Keep calm and swim naked

Photo : Sur la grande plage de Vathi quand le soleil se retire (Sifnos, août 2020).

 

Aujourd’hui c’est la rentrée. La vraie de vraie je parle, celle des enfants à l’école.
Et dire qu’on a failli ne pas y être… Oui parce que, figurez-vous qu’on a ENCORE raté l’avion en rentrant de Grèce, exactement comme il y a quatre ans !!!

Nos amis, notre famille, personne n’y croyait. Rater l’avion une fois déjà, c’est énorme (surtout quand t’as trois enfants et que ça te fait cinq putains de billets à racheter à la fin des vacances) mais admettons. Admettons que ça arrive. Mais rater le même avion deux fois s’te plaît ???
Surtout quand ton mec, traumatisé par la première expérience, réserve TROIS nuits à Athènes au retour de ton petit paradis des Cyclades pour être sûr. Sûr qu’on ne rate plus l’avion à cause d’un retard de bateau au Pirée. Et ça a marché, le plan était bon. Nous n’avons pas raté l’avion à cause d’un retard de bateau.
Non.
Nous avons raté l’avion parce que Mickaël s’est trompé dans les horaires. « Emmêlé les pinceaux », a-t-il dit.

Le dernier week-end d’août, qui est aussi le plus chargé sur Aegean Airlines dont l’hôtesse nous proposait le prochain vol dispo pour le 2 septembre. C’est-à-dire demain, alors que ça fait quatre jours que nous sommes rentrés.

 

À l’aéroport d’Athènes, le mec te dit qu’il s’est « emmêlé les pinceaux ». Tu te demandes si tu peux encore le laisser être le peintre de ta vie.

 

Hum. Je ne dis plus rien. Je recopie ici le texto que mon pote Arnaud a renvoyé à mon mari après l’annonce inavouable qui commençait par : « Allez… devinez quoi les amis ? » :

– Nooonnnnnnnnnnn ! Ta femme te parle encore ??

Mon mari a répondu :

– Ma femme est cool et compréhensive.

Que cette phrase, immortalisée ici, éclabousse le monde de sa profonde vérité.
De fait, je lui parle encore. Je lui dis :

– Mais ma parole, va voir un psy pour t’aider à comprendre pourquoi tu veux pas rentrer de Grèce ! Va régler ton problème chaque semaine sur un divan pendant un an, ça nous coûtera moins cher d’avion la prochaine fois !

Faut croire que je suis vraiment cool (passé la phase de sidération non-c’est-pas-possible).
Et vraiment compréhensive (passé la phase de colère si-et-je-vais-le-massacrer).

 

La meuf pas encore cool et compréhensive, à qui on impose en plus de porter le masque qu’elle déteste pendant toute la durée du vol. La grande fille qui s’assoit à côté de sa maman pour tempérer le feu et propose de « faire un selfie toutes les deux et l’envoyer à papa pour le faire sourire parce que, quand même, il doit se sentir trop mal… » (dans l’avion de dernière minute, juste avant le décollage).

 

Hormis notre retour mouvementé dont le caractère ironique ne peut pas m’échapper, je garde de nos vacances en Grèce le doux souvenir de mes nuits sur la terrasse, à lire, écrire, pendant que tout le monde dort. Le souffle du vent, le bruit de la mer, et surtout, les grelots et les bêlements des chèvres dans la montagne. J’adorais les entendre, j’adorais dans ma solitude la compagnie de ces chèvres à la nuit tombée et au petit matin.
Nuit après nuit, je m’exerçais à reconnaître les longs béguètements des mamans et les petits cris des chevreaux qui trottinent pour les rejoindre.

J’aimais l’idée du frottement de leurs sabots sur les sentiers caillouteux et le sentiment de perfection du monde que leur présence m’apportait.

