Mange tes pâtes !

Photo : Notre carte d’Italie des pâtes (février 2021). Réalisée par les enfants sous la supervision de Papa Écureuil.

 

La scène que je vais vous raconter maintenant se passe le mercredi d’avant les vacances de février. Pas confinées mais couvre-feutées. Avec enfants. Sans partir. Confinées quoi.

Dehors, dans notre garde-manger sous l’escalier, j’ai retrouvé une bouteille de rhum artisanal.
Il était encore un peu tôt mais j’avais passé le mercredi ENTIER seule avec mes enfants (7, 9 et 11 ans) sans même un café clandé le matin. Donc pour moi, comme pour Fred-ma-cops à qui j’ai pensé précisément à ce moment-là, il était carrément l’heure. Du rhum. Certains jours, surtout le mercredi, on devrait commencer à boire dès qu’on se réveille. Oh je sais que c’est définitivement pas comme ça que je vais vieillir comme Claire Chazal (newsletter 76 # 28 février 2021) mais bon. C’est facile pour vous, ça se voit que vous vous êtes pas fait attaquer par un T-rex au saut du lit ! En une seule morsure, le T-rex peut arracher 70 kg de viande, je vous signale. C’est plus que tout le corps de Papa Écureuil (il m’a dit que j’ai le droit de le dire).

Enfin. Donc encore un peu tôt pour l’appeler apéro dans la vie des gens normaux, ce mercredi, je me suis servi un grand verre de rhum pur, et puis après, quand j’ai senti dans une douce torpeur que les cris des enfants se mettaient à flotter autour de moi et ne pouvaient plus m’atteindre, j’ai recommencé à leur parler. J’ai lancé :

– Qu’est-ce que vous aimeriez manger pendant les vacances ?

(C’est pas parce que t’attaques le rhum à 18 heures à peine passées que t’es forcément une mauvaise maman tu perds de vue tes devoirs et la tâche qui t’incombe.)

La réponse ne s’est pas faite attendre et elle est venue en triple écho (le rhum sûrement).

– Des pâtes ! Des pâtes ! Des pâtes !
Des pâtes ? Mais des pâtes comment ? Avec du saumon et du romanesco ? [dit la maman qui trouve que le romanesco est un poème dans sa cuisine]
Non non non, des pâtes juste des pâtes !

Chez nous, des pâtes juste des pâtes, c’est le job de Papa Écureuil et il l’assure grave. Je fais lasagnes, gratins de ravioles, salades de pâtes, mais c’est Mickaël qui cuisine des pâtes juste des pâtes. Comme ça je les trouve encore meilleures, de ne pas m’en occuper. Je planifie la recette, je prépare tous les ingrédients, je pèse les légumes et les condiments pour la sauce, et ensuite c’est lui qui fait tout. Il maîtrise la cuisson des pâtes comme personne, après lui tout est décevant (même à Rome une fois – émoticône qui n’en revient pas de s’être pris un coup de pelle dans la ville de ses rêves).

 

Guillaume Long par lui-même. Il ne ressemble pas du tout à Mickaël. Mickaël ne met jamais son tablier pour cuisiner – sauf pour égrainer une grenade et mixer la soupe. Et la cuisinière s’te plaît, on dirait celle de quand j’étais petite. Plus personne n’a une cuisinière aujourd’hui, je ne suis même pas sûre que le mot existe encore !

 

Mais revenons à ce mercredi d’avant les vacances. Devant la force de la demande – et probablement aussi à cause du rhum j’étais faya dans l’aquarium, comme dirait quelqu’un qui me touche beaucoup – il m’est venu l’idée dingo de leur proposer une semaine de pâtes.
Ça n’est JAMAIS arrivé donc il a soufflé comme un vent de folie d’un coup, les babi n’osaient même pas y croire. Le plus jeune enfant, et même pas la plus grande que j’attendais pourtant à ce tournant, a émis l’objection que, des pâtes tous les soirs pendant une semaine entière, ce n’était certainement pas bon pour la santé. Mais quand même… waaooo…

– Vraiment ?… On va vraiment manger des pâtes tous les soirs ? Tu promets, maman ?

