L’âne et le puits

 

J’ai toujours au moins deux livres en cours de lecture : mon roman de la nuit du soir et « mon livre du midi », auxquels s’ajoutent souvent une BD et un livre jeunesse que j’intercale ci et là. Genre t’attends dans une salle glacée pour (re)passer une mammographie, si t’as le moral, tu peux (re)lire C’est tout de suite le soir, Parle tout bas si c’est d’amour, ou La fille du canal. Même si t’as pas le moral, remarque. Ça peut t’aider. Lire aide.

Mais revenons à mon livre du midi*, car c’est de lui que je veux vous parler aujourd’hui.
Il est rarement une BD ou un livre jeunesse mais il peut l’être quand même, occasionnellement, la seule règle immuable étant qu’il doit relever de la non-fiction. Du documentaire absolument.
Donc Insolente Veggie ou la vie d’Olympe de Gouges racontée aux enfants oui, mais Pilules bleues ou Baby-sitter blues, non.
Voyez l’idée. Simple. Basique.

Pour retrouver toutes mes lectures, c’est ici !

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Souvent, mon livre du midi traite d’éducation (Jalousies et rivalités entre frères et sœurs) ou de pédagogie (Les lois naturelles de l’enfant). Ou bien c’est un guide de développement personnel (La Puissance de la Joie) ou un essai sociologique (Vers la sobriété heureuse) – plus exceptionnellement philosophique.
Ou bien encore, c’est un ouvrage de vulgarisation scientifique sur le corps, la santé (Le charme discret de l’intestin), ou un document relevant d’un sujet de société (Sexpowerment) ou d’un autre domaine des sciences humaines (Faut-il manger les animaux ?).
(Bon, c’est jamais un traité de mathématiques non plus hein, faut que ça reste adapté à mes neurones !)

Parfois aussi, je choisis un livre sur la cuisine, pas forcément avec des recettes, mais comme ça je me dis que peut-être c’est moins « grave » de manger en même temps que je lis…

Dans cette catégorie, je vous recommande particulièrement Casseroles, amour et crises – Ce que cuisiner veut dire, de Jean-Claude Kaufmann. C’est passionnant (mais ce n’est pas récent).
J’aime bien aussi les auteurs qui écrivent sur leur rapport à la cuisine comme le Julian Barnes de Un homme dans sa cuisine. Ça fait comme un petit bout d’autobiographie qui te rapproche de l’auteur(e), et après tu as encore plus envie de lire ses œuvres de fiction. Enfin moi. Je trouve.

 

* Ça va, je sais qu’il NE FAUT PAS lire en même temps qu’on mange et que si on le fait, c’est le mal parce que cela détourne notre attention, nous empêche de savourer notre repas en pleine conscience et blablabla. Je sais. I know. Mais il y a tant d’autres trucs que je fais et qu’il ne faut pas que pour celui-ci au moins, je ne charge pas mon sac de culpabilité. Presque pas.

 

En week-end à Trouville (février 2020).

 

En ce moment, mon livre du midi c’est : J’arrête de râler !, de Christine Lewicki.
Enfin, c’était en ce moment jusqu’à hier vendredi 13 mars 2020, bien sûr, comme chacun sait. Car à partir d’aujourd’hui ET JUSQU’À NOUVEL ORDRE, il n’y aura plus de déjeuners solo** avec livre qui entrave la pleine conscience et trois crudités qui traînaient ça et là (et là) + un petit reste de la veille au soir si j’ai de la chance.

Non, désormais il y aura tous les jours à table trois enfants qui ont tout le temps faim alors qu’en plus ils déjeunent déjà le matin, je comprends pas, et peut-être aussi un Papa Écureuil qu’il faudra nourrir à la hauteur de l’exploit qu’il s’apprête à réaliser : faire du télétravail en même temps que les enfants sont dans la maison. Yep.

Mais bon, je m’égare parce que les babi sont là aussi ce matin. Ils vont être là tout le temps  🙁.

