Pourquoi les filles ont mal au ventre ?
C’est le titre d’un livre québécois de Lucile de Pesloüan et Geneviève Darling que j’ai pris à la bibliothèque la semaine dernière pour la Petite Souris (12 ans). Je ne l’ai pas ouvert avant de l’emprunter parce que j’étais pressée : je rentrais de l’école avec les garçons qui crèvent de faim à 16h30 depuis qu’ils remangent à la cantine, j’ai aperçu le livre en présentation dans la vitrine « ados » entre un ouvrage sur la puberté et le dernier Hunger Games, et je me suis dit qu’il fournirait l’explication physiologique que je suis incapable de donner à une question qui revient souvent chez nous en ce moment. Rapport à ce que, en cours de SVT, j’étais « élève inconnue » – comme vous le savez depuis cet article : Le confinement avec enfants (3) : la démission.
(Article que vous pouvez relire pour le seul plaisir de vous rappeler comment c’était quand on était vraiment confinés réécouter la chanson de Ouali Pizza 06 12 12 12 33, la porte est toujours ouverte, une achetée une offerte, ici le client est roi, bienvenue chez Ouali Pizza !)
Quand j’ai finalement ouvert le livre, j’ai compris qu’il n’avait rien à voir avec les règles.
Mais qu’il arrivait à l’exact bon moment pour moi parce qu’il a tout à voir avec cette règle que l’on intériorise et qui est celle du silence.
Au moment précis où la problématique ressurgit de manière brutale dans ma vie, un podcast m’est envoyé par une copine qui habite loin (et qui ne sait rien de ce que je retraverse aujourd’hui). Se produit alors une cascade de synchronicités trop limpides, trop évidentes pour être ignorées. Jusqu’à ce livre emprunté par hasard à la bibliothèque. Par erreur. Il m’a semblé que ça commençait à faire beaucoup de simples coïncidences, même pour moi qui ai tendance à tout remettre en doute…
Quand j’ai refermé le livre, j’ai su que j’allais écrire un article et le publier.
Aller plus loin que mes confidences timides autour de la chanson de Lady Gaga, Til it happens to you, il y a un an (newsletter 54 # 8 mars 2020).
« Et ensuite on vous apprend que si vous parlez, personne ne voudra vous entendre. »
C’est la vérité qui m’a retourné le ventre à la fin du premier épisode du podcast « Ou peut être une nuit ». J’ai senti ma bouche sèche, et puis c’est revenu d’un coup : l’envie de vomir.
Cette-envie-de-vomir-là.
La sensation d’étouffer, de ne plus pouvoir respirer, de me dissoudre. Vite fermer les yeux, m’accrocher, souffler, tenir quelque chose, un objet, n’importe quoi, concentre-toi, concentre-toi.
Ce podcast, je ne suis pas tombée dessus toute seule par hasard comme le livre à la bibliothèque. Il y a quelques semaines, j’ai reçu un mail de ma copine Sophie. Très bref, concis, droit au but (à la Sophie style ;-), il disait :
– Audrey, j’aimerais ton avis sur ce podcast.
Je suis tellement curieuse de découvrir ce que je ne connais pas. Avide d’apprendre. Et puis j’aime bien Sophie, donc je suis allée voir de quoi il s’agit. J’ai commencé à écouter. Mais au moment où j’écris cet article, je n’ai toujours pas terminé. Je suis à mi-chemin.
Ce podcast gratte mes cicatrices. J’entends de l’extérieur, écorchés par d’autres, les mots qui sont à fleur de couture à l’intérieur de moi.
Je peux donner mon avis bien sûr, répondre à Sophie :
– Je pense que tout ce qui est dit est juste et vrai. Terriblement juste et vrai. Je pense que tout le monde devrait l’écouter pour enfin entendre ce qui est tu. Ne plus jamais faire comme si ça n’existait pas parce que c’est comme mourir une seconde fois.