J’ai promis. J’ai dit vraiment oui, fuck la posologie. Tu n’imagines pas les youhou et la danse de la joie qui s’en sont suivi !
J’ai dû rectifier un peu. Expliquer que, comme sept soirs de pâtes juste des pâtes, à rien, au beurre et sans légumes, c’est sûr que ça n’allait pas m’aller, qu’alors on pourrait tester chaque soir une recette de pâtes d’une région différente d’Italie. Pour qu’on me retrouve pas crevée d’ennui au matin du troisième jour. Pour mettre un peu de fun et de challenge dans ce furieux programme à haute teneur en gluten.

On devrait choisir, pour chaque région, le type de pâtes et la sauce emblématiques.

Les enfants ont approuvé en battant des mains.
Ils étaient prêts à tout je crois, alors j’ai poussé un peu.

– Mais obligé de manger des légumes le midi, au moins un fruit au goûter, et des crudités avant les pâtes le soir.

Oui, oui, oui ! Folie. Bonheur. Béatitude.

 

 

Donc on l’a fait. Notre semaine de pâtes pendant les vacances. Et même plusse en vérité !
J’ai établi un programme à partir des recettes de mon fichier – des recettes qu’on a déjà testées donc. Mais c’était pas grave parce qu’il y avait assez de challenge. Après son verre de rhum, Papa Écureuil a proposé que les babi dessinent une carte des régions d’Italie avec des encarts pour représenter les types de pâtes et les recettes qu’on allait (re)faire.
J’ai adoré son idée et soudain ce n’était plus du tout un problème pour moi de manger des pâtes tous les soirs. On était à fond !

La plus grande difficulté a été de ne retenir qu’une seule recette par région. Et donc d’en éliminer d’autres. Selon des critères qui tiennent compte aussi des goûts des enfants. Pas trop pimenté et gnagnagna. Puis j’ai pensé que je pouvais dissocier leur dîner et le nôtre ; tant que nous mangions tous des pâtes juste des pâtes, même si c’étaient pas les mêmes pâtes, pas la même sauce, je respectais le deal. Et ça nous permettait de dîner certains soirs que tous les deux et pas avec eux SEPT JOURS D’AFFILÉE, ce qui s’annonçait clairement pour moi comme étant le plus gros défi.

J’ai dû faire le choix de la simplicité. Par exemple, oublier les bucatini cacio e pepe, spécialité romaine, qui sont un souvenir douloureux chez nous. Si tu crois que c’est simple parce qu’il n’y a que cacio e pepe ! Ce que tu te goures… Tu ne sais donc pas les années d’expérience qu’il faut pour arriver à ce résultat extra qui est tout sauf ordinaire ?
Y’a des choses simples qui le sont pas. Et c’est toujours quand tu dors que j’ai envie de te parler.

Les bucatini cacio e pepe (mais tu peux mettre aussi spaghetti ou rigatoni) est une recette traditionnelle TRÈS difficile à réussir. Même pour Mickaël qui maîtrise la mantecatura aussi indispensable que pour les spaghetti alle vongole comme à Napoli.

Remarquez que je n’ai pas non plus planifié de vongole pour notre semaine de pâtes, parce que c’est pas la même histoire de s’occuper des palourdes pour deux personnes que pour cinq si tu veux. Et aussi parce que, à 10 € les 400 g de palourdes, quand tu sais qu’il t’en faut déjà 800 g pour des spaghetti alle vongole pour deux, c’est pas le même prix non plus t’as vu. Surtout en ce moment, il est encore un peu tôt pour les palourdes. Au printemps, tu verras, elles seront de retour. Le printemps, c’est joli pour se parler d’amour.

 

Spaghetti alle vongole comme à Napoli, mais avec du safran en plus, comme en Sardaigne, parce qu’il m’en reste de celui que m’a rapporté de voyage mon amie Marie.

 

Question palourdes, vous pouvez aussi varier les plaisirs (c’est important) avec le risotto alle vongole, ail et safran d’Edda qui est super bon (voir lien vers le blog à la fin de l’article). Mais allez-y doucement sur le fumet de poisson hein ! En fait moi maintenant je ne le mets plus. Je garde le jus de cuisson des palourdes, je filtre, je rallonge avec de l’eau et je l’utilise comme bouillon. Sinon c’est trop salé (et je ne resale surtout pas à la fin !!!).