Ils sont rentrés de la bibliothèque, déjà, si vite, comment ça se fait que c’est passé si vite, et maintenant ils tournent autour de moi, ils piaillent, ils font plein de bruit alors que je voudrais juste me concentrer et en revenir à mon livre du midi : J’arrête de râler !
(Mais en disant ça, je râle là, non ? Entre parenthèses, je ne sais pas comment je vais m’en sortir si les médiathèques ferment à leur tour, après les écoles, les cinémas, les théâtres, les piscines… je ne veux pas y penser. Ouf que j’ai bien avancé dans le sujet de mon livre parce que je sens que les semaines qui s’annoncent vont m’offrir maintes occasions d’un niveau de pratique élevé, voire confirmé…)

 

** Ou peut-être que je trouverai, quand même, des moyens de déjeuner en tête-à-tête avec mon livre. Cherchez et vous trouverez…
Merci à l’Évangile revisité par Hélène Bonhomme dans ce délicieux stand-up des Fabuleuses que je suis allée voir mercredi soir avec une copine, avant que ne soit décrété l’état d’urgence !

 

Cette illustration m’a été envoyée hier soir par une enseignante de l’école des enfants qui craint que je ne les fasse passer un par un par-dessus la grille fermée de l’école et que je m’enfuie loin… C’est sûr que c’est pas l’envie qui me manque mais bon, j’ai survécu pendant un an au 24/24, 7j/7, avec mes enfants. Je suis inattaquable !!!

 

Mais mon livre du midi donc à la fin ! Ce J’arrête de râler !, est riche de remises en question et de pistes de travail sur soi.
Souvent je relis deux fois le même paragraphe parce que je ne peux pas creuser une réflexion si, en même temps, une voix dans ma tête fait le feed-back du plat que je suis en train de manger (que j’étais en train de manger jusqu’à hier) – quand même le dhal c’est meilleur chaud, ou : encore un jour sans protéines, il faut vraiment que je fasse plus attention.

Non. Les deux ensemble, ça se peut pas, je perds un truc. Pas que ce soit écrit dans une langue difficile à lire ou qui manie des concepts abscons, pas du tout, au contraire c’est très accessible, mais ce que je lis m’invite à m’interroger sur ce que je vis MOI, sur mes propres expériences, sinon cela n’a pas de sens de lire ce livre. Et pour m’interroger et me remettre en question, j’ai besoin de toute la bande passante disponible dans ma tête.

Voici un extrait de la page 128, vous allez comprendre.

« Nous savons tous que c’est à nous-mêmes de nous faire plaisir dans notre vie, et pourtant, bien trop souvent, nous résistons. Une part de nous a très envie de « se laisser aller à s’accorder du plaisir » et une autre se dit : « Non, ce n’est pas bien, il ne faut pas ». Nous trouvons des excuses : on n’a pas le temps, on doit s’occuper des enfants, d’untel ou d’une telle, on doit travailler, on doit faire ceci ou faire cela à la place, ces choses sont plus importantes, plus raisonnables… Et finalement, jour après jour, nous nous sacrifions. »

Voyez ? Ce court extrait implique que si je veux vraiment arrêter de râler (pour le frigo ouvert, les manteaux par terre dans l’entrée ou les miettes collées dans l’évier, ET pour tous les sujets plus importants tels que les besoins non comblés, ignorés, que je vous laisse le soin de compléter vous-même), si je veux vraiment arrêter de râler donc, je dois :
Étape 1 : déterminer précisément ce qui me frustre dans ma vie ;
Étape 2 : décider de soit y remédier par moi-même, soit m’en détacher et le laisser partir.

Let it go. Parce que bon, YOLO quoi.

 

 

Parfois j’ai l’impression que ce que je lis est lumineux, que je comprends parfaitement l’idée, et puis d’un coup, pffft, elle m’échappe, comme si elle me fuyait, comme si une part de mon cerveau résistait au changement. On a tous comme ça un côté « de droite » qui veut pas que le changement ce soit maintenant, non ?

