Des vieux cons

Photo : Le Grand Lièvre et le Marcass’ sous l’orage à Sentosa (Singapour, juillet 2019).

 

Singapour, lundi 8 juillet 2019.

Nous passons l’après-midi à Sentosa, une île au sud de Singapour toute entière consacrée au, comme on dit, « divertissement » : parcs d’attraction (dont waterparks que je déteste), plages, hôtels et restaurants. Avec un parking d’entrée gigantesque au sous-sol pour les bus, les autos, les tour-opérateurs.

Pour vous donner une idée, Sentosa est appelée « the state of fun ».

Et les babi ONT du fun. Ils jouent à passer sous les jets d’eau, patouillent les bacs de sable, s’échappent pour aller chercher de l’eau dans la mer qu’ils ramènent entre leurs mains en coupe en courant pour en perdre le moins possible (du coup ils en perdent plein).

Ils ne voient pas ce que nous voyons nous, depuis le bout de plage où nous sommes assis.

Les selfies de petites meufs genre 15 ans qui tapent des poses de gros film porno. Parfois ce ne sont pas des selfies, elles se photographient entre copines, mais elles prennent les mêmes poses. Qu’on imagine ensuite sur leur téléphone ou leur Facebook, Insta, Tinder ou whatever.
Ces poses sexy et, en même temps, tellement conventionnelles, tellement normatives, qui sont chargées de les définir elles, en tant que personnes.

 

Ok c’était pas elle dont je parle, et elle elle a plus de 15 ans. J’espère. Ce n’est pas du porno non plus. Juste une plage en 2019, à Sentosa comme ailleurs.

 

Papa Écureuil est dépité.
J’aimerais tellement que nos enfants ne grandissent pas dans cette vacuité de l’image… Et en même temps j’ai pas envie d’être un vieux con.
T’inquiète pas, moi je serai une vieille conne avec toi !
Je sais mon amour. Mais j’ai quand même pas envie qu’on soit des vieux cons.

 

Et puis aujourd’hui, encore à Sentosa (de temps en temps, on fait le job de parents qui offrent du fun à leurs enfants), la meuf au McDo. 17-18 ans. Elle commande son Big Mac et sa grosse frite en string. Bikini string. À l’écouter parler avec sa copine, je dirais qu’elles sont hollandaises.
Papa Écureuil, qui avance vers le comptoir au milieu des babi qui veulent plein-de-nuggets-pas de-frites-que-du-Coca, l’a vue. Il laisse échapper un :
– Putain, c’est abusé !

 

La meuf qui commande en string, c’est la brune que tu vois de face, tout au fond près de l’entrée, avec le bikini orange. J’ai pas osé prendre une photo de son cul. Mais j’aurais dû, puisqu’il était offert.

 

Je sais pas moi, on vieillit. On devient prudes, on n’a plus la rebelle attitude.
Et la Petite Souris ne l’a pas encore, alors elle dit :
Mais maman, on voit carrément toutes ses fesses ! Y’avait pas ça au Japon !

Non, y’avait pas ça au Japon. C’est ce qu’on n’arrête pas de se dire.
Y’a des touristes aussi pourtant. Mais peut-être qu’ils n’osent pas. Ou peut-être simplement qu’on n’est pas allés dans des endroits comme ça, de « divertissement moderne ».

J’aime les fesses nues. Je n’ai aucune gêne à les voir sur une plage naturiste, et même, admettons, sur une plage qui ne l’est pas. Souvenez-vous à Bali, c’est plutôt Papa Écureuil qui a un problème avec ça. Mais là, quand toutes les autres personnes sont vêtues, dans l’ambiance Happy Meal boîte de six, vas-y mamie* envoie les sauces, j’avoue que ça me chiffonne un brin.

Peut-être qu’on est déjà des vieux cons.

 

Une des entrées de Sentosa, « the state of fun », à Singapour. Montrer ton cul au Domac c’est gratuit mais le show bites est payant. World of shit.

 

 * Quand je dis « mamie », ce n’est pas une formule. Tous les employés du McDo de Sentosa (un des McDo de Sentosa, pardon) que nous avons vus hier sont des femmes dont la moyenne d’âge est de 75 ans. Certaines étaient tellement courbées devant les grilles que Papa Écureuil craignaient qu’elles ne tombent le nez dans le bac à friture…

 

* Note aux passionnés de météo *

Oui, sur toutes les photos il pleut. Parce que tous les jours il y a une sorte d’orage chaud – parfois violent, on l’appelle alors un « coup de Sumatra » – il pleut très fort, et puis ça s’arrête. C’est la vie à Singapour.

 

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Et vous, êtes-vous un jeune cul ou un(e) vieux (vieille) con(ne) ?