Bref, tout ça pour vous dire qu’en ce qui concerne les cacio e pepe, puisque c’est de cela que je vous parlais, Mickaël a lâché l’affaire. L’année dernière il a consenti à deux nouvelles tentatives (ratées) après un lourd premier échec, et puis il s’est énervé que je veuille encore persévérer et il m’a mis un gros STOP. Le stop de quand je l’ai poussé trop loin et que c’est mort de chez mort qu’il fasse un pas de plus.

– NON ! Never ever, rentre bien ça dans ton crâne. Je préfère t’emmener les manger à Rome, tes cacio e pepe !

J’ai dit oui parce que Rome rhum redrum c’est mon rêve (et Vacances romaines en bonne place dans mon TOP 10 cinéma).

 

J’adore Audrey Hepburn. Mais est-ce que je vous ai déjà parlé de Gregory Peck ?

 

Autre chose encore, avant de vous dévoiler le programme de notre semaine de pâtes.

Ça fait des années que j’ai envie de goûter des tagliatelles ou des conchiglioni au nduja et que je ne trouve pas de nduja. Le nduja est une saucisse de porc de Calabre, épicée et pimentée, à la consistance crémeuse, qui se tartine ou se mélange facilement à des sauces.
Notez que je n’aime pas les saucisses sinon. Aucune. Mais celle-là je ne l’ai jamais goûtée et je la veux. Voilà. Donc maintenant que vous savez, si vous partez en vacances à Reggio de Calabre, vous allez m’en rapporter. Même à Messine, ça se trouve on en trouve. Sinon vous traversez le détroit pour moi et je vais vous aimer.

En parlant de Messine tiens, je voulais bien sûr des pâtes alla Norma pour représenter la Sicile. J’ADORE les penne alla Norma (attention, la préparation est très longue). Sauf que c’est pas encore demain qu’on verra des aubergines. Tape-toi d’abord les vacances de février confinées avec tes enfants, puis celles de Pâques, attends que ce soit le temps des palourdes, attends que ce ne soit plus le temps des palourdes, et on avisera au mérite cet été si tu as gagné tes pasta alla Norma…  🙁

Évidemment je voulais aussi des pâtes à la Nono. Évidemment. Mais on n’a pas le droit de manger avec des amis après 18h sans passer la nuit dans leur lit. Donc bon. Même pour les pâtes à la Nono qui se moquent, dans leur flamboyance, de toute saisonnalité, je dois encore attendre. Attendre attendre, la barbe avec attendre !
(Si ce que je viens d’écrire te parle de la barbe avec la guerre, c’est que tu as déjà vu Autant en emporte le vent un certain nombre de fois. Peut-être même étais-tu, dans ton jeune temps, amoureuse de Rhett Butler et tu n’as jamais compris ce que pouvait trouver Scarlett à un homme comme Ashley Wilkes. Autant en emporte le vent est dans mon top ten aussi. Autant en emporte le vent est la honte de mon top ten.)

 

Autant en emporte le vent, de Victor Fleming, 1939.
Scène de la première rencontre entre Scarlett O’Hara et Rhett Butler. Je suis désolée de vous infliger ce doublage grossier, mais il se trouve que j’ai découvert le film en français avec ma grand-mère, et qu’ensuite je l’ai revu des centaines dizaines de fois, toujours en français et toujours avec ma grand-mère, à une époque où j’étais très jeune et pas encore l’intégriste de la VOST que je suis vite devenue…

* Tadaaam… notre semaine de pâtes ! *

 

Rappel 1. Les enfants avaient interdit lasagnes, gratins, salades de pâtes, ravioles et tortellini au bouillon. Le deal c’était vraiment : des pâtes juste des pâtes.

