Photo : Street art, by Miss.Tic, quartier de La Butte-aux-Cailles, Paris 13e (2016).
Dimanche prochain, enfermez-vous tout(e) seul(e) dans la salle de bain, prenez un bain si vous aimez, ou frottez les joints des carreaux de votre douche (rapport à ce que tous les matins vous vous dites que, quand même, vous devriez le faire).
Ou bien dégagez les enfants de la cuisine et préparez avec votre amoureux(se) un truc qui prend du temps, une bouillabaisse ou les boulettes d’Ottolenghi aux fèves et au citron – une nouvelle dinguerie, entre nous soit dit.
Quand vous en êtes là, ne pensez surtout plus au dehors et à toutes les raisons que vous avez de déprimer. Respirez profondément et allumez votre podcast de La Poudre pour 1h30 autour de l’auteure américaine Maya Angelou avec Christiane Taubira.
C’est l’épisode 82, diffusé le 5 novembre dernier. C’est là :
https://nouvellesecoutes.fr/podcast/la-poudre/
Je ne connaissais pas Maya Angelou.
Je ne la connaissais pas comme : je n’avais jamais entendu parler d’elle avant mon podcast la semaine dernière. Maintenant je ne veux qu’une chose : lire le premier tome de son autobiographie, Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage.
Par Click & Collect, comme vous savez. Puisque les librairies ne sont visiblement pas essentielles à nos vies confinées. Puisqu’elles sont un luxe, puisqu’elles ne sont pas « de première nécessité ».
Je ne rentre pas dans ce débat parce que ça va m’énerver. Genre très très fort. Quand tu vois l’hypocrisie de la grande surface où tu te rends une fois par mois pour acheter du papier toilette, des capotes, des Granola, de la colle et du scotch pour ton enfant féru d’arts plastiques qui surconsomme, des tablettes pour lave-vaisselle et des bouteilles de rhum pur, tous ingrédients nécessaires au fonctionnement paisible de la vie quotidienne confinée en 24/24 des cinq personnes de ton foyer, et que tu lis sur un panneau à l’entrée :
« Suite aux annonces du gouvernement pour cause de covid-19, notre rayon culture-librairie est temporairement fermé. »
Attends, que je sois bien claire, le rayon librairie de Carrouf je m’en cogne méchamment hein, on est d’accord que le seul problème à considérer c’est celui que rencontrent les libraires indé, mais tu sais ce qui me choque ?
C’est que dans cette grande surface de merde – pourquoi je continue à y aller, même une seule fois par mois pour du papier toilette, des capotes, des Granola, de la colle et du scotch, des tablettes pour lave-vaisselle et des bouteilles de rhum pur, c’est la question de fond sur laquelle je travaille – ce qui me choque donc, c’est que dans cette grande surface comme dans toutes les autres, le rayon culture-librairie est fermé, oui, mais pas le rayon télé-hifi-high-tech.
Ce dont tu peux déduire, parce que c’est ça le message qu’on te fait passer, que la littérature n’est pas essentielle à ta vie mais les rebuts d’émissions de divertissement et de téléréalité qui empêchent ton esprit de s’élever, si.
Profite de ce re-confinement pour racheter un écran géant, regarde les programmes débilitants qu’on produit pour toi, mets ton masque, et ferme-la !
Putain de monde de merde.
J’avais dit que je m’énervais pas et je sens que je suis en train de m’énerver. La bêtise déjà, ça m’énerve, mais ajoute à ça l’hypocrisie ! Parce que tu risques GRAVE de choper le covid en touchant la couverture de King Kong Théorie dans une petite librairie, alors que en te battant physiquement, corps contre corps avec une autre maman, pour le dernier paquet de Kellogg’s Extra du rayon qu’elle aussi a promis à ses enfants pour les petits-déj-du-week-end-mais-pas-la-semaine-parce-que-c’est-trop-sucré-et-pas-sain-pour-eux, là pas du tout. Tu risques pas.
Le covid apparemment, il est comme toi : il préfère les livres.
C’est la raison pour laquelle, sans doute, le rayon télé-hifi-high-tech reste ouvert. Là tu peux te frotter contre les gens, avancer, reculer, avancer encore, hésiter des plombes entre deux tailles pour ton écran géant, là je te jure tu risques rien.
