On dirait des Chinois en batterie !

Photo : Plage de Jimbaran au coucher du soleil (Bali, octobre 2018).
C’est le Grand Lièvre juste devant, à gauche…

 

Pendant notre première semaine à Bali, j’ai écrit un début d’article sur le fait que Bali n’est pas du tout la destination touristique qu’on croit.

Ça commençait comme ça :

On ne croise presque pas de touristes. Jamais en ville, juste un peu sur la plage. Que des couples, allongés sur des sunbeds (ces lits de plage en bois là, je ne sais jamais comment appeler ça), en train de siroter des jus de noix de coco ou de pianoter sur leur téléphone portable.
Hétéros, les couples. Jeunes (j’entends par là : plus jeunes que nous). SANS ENFANTS.
Mais même, ça fait pas grand monde, on est plutôt seuls sur la plage. Cela dit, on n’y est pas le soir, quand visiblement tout s’anime et que les touristes sortent de leur réserve resort. Et puis on a volontairement choisi un endroit moins touristique que les spots tendance, au nord de l’aéroport (Kuta, Seminyak).

ΞΞΞΞΞ

Les touristes & moi

Épisode 2 : Bali

 

Oubliez.
Ou plutôt, c’était exactement ce que j’avais supposé :
1/. on ne clubbe pas le soir ;
2/. on vit dans le Bali où les Balinais vivent, pas celui des brochures touristiques. (D’où la pauvreté, les décharges.)

 

La rue principale à côté de là où on habitait pendant notre première semaine à Bali. Il y avait tout le temps des marchands de tout et de rien qui passaient. Là je ne sais pas trop ce que le monsieur vendait comme jus (à moins que ce ne soit du diesel ou de l’essence pour les motos ??).

 

Parce que depuis mon brouillon de début d’article, on a fréquenté la plage en fin d’après-midi et on a vu.

Même à Jimbaran, qui n’est pas un lieu touristique pour les Blancs mais qui est réputé chez les tour-opérateurs chinois pour les couchers de soleil. C’est « le monsieur gentil de la plage », comme disent les babi, qui nous l’a expliqué. (J’aurais plutôt dit « le monsieur super taillé de la plage », mais c’est probablement une question de point de vue. Papa Écureuil a déclaré : « Nan mais il est bodybuildé à mort, ça se voit, c’est pas un corps normal là ! ». Je ne vais pas polémiquer. Faites-vous votre propre opinion d’après les photos de cet article. Je remarque quand même qu’il n’y avait que des jeunes femmes (blanches) allongées sur ses sunbeds à lui. Pas de couples, et les mêmes jeunes femmes de jour en jour. Je pense que le bodybuilding du « monsieur gentil de la plage » y est pour beaucoup. Mais bref, toutes ces considérations ne sont qu’une parenthèse. À refermer donc.)

 
Les Chinois

Pour en revenir au tourisme, concrètement, ça se passe qu’on est seuls sur la plage jusqu’à 17h.
À 17h01, des cars de Chinois débarquent (il y a un grand parking de cars de tourisme exprès, juste derrière la plage), et là ils restent debout habillés au bord de l’eau à faire des selfies avec la perche en attendant que le soleil se couche.
À 18h01, quand le soleil s’est fondu dans la mer, ils remontent dans leur car, laissant là leurs effluves écœurants de durian et les sacs plastique qui nous collent aux jambes dans la mer et que la Petite Souris ramasse avec son papa pour les mettre à la poubelle.

 

La plage de Jimbaran jusqu’à 17h. On est bien.

 

La même plage, une demi-heure plus tard. Je n’ai pas le talent de Martin Parr, mais c’est l’idée. On est moins bien.

 

Sur la plage, même quand on est tout seul, on voit des avions arriver pour atterrir toutes les deux minutes, et d’autres qui décollent dans l’autre sens. Je sais que ça paraît pas croyable mais c’est Papa Écureuil qui a chronométré avec son téléphone, donc voyez. Il n’est pas le genre de personne qui exagère ou qui cherche à en rajouter pour impressionner. Vraiment pas.
D’ailleurs à gauche sur la dernière photo, on voit un avion proche de l’atterrissage, l’aéroport n’est pas loin de la plage.

 

Mais il n’y a pas qu’avec les Chinois que j’ai un problème.
Même si c’est vrai que les touristes chinois ont, pour l’immense majorité de ceux qu’on croise, une façon de voyager qui n’est pas du tout la mienne. Et que je n’arrive pas à comprendre.