Rappel 2. Chez nous les pâtes c’est le soir = la lumière est pourrie = les photos sont moches. Moches comme moches pour de vrai, pas comme la meuf qui te dit : « Oh fais pas attention au bordel, j’ai pas eu le temps de faire le ménage ! ». Et en fait tout est hyper propre et neat chez elle, bien plus que chez toi après que tu as dû te transformer en dragon et hurler sur tes garçons pour qu’ils dégagent leurs Legos et leurs bouts de cartons de ton salon…

 

Samedi : trofie al pesto (Ligurie)

 

Trofie al pesto (Ligurie). J’adore ce vin ! Il vient d’Espagne. Si on avait poussé plus loin notre projet, on aurait choisi un vin de chaque région d’Italie pour accompagner les pâtes. Mais une bouteille à deux tous les soirs, ça commence à faire beaucoup…

 

Avec ces trofie al pesto, je sais, vous allez me dire : et comment je fais moi pour trouver du basilic en mars ? Je classe la recette pour dans des mois avec celle des pasta alla Norma ?
Ben ouais bandes de cigales, mais que faisiez-vous au temps chaud ? À quoi vous sert votre congélo ?
(Nan j’déconne ! Je déteste qu’on dise « congélo ». Là déjà je me fais violence à l’écrire pour m’obliger à travailler le sujet. Je me taquine. Mais ça me pique. C’est là mon moindre défaut.)

Mais alors ? Tout l’été vous dispersiez votre bouquet de basilic frais sur vos salades de tomates ?
Pas une seconde vous n’avez pensé à en réserver la moitié que vous auriez pris soin de piler avec de l’ail, une petite pincée de gros sel et de l’huile d’olive pour mettre au congélateur congélo ?
De belles portions de pesto maison pour subsister jusqu’à la saison nouvelle, dont certaines, pourquoi pas, avec des pistaches torréfiées et finement concassées dedans pour souffler un vent chaud de Sicile quand la bise sera venue ? Non ? Vous n’avez pas fait ça ?

Ne vous déplaise, je ne peux plus rien pour vous : ce que vous voyez sur cette photo est mon dernier pesto du congélateur congélo… Il ne vous reste plus qu’à danser maintenant !
(Mais la Petite Souris, qui est décidément, toute fourmi qu’elle est, pleine d’empathie à l’égard des cigales chanteuses, me fait vous dire que vous pouvez acheter chez Marlène le pesto à l’ail des ours de la marque Bio-Verde. Il est très bon. Garance aime aussi le pesto alla genovese de la marque Bio Naturae, mais surtout pas celui de Barilla, ni le Sacla bio.)

Dimanche : fusilli al pangrattato (Sicile)

 

Fusilli al pangrattato (Sicile). Dans la cuisine, les photos sont encore plus moches…

 

Pangrattato signifie pain grillé ou râpé gratté. On dit aussi : pasta con la mollica (des pâtes à la chapelure). On peut s’étonner de l’idée du pain dans les pâtes – ça dépend si l’on fait partie de ces êtres rares et sensibles qui savent apprécier les sandwiches aux chips. En fait, le pain associé à l’huile et au sel des anchois donne l’illusion du fromage, qui était trop cher à l’origine pour de nombreux foyers. Les pâtes al pangrattato ou con la mollica sont en effet un vrai plat de prolo (un peu d’huile et de piment, de l’ail, quelques anchois et du pain rassis torréfié) qui faisait partie du quotidien de beaucoup de familles du sud de l’Italie. Pas que en Sicile, en Calabre et dans les Pouilles aussi.

Moi avant j’ajoutais de l’origan séché. Mais ça c’était AVANT. Avant que je vive une expérience totalement flippante il y a quelques années à partir d’une seule goutte d’huile essentielle d’origan compact. Depuis c’est comme avec la white widow, je sais qu’il existe dans la nature des plantes puissantes qui te font sortir de ton corps… Watch out. Ça fait que maintenant je ne mets même plus d’origan sur les pizzas. Allez, un peu si je fais une focaccia. Mais vraiment un tout petit peu hein. Attenzione.

Lundi : orecchiette alle cime di rapa, aussi dites « alla barese » (de Bari, dans les Pouilles)

 

Orecchiette alle cime di rapa (Pouilles). Photo super moche pour des pâtes super bonnes – ou comment, sur la base d’une mauvaise image, ne pas vous donner envie de cuisiner et que vous passiez complètement à côté de la félicité…

 

On garde le triple combo ail-piment-anchois de la recette précédente, mais on remplace le pain par des légumes verts. Ou rien si on est trop dépouillé(e) – et c’est bon quand même, c’est ça la magie des pâtes (juste des pâtes) !
Cela dit, si vous trouvez du cime di rapa comme ici sur la photo, c’est plusse que bon : c’est top. Sinon je l’ai déjà faite avec des brocolis et ça marche aussi (mais c’est moins top  😉 ).