Un matin où nous étions partis pour la journée à Chéronissos, j’ai grimpé jusqu’en haut du monastère qui surplombe la mer. J’étais seule parce qu’il faisait très chaud sous le soleil de onze heures et Mickaël et les babi ont préféré aller se baigner dans la crique.
J’étais seule mais je n’étais pas seule et j’ai eu la joie de découvrir, tout en haut de la colline, un troupeau de chèvres qui allaient et venaient, seules elles aussi mais finalement pas. Puisque j’étais là, moi, à les regarder et à les aimer pour ce qu’elles sont, leur liberté de cheminer et la curiosité apeurée qui les poussait à s’arrêter pour me regarder mais les empêchait de s’approcher plus près de moi.

En silence je les remerciais, aussi, pour ce fromage frais typique de Sifnos que l’on fabrique de manière artisanale à partir de leur lait, qui n’est peut-être ni du mizithra ni de l’anthotiro, mais qui chaque jour a nourri mon cœur et mon corps en vacance. (Sans « s ». Quoique, avec aussi. Mais bon.)

 

Un matin seule, tout en haut de la colline de Chéronissos, au nord de l’île de Sifnos (août 2020).

 

Et sinon, à part les chèvres ??

À part les chèvres, j’ai aimé les figues délicieuses qui me brûlaient les lèvres, les maximes philosophiques d’Arnaud, le soleil dans les cheveux de Maud et le charmant sourire de Dimitri, le serveur du Tsikali.
Ces images s’impriment harmonieusement les unes avec les autres dans un tableau au ciel si bleu que les cris des enfants qui râlent et se disputent parfois ne dépassent pas le clapotis des vagues.

Je dormais peu, c’est vrai – Tu connais le sommeil du juste ? (maxime d’Arnaud n°1) – j’écrivais la nuit, mais je me sentais calme. Ce calme qui, je sais, ne me caractérise pas. Et alignée pourtant, à la fois dans le bouillonnement de ma vie intérieure ET dans la douceur de vivre aux côtés de Mickaël.

Même s’il désapprouve que je me baigne topless dans la mer…

Je vais donc partager avec vous l’histoire de ce petit plaisir que je me suis autorisé, une seule fois, l’avant-dernier jour, quand nos amis étaient déjà partis, sous la réprobation claire et coupante de 50% des membres de ma famille.
Je vous laisse deviner lesquels, faire vos propositions.
Ceux que ça dérange de sortir du rang alors que c’est même pas eux qui en sortent. Les mêmes qui suivent bien comme il faut la promenade fléchée autour du Temple de Poséidon au coucher du soleil et qui veulent pas tenter l’aventure dans les épineux avec nous. Parce que, peut-être, c’est INTERDIT (mais on n’en sait rien).

Tant pis pour eux les rabat-joie, on a trouvé plein de buissons de thym sauvage dans la caillasse, on s’en est frotté les doigts et ça sentait hyper bon !
Photo en gros plan de buisson de thym sauvage en cliquant ici.
Mais vous en voyez aussi sur la photo précédente avec la chèvre.  🙂

 

Mes deux aventuriers, de retour d’une expédition possiblement interdite dans la broussaille autour du Temple de Poséidon (à 1h30 d’auto d’Athènes). Ils ont fait leur rentrée ce matin et se retrouvent, à notre grande surprise, dans la même classe de double niveau CE1/CM1 !

 

Mais revenons à ceux qui ne veulent pas qu’on les remarque. Les autres, ceux qui ne sont pas cool (et compréhensifs). Ceux qui sont toujours d’accord tous les deux pour nous dire aux garçons et à moi ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Monsieur Parfait. Mademoiselle Parfaite. Vis ma vie avec eux deux, tu vas voir si c’est marrant (mais j’avoue avec les garçons c’est pire).

