Me dis pas tu !

 

J’avais pas prévu de nouvel article. J’ai pas envie d’écrire en ce moment et j’ai plein de cuisine à faire. Mais. J’ai fini par m’inscrire au prochain Semi de Paris. Plus exactement : je viens, à l’instant, de finaliser mon inscription au prochain Semi de Paris, aujourd’hui vendredi 11 février 2022 à 11h22, précise le récapitulatif. (La précision, c’est pour ma cops Marlou qui aime les heures miroirs. En réalité c’en est pas vraiment une, mais c’est l’idée quoi. Bon.)
Donc après des semaines, que dis-je, des mois, à sciemment ne pas le faire, ce matin, dans une émotion douloureuse qui n’a rien à voir avec la course (ou peut-être si ?), je l’ai fait. J’ai rempli les formulaires en ligne et répondu aux questions :

Inscris-toi !
Ton adresse e-mail est-elle bien orthographiée ci-dessus ?
Est-ce ton premier semi-marathon ?
En complétant le champ « Signature », tu reconnais avoir lu, compris, et accepté l’intégralité des textes qui t’ont été présentés dans le cadre de ton inscription.
Bravo ! Il ne te reste plus qu’à envoyer ton certificat médical !

 

Peut-être vous, ça ne vous choque pas.
Peut-être vous ne voyez pas le problème.

Mais peut-être aussi vous me connaissez et vous savez que moi oui. Oui ça me choque, oui je vois le problème, et oui je suis en train de chauffer et il faut que ça se termine vite parce que sinon je vais monter en pression, je vais bouillir et je vais exploser.
Or ça ne s’est pas « vite » terminé. Ça a buggé. La saisie n’enregistrait pas le numéro de ma carte bleue, 65 € pour un tee-shirt moche dix fois trop large, une pom’pote et une banane que je vais pas manger s’te plaît, et je sais que j’exagère parce que les frais d’inscription couvrent les bénévoles et toute l’organisation nécessaire à la mise en place, je sais que je suis une connasse, mais je m’en fous parce que ça a buggé à chaque fois sur la dernière page, pour le paiement, et que j’ai dû tout recommencer depuis le début QUATRE FOIS DE SUITE !!! Quatre fois à relire inscris-toi, tu tu tu, quatre fois en hurlant des gros mots parce que merde à la fin, on n’a pas fait l’amour ensemble ni gardé les cochons, je suis pas ta copine !
Y’a que mon amie Édith que j’ai laissée me tutoyer au bout d’à peine une heure qu’on se connaissait, sur le Mékong. Mais c’est Édith, c’est spécial. 😍

Et je sais qu’au travail, sur les réseaux sociaux, Vinted et nombre d’autres sites, le tutoiement s’est imposé, que c’est comme ça partout maintenant, on est des djeun’s, faut se détendre… mais non en fait ! Non ! Fuck you ! Je me détends pas avec vous ! Peut-être je suis qu’une vieille mémé énervée (en plusse d’être une connasse) mais je veux pas qu’on me tutoie à travers l’écran pour savoir si j’ai bien compris le règlement de ta mère, tu comprends ?

 

C’est moi ce matin. Quand j’ai pété les plombs. J’avais même pas d’enfant à la maison, je tempêtais et j’insultais mon ordi bien pire que ça. Parce que c’est bignon la Valda finalement. (Dessin de Nathalie Jomard)

 

M’entendre hurler des insanités L’idée de se préparer un thé de milieu de matinée, c’est ce qui a fait descendre Mickaël de sa tour de télétravail. Mais pourquoi tu gueules ?! Tu fais quoi ? Ah tu t’inscris au semi finalement ? Je croyais que tu voulais pas y aller ?

Oui bah oui je m’inscris. Oui.
Avec la même bande de coureurs que pour les 20 km de Paris, eux qui s’entraînent ensemble et moi qui cours toute seule. Parce que j’aime ça, courir seule. Pas que je sois sauvage, mais on n’habite pas dans la même ville, donc voilà c’est pour ça. Bref. Tous ultra motivés pour cette nouvelle course ensemble. Surtout mon amie Maud dont je vous ai déjà parlé. Par-ci, par-là, et puis .

Dans la bouche de Maud, c’est toujours gentil et charmant, ça donne quelque chose comme :

– Allez ! Au moins on sera tous ensemble dans la galère, ça va être sympa ! Allez… viens !

