S’il n’en restait qu’un(e) # mars 2022

Photo : Arbres de mars(ce) – La première aquarelle de Marcel (mars 2022).

 

Début janvier 2022, mon blog a eu 4 ans et est entré doucement dans sa cinquième année.
Chaque fin de mois, je vous rappelle un article du mois de l’année passée.

En mars 2021, l’article qui a délié ma langue et soulevé le plus de commentaires sur le blog et en privé est l’article sur les violences sexuelles dans la rubrique VIVRE < Ma chambre à moi.
Je me rends compte aujourd’hui que je n’ai plus publié d’article dans cette catégorie depuis…

 

17 mars 2021 : Pourquoi j’ai mal au ventre ?

 

 

Avec confiance – le mot que j’ai choisi pour guider mon année 2022 – j’apprends.
Avec confiance j’avance.

 

Merci à celles et ceux qui, sporadiquement ou plus régulièrement, m’envoient leurs clins d’œil, leurs coups de cœur, une voix, un texte, une image, un bout de leur pensée.
J’adore vos « je sais pas si tu connais mais j’ai pensé à toi parce que… » et toutes les choses que vous faites, que vous dites, dont vous ne soupçonnez pas quel impact elles auront sur moi.

Vous élargissez mes lignes d’horizon et mon esprit curieux et affamé n’en a jamais assez. C’est fou mais c’est comme ça, je me nourris de ça, j’ai besoin de ça, mon équilibre dépend de ça.
(Et si « ça » ne vous rappelle rien, c’est qu’il est temps de vous faire un petit shot de Suprême en bas de chez vous car l’horloge a tourné a tourné a tourné  😉 )

 

C’est la photo la plus printanière que j’ai reçue ce mois-ci. Envoyée depuis l’est de la France par ma copine Nolwenn qui est particulièrement aux petits soins pour moi en ce moment… Ce bouquet champêtre a été composé par Klervi, qui a huit ans, et il était accompagné d’une légende remplie de mots inconnus que je vous recopie ici parce que ça se peut pas que je sois la seule à ne pas les connaître. Ça se peut pas ! « Lamier pourpre, narcisse, cardamine, véronique, pâquerette et muscari, tous cueillis dans notre jardin. » On est d’accord que Narcisse et Véronique prennent une majuscule, le premier parce que c’est un héros mégalo de la mythologie, le deuxième parce que c’est un prénom des années 80, et qu’à l’exception de pâquerette, les autres mots vous les avez jamais entendus, n’est-ce pas ?

 

À mon tour, s’il n’en restait qu’un(e) de mars 2022, voici ce que je vous ferais partager.

 

Une découverte : la gynécologie pédiatrique.

Je ne savais pas que ça existait. Jusque-là j’avais connu pédiatre-tout-court, allergopédiatre, orthopédiatre, pneumopédiatre, gastro-entéropédiatre et pédodontiste. Depuis la fin du mois je complète donc avec : gynécopédiatre. En même temps, j’ai des enfants. Voilà.

Chers parents, je vous informe que la gynécopédiatre, quelques jours après la consultation, rien ne l’y oblige mais elle t’appelle personnellement pour prendre des nouvelles de la jeune patiente. C’est pas tout le monde qui fait ça. On dirait ma sage-femme !

 

Un objet : mon Bic noir.

Il est avec moi tout le temps. À la cuisine, sur mon bureau, dans mon sac. C’est mon Bic quoi.

 

Un recueil de nouvelles : Vénus Erotica, d’Anaïs Nin, éd. Livre de Poche, 1969.

D’abord je trouve que c’est difficile de lire (et d’écrire) de la littérature érotique de qualité. Il y a tant de caisses de sombres merdes qui flottent dans un océan de médiocrité que quand tu découvres Anaïs Nin pour la première fois, tu te sens comme un(e) plongeur(e) qui a mis la main sur le trésor caché des pirates !
J’ai aimé lire la préface et le post-scriptum (en début d’ouvrage) de ces nouvelles érotiques. Les deux textes sont écrits par Anaïs Nin elle-même et j’étais exaltée de sentir comme sa vision du sexe correspond à la mienne. Évidemment comme les textes datent de 1940, ça m’interroge un brin de savoir si je suis, ou non, démodée. Mais en vrai je le sais. Déjà. Et ça va, je vis tranquille avec ça.