 

Note sur le type de pâtes

Les orecchiette sont les pâtes les plus typiques des Pouilles. Elles doivent leur nom à leur forme d’oreille – quoique je trouve qu’elles ressemblent davantage à des petits chapeaux. Les enfants aiment bien parce que c’est rigolo, chapi chapo patapo, mais moi ça m’énerve qu’elles s’emboîtent les unes dans les autres à la cuisson, après c’est mission pour les séparer. Ça fait un amas de pâtes agglutinées et moi je mange les pâtes (et le reste) lentement et j’aime pas que ma bouche soit remplie avec une trop grosse cuillère de nourriture. Pas comme le Marcass’ ce gros porcass’, un jour je vais lui taper très fort dans le dos pour le faire tout recracher et l’obliger à manger comme un être humain.
C’est pour vous prévenir quoi. Mais si vous êtes du genre à entortiller vos spaghetti dix tours sur votre fourchette jusqu’à avoir une pelote énorme que vous engouffrez en une fois, alors il est probable que vous aimiez l’ambiance orecchiette.
Vis ma vie de sanglier.

Mardi : spaghetti al ragù bianco (Lombardie)

 

Spaghetti al ragù bianco (Lombardie). On voit les petits morceaux de céleri branche et quelques points de noix de muscade râpée, deux ingrédients traditionnels dans la préparation des ragùs en Italie. Et parmesan grossièrement râpé au dernier moment.

 

J’avais plein de délicieuses recettes qui se bousculaient pour la Lombardie. Mauro, le collègue italien de Mickaël, dit que c’est impossible de mal manger à Milan (et le mec est Romain, sa parole a donc d’autant plus de poids qu’on ne peut l’accuser de chauvinisme régional !)

À Milan tout est bon, tout le temps, partout. En plus les femmes sont belles, les hommes sont classe, le climat est agréable, le vin à la fois doux et puissant, et les sonorités de la langue s’enroulent comme une mélodie sexy au creux de mon orecchiette. Je vous le dis en toute transparence, au cas où vous hésitiez entre la Bavière et la Lombardie pour votre prochaine vie. Munich versus Milan. Mais bon, peut-être que vous, vous préférez la saucisse au risotto ? Ça se peut. Je ne sais pas comment, mais sûrement, dans le monde, ça se peut.
Moi c’est parce que j’aime pas la bière alors c’est pour ça. J’hésite pas.

Quant à la recette de pâtes que j’ai finalement choisie pour la Lombardie, al ragù bianco, c’est une recette traditionnelle ancienne qui remonte au temps d’avant la sauce tomate. Elle fait partie de la cuisine « blanche », surtout au centre et au nord de l’Italie, et contient de la crème fraîche, du beurre, du lait frais et du fromage (mais pas de tomate donc).
Pour la viande – car c’est bien de ragù que l’on cause ici – je mets un mélange de bœuf et porc hachés, ou un mélange de bœuf et veau hachés. Mais c’est parce que je n’aime pas la viande donc je suis TRÈS difficile, et je trouve que le bœuf haché tout seul est trop sec. Avec mon mélange c’est meilleur. Essaye, tu me diras. Évidemment ça implique que tu planifies tes repas et que tu penses à appeler ton boucher la veille ou quelques jours avant pour qu’il te prépare ton paquet le jour J, sinon quand il ouvre sa boutique il ne peut plus mettre que du bœuf dans son hachoir, rapport aux normes d’hygiène je sais pas quoi. Il faut démonter et nettoyer la machine entièrement entre deux viandes donc il ne peut pas le faire en journée quand il y a du monde. Bref, c’est relou mais finalement moins pour toi que pour lui. Toi ça te prend juste le temps d’un coup de téléphone pour passer ta commande, et si tu te débrouilles bien – et que ton boucher te kiffe – tu fais même pas la queue quand tu passes récupérer ton paquet. Tu payes et salut.
Bon, moi je fais la queue.