J’arrive pas à le retranscrire ici pour que ça sonne bien comme elle le dit. Il manque la douceur. Dans la bouche de Maud, c’est le truc le plus bignon que tu puisses entendre. Tu peux pas dire non. Je te jure. J’ai essayé pourtant, d’abord je râle, la dernière fois dans la boue j’ai eu trop froid, j’argumente, pas besoin de se mettre au défi d’un semi pour aller courir autant qu’on veut, j’explique, le semi c’est une contrainte supplémentaire dans notre emploi du temps, je supplie, pas là, pas cette année, pas maintenant, mais finalement…
Tu peux pas dire non à Maud. Tu peux juste pas. La façon dont elle te demande, dont elle insiste auprès de toi. Je veux dire, t’as pas de cœur ou quoi ?

– Donc t’as pas envie, mais tu vas y aller quand même parce que tu peux pas supporter l’idée que Maud soit déçue, c’est ça ?

C’est marrant comme, résumé par ton mec, ce qui à la fois te mine et te serre la poitrine paraît soudain totalement futile et insignifiant. J’ai dû répondre par un grognement qui voulait dire : ouais bah ça va, laisse-moi tranquille. Et Mickaël a souri :

– Cool ! Tu lui diras demain soir, on va rigoler !

Rapport à notre soirée à la maison. Six amis qui viennent – dont Maud – avec leurs enfants, et donc toute la cuisine à faire, cf. le début de l’article, t’as compris. Tous ces amis qui aiment manger bien et avec qui je suis bien, en fait c’est relou.

 

À l’arrivée du trail des 40 Bosses le 5 décembre dernier, toute l’équipe de runneurs n’est pas là pour montrer ses pieds… Moi j’ai eu tellement froid aux doigts que j’ai pas pu défaire les lacets de mes chaussures. J’ai dû demander de l’aide à des gens dans la rue et c’était un couple de sourds-muets (true story) ! Vidéo du trail dans cet article : Samedi (soir) noir.

 

La placide ironie de Mickaël m’a énervée, déjà que je l’étais déjà, énervée, avec ce site à la con et le tutoiement automatique, parce qu’on est entre sportifs. J’avais pas du tout envie de rigoler. En plus l’émotion douloureuse, cf. le début de l’article, t’as qu’à mieux lire.
J’ai répondu :

– T’es malade ou quoi ?! Non ! Jamais je ne lui dis ça !

Et me voilà à balancer publiquement les secrets de mon cœur sur mon blog.
Alors que j’avais pas prévu de nouvel article.

MAUD, J’AI PEUR QUE TU M’AIMES PLUS SI JE FAIS PAS LE SEMI AVEC VOUS.

 

C’est parce qu’en ce moment, j’apprends la vulnérabilité.

J’apprends à ne pas me recroqueviller au sol quand j’ai pris un crochet dans le ventre sous la forme d’une phrase tout à fait banale qui est l’écho d’une autre. J’apprends à m’ouvrir davantage sous le choc au contraire, sans attendre, sans repli, tout de suite au moment du coup, j’apprends à respirer dedans. En respirant je desserre les dents et je regarde où j’ai été frappée, où ça fait mal. Ah, oui, c’est là. Tiens c’était déjà blessé ici, c’est normal que ça fasse si mal. Eh ben on va re-nettoyer. En nettoyant, comprendre que si ça saigne autant, c’est pas parce que le coup a été violent, c’est parce qu’il a tapé pile à l’endroit où c’était pas cicatrisé. Soulever les croûtes, doucement. Réaliser que la blessure était en train de s’infecter, de boursoufler. Reconnaître alors que ce coup reçu qui te broie l’estomac, c’est peut-être une nouvelle chance qui t’est offerte de guérir. L’opportunité précieuse de choisir un autre chemin que celui de tes vieux pansements. Alors ouvre putain ! Ouvre pour soigner ton mal à l’air libre, enlever les sparadraps que tu as superposés sur ton chagrin, ouvre pour laisser les autres en prendre soin.

J’ai pas l’air comme ça mais je fais des progrès de guedin. J’ai plusse grandi ces deux dernières années que les dix qui ont précédé !

 

« I am afraid but that won’t stop me ». J’ai peur mais je ne laisserai pas la peur m’arrêter.

 

*****

 

Et vous, la vulnérabilité ? Vous lui faites une place ou c’est comment ?
J’ai raison de dire à Maud ?