Et donc mon plaisir dans la réprobation, ben c’est plus tout à fait un plaisir. Enfin ça dépend. Mais pas là.
Alors je me défends, j’argumente. On parle pas de bronzer seins nus au soleil sur une plage de Syrie hein. Juste nager à demi-nue dans la mer Égée. Sous l’eau que personne ne voit. Et quand bien même ce serait bronzer d’ailleurs, là où nous sommes, ça ferait quoi ?

Faut pas s’interdire des trucs juste parce que ça n’a jamais été fait. (maxime d’Arnaud n°2)

D’accord, nager nu(e), ça a déjà été fait. Souvent. Mais je détourne un peu la maxime d’Arnaud dans mon sens : Faut pas s’interdire des trucs juste parce que personne ne le fait.

Personne ne nage nu dans la mer à Vathi. Soit. Et donc ?
On est sur une île grecque où il n’y a presque personne, ce personne étant composé à 90% de touristes français dont les quatre cinquièmes viennent du 16e arrondissement de Paris, Neuilly et Levallois. Plusse un peu des villes à l’ouest de Paris que je ne connais pas.
Franchement, je vais choquer quelle morale à me baigner à demi-nue ? Heurter quelle pudeur ? (Excepté celle des 50% de ma famille que ça ne dérange pas du tout à la maison, au contraire même, mais que à l’extérieur c’est pas pareil…)

 

Le haut de maillot litigieux. Et le bas détourné, quand tu vas dans un atelier de céramique dont l’île de Sifnos a fait sa spécialité parce que tu as envie de faire plaisir à tes amies AMA mais que tu n’as pas le masque réglementaire pour entrer. Le vendeur est placide, ça passe tranquille. Et même, il offre des figues à tes enfants.

 

Autre info pour ma cause, au cas où vous n’auriez pas fréquenté les plages cet été : la quasi-totalité des maillots de bain que tu vois sur les femmes et les jeunes filles à partir de 15 ans 13 ans sont des semi-strings. (Ce qui prouve bien, s’il te restait l’ombre d’un doute, que tu n’es définitivement pas sur une plage de Syrie.)
Alors c’est pas complètement string mais la meuf qui cherche sa crème solaire à quatre pattes sur sa serviette pour éviter qu’elle s’envole au premier coup de vent, je te jure que c’est string quand même. Et c’est moi qu’on juge indécente ?! Moi qui ai déjà écrit ici même à quel point je suis choquée qu’on aille manger au McDo en string !

Note bien que je ne me balade pas seins nus sur la grande plage de Vathi que tu aperçois sur la photo en tête de cet article. Non.
Je répète : juste, je suis allée me baigner sans mon haut de maillot de bain. Juste, pour éprouver la sensation joyeuse de l’eau en contact direct avec ma peau. Le délice du corps qui jouit de se sentir vivre, exactement comme quand tu tombes le masque qui t’étouffe et que tout ton visage respire l’air de nouveau.

Ce masque devenu obligatoire qui dissimule les expressions et te défend de deviner les autres, leurs amours, leurs chagrins, ce qu’ils portent en eux et de quoi ils sont faits.

Ayatollah, va.

– T’en trouveras, des ayatollahs comme moi !, m’a répondu une voix que je ne voulais même plus entendre à côté de moi, allongée dans le sable comme je l’étais. (Sur le ventre. Nan mais note-le.)

N’empêche.
Oublie l’histoire de mon haut. Bitchons plutôt sur le bas des autres.
Ce maillot qui compte autant de cm2 de tissu derrière que devant, c’est le string qui s’assume pas si tu veux mon avis. Et je ne dis pas ça parce que je suis jalouse des fesses qui se montrent. Pas du tout. Je dis ça parce que je n’aime pas le string, et encore moins le faux string qui s’achète une légitimité à bas prix.
Le string mainstream.

 

« Keep calm and swim naked ». Restez calme et nagez nu(e)s.

 

*****

 

Et vous, l’avion vous le ratez ? La nudité, vous l’aimez comme elle est ou vous la stringuez ?

 

 

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