L’œil de la Petite Souris
On dirait des Chinois en batterie en fait, dans leurs cars !

Ils sont toujours en grand groupe, agglutinés les uns contre les autres sur les sites historiques, devant les temples et dans les restaurants chinois où le car les dépose, ils visitent Bali en une seule journée du lever de soleil sur la plage de Sanur au coucher de soleil sur la plage de Jimbaran en passant par Ubud, ils reprennent l’avion de nuit dans la foulée, et ça leur suffit. Ils parlent fort, ils ne disent pas bonjour dans les marchés et ils jettent leurs détritus par terre, mais admettons. Même si j’ai envie de taper tous ceux qui lèvent l’index et le majeur en V de la victoire quand on les prend en photo devant un temple, quand même, admettons.

 
Kuta

Parce qu’après j’ai vu pire (pire pour moi, mais c’est MA rubrique ici, je ne parle que de moi 😉 ).

À Kuta, c’est pas tellement les cars de Chinois, c’est surtout qu’on ne voit QUE des Blancs. Des rues entières de Blancs, des magasins pour les Blancs, des restos pour les Blancs, avec de la nourriture occidentale, safe pour les Blancs, des plages pour les Blancs, des centres de massages, soi-disant balinais traditionnels, pour les Blancs.

Moi je trouve ça carrément flippant, ça m’angoisse, je ne supporte pas de me retrouver prise là-dedans.

C’était pas du tout prévu, on s’est retrouvés à Kuta parce qu’on avait rendez-vous à l’hôpital, mais quelque part c’était bien qu’on voit ça. D’abord parce que ça m’a permis de ne pas publier un papier mensonger qui raconte que Bali n’est pas touristique alors que si, grave, et ensuite parce que, après coup, papa Écureuil et moi on se dit qu’effectivement on est peut-être durs avec les babi, au niveau des restos locaux et de l’adaptation qu’on exige d’eux.

 

Le warung où on a acheté notre dîner à emporter quasiment tous les soirs de notre semaine à Jimbaran. Une nourriture simple et bonne, et que des locaux (et nous !).

 

Parce que c’est clair qu’il y a plein d’adultes qui ne mangeraient pas là où on les emmène manger : sans clim, sans verres propres, sans verres tout court d’ailleurs, sans couteau, des fois même sans fourchette, juste une cuillère, et toujours sans serviette. Dans des conditions d’hygiène un peu euh… Et puis tu manques vite d’eau à cause de la chaleur et des piments…

Donc après l’hôpital, pour réconforter un Grand Lièvre courageux et marquer une trêve dans notre guérilla quotidienne autour des repas, on les a emmenés déjeuner chez Jamie Oliver. À Kuta donc, au milieu des restos de Blancs. Avec des prix étudiés pour les Blancs aussi.

Chez Jamie le midi, ça nous a coûté exactement huit fois le prix de notre dîner de la veille dans un warung de notre quartier. Où nous étions les seuls Blancs, c’est vrai, que les autres clients regardaient avec curiosité, en nous souriant mais en gloussant entre eux aussi ;-). Au final, on a eu de la chance que deux étudiants qui passaient par là pour acheter à emporter veuillent bien assurer la traduction anglais → bahasa indonesia auprès de la famille qui cuisinait, sinon je ne suis même pas sûre que nous aurions pu manger !

La comparaison la plus parlante sans doute, c’est que les trois mini glaces dessert du menu enfant chez Jamie nous sont revenues au même prix que notre dîner entier pour cinq au warung…
(et encore, chez Jamie, un repas adulte acheté = un repas enfant offert !)

 
Ubud

Enfin après Kuta, j’ai vu encore pire. Si si, c’est possible. Ou pas pire, pareil mais en plus étendu : c’est Ubud, dans le centre de l’île.
Ubud : 35 000 habitants, quatre boutiques Ralph Lauren, deux Starbucks Coffee. Juste pour dire.

 

Et encore, là c’était tôt le matin, dans un endroit plus éloigné du centre. J’ai pu prendre une photo depuis le trottoir d’en face sans être bousculée par le flot ininterrompu de touristes.

 

Un morceau de ville dédié aux Blancs dans la ville. Des trottoirs blindés, envahis de touristes qui se suivent à la queue leu leu sous le soleil pour pénétrer la Monkey Forest (on ne l’a pas fait), visiter les mêmes temples (non plus), et acheter les mêmes pantalons au même marché à touristes (ok, on a cédé sur un pour la Petite Souris – Vraiment ? Je peux VRAIMENT choisir un pantalon ??).