Je n’ai pas terminé d’écouter le podcast parce que je ne peux pas encore écouter un épisode entier d’affilée. Parce qu’à certains moments, c’est presque insoutenable. En tout cas pour moi. Alors j’y vais doucement, je découpe en séquences, dix minutes, vingt minutes, selon ce que j’arrive à supporter. Dans le respect de moi-même, ce qui est assez nouveau. J’écoute comment je me sens ; quand c’est trop difficile, si ça résonne trop fort, j’arrête. Je laisse retomber un peu, je cherche à articuler mes mots à moi pour comprendre et mettre de la distance.
Toi tu es quelqu’un qui dit les choses.
Cette phrase sur moi, que j’ai reçue il y a quelque temps, m’est revenue en mémoire ce matin, juste avant de me réveiller tout à fait.
Toi tu es quelqu’un qui dit les choses.
Je pensais que j’avais personnellement fait le tour de mon histoire mais il manquait l’angle du mur serré derrière la porte. Le dernier recoin. Là où je ne peux pas m’enfuir, là où je suis coincée. Mais maintenant je suis grande et forte, alors repousser. Relever la tête. Respirer.
Je peux le faire à présent parce que je suis bien accompagnée. De chaque côté. Je sais que je ne suis pas seule. Et que je dois parler. Encore. Dire. Pour moi et pour les autres. Trouver qui pourra entendre. Il y en a peu mais il y en a, des gens qui entendent. Et plus on ose parler haut, mieux on aide celles qui se taisent et dont le corps continue de crier – et de mourir.
Toi aussi, longtemps tu t’es tue. C’est marrant en l’écrivant comme ça saute aux yeux qu’il ne manque qu’un accent et une lettre muette pour dire ce que fait le silence. Non ?
Tu ne peux pas parler et tu portes sur toi le mal, la souillure, alors ton corps tu l’enfermes dans une cage. Verrouille, double tour. Tu le punis parce que c’est à cause de lui que tu te sens salie. Parce que c’est lui le coupable, c’est pas toi.
Tu cesses de le nourrir. 52%. Et puis tu oublies pourquoi, tu oublies tout. Tu deviens très légère, tellement légère que plus rien ne peut t’atteindre. Tu peux t’envoler au-dessus de ton corps, comme dans la cave quand tu étais si petite.
Plus tard tu te fonds dans le désir de l’autre, tu le fais tien, tu confonds tout, ton corps et le besoin d’être aimée. Mais est-ce que c’est assez ? Est-ce que ce sera jamais assez ?
Et puis vingt ans après, ça recommence. Et tout est pareil, tout est insupportablement pareil : la sidération d’abord, le refus, puis la pétrification. Je ne sais pas si ça se dit, « pétrification », mais c’est ce qui se vit. Sidérée, pétrifiée. Pourtant tu es majeure cette fois, tu devrais savoir te défendre mieux que tous les non et les refus que tu opposes qui ne sont pas respectés, pas entendus, pas suffisants. Tu devrais hurler, taper, griffer, cracher, mordre.
Mais.
Tu ne peux pas. Tu es pétrifiée.
Soudain tu as quatre ans, cinq ans. Et tu n’es pas protégée. Personne ne peut te protéger.
Avant 6 ans, 1 victime sur 5. Puis 70%, re.
Par une sombre loi de l’attraction, les statistiques montrent que viols et abus sexuels se produisent davantage dans les familles où ils se sont déjà produits. Si les mères ont été touchées, leurs enfants présentent plus de risques d’être touchés à leur tour.
Briser, une nouvelle fois, la loi du silence, est ma façon d’exploser cette boucle sordide.
Toi tu es quelqu’un qui dit les choses.
Si un jour j’apprends que quelqu’un a fait ça à l’un de mes enfants – j’allais écrire : je le tue. Mais ça c’est ce qu’on dit immédiatement, sans réfléchir vraiment, sans penser qu’alors cet événement va déchirer la vie de tes enfants et la tienne d’un trou noir encore plus profond, encore plus irréparable, parce que tu vas finir ta vie en prison.
Si un jour j’apprends que quelqu’un a fait ça à l’un de mes enfants, je lui arrache la bite avec mes dents. Ma bouche n’est pas un temple sacré, elle en a vu d’autres comme on dit. Avant 6 ans, 1 victime sur 5. Puis 70%, re. Elle va pas se formaliser pour une nouvelle saloperie.
