Kande a Sri Lanka

Photo : Un des meilleurs rice & curry qu’on ait mangés, au bord d’une route, je ne sais même plus laquelle. Pour nous, on commandait toujours « medium spicy » : c’est plus pimenté que ne le supporterait la plupart des Français mais moins que le niveau moyen des Sri-Lankais…

Dans le sens des aiguilles d’une montre, en partant de tout en haut :
1- Papadam (c’est l’espèce de chips à cratères)
2- Mélange de tomates, légume sri lankais inconnu et petits dés d’ananas dans une sauce au gingembre
3- Aubergines frites à l’ail
4- Mélange de légumes (chou, carottes, oignons, haricots, champignons) dans une sauce au curry bien pimentée
5- Coconut sambol
6- Dhal de lentilles corail (très relevé)
7-  Pommes de terre aux oignons, ail et piment (rouge épépiné ET la lanière de vert entière qu’on voit sur la photo)
8-  Épinards frais sautés à l’ail
Et au centre de tout, de l’assiette comme de la vie, indispensable, le riz blanc !

∼∼∼∼∼

En cinghalais, manger se dit « kande » (on prononce « ca’meu »).
Ça s’écrit : කන්න.
On dirait que c’est trois fois le même signe mais non. Il faut mieux regarder…  😉

 
Ce que manger veut dire

Au Sri Lanka, on mange beaucoup.

En tout cas moi, je trouve qu’on mange beaucoup – et pourtant j’ai un solide appétit. Au restaurant il faut partager les portions : compter un plat pour deux adultes la plupart du temps, et deux plats pour trois babi (avec un peu de reste pour les adultes). Et pourtant, là encore, on a des babi qui font pas semblant de manger.

 

Au Sri Lanka, on mange avec la main droite.

Alors peut-être vous vous demandez : ok, mais qu’est-ce qu’on fait si on est gaucher ?
Sachant que, ici comme partout en Afrique, la main droite est celle traditionnellement dédiée à la nourriture parce que considérée comme pure, à l’inverse de la gauche avec laquelle on est censés s’essuyer ou se laver les fesses.
Maintenant, comme l’a fait remarquer le Grand Lièvre avec un grand discernement : « Oui mais moi je suis gaucher, et j’essuie mon caca avec ma main droite, donc quand même je peux manger avec ma main gauche ? »

Oui mais non. Ça ne se fait pas. C’est la droite sinon c’est malpoli, sinon c’est sale.

Bon. Moi personnellement je suis droitière et je fais tout avec la main droite. Tout tout tout. Le pur et le moins pur.
Et quand, par accident je m’en rends compte, je trouve que la vie est dure, quand même, pour les gauchers…

 

Au Sri Lanka, on mange sans serviette.

Parfois tu trouves vaguement sur la table une sorte de mini serviette en papier. Tellement fine qu’elle se troue au premier coup d’essuyage de bouche du Grand Lièvre. Alors, discrètement, tu en redemandes (et reredemandes).

Et l’autre truc un peu chelou pour nous, c’est que la table est toujours dressée avec les assiettes retournées et les verres à l’envers. Je suppose que c’est pour éviter les mouches… (en même temps, comme les assiettes sont propres et qu’il n’y a rien dedans, je ne vois pas ce qui attirerait les mouches mais enfin voilà c’est comme ça).

 

Au Sri Lanka, on mange très épicé.

Même quand tu prends soin de demander avant et que le serveur te répond : « No no no ! No spicy ! », eh ben quand même ça l’est pour certains délicats palais…

Disons qu’ici, « no spicy » veut dire : no chilli… but very full of pepper !

Quand c’est vraiment trop épicé, par exemple quand le Marcass’ devient tout rouge et se met à nasiller très fort dans le resto, ils t’apportent une coupelle de curd (lire plus loin, côté sucré), du yaourt de bufflonne arrosé de sirop de palme, et des espèces de bonbons de sucre rouges et mous qu’on dirait frits. Au goût de beignet ultra sucré. Et ça éteint le feu des épices. (Après il faut un peu plus de temps pour que cesse le nasillement, mais c’est un autre problème.)

 
Manger pour de vrai

Le plat national est le rice & curry. Bien (bien) relevé.

Le rice & curry consiste en un grand plat de riz blanc (ou, parfois, de ce qu’ils appellent ici du « red rice » et qui n’est pas du tout comme le riz rouge de chez nous, mais s’apparente plutôt à du riz semi-complet), accompagné de plusieurs petits bols (six, le plus souvent) contenant des préparations diverses quasiment toutes pimentées.

