Le poème de Noël

Photo : Chez moi, 23 décembre 2023.

 

Noël est venu si vite.

J’aime pas le froid qui me fait des engelures aux pieds, la nuit qui tombe au milieu de l’après-midi, les écharpes qu’il faut s’enrouler autour du cou et qui m’étouffent, j’aime pas qu’on dise ça sent le sapin, j’aime pas le chocolat chaud sauf le mien. Et encore, la dernière fois que je l’ai préparé, il m’a déçue.
Le chocolat est moins noir que tu aurais voulu.

J’aime pas les décorations de Noël, les magasins de Noël avec les chants de Noël, les films de Noël, j’aime pas les repas de Noël ni même les marchés de Noël, et je déteste plusse que tout les chaussons et les Père-Noël à la con pendus aux toits des maisons.

Je ne suis pas la seule, bien sûr. Et j’apprends cette semaine dans des articles de santé sur Internet que ce que je ressens porte même un nom : je suis natalophobe.

« La natalophobie est un trouble anxieux, souvent lié à un traumatisme.
Une personne natalophobe ressent des symptômes particuliers au contact des symboles des fêtes de fin d’année (sapin, chants de Noël, films de Noël, lumières et décorations, cadeaux, etc.). »

Par « symptômes particuliers » chez moi, comprenez : nausées, morosité, tristesse, boule d’angoisse qui grossit qui grossit et plus envie de sortir de mon lit. Puis, généralement*, je tombe malade.

« Certaines personnes natalophobes ressentent une telle angoisse de Noël qu’elles déploient de véritables stratégies d’évitement et peuvent ainsi décider de partir au bout du monde durant cette période. »

Ah ouais. Ambiance Le Père-Noël des Kiwis.

 

Le Chat, de Philippe Geluck.

 

Je vous entends d’ici vous dire – ou bien c’est encore ma bitch de juge intérieure qui siffle à mes oreilles : putain mais elle nous saoule elle, chaque année, avec sa haine de Noël !
Ouais bah pardon. J’ai pas choisi de naître ici, moi aussi je voudrais aimer Noël, ça changerait la face de mon mois de décembre figurez-vous. Mais aimer Noël ou pas, c’est comme la team Cousteau ou la team Marvin Gaye : on choisit pas.

Vous voyez ce que je veux dire ? Non ?
C’est mon mari qui dit tout le temps :

– Dans la vie, y’a la team Cousteau et la team Marvin Gaye.

En termes de bonnet, voyez.
Moi je joue plutôt dans la première équipe. Photo ICI. (De dos la photo, parce que de face ça me fait mal.).
Évidemment que ce n’est pas par choix. Eh ben Noël c’est pareil.

 

* Mais attention, grande nouveauté cette année ! Depuis juin dernier, je m’entraîne à nourrir la pensée que je ne vais pas tomber malade parce que mon corps est solide. Résilient. Résistant. Vibrations hautes, loi de l’attraction et biais de confirmation du cerveau. Chaque jour, depuis six mois, je m’entraîne. Jusque-là ça marche. Si ça continue de marcher aussi bien pendant les six prochains mois, je jure sur mon bonnet rouge que je passerai 2024 à me visualiser dans la team Marvin.

 

Oh Maaaarvin ! Ta musique alluume dans mon cœur…

 

Nan mais… le problème c’est peut-être pas le bonnet en fait… Je crois que c’est la chemise… La chemise boutonnée jusqu’en haut…

 

Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je suis natalophobe sans que j’en susse rien, et je me suis le plus obligée du monde de m’avoir appris cela.

Bon, je ne sais pas si on peut dire « je me suis obligée » comme « je vous suis obligée » pour signifier qu’on éprouve de la reconnaissance envers soi-même, d’ailleurs c’est quand même hyper daté comme expression, mais c’était pour faire comme Monsieur Jourdain avec sa prose.

Moi la poésie, en vers ou en prose, elle me réchauffe le cœur et me réconforte mieux qu’un chocolat chaud – fût-il comme je l’aime et ne pas me décevoir.

 

Noël est venu si vite que tu ne te souviens plus
du moment à partir duquel tu as désiré passer
la majeure partie de ton existence
à rester en périphérie des événements officiels.
Les enfants débordent d’une joie que tu as honte
de n’avoir pas su garder en toi, comme on retient
par la manche un vieux monsieur qui s’en va. (p.69)

Cécile Coulon, poème « Noël », recueil Les Ronces, éd. Le Castor Astral, 2021.

 

Si l’envie vous prend de lire le poème en entier, je vous invite à acheter le recueil Les Ronces, de Cécile Coulon, dont je vous parlais dans l’article S’il n’en restait qu’un(e) # juin 2022.

À l’acheter et à l’offrir à Noël à quelqu’un que vous aimez, ou à vous l’offrir à vous, parce que la poésie ça se lit, ça se relit et ça se rerelit. Et selon le moment auquel on relit, selon ce qu’on vit, selon ce qu’on a dans les tripes, on y lit à chaque fois une nouvelle histoire.
Je vous dis ça, je ne l’ai même pas, moi. Je l’emprunte. Mais c’est important d’y croire. Croire qu’on mérite le meilleur parce qu’on est quelqu’un de bien (même si on n’aime pas Noël).

 

« Tu peux emprunter ma foi en toi jusqu’à ce que tu retrouves la tienne. Petite étoile. » (Le temps c’est de l’amour, Newsletter 118 # 18 juin 2023)

 

Noël est venu si vite que tu ne te souviens pas qu’il y ait eu trois saisons entre aujourd’hui et l’année dernière.

Et maintenant, au moment où je m’apprête à vous souhaiter, en dépit de ma natalophobie, UNE BONNE SOIRÉE DE NOËL, mon mari descend de son télétravail pour m’informer qu’une nouvelle saison de « Suburra » est disponible sur Netflix sous le titre « Suburræterna » !
Alors que, après les trois saisons de « Suburra », c’était censé en être fini des Adami et des Anacleti et j’avoue que ça m’avait mis un petit coup d’en rester là. Là, à ce désespoir déchirant au milieu de l’océan. N’importe qui (avec un cœur qui fonctionne) aurait sombré. Ce désespoir déchirant au milieu de l’océan de la mer Tyrrhénienne, je veux dire. Bien sûr. On est à Rome sur le port d’Ostie, à l’embouchure du Tibre. Et puis… et puis c’est toujours quand tu n’y crois plus… à l’heure la plus noire de ta nuit que… ton mari t’informe qu’il est temps de remonter le fond parce qu’une nouvelle saison arrive !
Je suis trop contente. On laisse pas Spadi dans un coin le cœur en miettes.

 

Noël est venu si vite.

 

Giacomo Ferrara joue Spadino Anacleti dans la série romaine « Suburra ». C’est mon personnage préféré. 🤩

 

*****

 

Et vous, quels mots d’amour de Noël voudriez-vous m’offrir en partage ?