Je lui arrache la bite avec mes dents et je la jette dans l’Oise le long de mon chemin de course, là où on balance si facilement le dimanche le corps des joggeuses violées.
Je vais m’arrêter là. Ce que je voudrais, c’est que vous écoutiez « Ou peut être une nuit ».
Je sais pas quand, dans votre auto en rentrant du boulot, ou le matin dans la salle de bain, ce qui est le moins pénible. Ça ne vous empêche pas de regarder une série comique le soir sur Netflix. Mais juste, écouter. Écouter vraiment, entendre. Savoir que ça existe, et que ça n’existe pas un peu, ça existe plein, même quand on n’imaginerait jamais.
Parce que quand on entend « viol » on voit : un pervers dans une ruelle qui trousse une jolie femme contre un mur avec un flingue braqué sur sa tempe. Ok. Ça arrive (surtout dans les films américains). C’est du viol. Mais ça c’est rare.
Ce qui ne l’est pas, c’est le reste, tout le reste du viol. Tout le reste qui est du viol mais qu’on ne voit pas quand on entend « viol ». C’est ça qui est fréquent.
Et les agresseurs peuvent être mineurs. Je sais que ce n’est pas l’image cliché, convenue et rassurante parce que lointaine du méchant pervers dans la ruelle, mais c’est particulièrement important pour moi de le rappeler.
L’agresseur est mineur dans 30% des cas de viol (ONU 2015).
Dans le podcast, l’anthropologue Dorothée Dussy, directrice de recherches au CNRS sur les questions d’inceste et de violences sexuelles sur les enfants, affirme qu’en CM2, sur une classe de 30 élèves, 3 sont concernés. Rien qu’en comptant les viols, pas les attouchements.
Un point de vocabulaire
Selon la loi française, on parle de « viol » dès qu’il y a pénétration. Quelle que soit le type de pénétration : sexe, langue, doigt, lampe torche, ce que tu veux. Et quel que soit l’endroit du corps qui est pénétré : vagin, anus, bouche (pas l’oreille, je crois pas).
3 élèves sur 30 dans ta classe de CM2. Et si tu comptes tous les types d’abus sexuels, attouchements compris, peut-être que tu doubles le score. 6 sur 30. C’est une moyenne bien sûr. C’est pas partout pareil. N’empêche que.
Cette moyenne de garçons et filles de moins de dix ans coexiste avec celle de la statistique nationale du viol en France qui est de : 1 femme sur 5.
Une femme sur cinq a été, est ou sera victime d’agression sexuelle au cours de sa vie.
Une femme sur cinq, soit 20% de la totalité des femmes en France. C’est une estimation.
On ne peut pas protéger les enfants de tout mais on peut faire tellement mieux que ce qu’on fait aujourd’hui. Écouter un podcast qui dit la vérité sur l’inceste et les violences sexuelles sur mineurs, ne pas ignorer ni minimiser le sujet, c’est déjà un premier pas.
Montrer qu’on a entendu, qu’on est là et qu’on réagit, ne pas laisser retomber dans le silence celles et ceux qui ont osé dénoncer, c’est un deuxième.
Alerter vos enfants du danger dès tout petits, AVANT que ces choses ne se produisent, pour NE PAS qu’elles se produisent, ça peut être votre troisième pas. Moi c’était celui d’avant mon premier, avant même que mes enfants sachent parler, mon pas zéro.
Quand je serai arrivée au bout de la nuit – j’avance lentement, mais je sais que j’irai au bout – je trouverai peut-être le courage d’écouter ensuite ce documentaire sonore d’Axelle Jah Njiké, « La fille sur le canapé », qui attend depuis plusieurs mois dans mon fichier « En cours » sous la forme d’un simple lien bleu à cliquer mais que je ne clique pas.
(Mais si vous savez, ce fichier « En cours » où je consigne les trucs que je veux faire, auxquels je pense, les mots que j’entends, les sujets qui me questionnent. Je vous en ai déjà parlé ici : Free hugs.)