 

Préparation de notre rice & curry dans la cuisine d’une guest-house familiale qu’on a adorée au milieu de la jungle, près de Sigiriya. Là ce sont des aubergines frites que la cuisinière secoue dans sa gamelle d’huile bouillante. C’est hyper gras mais c’est hyper bon aussi… 🙂

 

Tous les rice & curry sont différents. Il y en a des super bons et des super médiocres, mais on retrouve presque toujours :

du dhal de lentilles corail (avec parfois des pois chiches)
À la maison, les babi adorent le mien, que je prépare avec des épinards ou un autre légume vert parce que les légumes c’est quand même la base de ma cuisine. Mais ici le dhal est vraiment trop épicé pour les babi. Papa Écureuil et moi on aime mais je reconnais que c’est hot

→ du coconut sambol
C’est de la noix de coco fraîche hachée très finement avec de l’ail, des oignons (je crois), des petites feuilles de curry, beaucoup de poivre et de piment rouge. Ça arrache méchamment, on adore !

→ des papadam
Ce sont des sortes de chips gonflées d’air, frites et très craquantes.
Ce n’est pas épicé (sauf hier soir), donc les babi les mangent.  🙂

 

À gauche le coconut sambol, servi dans une demi coquille de noix de coco (on n’a vu ça qu’une seule fois). Au centre le dhal. À droite les papadam, exceptionnellement grandes. En arrière-plan le riz blanc.

 

Les autres bols contiennent chacun un légume préparé différemment mais toujours à la sri lankaise, donc avec beaucoup d’ail, beaucoup beaucoup de poivre, souvent du lait de coco, tout le temps des feuilles de curry, et c’est vraiment bon (quand on aime épicé et pimenté hein, vous suivez quand même ?).

Les légumes peuvent être des gombos (en anglais, on dit okras ou lady’s fingers pour les plus longs), des haricots verts, du chou, du manioc, des fleurs de bananier, des aubergines, des champignons, du potiron…

 

 
À gauche, des épinards frais sautés à l’ail. Au centre, des pommes de terre aux oignons, ail et piment. À droite, un mélange de légumes (chou, carottes, oignons, haricots, champignons) dans une sauce au curry bien pimentée. Et en arrière-plan, toujours le riz blanc !

 

Les épices qu’on retrouve le plus souvent dans les accompagnements de rice & curry sont la cardamome (nous on mâche carrément les gousses !), les clous de girofle, les bâtons de cannelle (d’habitude on n’aime pas mais là elle est fraîche, c’est subtil et c’est bon).
Et LE POIVRE, partout, toujours.

À la place d’une partie des légumes, on peut commander du poisson ou de la viande mais nous on prend tout le temps un rice & curry végétarien. Le poisson c’est presque toujours du thon, et même quand il baigne dans la sauce crémeuse et pimentée au lait de coco, il reste super sec. D’ailleurs le poulet est super sec aussi ici. Peut-être que surcuire est une question d’hygiène alimentaire ?
Whatever. C’est toujours meilleur végé.

Ça va faire trois semaines qu’on mange du veg rice & curry tous les jours, deux fois par jour, et Mickaël dit qu’il ne s’en lasse pas !

Moi je n’aime pas manger deux fois la même chose alors forcément là…

Les crudités surtout me manquent.
Parfois il y en a un petit bol en accompagnement. Ce sont toujours des carottes et du chou blanc en très fins bâtonnets ramollis (après repos dans du sel j’imagine, c’est en tout cas ce que je fais moi pour détendre les légumes quand je prépare du coleslaw ou du chou à la japonaise).
Les crudités sont servies avec une sauce un peu vinaigrée et légèrement sucrée. Enfin, quand j’ai vraiment de la chance, parce qu’il arrive aussi que l’assaisonnement soit carrément sucré, et là j’aime pas du tout. 🙁 

 
Mais sinon, à part le rice & curry ??

Le fried rice

Comme son nom l’indique, c’est du riz frit dans l’huile, sauté avec des œufs ou de la viande (poulet, bœuf ou porc) et des légumes. Enfin, les légumes, un tout petit peu, c’est très souvent les mêmes très fins bâtonnets de chou et de carottes dont je viens de parler pour les crudités, avec en plus des tiges d’oignons nouveaux.
C’est bon, ou pas bon du tout, selon la personne qui l’a cuisiné (comme pour tout, hein, je ne vous apprends rien !).