« Nous ne voyons pas les choses comme elles sont, nous les voyons comme nous sommes. » (Anaïs Nin)

Je suis complètement d’accord que le désir est d’autant plus puissant qu’il est empreint de poésie. Je ne parle pas de poésie à la guimauve, flatteries à deux balles, preux chevaliers, princesses à délivrer et autres cucuteries trop sucrées. Je ne parle pas d’un pseudo-romantisme ambiance Boyz II Men pétales de rose sur le lit qui entretient une hiérarchie sclérosante entre ce qui serait en haut, l’amour courtois, les sentiments nobles, la femme digne d’être aimée, et ce qui serait en bas (mais en bas de quoi ?), le sexe « sale », les fantasmes, la putain. Ça c’est pas du romantisme, c’est de l’étroitesse d’esprit doublée d’un manque d’imagination. Note que souvent les deux vont de pair. Fuis-les.

Je parle d’une poésie des corps qui se cherchent, une poésie du désir qui peut être lente ou pressante, parfois violente et même crue, mais qui n’oublie jamais que : le cerveau est la plus grande zone érogène.

Ask Jackie Treehorn !

 

 

Anaïs Nin met beaucoup d’elle dans ces nouvelles et avoir lu sa biographie avant permet de reconnaître d’où viennent ses histoires, de quelles blessures et de quel imaginaire elles se nourrissent. D’essayer de les comprendre, à défaut de s’y laisser prendre. Même si, bien sûr, quand tu lis de la littérature érotique, ton but premier n’est pas de faire une analyse comparée… Et c’est ce qui m’amène à dire, dans un second temps, que l’ensemble des quinze nouvelles qui composent ce Vénus Erotica est inégal.
Ou bien c’est moi qui ai du mal à adhérer à certains clichés sexuels selon lesquels les corps désirables sont obligatoirement jeunes et beaux et minces et lisses parce que c’est pas vrai et ça m’énerve – mais le vieillissement du corps était une des obsessions d’Anaïs Nin, son angoisse.
Ou alors je suis agacée par des mots récurrents de vocabulaire de type « posséder ». Posséder un homme, une femme. Posséder un vélo, une auto. Je n’emploie jamais le verbe « posséder » dans un contexte sexuel, je déteste le lire et je déteste l’idée. De la possession dans l’amour. De jouir en objétisant l’autre, en le niant et en le soumettant (hors cadre de jeu, merci de considérer que le jeu partagé permet toutes les libertés  😉 ).

Et le désir est tellement fragile, il monte en équilibre sur un fil…
Des mots excitants pour l’un peuvent d’un coup faire tout retomber chez l’autre. Et quand c’est tombé, c’est tombé, ne crois pas que tu vas reprendre à la phrase d’avant, t’as plus qu’à tout recommencer depuis le début !

Cette mise en garde étant faite, il y a des nouvelles que j’ai vraiment aimées. Je ne vous dirai pas lesquelles parce que bon, moi aussi j’ai une pudeur… Je vous dis seulement : il y en a qui sont vraiment vraiment bien. Qui remplissent leur objectif. Alors que souvenez-vous : c’est très difficile de trouver de la littérature érotique de qualité.
Merci qui ?
Merci Anaïs Nin !

 

 

Une BD : Les Cœurs insolents, écrit par Ovidie et illustré par Audrey Lainé, éd. Marabout, coll. « Marabulles », 2021.

C’est un cadeau de ma copine Muguette de La Réunion, qui vit maintenant en Bretagne. Une surprise envoyée dans un colis par La Poste, comme en colo, avec une lettre manuscrite pleine de lignes serrées à l’ancienne qui donne des nouvelles très personnelles. Et l’écriture de Muguette, avec celle de mon amie Marie et celle de mon ancienne collègue libraire Alicemacron (rien à voir avec qui vous savez), c’est mes trois écritures préférées ever !

Ce roman graphique, Les Cœurs insolents, est indissociable du podcast d’Ovidie : Juste avant, que j’ai également écouté ce mois-ci. Un documentaire en sept épisodes, sorti en décembre 2019 dans la série de podcasts « Intime et Politique » proposée par Lauren Bastide (de La Poudre, pour celles et ceux qui suivent), au cours duquel Ovidie fait partager ses conversations avec sa fille de 14 ans, qu’elle entrecroise d’échanges avec des proches et de réflexions sur sa propre construction.
Dans Les Cœurs insolents, Ovidie raconte des moments de son adolescence et, comme moi aussi j’ai grandi dans les années 90 dans une famille blanche de classe moyenne en banlieue pavillonnaire, j’avoue que je m’y suis pas mal reconnue.
Dans Juste avant, Ovidie se questionne sur la façon d’élever un enfant, puis un(e) adolescent(e) aujourd’hui, quand on sait tous les risques. Quand on les a soi-même vécus, traversés.