Mercredi : farfalle al ragù alla bolognese (Émilie-Romagne)

 

Farfalle al ragù alla bolognese (Émilie-Romagne). Tu bois un bon Montepulciano en même temps que tu savoures tes pâtes alla bolognese. Après tout la Toscane c’est juste à côté, la vie est belle, tu t’en fous que ta photo soit moche !

 

Ragù ici aussi donc, mais sans crème, avec du coulis de tomate, et on obtient la célèbre sauce bolognese (originaire de Bologne, en Émilie-Romagne). Traditionnellement, la sauce bolognese est utilisée pour les lasagnes mais elle s’adapte très bien tant aux pâtes longues, style fettuccine ou pappardelle, qu’aux pâtes courtes type farfalle ou rigatoni. Du moment que tu mets du céleri branche, de la carotte, du vin, et toujours du lait pour adoucir l’acidulé de la tomate et la saveur forte de la viande, ça va. Personnellement j’utilise le même mélange bœuf / porc ou bœuf / veau, et ton boucher peut même te faire porc / veau – si t’as lâché l’affaire parce que de toute façon il te kiffe pas et que tu fais la queue.

La bolognese est une sauce généreuse qui chipote pas (elle au moins).

Ok les gens. Je ne peux pas continuer ainsi. Il faut que je sois honnête, que je vous avoue un truc. Je vous ai parlé de mon problème avec « congélo », oui ? Ben multipliez-le d’abord par 10, puis par 500 000.
Je pète un câble quand j’entends « bolo ».
Les gens qui disent « bolo » pour bolognese.
Je peux même pas vous expliquer ce que ça me fait, ce mot « bolo », comment ça m’éloigne. C’est tellement irrationnel, ça doit dater d’une autre vie… Et j’ai parfaitement conscience qu’en l’écrivant ici, je m’assure de recevoir au moins deux textos coup sur coup sur le mode :

– Eh tu viens manger des pâtes à la maison ? On a sorti une bolo du congélo !

Monsieur Tro, puis mon pote Arnaud (celui qui fait les pâtes à la Nono), c’est sûr. Ou l’inverse. Quel que soit l’ordre, je ne leur donne pas une minute après qu’ils auront lu cet article. Peut-être même qu’ils balanceront leur texto-bolo direct après ce paragraphe, avant même d’être allés au bout. Tous ces gens qui aiment t’emmerder parce qu’ils t’aiment tout court, dit ma copine Adeline. Et comme elle a souvent raison, et que là c’est plutôt cool de la croire, ben je la crois. En plus elle dit pas « pomélo ». (Mais elle dit « congélo ». Et aussi, avec tant de style : mon cul la balayette !  🙂 ).

Jeudi : linguine alla carbonara tradizionale (Latium)

 

Linguine alla carbonara tradizionale (Latium). Avec pancetta (à défaut de guanciale) et œufs frais entiers.

 

Ai-je vraiment besoin de vous dire que « carbo » = « bolo » dans le sombre magma des mots qui m’arrachent l’oreille ?
Mais il y a autre chose avec la carbonara. Plus précisément, avec les gens qui parlent de carbonara lorsqu’ils agrémentent de crème fraîche leurs spaghetti.
Notez que je n’ai pas de problème (ou plus) avec le fait de mettre de la crème dans les pâtes. J’adôôôre la crème. Mais juste : C’EST PAS des pâtes alla carbonara. Donc on ne dit pas « carbo » et on ne dit pas « alla carbonara » non plus. On dit : « j’ai fait des pâtes à la crème ». Ou bien on dit : « j’ai fait une carbonara à la française ». Essayez, vous verrez. Ça va bien se passer.

D’ailleurs la semaine dernière, on a fait des fettucine à la carbonara à la française justement. Pour voir ce que les enfants préfèrent (et vous montrer que je ne suis pas sectaire).
Les garçons voulaient des spaghetti, la Petite Souris des capellini, Papa Écureuil préfère les pâtes courtes de toute façon et il n’en démord pas que TOUT est meilleur avec des pâtes courtes, MÊME les sauces pour lesquelles tu lui expliques pour la onzième fois qu’elles ont traditionnellement été créées pour des pâtes longues.
Et moi je voulais des linguine parce que déjà qu’à la française on met des jaunes d’œuf et de la crème à la place des œufs entiers, déjà qu’on met un oignon et des allumettes de lardons fumés à la place du guanciale et du pecorino romano, si en plus on ne respecte même pas la forme et l’esprit des pâtes, franchement que reste-t-il ?
Que dirait Walter Sobchak ?