 

Un plat de fried rice pour un Marcass’. En arrière-plan, on voit le red rice de notre rice & curry.

 

Il y a aussi les fried noodles, qui sont exactement la même chose que le fried rice, sauf que c’est avec des pâtes type vermicelles à la place du riz. C’est très gras, et c’est à peu près tout ce qu’on sent comme saveur, voilà c’est jamais bon.

 

Le kottu roti

C’est un plat étonnant, très nourrissant… et très bruyant à préparer ! Avec deux grands hachoirs, un dans chaque main, le cuisinier coupe menu menu un mélange de roti (c’est le petit pain local, une sorte de pancake épais et à peine levé), légumes, œufs, épices bien sûr, et éventuellement viande (poulet ou bœuf).

IL N’Y A PAS DE RIZ DANS CE PLAT, C’EST OUF !

Et, en même temps qu’il coupe le tout au hachoir sur une plaque noire rectangulaire dans un bruit assourdissant qui t’empêche de continuer à discuter, le cuisinier fait cuire le mélange sur cette même plaque bien huilée et brûlante sans que rien n’attache. C’est assez magique… et c’est très bon !

 
Côté sucré

Le repas sri lankais traditionnel ne comporte pas de dessert.

Sauf une spécialité, qu’on peut trouver dans certains hôtels et restaurants. Parfois. Quand il y a un buffet…
C’est le curd : du yaourt nature de lait de bufflonne, qu’on nappe de kitul (sève de tige de fleurs de palmier, assez proche du sirop d’agave en terme de goût, mais en plus épais comme du miel). J’ai bien aimé.

 

Le curd est onctueux, avec une pointe d’acidité (peut-être qu’ils font légèrement cailler le lait de bufflonne avant fabrication du curd ? Je ne sais pas).

 

Le watalappan

Beaucoup plus rare que le curd, le wattalapan est une sorte de crème dessert à la consistance de flan léger et soyeux, préparée à base de lait de coco, sucrée au jaggery, et qui peut, selon le cuisinier, être aromatisée de vanille, clou de girofle, cardamome ou/et muscade.
Dit comme ça, je sais que ça donne envie, moi aussi je pensais que j’allais aimer, mais en fait c’est sucré à mort. Et ça tue tout. Dommage…

 

Le seul watalappan qu’on ait goûté. On ne voit pas bien, il faisait nuit… Je pourrais le refaire moi-même en beaucoup moins sucré mais alors ce serait un de mes petits flans maison et plus du tout un watalappan sri lankais…

 

Note sur le jaggery
C’est un sucre non raffiné à base de sirop de tige de fleurs de palmier comme le kitul, mais il est chauffé puis se solidifie en refroidissant.
Ce que j’ai goûté au Sri Lanka, ce sont des morceaux de « pains » solides de jaggery. Entiers ils font la taille d’une main, qu’on recoupe en petits cubes au hachoir et qu’on mange comme une gourmandise qui fond sous la dent. Je trouve que le goût est assez proche du rapadura de la maison.

 

Petits cubes de jaggery. Le jaggery est très utilisé en Inde, au Pakistan et au Sri Lanka, dans les desserts et même dans les plats salés.

 

Le love cake

Alors là gros mystère…
Il paraît que c’est LE gâteau traditionnel sri lankais, dont les origines remonteraient à super loin, genre au XVe siècle (ouais, quand même), à base de semoule et de noix de cajou.
Mais nous, tout ce qu’on a vu comme gâteau, c’est cette espèce de chose arc-en-ciel aux colorants artificiels.

 

Le ribbon cake : gâteau type que j’appelle personnellement « de la kermesse de l’école ». Basique, spongieux, avec du clinquant pour attirer les enfants. J’ai goûté quand même, je peux vous assurer que le vert qu’on voit c’est pas du thé matcha…

 

Sinon, dans la rue, on peut acheter des fruits. Le truc le plus répandu, ce sont des régimes de mini bananes. Au Sri Lanka, il existe 18 sortes de bananes au goût et à la texture différents !
Et puis noix de coco, ananas, papaye, mangue, pastèque, mangoustan…

 
Et enfin… boire !

En cinghalais boire se dit « bone » (on prononce « beau’neu ») : බීම

Au Sri Lanka, il fait chaud, très chaud, alors la journée on boit de l’eau, rien que de l’eau.
Mais le soir, papa Écureuil apprécie sa Lion Lager, la bière locale.