Encore pire c’est quand, à l’enfilade de restaurants climatisés pour Blancs, s’ajoutent des magasins par dizaines, par centaines, côte à côte tout le long des rues.

L’œil de la Petite Souris
On dirait qu’il y a plus de sortes de chaussures que d’espèces d’oiseaux à Bali !

Un centre de massage, un restaurant, un magasin, un centre de massage, un restaurant, un magasin, un centre de massage, un restaurant, un magasin. De vêtements, de maillots de bain, de chaussures (Converse, Skechers, Havaianas), de sacs en cuir, de bijoux, d’étoles, de batik, de souvenirs, de dreamcatchers, d’ouvre-bouteilles en forme de bites.

 

Ouais, c’est classe. Greetings from Bali.

 

Ce que j’appelle « restaurants pour Blancs », ce sont tous ces endroits lounge ou bars-tapas branchés, immenses, aérés, qui sont tellement éloignés des warungs familiaux dans lesquels on a mangé nous la plupart du temps. Un autre monde.

Deux fois – en trois semaines – on s’est retrouvés dans un restaurant pour Blancs (à chaque fois, le premier soir de notre arrivée dans un nouvel endroit). Le repas a toujours été très cher, très chiche et très très à chier, sans goût et sans saveur (sans piment, c’est sûr), avec en plus cette mascarade de vernis balinais pseudo-traditionnel qui me met hors de moi !  🙁

Les serveurs doucereux déguisés tradi qui singent les gestes anciens de respect, ça m’énerve, ça m’énerve, ça m’énerve !

Me fais pas des ronds de jambe alors que tu baves sur mon dos au coin de ton sourire hypocrite, sinon je vais cracher sur ta fausse nourriture ! Ça me met tellement hors de moi, ce jeu d’apparences et de faux-semblants que je préfère encore aller manger chez Jamie (le troisième resto de Blancs qu’on a fait). Pas que ce soit spécialement bon mais au moins ça se prétend pas autre chose que ça n’est. Pitain. Ça m’énerve.

 

Enfin. Pour ne pas terminer mon article sur ce nouveau coup de gueule contre les restaurants, je veux dire qu’on a quand même trouvé, à Ubud, quelques warungs familiaux où on a pu manger tous les cinq à un prix correct. Un warung pour le soir où la cuisine était bonne, artisanale, préparée dans des gamelles communes devant nous, et où on a pu goûter des vrais plats balinais.

 

J’ai aussi pris des photos de ce qu’on a mangé mais comme c’était toujours le soir, elles sont trop moches, la lumière est pourrie, ça donne pas envie !

 

Et un autre warung pour le midi, très agréable parce que à l’ombre et balayé par le vent. Ça peut vous sembler anecdotique mais sous 35° je vous assure que ça ne l’est pas du tout ! La nourriture n’était pas renversante de finesse et de subtilité mais je trouvais déjà assez extraordinaire que la jeune femme qui tient le warung puisse cuisiner dans un minuscule espace pas plus grand que les toilettes chez nous.
En plus elle était sympa, elle a bien voulu me préparer un bubur injin traditionnel pour le lendemain, on a pu échanger un peu, et ça m’allait bien.

 

Voilà la cuisine du warung, vue par la fenêtre. Un seul feu pour cuisiner et on voit tout, ce n’est pas plus grand en vrai !

 

Comme quoi, dans le raz-de-marée du tourisme de masse, on peut encore trouver quelques îlots préservés. Je ne parle pas d’un hypothétique éden de nature sauvage épargné par la mondialisation, mais juste d’endroits où la proportion de touristes n’excède pas celle de la population locale.

Après, là où il y a des touristes, c’est qu’il y a des choses à voir, et donc des expériences à vivre. Certainement. Par exemple, en partant d’Ubud, Papa Écureuil a tenté l’aventure du lever de soleil sur le Mont Batur. Départ 2h du matin. Peut-être il vous racontera ?

 

Vue sur le lac depuis le volcan sur le Mont Batur (Bali, novembre 2018).

 

*****

 

Et vous, Bali ça vous attire ?

Préférez-vous les endroits touristiques balisés (c’est marrant « balisé » en écrivant de Bali), ou plutôt le hors-piste, avec le danger et l’inconfort que cela comporte nécessairement ?