Putain je suis énervée. Aidez-moi, cliquez et signez ici !
Note hors-sujet et néanmoins indispensable car contenant deux appels importants
(Cette note est issue de la question cruciale de l’approvisionnement en grande surface de mes enfants du dernier de mes enfants en colle, en scotch, et, vous allez le voir, en papier.)
Depuis presque douze ans que j’ai des enfants, jamais je n’aurais cru qu’on arriverait un jour à bout de notre réserve sans cesse renouvelée de feuilles de brouillon. C’était sans compter sur lui, le Marcass’ (7 ans) féru d’arts plastiques !
Je lance donc ici, pour lui, « tu leur dis que c’est de ma part », précise-t-il, deux appels :
1/. Si vous croulez sous les feuilles de brouillon (= utilisées d’un seul côté, photocopies ratées, factures de cantine, autorisations de déplacement dérogatoire datées du premier confinement, etc.), et que vous souhaitez faire un geste autre que celui du recyclage dans la poubelle jaune sur le trottoir le lundi soir, empilez-les et offrez-les à Marcel. Il vous dira merci de sa grosse voix sans forcément vous lâcher un sourire, mais à l’intérieur son cœur explosera de joie. Il y a des gens comme ça qui ne montrent pas. Ça fait que, bah, si on te dit pas, tu sais pas.
2/. Le deuxième appel concerne plus spécifiquement le monde enseignant.
Possiblé, maîtres et maîtresses, ne plus faire grève le mardi ? Parce que le mardi après-midi, voyez, ils font arts plastiques dans la classe de Marcel (et Lucien). Et à cause de la grève de mardi dernier, il y a déjà une séance d’arts plastiques qu’ils n’ont pas pu rattraper, et ça c’est pas juste. Marcel n’est pas content. L’art plastique c’est ce qu’il préfère à l’école ; c’est hyper génial, il pourrait même venir le mercredi et le week-end s’il y avait art plastique. Alors il me fait vous dire que la grève, il trouve que c’est bien de la faire si vous non plus vous êtes pas contents, mais que vous devez choisir un autre jour que le mardi parce que lui il veut pas rater l’art plastique. Apparemment le jeudi c’est bien, parce que le jeudi il n’y a ni les jokers, ni sport, ni surtout art plastique.
En vous remerciant.
Voilà. Vous êtes toujours là ?
Maintenant que Marcel et moi on est (un peu) calmés, j’aimerais revenir au vrai sujet de cet article qui est : Maya Angelou par Christiane Taubira.
J’adore écouter des lecteurs parler avec passion des livres qu’ils aiment. J’adore vraiment, ça me donne faim, je vous l’avais dit dans mon article Fan de : Augustin.
J’ai adoré écouter Christiane Taubira parler de Maya Angelou, et, à travers ce portrait qu’elle brosse d’une des femmes qui l’ont le plus inspirée dans sa vie, d’elle-même.
Présentation ultra succincte de Maya Angelou que j’ai trouvée sur YouTube. Poursuivez avec l’épisode 82 de La Poudre, et surtout, commencez à lire l’œuvre de Maya Angelou…
Maya Angelou est une découverte pour moi, mais mon admiration pour Christiane Taubira ne date pas d’aujourd’hui. Je retrouve chez elle la culture, l’humour pétillant, l’intelligence vive, qui me séduisent tellement, auxquels s’ajoute l’engagement.
Sur le sujet du militantisme, elle dit :
« Moi j’ai du mal avec Martin Luther King franchement… »
C’est ce que je pense aussi, mais j’ai trouvé que c’était assez osé de le dire tout haut… Parce que, en vrai, tu ne peux pas critiquer un homme aussi parfait que Martin Luther King ! Moi y’a qu’à Mickaël que j’ose dire que quand même, le pacifisme et la pédagogie ça va bien deux minutes mais que y’a des gens, faut les forcer autrement. Violemment. Le poing levé.
Quand y’en a marre d’être le gentil Noir, la douce épouse.
C’est mon côté Walter Sobchak.
This will not stand… This aggression WILL NOT STAND, man !