Peu à peu, m’élever au-dessus de mon histoire personnelle, prendre conscience que je ne suis pas un cas isolé. Je suis un cas banalisé parmi tant d’autres dans un système de domination, excusé comme tant d’autres par la culture du viol.
La culture du viol en 64 secondes, par La Gazette des Femmes (Québec).
Références
Podcast « Ou peut être une nuit », de Charlotte Pudlowski (septembre 2020) :
https://louiemedia.com/injustices-2/ou-peut-etre-une-nuit
Documentaire sonore « La fille sur le canapé », d’Axelle Jah Njiké (novembre 2020) :
https://nouvellesecoutes.fr/la-fille-sur-le-canape/
Pour aller plus loin sur la culture du viol et expliquer ce que c’est :
Dorothée Dussy, Le Berceau des dominations, éd. La Discussion, 2013.
Muriel Salmona, Le Livre noir des violences sexuelles, éd. Dunod, 2018.
Un article très pédagogique sur le site de Simonæ (avec des infographies éclairantes sur les fausses croyances qui perdurent et entretiennent la culture systémique du viol) :
https://simonae.fr/articles/expliquez-culture-du-viol
Et le blog de Crêpe Georgette :
http://www.crepegeorgette.com/2016/04/08/culture-du-viol/
Toi tu es quelqu’un qui dit les choses.
*****
Et vous, vous dites quoi ?
(Et même si vous dites rien, parce que je sais bien ce qui se passe quand on lève le voile sur ces choses-là, même si on n’en parle plus jamais, ben vous pouvez quand même m’offrir une chanson pour mon anniv’, oui ou merde ??)
* Note du 23 mars 2021 *
Ça y est, j’ai écouté tous les épisodes du podcast « Ou peut-être une nuit », et même la table ronde qui a suivi, consacrée aux outils concrets qui permettent aux victimes d’inceste et de violences sexuelles de sortir du trou noir.
Tout ce que j’ai entendu est tellement juste, tellement vrai – même si ça écorche salement les oreilles. L’analyse de la question des abus sexuels sur mineurs, ses causes, ses conséquences, est menée avec finesse et une grande intelligence par Charlotte Pudlowski. Elle s’appuie sur un travail de recherche consciencieux et mêle témoignages de victimes, chiffres officiels et éclairages de spécialistes (la psychiatre Muriel Salmona, l’anthropologue Dorothée Dussy, l’avocate Dominique Attias notamment, et d’autres).
Dans le sixième et dernier épisode du podcast, qui déconstruit l’ordre social du silence installé par l’inceste, Charlotte Pudlowski donne une image de « la norme » qui sert à conforter ce silence. J’aimerais vous la faire partager. J’aimerais que vous écoutiez.
Parce que parler, dire, aider les autres à rompre enfin ce silence, je crois que c’est la seule façon de lutter.
Notre univers psychique commun. C’est ça que construit l’inceste, au commencement des vies. Il dessine nos trajectoires d’hommes et de femmes. Et c’est extrêmement difficile, et douloureux, de changer les trajectoires que la norme dessine pour nous.
Il faut imaginer une route. Je l’imagine large, recouverte d’asphalte, bordée de ravins. C’est la norme. Vous êtes une femme fragile, craintive, SILENCIEUSE, vous respectez les hommes, vous respectez leur pouvoir, leur autorité. Et sur cette même route marchent toutes les autres femmes, ou disons leur écrasante majorité. Vous ne marchez pas seule, vous marchez avec elles. Au-dessus de vous plane la violence, mais vous ne la regardez pas, vous marchez les yeux rivés au sol.
S’écarter de la norme, c’est s’écarter de cette route. C’est risquer de tomber dans les ravins. C’est marcher sur un sentier escarpé, abrupt, plus difficile à fouler. C’est marcher avec moins de monde. Peut-être seule parfois.