« En tant que féministe j’ai envie de dire à ma fille que la rue lui appartient, comme à n’importe qui. Et en tant que mère ben… j’ai envie de la garder à la maison en sécurité. Et c’est vraiment compliqué de gérer ce dilemme. »
(Épisode 1 du podcast Juste avant : « Moi à ton âge »)

 

Que vous soyez père ou mère d’une adolescente, il faut écouter ça. Même si votre fille, vos filles sont déjà adultes maintenant, même si vous êtes père ou mère de garçons, et même si vous n’êtes pas parent du tout, IL FAUT écouter ça !
https://nouvellesecoutes.fr/podcast/intime-politique/

 

Planche tirée des Cœurs insolents, d’Ovidie (p.40).

 

Un jeu : vrai ou faux ?
LE jeu.

 

Une phrase qui se regarde dans le miroir et c’est comme une confession : « Je n’ai pas envie de m’aimer deux fois. » (vendredi 18 mars 2022)

 

Un poème, deux poèmes : « En me réveillant avec toi ce matin » et « Pénitence », de Kae Tempest, recueil Étreins-toi, éd. L’Arche, collection « Des écrits pour la parole », 2021.

La collection « Des écrits pour la parole », créée et dirigée par Claire Stavaux, que je viens de découvrir, fait le choix suicidaire audacieux de publier de la poésie contemporaine écrite par des femmes. Et non seulement des femmes encore vivantes mais jeunes en plus. De ouf ! J’ai envie de lire Léonora Miano dont j’aime tant la voix, Audre Lorde, Alice Zeniter, et puis ces Lettres aux jeunes poétesses qui sont évidemment un clin d’œil aux Lettres à un jeune poète, de Rainer Maria Rilke, dont j’ai déjà dû vous parler parce qu’elles ont tellement compté pour moi.

J’aime que les poèmes étrangers soient publiés en édition bilingue parce que la poésie traduite, quand même, ça pose question. Le traducteur / la traductrice est-il / est-elle davantage co-auteur / co-autrice que traducteur / traductrice ? Il ou elle-même doit-il / elle être poète / poétesse ?

Je n’ai pas lu les poèmes de Kae Tempest en anglais et, si je l’avais fait, je serais probablement passée à côté d’une bonne part ; n’empêche que, quand je suis touchée par un poème étranger qui a été traduit, j’aime le lire après dans sa version originale pour entendre le tango des mots tels qu’ils ont été choisis et entremêlés par l’auteur / l’autrice.
Si je peux évidemment. En japonais, en hébreu, en italien, je suis bien obligée de m’en remettre à la traduction…

→ Où j’ai découvert Kae Tempest et pourquoi j’ai eu envie de chercher plusse sur cette artiste ? Tout part de l’entretien (traduit en français) avec Augustin Trapenard, diffusé dans « Boomerang » le 29 décembre 2021 :
https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-du-mercredi-29-decembre-2021

 

 

 

Un mot : fin mars j’ai appris ce qu’est l’arpitan.

C’est en faisant une recherche sur les bugnes (vous allez comprendre plus loin) que je l’ai appris. Maintenant s’il vous vient l’envie d’écrire une poésie avec « arpitan » et qu’il vous manque une rime en -an, je vous souffle un autre mot que j’ai appris ce mois-ci, dans une des nouvelles érotiques d’Anaïs Nin, c’est « sporran ». Sporran est le nom de la bourse attachée à la ceinture sur les kilts des Écossais.
Je vous en prie. Sporran, kilt, haggis, stovies, whisky. Pluie. Pluie. Pluie.

 

Un concept : la mémoire du corps.

Au-delà de l’expression « ça s’oublie pas, c’est comme le vélo », la mémoire du corps c’est un vrai truc. Qui marche ! Pour courir 21,097 km comme pour accoucher. Pour te parler de ce qui indubitablement ne va pas mais que tu feins d’ignorer. Et puis pour aimer aussi.

 

Un leitmotiv : Aie confiance…

Dit comme ça, je ne doute pas que cela vous rappelle le serpent Kaa du Livre de la Jungle et vous éloigne alors d’autant de pas… Mais en fait ce n’est qu’une nouvelle forme, impérative, incantatoire, que je donne à mon mot de l’année et que je me murmure le soir dans ma tête pour ne pas oublier. C’est mon mantra d’auto-défense contre moi-même, la clé de ma cage.

