Photo : Un des chemins sur lesquels j’aimais courir AVANT. Avant qu’il ne soit question de : jusqu’à nouvel ordre (mars 2020).
Aujourd’hui nous entrons dans la huitième semaine de confinement comme stratégie gouvernementale de défense contre le coronavirus. Demain nous serons à J+50.
Je ne sais pas vous mais moi je ne suis clairement pas au top ces derniers temps. Pas la meilleure version de moi-même, si vous préférez. Cernes, confusion, kilos, dommages collatéraux… et depuis plusieurs jours je suis bloquée en haut du dos. J’ai la nuque raide et mal aux cervicales, aux trapèzes et jusque dans les épaules.
Je suis contractée et je me sens étranglée, comme si l’énergie ne circulait plus dans mon corps. Ce qui est probablement le cas. Il faudrait que je voie Alison pour m’aider à défaire tous ces nœuds, mais guess what ?
On ne peut pas.
À la place, Mickaël me masse le cou et le haut du dos plusieurs fois par jour à l’huile d’arnica et à la gaulthérie. C’est bien déjà mais ça n’en demeure pas moins de l’appoint. Du bricolage.
Dans ma tête confinée
Dans ma tête aussi je me sens bloquée, prisonnière.
En plus de mes mots à moi qui continuent de tourner sans cesse – mais après tout ils sont chez eux – il y a maintenant les phrases des autres qui s’affichent sur les murs, derrière mes yeux. Des phrases qu’on m’a dites, que j’ai entendues, ou lues, des phrases que je n’ai pas choisies et qui restent en moi malgré moi.
Je ne sais pas pourquoi elles ne s’en vont pas ; elles se heurtent aux barrières sûrement, ces barrières qui demeurent fermées en travers, comme sur le chemin de course que j’aimais.
Pourquoi tu ne t’assois jamais sur le canapé pour rien faire, ou juste, lire ton livre ?
Mais maman ça va, j’adore que tu sois ma mère, t’inquiète pas ! Y’a qu’un problème avec toi, c’est que t’aimes pas le shopping.
Si tu as mal, tu ne devrais pas aller courir.
Je pense à toi. Tu me manques.
Tu vas vraiment remettre tes enfants à l’école à partir du 11 mai ?
→ La réponse est OUI. Les deux sur trois que l’on m’autorise du moins. J’ai bien pensé à déguiser celui du milieu avec un masque idéal pour lui (voir photo ci-dessous) et à le faire passer à la grille de l’école pour un CP ou un CM2, mais il ne sait pas mentir. Il s’embrouille, il mélange tout. Il faut dire aussi qu’il est gaucher et qu’il change déjà d’avis tout le temps, j’ai eu peur de lui créer en plus un trouble de la personnalité.
Du coup, pendant que son frère et sa sœur joueront dans la cour de récré à un mètre de distance de leurs camarades – ou juste l’un de l’autre parce que, de ce que j’entends des autres parents, peut-être qu’ils n’auront pas d’autres camarades qu’eux-mêmes – je le laisserai s’abrutir des heures devant Mario Odyssey je préparerai avec lui des bons cookies pour le goûter.
Y’a un truc super cool, c’est que tu fasses mes devoirs à ma place…
→ L’enfant qui ose te demander ça est au CP. Il ne veut pas faire ses exercices d’écriture. Il veut que tu écrives toute la ligne du mot « synthétique » à sa place, mais il te prévient qu’il va te surveiller pour que tu le fasses BIEN. Il ne doute de rien.
Mais pourquoi tu rentres pas l’appli pour tes podcasts sur TON téléphone au lieu de toujours prendre MA tablette dans la salle de bain ??
On pourrait un jour manger des pâtes toutes seules ? Bientôt ? Sans légumes, juste des pâtes toutes seules avec rien.
Ne crois pas que c’est facile pour moi.
Hello Jenny ! Hello Tony ! Hello Gogo !
