Photo : Vue de Tokyo depuis la Tour One Piece (Japon, mai 2019).
Tokyo, samedi 25 mai 2019.
Papa Écureuil emmène les babi à la Tour One Piece de Tokyo pendant que je reste seule devant mon ordi à la table de notre appart-hôtel.
Je suis pleine de gratitude pour ce cadeau de fête des mères anticipé, goûtant avec volupté les infinies délices de l’écriture dans le silence et la solitude… quand soudain, à 15h40, la table devant moi se met à trembler, les murs, le sol, le plafond, et mon cœur aussi tape violemment dans ma poitrine, comme un battement arythmique qui fait mal.
Je suis seule, je ne sais pas ce qui se passe.
Et puis en un éclair ça me revient : la terre tremble au Japon, peut-être c’est ça. Et ça dure, ça dure, ça dure tellement, c’est sûr que c’est ça !
Toutes sortes d’idées dingues me traversent alors l’esprit.
De : c’est quoi le pire, que je sois broyée sous les décombres de l’hôtel et que mes enfants soient orphelins, ou que la Tour de Tokyo s’effondre sur leurs petits corps et que je leur survive ?
À : hier quand on a pris des photos avec la Petite Souris dans les jardins de Hama-rikyu, j’ai dit aux garçons : « mais allez jouer ailleurs avec vos bâtons, on n’a pas envie que vous soyez là ! ». Ils vont vivre avec ça toute leur vie maintenant, comment j’ai pu leur dire une horreur pareille ?
En passant par : si je meurs maintenant, la dernière chose que je suis en train de faire est d’écrire un mail à l’autre bout de la terre à quelqu’un qui a treize ans de plus que moi, des grands pieds, et qui non seulement ne le recevra jamais mais ne le saura jamais non plus.
Quand la terre s’est enfin arrêtée pour descendre, j’avais envie de vomir.
Mon cœur a continué à battre en décalé et mes mains à trembler encore un moment pendant que je pensais que je ne voulais pas mourir séparée de mon amour et de mes babi. Que je ne voulais pas mourir tout court. Déjà qu’avec la dengue…
Je me suis dit : ce voyage est une folie.
Puis ça a sonné à la porte et c’était le jeune homme de la réception que je trouve charmant. Il m’apportait la traduction de nos permis de conduire qu’il venait de recevoir. (Cette traduction est obligatoire pour louer une auto au Japon.)
Il a vu que j’étais bouleversée et il est resté avec moi un peu plus longtemps, avec moult sourires et sa présence rassurante.
Il m’a dit que le séisme avait été de 3,2 sur l’échelle de Richter.
Qu’en dessous de 4, « généralement il n’y a pas de dommages ». Et que des tremblements de terre comme celui-ci, il s’en produit un par mois environ à Tokyo. Il semblait à la fois amusé et désolé que je sois si secouée, comme si c’était un peu de sa faute.
Plus tard j’ai lu que la magnitude du séisme avait été réestimée à 5,1 sur l’échelle de Richter.
https://furansujapon.com/seisme-tokyo-25/
Quand Papa Écureuil et les babi sont enfin rentrés à l’hôtel, ils étaient surexcités, en transe de leur journée. Tout était super génial, ils parlaient tous en même temps pour me raconter : Sanji, Robin, Ponéglyphe, les trois amiraux, Brooke, Chopper, Trafalgar Law…
Ça faisait encore plus wouwouwou dans ma tête – déjà qu’en temps normal ce genre de récits.
– Vous n’avez pas eu peur ?, j’ai demandé tout de suite.
– Hein ? Dans la maison fantôme ?
– Ben non, le tremblement de terre…
Ils n’avaient rien senti.
Je ne sais pas comment c’est possible. Franchement, j’ai déjà senti des séismes légers, à Nice quand j’étais petite, et même à Gili Air pendant le voyage. Une légère vibration. Un effleurement. Mais là c’était vraiment effrayant. La clameur qui gronde.
Le lendemain dimanche, j’ai fait quelques recherches pour écrire l’article Onzième arrêt : Japon. J’ai lu qu’effectivement les tremblements de terre sont fréquents au Japon et que le pays subit 20 % des séismes les plus violents enregistrés dans le monde.
J’ai lu aussi que « la résistance aux secousses fortes des immeubles élevés fait l’objet de contrôles obligatoires et réguliers ».
Parce que le truc le plus ouf, peut-être, de cette histoire, c’est que pendant tout le temps qu’a duré le tremblement de terre (et il a duré trèèèèès longtemps), ça n’a pas coupé le wifi. C’est-à-dire que j’aurais très bien pu cliquer sur « envoyer », et mon mail serait parti dans l’espace avant qu’il ne reste plus rien de mes mains qui tapotent sur le clavier…
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Et vous, avez-vous déjà vécu un séisme ?