Has the whole world gone crazy ? Am I the only one here who gives a shit about the rules ?

Et en plus les linguine c’est super spécial. Demande à Andrei.

 

Fettucine à la carbonara à la française. Avec jaunes d’œufs, crème fraîche et allumettes de lardons fumés.

 

Ça s’est fini avec des fettucine donc. Tu peux l’appeler « compromis » si tu considères que le compromis consiste à choisir une solution qui ne convient réellement à personne.
La vérité c’est qu’après toutes les recettes qu’on a faites avant, pendant et après la pasta week, il ne nous reste plus en pâtes longues que 100 g de linguine par ci, 100 g de capellini par là, et à peine 50 g de spaghetti au fond à droite. Je crois que je vais finir par tout mélanger dans une soupe de prolo de pois chiches à la romaine (par ici, l’histoire de la pasta mista !), avec le sentiment réconfortant du devoir de maîtresse de maison accompli.

Mais donc le résultat avec ces fettucine, je ne sais pas si c’est à cause du temps pourri qu’il avait fait la journée, ou du compromis qui s’approchait avec tant de désinvolture de la compromission, c’est que c’était super écœurant. Super écœurant comme : aucun enfant n’a voulu terminer son assiette, et aucun parent n’a eu l’estomac assez solide pour prendre en charge les assiettes des enfants en plus de la sienne. Alors que normalement, la carbonara quoique à la française, c’est bon quand même. Mais pas là. Je ne sais pas si c’est de passer de deux à cinq couverts, si ça a multiplié trop fort les proportions, trop de crème, trop de gras, trop de sel, trop de tout.

J’ai besoin d’une pause pour y réfléchir. Boire des litres de tisane détox au fenouil, manger du radis noir musclé, puis je retravaillerai la recette. Je vous dirai. (Ou proposez-moi la recette de carbonara à la française qui vous satisfait, ça m’intéresse.)

Vendredi : penne alla puttanesca comme à Naples (Campanie)

 

Penne alla puttanesca (Campanie). Pour sublimer ces penne qui sont déjà molto bene, je vous conseille un Brunello di Montalcino. C’est le vin que boit mon ange-gardien après une semaine passée avec moi…

 

Sauce tomate à base de coulis en bouteille (je rappelle que nous sommes en février), ail, câpres, anchois, olives noires, piment. De ouf. La meilleure recette de la semaine !
Heureusement parce que moi les pâtes, je commençais à saturer. C’est pas comme en Italie quand tu as le soleil qui va avec, le Tibre, l’espresso, les glaces aux noisettes du Piémont, Éros Ramazzotti et la dolce vita…

La puttanesca, comme son nom l’indique, n’est pas une sauce pour les enfants. C’est comme ça dans la vie, il y a des plaisirs pour lesquels il faut attendre de grandir. Alors le dernier soir de cette folle semaine 100% gluten, les babi ont mangé les gnocchi industriels dégueu qu’ils adorent avec une sauce au pesto du commerce (celle à l’ail des ours de chez Marlou que la Petite Souris vous recommande, j’espère que vous suivez).
Heureusement parce que moi, encore plus que les pâtes, je commençais à saturer j’étais complètement saturée de manger avec les enfants TOUS LES SOIRS. J’avais envie de crier qu’on me sorte de là, comme au bout de trois minutes de concert de Vincent Delerm. Enfin j’imagine. Je veux pas essayer. N’insistez pas, j’ai déjà refusé plusieurs fois.

Ce soir-là, Mickaël et moi on a dîné beaucoup plus tard comme à Naples, nos penne alla puttanesca sur la table basse du salon avec le Brunello di Montalcino qui te fait voir la vie en mieux, devant le premier épisode de la dernière saison de The Americans qui venait d’arriver sur Amazon Prime. J’étais tellement contente de retrouver Philip, ça faisait si longtemps que j’attendais !
(Elizabeth aussi, bien sûr, mais vraiment j’aimais beaucoup Philip…)

 

Penne all’arrabbiata comme à Rome (Latium). Autre soir, autres penne fortement pimentées à deux dans le salon devant déjà le dernier épisode de la dernière saison de The Americans… ciao Philip !