→ J’en peux plus. Gogo je vais le buter. Prenez-moi dans vos bras si vous aussi vous avez un enfant en CE2 qui apprend l’anglais à distance avec les vidéos de Gogo en dessin animé et qui fait du rab sur YouTube avec son petit frère dans le salon où vous écrivez. Serrez-moi. Je sais que c’est interdit mais faites-le. S’il vous plaît.
Thank you Go-o Go-o !
Contre l’obéissance bête et la délation minable
À propos de ce qui est interdit, j’ai appris hier par ma mère que les délations sont en forte hausse. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui appellent les flics pour dénoncer leur voisin qui est sorti deux fois le même jour pour faire du sport. Ou aller le matin courir, et l’après-midi à la ferme pour acheter des légumes (et des fraises et de la rhubarbe).
Je ne suis pas en train de vous raconter une anecdote de la dernière dystopie que je suis en train de lire la nuit parce que je dors trop mal. Non non non, je vous parle de la vraie vie là, du vrai monde dans lequel on vit.
Alors je me dis : mais c’est quoi la vie de ces gens-là ? Ceux qui dénoncent, y’a quoi dans leur vie ? À quoi ils pensent ? C’est quoi qui les tient ?
Et juste après je pense : on ne peut pas toujours trouver une excuse à être con. Il y a des cons vraiment cons et c’est comme ça.
Et encore juste après, il m’est revenu en mémoire une conversation que j’ai eue en début de semaine avec une instit’ de l’école de mes enfants que j’ai croisée dans la rue. Qu’ils n’ont plus cette année mais que deux d’entre eux ont eue. Elle me racontait qu’elle avait proposé aux parents de sa classe un créneau horaire pour venir chercher des cahiers des enfants qu’elle leur remettrait à la grille de l’école avec un masque et des gants. Mais un certain nombre de parents lui ont répondu qu’ils ne viendraient pas parce qu’ils ne savaient pas quelle case cocher sur le formulaire d’attestation de déplacement.
D’abord j’ai cru qu’elle me faisait une blague. Et puis j’ai compris que non et je suis tombée des nues. Quelle case cocher ? WTF ??
C’est comme ça que je l’ai dit aux babi hier midi. Enfin, pas complètement what the fuck, mais j’ai fait un détour par le laissez-passer A38 de la huitième épreuve des Douze travaux d’Astérix qu’on avait regardé la veille au soir pour en arriver à la bêtise ordinaire, aux absurdités administratives et aux adultes qui perdent leur cerveau devant un formulaire.
Et puis surtout, aux dénonciations : qu’il y a des cons et qu’il vaut mieux se tenir à distance parce que malheureusement y’a peu de chances pour que ça change.
Je n’avais pas prémédité de leur en parler, on ne prémédite pas ces choses-là, mais je venais juste d’apprendre pour les délations et on allait passer à table, donc c’est tombé comme ça.
J’ai évoqué pêle-mêle les enfants Juifs cachés en France sous le régime de Vichy, Eichmann et tous les autres criminels de guerre nazis qui n’ont fait « qu’obéir », la délation qui rend complice de la torture et des pires régimes totalitaires, la résistance, et j’ai terminé mon discours par le récit résumé et simplifié de l’expérience de Milgram.
Je ne me fais pas le chantre de la désobéissance civile – quoique, je me souviens avoir été éblouie, ado, par le Refus d’obéissance, de Jean Giono – seulement je ne veux pas que mes enfants soient des balances et je ne veux pas qu’ils obéissent sans conscience, même si des fois ça m’emmerde qu’ils me contredisent et qu’ils aient raison.
Et je leur dis tout net. Que je préfère qu’ils soient dénoncés que de ceux qui dénoncent.
Bon, en l’écrivant je me rends compte que je me suis peut-être un peu emballée pour une histoire de case à cocher… mais la dénonciation ce n’est jamais anodin. Ça commence dans le jardin si tu t’occupes de ce que fait pousser ton voisin.
