Être une femme, est-ce que c’est pourri ?

 

Alors clairement en ce moment je vais pas bien. Clairement. J’ai beau me repasser le Radio Bemba Sound System à donf dans l’auto, y’a pas moyen. Welcome to Tijuana, tequila, sexo, marijuana… sauf que c’est pas la marijuana, c’est tout l’album qui est illégal avec mon moral !

Je vais pas bien, mais au moins j’ai des amies qui prennent soin et qui ne font pas semblant que je vais bien. Qui ne me demandent pas d’aller bien. Qui ne me demandent rien du tout d’ailleurs. Qui me prennent là où j’en suis et qui m’envoient des je t’aime et des petits pains à l’huile d’olive du Portugal des photos pour me faire rire et des vidéos comme celle que j’ai eu envie de partager avec vous ici.

 

Olivia Moore, Être une femme, c’est pourri, 12 octobre 2020.

 

« Être une femme, c’est comme être un homme, mais en plus pourri. »

Je ne peux pas dire le nombre de mes amies de qui on parle là-dedans. Vu que derrière moi maintenant il y a dix personnes, paraît-il. On ne peut plus me faire confiance. Parce que je ne sais pas me taire moi, j’éclate les dents du premier qui se risque à me donner un conseil pour me garer. (Je l’ai déjà fait, ma mère peut en témoigner. Avec un moniteur de ski.)

 

Note pour toi qui me lis

Que tu sois un homme ou une femme je m’en fous, mais ne fais jamais ça dans mon auto. Ne t’avise jamais de penser que tu vas m’expliquer comment je dois faire mon créneau. Parce que j’ai appris à la dure, figure-toi, à l’école de l’exigence surintransigeante, et sache qu’elle donne des résultats efficaces car depuis vingt ans je suis VRAIMENT la reine du créneau.
True story. Demande à mon mari.

 

Fin de la parenthèse, je rigole pas avec ça comme tu vois. Et puis en vrai si t’es une femme, je sais que jamais de la vie tu vas me dire : « mais braque, braque ! ». À moins que je te l’aie expressément demandé. Ce que je ne ferai jamais, et pour cause.
Et tu sais quoi ? Même moi je ne vais pas le dire – alors que peut-être je le pense en lettres fluorescentes dans ma tête : braque, braque ! Comme quoi. Quand tu crois que je n’ai aucune retenue, eh ben quand même j’en ai une. Hou.

 

 

Alors toutes mes amies, les plus proches, les plus lointaines, toutes je les retrouve ici et je me sens sœur avec elles : du batch cooking à tu vas coucher avec des tocards (ouais, plein !), en passant par le coloriage de mandalas (mais c’est quoi ce truc ?), la femme au foyer invisible ou au contraire celle qui ne veut pas d’enfants (mais oui Carole, enfin pourquoi ??), la pensée qui te vient devant ta penderie : ça ça va pas je prends le métro, ou encore l’agressivité masculine (sic) qu’on va te reprocher si tu oses demander ce que tu veux (encore pire s’il s’agit de sexe, là crois-moi tu deviens une paria), et jusqu’à l’ultime : ben faut sourire mademoiselle !

Mais je t’emmerde en fait ! Moi et mon sourire, ON T’EMMERDE !

Dans tout ça, je ne vous parle même pas de « la coupe courte »
Parce que tant que tu t’es pas carrément rasé le crâne, à plusieurs reprises, tu n’as pas idée des réflexions, des gestes même, que le monde se permet. Respire. Souris. Pense à : faut vous détendre ma petite dame !

 

Ouais tais-toi. Juste, tais-toi.

 

Quant au trousseau de clés dans la main façon poing américain quand tu vas courir seule sur les berges, c’est moi aussi. Pas encore tout de suite, mais attends le putain de passage à l’heure d’hiver qui va taper le coup de grâce de ma dépression de saison, tu vas voir. Quand je pars courir tôt le matin en semaine et qu’il fait encore nuit, y’a personne sur les chemins de halage, et moi j’ai que mes clés dans la main.
Le poing américain. Si tu me touches, je te crève les yeux.
Des fois ça me fait flipper, l’idée de frapper fort avant de vérifier qui c’est, mais après je me dis qu’il y a vraiment peu de chances que je tombe sur Idris Elba alors ça va, je garde mes clés dans la main. Façon poing américain.

Puisque je fais déjà partie des filles, puis des femmes pour un deuxième round, qui ont subi des violences sexuelles dans leur vie. Qui l’ont d’abord gardé pour elles, parce que ces choses-là ne se disent pas. C’est gênant tu comprends, tu vas mettre tout le monde mal à l’aise. Mais qui un jour ont fini par le sortir, enfin. Et force est de constater que ça n’a pas changé grand-chose.
Je peux en parler quoi, voilà, aux plus jeunes, à celles qui ne savent pas, qui n’imaginent même pas. Leur dire : fais attention, ce sera pas marqué sur son front.
Peut-être c’est pas mal déjà.

 

Dessin de Tignous paru dans Charlie Hebdo le 30 novembre 2011.

 

Sinon, parce que je ne veux pas finir là-dessus, mardi mon ostéo m’a dit :

« Ce que vous ne vous autorisez pas à exprimer verbalement trouve un chemin dans votre corps. Ne croyez pas que les émotions retenues disparaissent miraculeusement un matin. Ignorées, elles creusent un tunnel plus profond encore, vous serez de nouveau bloquée. Encore et encore. Jusqu’au jour où le corps s’appuie sur son patrimoine génétique et développe une méchante maladie. »

 

Bon d’accord mais moi j’étais pas bloquée, j’avais mal à la hanche. Au moyen fessier gauche, m’a-t-il appris. Et en rentrant, je me suis entaillé la main méchant moi aussi en coupant du fenouil parce que j’étais ailleurs. De la part de la mère qui répète à son enfant depuis qu’il a trois ans : si tu penses à autre chose, tu lèves le couteau.

On protège les autres et on s’oublie soi-même (parce qu’on est une femme et qu’on a appris ça toute petite). Mais le principal c’est que j’étais pas bloquée et que l’énergie circule dans mon corps, parce que j’écoute mes émotions.
À certaines je dis : vas-y mais casse-toi maintenant, casse-toi, je veux plus te voir ! Seulement elles savent, en vrai, que je les vois, que je les entends. Toutes, elles savent que je les accueille. Celles dont je n’ai pas envie parce que je trouve qu’elles s’invitent trop souvent, la peur, la tristesse, la déception surtout, je les accueille en gueulant, c’est vrai je reconnais, mais j’ouvre la porte. C’est la preuve qu’elles ne sont pas invisibles.

Et moi non plus je ne suis pas invisible – quoique au foyer. Je ne disparais pas si on m’écrase. Je fais rien, je suis absente, et pourtant regarde, je creuse un tunnel plus profond encore.

Vous non plus vous n’êtes pas invisibles. Vous êtes dix derrière moi (paraît-il).

 

Affiche des luttes féministes intersectionnelles.

 

*****

 

Et pour vous, être une femme sous le patriarcat c’est comment ?

(Milie, je compte sur toi ! On n’est pas en guerre CONTRE les hommes hein, on défend AVEC eux ce qu’on a à défendre… et qui leur fera du bien aussi, même s’ils ne le savent pas encore 😉 )

 

 

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