Écrire cette réplique culte me fait soudain prendre conscience que Mickaël et moi n’avons pas revu The Big Lebowski depuis avant qu’on parte en voyage. Ce qui fait plus de deux ans sans revoir ce film de dingo !!! Laissez-moi vous dire que ça n’était jamais arrivé auparavant. Surtout que The Big Lebowski, c’est LE film qu’on a en commun dans notre TOP 10 cinéma.
Deux ans… Voilà le remède anti-morose qu’il nous faut, au lieu d’enchaîner les films de Ken Loach ! Comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ??
Ce soir je balance le DVD sur la table, ambiance on s’en refait un… 🙂
Has the whole world gone crazy ?
Am I the only one here who gives a shit about the rules ?!
Mais revenons à Christiane Taubira pour le moment. À sa répartie et son éloquence qui m’impressionnent tant.
Compilation des meilleurs moments de Christiane Taubira à l’Assemblée Nationale (2013-2015)
Je ne pose pas ça là pour vous influencer politiquement – quoique, souvenez-vous-en en avril 2022 quand même. Moi j’aimerais bien…
Mon moment politique préféré de Christiane Taubira demeure sa riposte à Éric Ciotti le 23 juin 2015 à l’Assemblée Nationale.
(Où l’on voit un tout jeune Emmanuel Macron. C’était il n’y a pas si longtemps pourtant, mais le mec en cinq ans il en a pris quinze ! À croire que devenir Président c’est comme faire des enfants, ça tape un vilain coup sur le museau…)
Riposte de Christiane Taubira au député Éric Ciotti le 23 juin 2015 à l’Assemblée Nationale.
Dans La Poudre, c’est différent. Plus profond, plus intime. On n’est pas dans un débat politique. Ici on parle de poésie, d’écriture, et de l’amour qui est au centre de tout.
« Écrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture. »
Jean Cocteau, cité par Christiane Taubira dans l’épisode 82 de La Poudre.
Christiane Taubira livre un peu de comment elle aime, de ce qui est son moteur. Et elle dit cette phrase qui m’a touchée parce que je m’y suis tellement reconnue :
« Si j’aime, même si c’est très risqué, je le fais. Parce que quand je dis je vous aime, je vous aime ! Je vous aime VOUS, singulièrement. »
Elle évoque aussi ses insomnies et son propre rapport à l’écriture dans lequel, encore, je me suis reconnue :
« J’écris beaucoup sur des cahiers. J’ai un cahier dans mon sac. J’ai toujours des cahiers, j’ai plein de calepins. J’écris plein de choses sur des cahiers et des calepins. Plein de choses. »
Elle y ajoute cette touche de dérision, d’autodérision même, qui me plaît beaucoup.
« Mais quand j’étais mariée, j’étais fidèle hein… J’étais fidèle par manque de temps d’ailleurs ! »
Et la joie surtout, cette joie de vivre qui éclabousse ses propos et nous sort un peu de l’océan de boue dans lequel on surnage actuellement.
« Ça doit exister quand même… je pense qu’on peut être mariée ET épanouie… seulement ça dépend du mari ! Voilà, ça dépend du mari ! »
Écoutez, et vous me direz (si vous n’avez pas passé un bon moment tout(e) seul(e) dans votre salle de bain, sans enfants, sans masque, sans mari !).
À la fin de l’entretien avec Lauren Bastide, Christiane Taubira récite (de tête et en anglais) un poème de Maya Angelou et j’ai pris un coup sur la tête en reconnaissant les paroles si familières à mon oreille de « I’ll rise », cette chanson de Ben Harper, que j’ai tellement, mais tellement, écouté (je ne mets pas de « e » parce que ce n’est pas que la chanson, c’est Ben Harper tout entier) dans cette autre partie de ma vie…
Piste audio : Ben Harper, I’ll rise, dernière chanson du bien nommé premier album de Ben Harper, « Welcome to the cruel world », 1994.
Références
Podcast La Poudre, épisode 82 (5 novembre 2020) : Lire Maya Angelou avec Christiane Taubira.
https://nouvellesecoutes.fr/podcast/la-poudre/
Maya Angelou, Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, éd. Le Livre de Poche, 2009.
Christiane Taubira, Gran Balan, éd. Plon, 2020.
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Et vous, connaissiez- vous Maya Angelou ?