Allez, plus qu’une semaine me direz-vous, et on ne sera plus dénoncés, on sera déconfinés.
Dé-con-fi-nés. Si seulement ça voulait dire débarrassés des cons, qu’on puisse aller voter avec le cœur au premier tour dans deux ans, et pas dans l’angoisse de qui on retrouvera au deuxième tour si on ne choisit pas « le vote utile » parce que, merde à la fin !
Mais déconfinés. Le mot qui n’existe même pas en vrai dans le dictionnaire.
Ce week-end, mon beau-frère m’a envoyé une vidéo de Karim Duval que j’ai beaucoup aimée. Qui m’a bien fait rigoler. Bon, ça n’engage que moi hein (et mon beau-frère qui me connaît un peu), peut-être qu’elle m’est simplement arrivée au bon moment, au plus près de ma newsletter d’hier qui vous parlait rap, Scrabble et apprendre à écrire (s’te plaît).
Mais quand même, j’ai envie de la partager avec vous ici.
Confiserie il a tenté une approche, ce crevard ! Hahaha ! 🙂 🙂 🙂
Et le pire, c’est que ça se trouve, non. Non le déconfinement, je veux dire. Même pas en rêve lundi prochain. Moi je vis dans un département classé rouge, donc on ne sait pas. On ne sait pas ce qu’on pourra, ni même SI on pourra. Et comment ce sera.
Je sors tous les jours donc je croise pas mal de gens que je connais. On ne s’embrasse pas, on ne se serre pas dans les bras, et franchement des fois c’est dur. Moi j’ai un manque physique.
Et quand on se rencontre, on ne parle que de « ça ».
Le coronavirus, avant / après, comment tu vis les choses toi ? T’as trouvé de la farine ?? Comment tu fais pour ne pas tuer ton mari, ta femme, tes enfants, ton frère qui squatte chez toi depuis le début du confinement ?
J’ai l’impression qu’il n’y a plus rien d’autre qui compte et qu’on ne pourra plus jamais se toucher. Si j’enlève mes podcasts, ça fait des semaines que personne ne m’a parlé théâtre, littérature, cinéma, EN VRAI.
Netflix oui. On en parle, on s’échange les bons tuyaux de séries par WhatsApp, par apéro FaceTime (ou Skype ou Zoom ou whatever). Parce que c’est tout ce qu’il nous reste pour partager un même truc au même moment. Sans se toucher.
Et, pour répondre à la merveilleuse personne qui m’a recommandé La casa de papel (merci parce que franchement, depuis Peaky Blinders, c’est dur), mon personnage préféré jusqu’à présent, et je viens de terminer la saison 1, c’est Nairobi. Mais j’aime bien Denver aussi, surtout la fossette du haut de la joue, c’est hyper rare et vraiment sexy. Avec la frange de Tokyo qui est trop belle. Tokyo, pas que la frange – mais quand même la frange, c’est un peu le regret de ma vie…
*****
Pour vous aussi, c’est long ?
Qui veut bien causer frange et légèreté avec moi en ces temps confinés ? Ou m’avouer qu’il (elle) pète les plombs sans rien perdre de son alacrité ?…
Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1/. À la fin de chaque article, sous l’encadré qui vous dit « Participer à la discussion », cliquez sur le D blanc dans une bulle bleue (D pour Disqus).
2/. Une nouvelle fenêtre s’ouvre : cliquez sur « Besoin d’un compte ». Remplissez les trois rectangles avec votre nom, votre adresse mail et un mot de passe, cochez « je ne suis pas un robot » et les trois petites cases « I agree », cliquez sur « sign up » (ou « connexion », ça dépend des fois), et voilà !
La prochaine fois, vous n’aurez plus qu’à renseigner votre mail et votre mot de passe avant d’écrire votre commentaire sur Disqus, ce sera encore plus facile !