 

Une série : The Marvelous Mrs Maisel.

La quatrième saison est arrivée au début du mois sur Amazon, Mickaël et moi on l’a enchaînée direct. Mickaël se marre à chaque fois que Abe ou Rose Weissman, les parents de Mrs Maisel, apparaissent à l’écran. Mais genre il se marre, il se marre quoi, pas juste il sourit discrètement ! À chaque fois. Tu le regardes se marrer et tu te dis : ton mec est amoureux de la folie. C’est sa came, sa dope, son rêve à lui.

 

Un truc qui se mange : les bugnes.

Contrairement à janvier et février, ici ce n’est pas une spécialité culinaire que je découvre les papilles émoustillées par la nouveauté. C’est une spécialité de mon enfance ET de l’enfance de Mickaël que nous avons préparées pour la première fois ce mois-ci, ensemble, dans l’excitation de retrouver ce goût de beignet chaud et doux que, chacun de notre côté et sans nous connaître, nous aimions tant.
Mon arrière-grand-mère paternelle, qu’on appelait Mamie Blanche, préparait des bugnes quand nous allions lui rendre visite dans sa tour HLM d’Asnières.
La grand-mère maternelle de Mickaël, qu’il appelait Mémé Marie, préparait des bugnes le dimanche après-midi pour les hommes et les enfants qui jouaient aux cartes dans le salon. Bon, c’est clair que la mère de Mickaël prélevait sa part de gourmandise avant que le saladier n’arrive sur la table. Mémé Marie aussi. Dans la cuisine. Ça va le patriarcat !

Nos bugnes de mars à Mickaël et à moi étaient bonnes, les enfants les ont surkiffées (du gras et du sucre, devine) mais… c’était pas pareil. Ces trucs-là, un jour le temps a passé, les gens sont morts, et c’est plus pareil.

 

Nos bugnes italiennes.

 

Un bruit qui rend sourd(e) : le marteau-piqueur de la machine à IRM.

Quand tu rentres dans le tunnel pour faire des images de tes cervicales, la nuque c’est so sexy, pour essayer de comprendre pourquoi elles se collent comme ça les unes contre les autres, c’est quoi leur problème, c’est quoi qui leur fait peur à la fin, qui les paralyse à ce point, et une fois dans la machine tu ne sais même plus ce que c’est des cervicales, tu ne penses qu’à tes tympans qui viennent de se faire perforer par des sons stridents. Tu imagines comment ce sera d’être sourde. Les vrais bons côtés. Quand tu n’entendras plus : « Maaamaaaan ! Il est oùùùù mon kimonoooo ? ».
Dans ton cul.
Nan mais regarde quand même.
On sait jamais.

 

Une pensée à méditer : « La jeunesse et la vieillesse ne sont qu’une hypothèse, ton âge est celui que tu te choisis, que tu te convaincs d’avoir. » (Goliarda Sapienza, L’Art de la Joie)

Rapport à mes nouveaux 44 ans (et pas du tout à l’état de mes genoux après mon premier semi).

 

Une chanson : Esseri umani, de Marco Mengoni.

Vous allez me dire comme mon mari : Marco Mengoni c’est quoi, c’est le nouveau latin lover ?! Et ? Vous préférez un moche Suédois ?
Pfff. Vous pouvez dire ce que vous voulez, cette chanson m’a été offerte par Gilbert du marché et je l’aime. Gilbert c’est mon soleil du samedi matin. Souvenez-vous : cet été ses 29 ans, son léger cheveu sur la langue, le bokit, le rhum piment, tout.

Cette chanson vient en hommage à mes quatorze ans amoureux d’Éros Ramazzotti. Più Bella Cosa, tu vois ? Je l’aime toujours. C’est pas vrai que l’amour dure trois ans ou sept ou whatever. Tu peux aimer toujours. Un homme, une femme. Rome !

L’amore, amore, amore
Ha vinto, vince, vincerà

Vas-y jette-moi des cailloux, je m’en fous. L’amour c’est plus fort que tout.
(Et comme c’est une chanson avec du vrai texte dedans, si vous voulez la traduction de l’italien, moi c’est Gilbert qui me l’a faite et comme je suis sympa je peux vous la transmettre  😉 )

 

Marco Mengoni, Esseri umani, album « Parole in circolo », 2015.

 

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Et vous, que gardez-vous de mars 2022 ?