Les gousses

Photo : C’est l’Avent-ure… (décembre 2019).

 

* Non, les gousses ne sont pas QUE le titre d’un poème en prose des Écrits pornographiques de Boris Vian. Qui n’ont rien de porno ni d’inoubliable non plus, malgré toute l’admiration que j’ai pu avoir pour Boris Vian quand j’étais ado. Que j’ai toujours. Mais ses Écrits pornographiques, non, vraiment.

 

Lundi 2 décembre 2019.

Si vous avez des enfants, il y a fort à parier que vous ayez aussi un calendrier de l’Avent. Difficile de passer à côté.

Depuis le début – c’est-à-dire depuis que la Petite Souris est entrée à la maternelle il y a sept ans – nous avons opté pour des calendriers réutilisables dans lesquels je glisse chaque soir une gourmandise différente à découvrir le lendemain matin : un Schoko-Bon, un Ferrero Rocher de sa mère l’ambassadeur, un collier de bonbons, un triangle de Toblerone que j’enferme dans un petit sachet en plastique qui me vient d’ailleurs et en garde l’odeur, un caramel mou pour ceux qui aiment le mou, voire un carré de chocolat très très noir et raw parce que c’est healthy (et healthy c’est la vie, t’as qu’à lire des magazines d’aujourd’hui).

Il est même arrivé, une année, que j’y mette des gros carrés de chocolat fait maison aux graines de courge et de tournesol rôties et pépites de sésame caramélisées.
Si si, j’ai fait ça.
En 2016.

D’après une recette de ma copine Nolwenn du blog La Belle au blé dormant. Même que c’était une tuerie, comme on dit depuis les années 2010 et plusse. Au point que je m’étais permise de recommander la recette à Clotilde ici, ce qui était un peu osé et folie.

Mais bon, revenons à ces p… de calendriers de l’Avent. Je dis « ces » puisque moi j’ai trois enfants. Au pluriel. Si t’as cru qu’ils n’avaient pas déjà assez d’occasions de se disputer et que je pouvais me permettre d’avoir un seul calendrier et d’alterner aujourd’hui c’est toi, demain c’est toi, et après-demain enfin, peut-être, ce sera ton tour à toi, le dernier.
Pourtant j’y ai pensé. Puisque 24 est un multiple de 3. Et même de 4, de l’époque pas si lointaine où je voulais encore quatre enfants.
Folle à lier.

 

Ma tablette de chocolat maison aux graines rôties et pépites de sésame caramélisées.

 

Enfin. À lire le blog et ma newsletter, vous avez peut-être compris que c’était dur en ce moment ma vie avec les enfants. Avec les garçons je veux dire.
C’est dur, avec les garçons.
Les garçons se battent et rapportent tout le temps. Ils hurlent, ils s’embêtent, ils sont infects.

Nan mais parce que faut arrêter de tourner autour du pot de la bienveillance éducative. Faut dire la vérité un peu.
La vérité est sortie de la bouche de Papa Écureuil qui a passé tout le week-end à trembloter sous 40° de fièvre sur le canapé. Qui tremblote encore à l’heure qu’il est, incapable de se lever ce matin pour aller travailler. Ni même pour manger quatre amandes. Qui maigrit à vue d’œil – déjà que.
C’est pour mieux me plaire, paraît-il.

Hier soir, quand il est monté se coucher AVANT les babi, à 20h40, il m’a dit :

– T’as qu’à leur mettre des gousses d’ail.
– Hein ?
– Les garçons. Dans leur calendrier. T’as qu’à leur mettre des gousses d’ail.

Et puis il s’est écroulé sur le lit, épuisé. Il avait tout donné.

 

Papa Écureuil malade comme rarement je l’ai vu. Fiévreux et courbaturé, à grelotter, transpirer, et ne pas pouvoir rester debout plus d’une demi-heure. Ouf que grâce au paracétamol, il a pu quand même s’occuper des devoirs d’école. J’ai déjà dit que j’étais défaillante ?

 

J’ai réfléchi à sa proposition. J’ai eu un moment d’hésitation en me rappelant ma petite sœur et le livre d’allemand qu’elle avait trouvé le matin de Noël dans son chausson au pied du sapin parce que mounette avait estimé que ses résultats dans la langue de Goethe n’étaient pas satisfaisants.
Je me suis demandé si la gousse d’ail était plus traumatisante que le livre d’allemand.

C’est alors que m’a traversée un morceau de morale judéo-chrétienne tout à fait approprié en cette période de l’Avent : on récolte ce que l’on sème.

Il fallait voir leur tête à tous les trois ce matin. La Petite Souris un peu gênée avec son chocolat, le Marcass’ fou de rage, et le Grand Lièvre qui ne s’est pas démonté, a épluché tant bien que mal sa gousse d’ail que j’avais choisie charnue et germée à souhait… et a croqué dedans à pleines dents.

Je me suis promis de ne plus parler des gauchers ici mais quand même ! Croquer l’ail cru au réveil avec du jus de citron dessus, c’est ce que je m’inflige personnellement quand ça fait trois jours que je suis malade à crever et que j’arrive pas à me soigner avec les huiles essentielles. Et ça m’arrache tout dedans. Avec le hoquet et tout.
Mais lui le gaucher, il mâche sa gousse sans broncher.

Dans l’escalier avant de partir à l’école, je l’ai entendu réconforter son petit frère :

– On verra demain Marce. On va pas crier, on va pas se disputer, et on verra demain.

 

J’ai arrêté les dents du Grand Lièvre avant qu’il attaque le germe.

 

C’est ça, demain. Gobe ta gousse et bois de l’eau ton nigari.
Le mois de décembre ne fait que commencer et la chasse aux glousses n’est pas terminée…

 

*****

 

Et vous, la malveillance éducative, ça vous arrive ?
On est libre ici, on peut tout se dire…