 

L’originalité de la Lion, c’est qu’elle est servie en bouteille en verre de 65 cl. Autant dire que pour un homme habitué aux petites 33 cl, ça décape un peu…

 

Moi j’aime pas la bière. Aucune bière. Même à Munich, en Belgique, en Irlande, nulle part.

J’aime que l’alcool soit puissant tout de suite.
Je teste donc dès le deuxième soir de notre arrivée, à l’occasion d’une cigarette partagée avec notre guide à la nuit tombée, l’alcool local : le coconut oldarrack. 33%. Dans son verre à lui, à l’arrache.

L’arrack est un alcool local élaboré à partir de la sève de fleur de coco (oui oui, comme le kitul en fait !).

Les Sri-Lankais le boivent pur ou mélangé à de l’eau gazeuse ou à du soda. Moi je suis une puriste, alors je bois pur. Et à température ambiante, même pas on the rocks.
Le goût est, comment dire ? Pas bon. Une sorte de whisky insipide et bon marché. Déjà que j’aime pas le whisky. Du coup le jour, la nuit, je bois de l’eau (et je mange du riz).

 

Parfois aussi, quand on arrive dans une nouvelle guest-house, on nous offre un cocktail de bienvenue. Sans alcool. Du Banga d’origine, ultra sucré et coupé à l’eau, tu savais même pas que ça existait encore (on le boit pas, la politesse doit avoir ses limites), du thé noir hyper fort qui donne envie de vomir, ou, beaucoup mieux : de l’eau de coco ou du woodapple juice. C’est rafraîchissant.

 

Un verre de woodapple juice, avec la woodapple en question à côté. C’est un fruit à peu près rond et granuleux qui ressemble à une pierre, dont la coque est dure comme un pierre, mais à l’intérieur c’est tendre, tu peux le prendre à la cuillère. 

 

En vrai, le woodapple est un fruit de couleur blanc crayeux un peu beige, pas du tout rosé comme sur ma photo où il a pris la couleur du jus. Je pense qu’ils avaient ajouté du jaggery (lire plus haut) pour en adoucir le goût. C’est probablement ce qui donne cette légère coloration à la boisson. 

C’était bon mais les babi n’ont pas aimé. Ils n’aiment rien boire. À part la bière de papa Écureuil – hum – et un mango lassi, lorsque l’on consent à leur offrir quelque chose (c’est-à-dire pas souvent…).

Le lassi est une spécialité indienne à base de lait fermenté. Il peut se boire nature (goût légèrement salé), sucré, ou mixé avec des fruits (souvent mangue ou banane). C’est très bon, mais c’est tellement consistant que je trouve que c’est plutôt un dessert qu’une boisson.

 

Et pour terminer ce billet, un mot sur le café quand même. Je sais bien qu’on est à ex-Ceylan mais moi je reste moi, donc le tea, tout ceylan qu’il soit, non merci. La théine fait fuir le fer en plus. Et je tiens à mon fer, j’en ai déjà pas assez !

Donc le café. Les Sri-Lankais ne boivent pas de café. Ils boivent du thé, ok, et c’est rare qu’on soit thé ET café, non ?
Tout ça pour dire que le café est infect partout. Tout ce qu’on trouve c’est des grains de Nescafé instantané en petits sticks individuels. M’en fous, j’en prends deux dans ma tasse du matin. Deux tasses, quatre sachets en tout. Des fois même trois tasses, six sachets. C’est dégueu mais il y a des jours plus difficiles que d’autres, en voyage aussi, et tous les chemins ne mènent pas à Rome. Such a pity…

 

*****

 

Voilà, j’arrive enfin au bout, et j’espère que cet article vous aura mis les papilles en émoi, au moins pour celles et ceux d’entre vous qui cuisinent et avec qui je cause cuisine, parce que je me suis donné bien du mal !

À l’écrire d’abord, à le documenter sérieusement, puis à obtenir des photos correctes de mon nouvel appareil, et enfin à le publier. Il était extrêmement long et j’ai eu moult problèmes de (dé)connexion…
??♠xx%^!!!$$♠??

J’ai fini par le couper en quatre comme un cheveu et je vous le livre tel qu’il est, imparfait, incomplet. Vous pourrez en lire plus tard les morceaux épars :
– un article sur ce que mangent vraiment les babi (les nôtres) au Sri Lanka ;
– un autre sur le petit-déjeuner au Sri Lanka ;
– et, si ça vous intéresse toujours, je serais cap’ de vous en écrire encore un dernier sur la street food au Sri Lanka