Par exemple j’ai un très bon ami qui s’appelle Stéphane et qui dit que « concernant la nourriture, je suis plutôt un mec de droite »…

Bref. Comme une partie de moi refuse en bloc et préfère rester enchaînée à sa déception plutôt que de s’autoriser à s’en libérer pour enfin passer à autre chose, j’ai pensé que le meilleur moyen de contourner ma part de droite serait de diriger la lumière sur tout ce qui marche, tout ce qu’il est possible de faire pour lâcher prise. Et donc de partager ici avec vous tout un passage du livre (c’est page 119), de façon à le retrouver facilement, et surtout, à recueillir ce que vous en pensez, vous, personnellement. Comment vous l’interprétez.

C’est la parabole de l’âne et du puits.
(Pardon mais quand j’entends le mot « parabole », me revient immédiatement en mémoire le Pierres Vivantes de quand j’étais petite. Cliquez sur le lien, vous aurez l’édition vintage !)

 

L’âne et le puits

Un jour, l’âne d’un fermier tombe dans un puits. L’animal gémit pitoyablement pendant des heures et le fermier se demande quoi faire. Finalement, il décide que l’animal est vieux et que le puits doit disparaître. De toute façon, ce n’est pas rentable pour lui de récupérer l’âne. Il invite alors tous ses voisins à venir l’aider. Avec une pelle, ils commencent à boucher le puits.

Au début, l’âne, réalise ce qui se produit et se met à braire. Puis, à la stupéfaction de chacun, il se tait. Quelques pelletées plus tard, le fermier regarde dans le fond du puits et est étonné de ce qu’il voit. Avec chaque pelletée de terre qui était tombée sur lui, l’âne avait fait quelque chose d’incroyable : il s’était secoué pour enlever la terre de son dos et était monté dessus. Bientôt, chacun est stupéfait de voir l’âne sortir du puits et se mettre à trotter !

 

Allez, en ces temps troublés de crise coronavirusée, donnez-moi de la matière. Dites-moi ce que cette parabole (Pierres Vivantes je te salue) vous inspire pour le week-end…

 

Tout en haut, la lumière. Visite de la Grotte di Castellana, dans les Pouilles (Italie, avril 2016).

 

De mon côté, quand je visualise un puits, l’image qui me vient instantanément à l’esprit est celle du puits à degrés de Chand Baori, en Inde. Là on dirait que je me la pète grave alors que bon, je n’avais jamais ne serait-ce que entendu parler de ce puits avant de voir le dernier volet de la trilogie de Batman de Christopher Nolan, The Dark Knight rises, il y a six ans. La scène de la prison, plus précisément.

J’ai été tellement impressionnée par cette scène qu’après j’ai fait des recherches et c’est comme ça que j’ai su. Là où elle avait été tournée, au célèbre puits de Chand Baori dans le Rajasthan. Voilà, vous en savez autant que moi (mais peut-être vous le saviez déjà ?).

Et maintenant que j’y repense, je ne résiste pas au désir de revivre cette scène… là maintenant, tout de suite !

Je vous ai déjà dit tout le bien que je pense de la trilogie de Batman de Christopher Nolan, et de Christian Bale, Michael Caine et les autres dans cet article.

Si vous n’avez toujours pas vu ces films et que vous ne voulez pas vous spoiler, vous êtes libre de ne pas regarder la vidéo mais, personnellement, je trouve que ça ne spoile rien du tout. C’est une scène qui me donne toujours des frissons, à chaque fois que je la vois, alors même que j’en connais pourtant l’issue.
Je ne l’ai pas trouvée sous-titrée en français sur YouTube mais vous pouvez cliquer sur les paramètres pour avoir au moins les sous-titres en anglais – pour celles et ceux qui préfèrent tiède que froid. Sinon, sans rien pour les autres.
Without the rope.

 

Scène de la prison dans le troisième et dernier volet de la trilogie de Batman de Christopher Nolan : The Dark Knight rises, 2012.

 

Why do we fall ?
Pourquoi est-ce que nous tombons ? À votre avis ?

 

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