Et après ?

 

Ben après rien, je ne vais pas vous faire croire qu’une semaine de pâtes en banlieue confinée remplace des vacances de février en Italie !
Le jaune des pâtes n’est qu’un pâle rayon mais il est bon néanmoins de sentir que tu peux jouer sur son orientation. Choisir la couleur de tes murs et celles qui réjouissent ton cœur, même si on dirait qu’elles ne vont pas ensemble, même si tout le monde ne les voit pas.

Vous trouverez presque toutes ces recettes de pâtes*  sur le blog de Edda qui est ma référence ultime pour la cuisine italienne : Un déjeuner de soleil.

Je précise qu’Edda n’est pas une copine à moi. Je ne la connais pas personnellement mais j’aime la simplicité et la générosité avec lesquelles elle partage ce qu’elle fait. J’aime le temps qu’elle prend pour expliquer, raconter d’où viennent les ingrédients, quelle est leur histoire, comment ils se mêlent et entrent dans la vie des gens.
Ses recettes sont authentiques, fiables, détaillées… tout ce que j’aime (et certaines sont en bilingue, pour ceux et celles d’entre vous qui maîtrisent l’italien  😉 ).

 

Les gnocchi de mémé Marie (Piémont).
Recette de famille tenue secrète que je laisse Mickaël faire tout seul alors que c’est hyper long il aime bien, comme ça il a le temps d’écouter un podcast d’histoire.

Confection des gnok, comme on dit chez nous.

 

Sauce tomate en quantité (avec un cochon entier dedans).

 

Évidemment vous ne trouverez pas sur le blog de Edda les gnocchi de mémé Marie, dont la recette est tenue aussi secrète chez nous que celle des pastéis de nata à Bélem. (Apprends toutefois qu’avec mon âme de guerrière, j’ai quand même essayé de la cracker, la recette des pastéis, et que j’ai obtenu un résultat tout à fait satisfaisant, acclamé par un public pourtant extrêmement exigeant chez moi ET validé par la plus belle des morues portugaises. J’étais trop fière !)

Donc si vous mourez d’envie de goûter ces gnocchi artisanaux qui portent l’histoire familiale comme le soleil des Scorta, il vous faudra trouver un moyen de vous faire inviter à dîner chez moi. (Me rapporter de la nduja de Calabre me paraît une idée TRÈS judicieuse).
Sinon vous pouvez toujours tenter les gnocchi de Donna Muratore sur le blog de Guillaume Long que j’adore (salut Guillaume !  🙂 ).

* sauf les orecchiette alla barese, dont j’ai emprunté la recette à Guillaume (le même).

 

Un dessin de Guillaume d’il y a longtemps (je dirais au moins dix ans !).

 

 

Et parce que jouer c’est la vie, voici en avant-première pour vous la question de Lulu au jeu des mille euros…

 

Comment appelle-t-on l’élevage des palourdes pour faire les spaghetti alle vongole ?

 

Réponse en charade :

Mon premier est comme maman quand elle est énervée mais en verlan.
Mon second est la céréale qu’on mangeait tout le temps quand on était en voyage (= la plus consommée en Asie).
Mon troisième est un mot familier synonyme de fesses, en prononçant toutes les lettres du mot même la lettre muette.
Mon quatrième est un pronom personnel.
Mon cinquième est une syllabe qu’on place devant les verbes pour signifier qu’on fait encore la même chose.
Mon tout est la réponse à ma question au jeu des mille euros !

 

Vous pouvez donner votre réponse dans les commentaires.
Merci de Lucien.

 

Tu sais que tu es à Naples où tu t’apprêtes à manger les meilleurs spaghetti alle vongole de ta vie quand, au détour d’une rue… (Naples, avril 2015)

 

*****

 

Et chez vous, on les mange comment les pâtes ?
Adeline, est-ce que tu dis « bolo » ?…

 

 

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