Still Alanis

 

Partage musical ce matin – pour celles et ceux qui n’ont pas eu l’heur de le découvrir en avant-première dans ma newsletter de dimanche (newsletter 62 # 28 juin 2020).
Bon et pour les autres aussi, ceux qui ont déjà eu et qui veulent encore plus (plusse).

 

À la fin du mois, le 31, Alanis Morissette sort un nouvel album : « Such Pretty Forks in the Road ». Un titre qui n’est pas sans rappeler un petit je-ne-sais-quoi des précédents. Les vieux de vieux : « Jagged Little Pill » d’abord, la claque de 1995, puis « Supposed Former Infatuation Junkie », en 1998.
Il y en a eu d’autres après : le « MTV Unplugged » de 1998 que j’ai traîné partout, égaré et retrouvé tant de fois, « Under Rug Swept » en 2002, « So-Called Chaos » en 2004, puis deux albums que je ne connais pas du tout en 2008 et 2012 parce qu’alors j’avais arrêté de la suivre.

Il y en a eu d’autres mais, en premier, ces deux-là. 1995 et 1998.

Alanis Morissette est donc une figure de longue date de mon univers musical, un pilier de bar de mon adolescence pourrait-on dire. Avec les Cranberries, Nirvana, Brel, Renaud, Mano Solo, Jeanne Moreau, Boris Vian, Jeff Buckley, Janis Joplin et les Doors.
Mais Alanis peut-être encore plus emblématique de cette époque-là, de la jeune fille aux cheveux longs que j’étais alors. Et puis je l’ai perdue, et voilà qu’elle me revient aujourd’hui, unexpected après une si longue absence…

 

Alanis Morissette, Reasons I drink, album « Such Pretty Forks in the Road », 2020.

 

Au début du clip, la première fois, j’ai cru que c’était vraiment elle, épuisée, en chaussons, vieux jogging et peignoir de soie. Je me suis dit : waoooh elle a pris un gros coup sur le museau… Et puis non. Enfin si, c’est elle mais non. C’est elle pour de vrai quand :

 Now, even though I’ve been busted
I don’t know where to draw the line ‘cause that groove has gotten so deep

L’émotion quand sa voix monte… ça m’a fait des frissons partout, en dix secondes ça a tout mouillé mes yeux. La douceur un peu amère de la nostalgie dans le rétroviseur. Le poids des ans sur la petite passerelle entre nos rêves d’enfant et notre vie réelle d’adulte. La pureté de sa voix pourtant. Tout mélangé.

Et le choc quand j’ai vu son bonnet rouge ! C’est le même, me suis-je écriée en moi-même, le même ! Elle a le même bonnet qu’il y a vingt-cinq ans, COMME MOI !!!
Mais si, souvenez-vous, celui-là :

 

Alanis Morissette, Ironic, album « Jagged Little Pill », 1995.

 

Bon, d’accord, à la revoyure c’est pas tout à fait le même. Celui de 2020 semble moins râpé. But still.

Avec son bonnet rouge dans son nouveau clip, j’ai su que là c’était vraiment elle. Et qu’elle n’a pas tellement changé finalement. Comme mon vieux keffieh qui n’a pas bougé. Il fait moins de manifs, c’est tout. Mais il est là toujours dans ma vie, et Alanis aussi. Et réentendre sa voix si familière à mon oreille dans une nouvelle chanson, ça m’a fait du chaud à l’intérieur.

 J’étais émue, j’ai senti une bulle de gratitude monter en moi, pas pour elle précisément mais pour la vie, pour être encore là, vivante, en même temps que j’avais envie de pleurer sur toutes ces années enfuies qui ne reviendront plus.

 

Je ne sais pas si j’explique bien. Si ça vous parle, si vous pouvez comprendre.
C’est difficile de raconter une émotion. Mettre des mots sur la sensation du temps qui passe.

Here we are…
Oh-oh, oh, oh, oh
Oh-oh, oh, oh, oh-oh

Cette chanson, c’est comme une amie qui te prend dans ses bras et qui te dit que tu peux pleurer, que c’est ok. Qu’elle te tient et que ça va aller.

 

J’m’appelle pas Slimane et j’ai pas quinze ans. Pourtant j’porte autour d’mon cou sur mon cuir (mais pas là) le keffieh noir et blanc et gris (juin 2020).

 

Je me suis dit que c’était sûrement moi, avec l’âge et la mélancolie qui lui colle aux basques, la maternité trois fois, l’épuisement, la résistance ou bien le renoncement, et puis la solitude, le mal de vivre et le soleil noir (note pour trop tard : faire TRÈS attention quand tu navigues à vue avec Barbara, ne surtout pas t’enchaîner ces trois-là), enfin toutes ces émotions qui tirent un peu trop sur le cœur et qui sont entrées en collision avec ma vie passée et mes vieux souvenirs imbibés d’Alanis.

Mais non en fait. Non, ce n’est pas que moi : la Petite Souris adore cette chanson aussi ! (En même temps elle aime tous les vieux titres d’Alanis Morissette, et c’est pas comme si celui-ci était radicalement différent. À peine quelques traces de résignation ça et là…)

 

J’ai pensé que je pourrais emmener Garance au concert, juste toutes les deux, mais je crains le vertige temporel qui va me saisir devant la scène, vingt-cinq ans plus tard avec ma fille de 11 ans…

En plus je lui ai déjà promis Pomme, et puis notre concert des Cowboys Fringants à Mickaël et à moi, annulé au printemps pour cause de confinement covid, a été reporté au 15 octobre prochain. Bercy aussi, pile une semaine avant Alanis.

 

Et puisque cet article est un partage musical, je veux vous faire partager ce que mon amie Édith me fait partager. (Ça fait beaucoup de partager mais c’est ça qui est bon, cœur avec les mains.)
Je confesse que je ne connaissais pas Billie Eilish jusqu’au mail d’Édith du mois dernier qui m’envoie le lien vers cette chanson : Not my responsibility.

 

Clip vidéo : Billie Eilish, Not my responsibility (a short film), mai 2020.

 

J’ai aimé le discours. On est tellement pétris de jugements, en permanence et sur tout, même quand on ne se voudrait pas juge !

Dans mon cheminement personnel, autour de moi, avec ma mère, ma sœur, mes ami(e)s, dans ce qu’on me raconte, de plus en plus je m’abstiens d’émettre une opinion critique sur les gens*, sur ce qui est bien ou ce qui est mal. Et plus j’observe sans juger, plus je prends de la hauteur, plus je vois à quel point je juge encore malgré moi tant d’autres choses, à quel point nous sommes formatés dès l’enfance pour nous juger tous, les uns les autres, sans cesse, et le mal que nous faisons en le faisant.

* Sauf les gens qui m’énervent (y’en a plein). Les gens que j’aime pas (aussi). Ceux qui ont toujours tellement de certitudes…

 

*****

 

Et vous ? Qu’écoutiez-vous pendant votre adolescence ?
Ces artistes vous accompagnent-ils encore aujourd’hui ?

 Et ma question bonus (pour satisfaire ma curiosité personnelle) : vous connaissiez Billie Eilish, vous ? Elle est NÉE en l’an 2001 !!! Moi j’avais pas encore les cheveux blancs mais Pierre Bachelet me disait que je serais vieux demain… 😉

 

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