comme le pagne ou le paréo. C’est pour ça d’ailleurs qu’il n’a pas dépassé les frontières du Vietnam. Sûrement.
Bien sûr, l’espèce de pyjama qui est porté aujourd’hui en habit de jour par un grand nombre de Vietnamiennes (et de Thaïlandaises et de Cambodgiennes, peut-être de Laotiennes mais je me souviens moins bien de leurs vêtements) est plus confortable. Je ne vais pas critiquer, je passe ma vie en jeans baskets, j’ai jamais mis un tailleur de ma vie, ni de chaussures à talons.
Mais quand même. C’est moins beau.
Du vêtement au rapport au corps…
Au Vietnam, j’ai eu le sentiment d’un rapport au corps amoureux assez libéré. Davantage que ce à quoi je m’attendais après des semaines de « retenue asiatique ». Par exemple, on voit des jeunes couples qui se tiennent par la main dans la rue, voire, une fois j’ai vu à Hanoï, qui s’embrassent ! Je n’ai jamais vu de scène pareille au Laos ou au Cambodge.
Et, un truc que je vois pour la première fois dans un hôtel, jamais en France, ni même au Danemark ou en Suède : dans la petite trousse mise à disposition dans la chambre avec coton-tiges et mini flacons de shampooing, gel douche et dentifrice, on trouve… quatre étuis de préservatifs ! Pour une seule nuit*, ça va quand même, c’est la forme ! 🙂
* Peut-être c’est parce qu’il y avait deux chambres dans l’appart-hôtel. Donc deux grands lits. Donc deux préservatifs par lit pour une nuit, peut-être ils comptent.
Enfin, cela n’a rien à voir avec ce qui précède, mais je ne peux pas terminer un article sur les gens au Vietnam sans parler du commerce.
Mickaël se souvient très nettement d’une Cambodgienne au marché de Phnom Penh, il y a neuf ans, qui nous avait dit d’un air dégoûté que les Vietnamiens, vraiment, c’était pas possible. Qu’elle était épuisée d’avance à l’idée de devoir négocier avec eux, qu’ils allaient l’user jusqu’à la corde pour gagner 2 000 riels (soit un peu moins de 0,50 €).
J’avais complètement oublié cette vieille histoire mais effectivement, dans toutes les villes où nous sommes allés, les Vietnamiens sont durs en affaires, ils ne lâchent rien !
Moi non plus je ne lâche pas donc j’estime que, de temps en temps, nous avons eu un échange équitable. Le reste du temps, non, pas vraiment…
Quand ce n’est qu’une question d’argent, je garde en tête que notre niveau de vie est supérieur à celui des gens qui vivent ici de l’argent des touristes, et ça va.
Mais je n’aime pas qu’on me force la main, et encore moins qu’on soit rude avec moi ou qu’on me prenne de haut. Parce qu’alors ce n’est pas une question d’argent ou de négociation.
En France pareil. Le primeur à qui je demande 1 kg de blettes qui me sert d’office 1,4 kg, ou le boucher qui me dit qu’il faut compter au moins 1,5 à 2 kg de viande pour un bœuf bourguignon pour six personnes alors que je viens de lui expliquer que dans les six il y a quelqu’un qui mange très peu de viande (c’est moi), ils ne me revoient plus jamais de la vie.
Peut-être que je rate quelque chose, peut-être que je suis trop rigide. Pour l’instant c’est comme ça.
Pas avec mes amis – j’ai plus d’amplitude – mais avec ceux avec qui nous sommes en contact par nécessité, dans la vie de tous les jours : les commerçants, les médecins et qui sais-je encore ?
Il suffit d’une réflexion qui me blesse, une attitude que je trouve mal venue, et c’est terminé.
Il y a d’autres commerçants, d’autres médecins. Je choisis avec qui je veux passer ce temps.
Je peux décider que je n’irai JAMAIS manger dans le resto juste en bas de chez nous sauf le jour où il change de propriétaire. Et le faire. Ou bien ne plus JAMAIS remettre les pieds dans la pharmacie qui est pourtant la plus près de chez nous à pied. No way.
En revanche, si j’aime les échanges que j’ai avec quelqu’un, que ce soit un médecin, un commerçant ou je ne sais pas, si j’ai confiance avec en plus de l’admiration, comme pour ma sage-femme et mon poissonnier par exemple, je leur suis fidèle. Je peux pardonner plein de choses et je ne changerai pas pour un autre, même si je dois faire des kilomètres – ce que je fais pour mon poissonnier.
Mais il est tard là, je m’égare…
Retenez (vu et revu et vrai) : les Vietnamiens travaillent et ne lâchent rien !
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Et vous, que connaissez-vous de la culture vietnamienne ?
J’aimerais rencontrer des Vietnamien(ne)s de France pour apprendre de leur façon de voir, de leur ressenti. Est-ce qu’ils peuvent reconnaître les habitants de leur pays d’origine dans mes descriptions, ou bien ma vision est-elle totalement celle d’une étrangère qui ne comprend pas les codes sociaux et culturels ?