S’écarter de la norme, c’est risquer l’exclusion, risquer d’être rangée dans le pathologique. C’est risquer de regarder en face la violence qui plane et qu’on ne pourra plus oublier. C’est risquer la douleur, ou la culpabilité si l’on ne fait rien. C’est risquer l’épuisement si on se bat. C’est risquer la solitude, car la majorité restera sur la route de la norme. La solitude, c’est une menace vertigineuse. Pour les femmes comme pour les hommes, qui ont aussi leur route d’asphalte : la route du pouvoir et de la force.
Pour ne pas être seul.e, chacun.e doit prendre sa place sur la route de la majorité. Un homme doit prendre pleinement sa place de dominant. Une femme le siège de la peur, de la faiblesse.
L’inceste installe les deux.
(Charlotte Pudlowski)
* Note du 2 avril 2021 *
Comme je continue d’écouter « La Poudre », le podcast de Lauren Bastide, mais que le temps n’est pas plus extensible dans ma vie que dans la vôtre, j’ai repris hier avec un peu de retard là où je m’étais arrêtée, à l’épisode 91 qui s’appelle « La révolution médiatique avec les Avengers du féminisme ». Il se trouve que, dans cet épisode 91, Lauren Bastide reçoit cinq journalistes et/ou productrices de podcasts qui ont travaillé sur le sujet des violences sexuelles – dont Charlotte Pudlowski, la réalisatrice du podcast « Ou peut-être une nuit » dont je vous parle dans mon article.
Cet épisode 91 de « La Poudre » est sorti le 17 mars 2021, soit pile le jour où j’ai moi aussi publié mon article sans savoir. On va dire que c’est le fruit du hasard, que c’est parce qu’il y a peut-être une fenêtre entrouverte pour en parler en ce moment (dans la vraie vie qui, devinez quoi, ne se limite pas au covid).
Aux côtés de Lauren Bastide et de Charlotte Pudlowski se trouvent Marine Turchi, Daphné Gastaldi, Lorraine de Foucher et Axelle Jah Njiké, qui a réalisé le podcast « La fille sur le canapé » dont je vous parle aussi dans les références de mon article mais que je n’ai pas encore eu la force d’écouter. Je vais le faire mais j’ai besoin d’une pause là. C’est inimaginable tout ce qu’on me raconte depuis que j’ai publié l’article et c’est pas comme si ça me faisait rien.
Enfin, ce que je veux vous dire à propos de cet épisode 91 qui est une table ronde d’échanges sur la façon de traiter des violences sexuelles dans les médias, ce qui m’a immobilisée, stoppée net dans le linge que j’étais en train de plier en même temps que j’écoutais, ce qui m’a fait monter les larmes aux yeux parce que ça touche de si près mon histoire personnelle, ce sont les propos d’Axelle Jah Njiké à propos des témoins.
Ceux qui savent.
Ceux qui ont vu, qui ont assisté au truc, mais qui ne disent pas.
« C’est la chose la plus brutale et la plus violente. »
Oui. Tellement. C’est comme tomber d’un immeuble. La stupeur d’abord, l’incompréhension, et puis l’effroi. Comment c’est possible ? Que ces témoins qui savent ne témoignent pas. Refusent de témoigner. Voire prennent le contre-pied de la vérité. Moi ça m’a achevée. Ce jour-là j’ai perdu quelqu’un que je croyais être un ami. Quelqu’un qui m’a déçue à un point que je n’envisageais même pas sur l’échelle de la déception. Par lâcheté, par… je ne sais même pas. Peut-être que c’est ça le pire, je ne sais pas ce qui fait qu’un témoin ne témoigne pas. Ce qui fait que quelqu’un qui pourtant était là dit : je ne sais pas. Je n’ai pas bien vu. Je ne me souviens plus.
« C’est la chose la plus brutale et la plus violente. »
Et ça m’a bouleversée d’entendre dire, par Axelle Jah Njiké mais aussi par les autres invitées, que c’est fréquent. Les témoins qui ne veulent pas être témoins parce que ça les engagerait, parce qu’ils ont peur. Alors ils commencent par dire que tout ceci ne les regarde pas, puis ils nient, ils effacent de leur mémoire.
Mais moi je ne sais pas comment on vit avec ça parce qu’au fond de soi, bien sûr, on SAIT.