Photo : Kandy, du côté du marché aux légumes et au poisson (Sri Lanka, octobre 2018).
Les odeurs sont fortes, le Marcass’ était au bout de son petit rouleau…
Manger dans la rue au Sri Lanka
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La street food sri lankaise est super épicée. Vraiment vraiment.
Pourtant je cuisine au quotidien avec beaucoup d’épices différentes. Pour des plats de à peu près toutes les régions du monde. Chez nous on mange thaï, indien, africain, péruvien même… Et je poivre généreusement. Notamment quand je râpe du curcuma frais, c’est-à-dire quasiment tous les jours, parce que je sais que la pipérine permet une meilleure assimilation de la curcumine.
Voilà, tout ce blabla pour expliquer que je ne suis pas une débutante des épices. Et que je pimente ma cuisine aussi. Pas que au piment d’Espelette qui est gentillet. J’aime le piment de Cayenne pour sa puissance, et encore plus le piment antillais et les pili-pili que je garde entier pour le premier, et ouverts et épépinés mais avec les graines pour les seconds, dans tous mes plats africains.
Eh ben malgré tout ça, même pour moi, la street food du Sri Lanka, ça arrache sévère !
Mickaël demande s’il n’y aurait pas, historiquement, un intérêt sanitaire à pimenter et poivrer aussi outrageusement tous les plats. C’est-à-dire tu manges, et la nourriture que tu avales détruit tous les germes sur son passage entre tes papilles et ton estomac. Et ton gros intestin même. Tous les germes, malins, bénins, pas de différence. Tout le circuit, jusqu’au bout. Nettoyé, désinfecté. Safe. Mais la bouche en feu. Genre si tu parles de trop près à ton amoureux, tu lui crames les yeux.
Je n’ai jamais mangé aussi pimenté au Mali. Ni au Cambodge où les plats sont plus subtilement parfumés (mmhh la citronnelle…) que violemment pimentés.
Autant vous dire que pour les babi c’est juste pas possible. Parce que toute ma cuisine du monde, déjà, ils ne la mangent pas dès lors qu’elle est un petit peu trop relevée. Et même sans être relevée, ils n’aiment pas le cumin (toi non plus, je sais ma sœur… MAIS POURQUOI ??), pas la cardamome et pas les graines de coriandre non plus. Pas de gingembre (sauf le Marcass’), pas même de muscade.
Ils ne veulent bien que le curcuma dans mon dhal et dans certains autres plats à base de riz ou d’œufs parce que je les habitue progressivement. Et encore, seulement si j’ai pas trop poivré. Mais maintenant je sais : je les sers d’abord, puis je re-poivre pour nous.
Du coup forcément, avec le problème d’inadaptation alimentaire des babi et les idées de notre guide, on a moins mangé dans la rue que ce qu’on aurait voulu tous les deux, Mickaël & moi. Mais quelquefois oui.
Quelques trucs qu’on a goûtés
Samossas
Les samossas, c’est toujours ce qui me donne le plus envie dans la vitrine des marchands de street food ou des vendeurs ambulants. Sauf que. C’est beau sur le moment, mais c’est décevant la plupart du temps. Les beignets sont secs, et, même si la pâte extérieure peut varier (roti, pâte à pain, pâte feuilletée), la farce est toujours la même : c’est un mélange de légumes méconnaissables, de pommes de terre, curry, beaucoup de poivre et beaucoup de piment.
On les trouve vraiment partout, même dans le train qu’on a pris de Nuwara Eliya à Ella, où il y a à peine la place dans le couloir central pour que le vendeur puisse passer.
Les babi ont bien retenu sa petite chanson : wali wali wali… walii !
Et son immense panier rempli de samossas… et de dizaines de petits piments rouges entiers. La Petite Souris a même vu une femme croquer les piments comme ça tout seuls…
Patties ou cutlets
Les patties sont des beignets farcis, les cutlets sont des boules farcies un peu comme des acras mais en sphère plus régulière à base de lentilles épicées. Les deux peuvent être à la viande, au poisson, aux légumes….
Moi j’ai préféré les vadai : des sortes de gros beignets moelleux à la farine de lentilles. Un peu étouffants peut-être (il manque une petite sauce au yaourt, citron et curcuma 😉 ) mais bien nourrissants du coup !
Rotis
On a acheté des rotis parce que les babi avaient adoré au petit-déjeuner, sauf que dans la rue, les rotis ne sont pas nature ! Ils sont déclinés en espèces de « briques » épaisses de 2 cm, farcies à l’œuf, au poulet ou au poisson, avec toujours moult épices… et piments !
Devilled
Y’a aussi des trucs dans les vitrines de street food, c’est marqué devilled. Sans déconner.
« Devil » en anglais c’est le diable, et le diable c’est le feu. Sont donc appelés devilled tous les plats considérés comme très pimentés… sachant que tout le reste est déjà comme je viens de vous dire et comme je vous l’avais déjà raconté ici (ou là, et même ici et encore ici) !
Devilled, je n’ai donc pas testé. Je pense que c’est si vous voulez totalement court-circuiter votre système digestif de haut en bas en vue de, je sais pas, une expérience extrême. Imaginer ce que c’est de manger sur Mercure ou un truc comme ça.
Peu de douceurs
Koki : drôle de petit gâteau individuel en forme de roue de charrue, tout fin et ultraléger, frit et très croustillant, à base de farine de riz et de lait de coco.
Konda kavum : petit beignet en forme de madeleine, à base de farine de riz, lait de coco et mélasse, frit dans l’huile de coco. C’est hyper gras. Nan mais vraiment. (Les babi ont dit beurk, et pourtant ça piquait pas !)
Un grand regret : le lamprai
Le lamprai, c’est du riz (à part le kottu roti dont j’ai parlé ici, c’est toujours du riz !) et des légumes cuits à l’étouffée avec des morceaux de poulet et force piment dans une feuille de bananier. La feuille est bien fermée hermétiquement autour de la garniture comme un paquet cadeau. C’est beau et fumant quand on ouvre, et surtout, ça sent super bon.
Les babi ont ouvert de grands yeux quand notre guide a mangé ça avec nous (à la main 😉 ). Je n’ai pas pris de photo, et plus que tout, je regrette beaucoup de ne pas avoir goûté quand l’occasion s’est présentée.
Le lamprai est un plat de la rue, très bon marché, qu’on ne te sert pas dans les restos.
Or, quand les p’tits culs sont au bord de l’épuisement et ont besoin de faire une pause, assis, dans un endroit où on ne crève pas de chaud et où on peut taper le Uno, et que toi t’as absolument besoin d’aller aux toilettes mais qu’il n’y a aucun endroit possible, eh ben tu rentres dans un resto.
Plutôt que de manger de la street food sur un trottoir au milieu des chiens errants.
Et tu rates le lamprai… 🙁
Mickaël m’a consolée : « T’inquiète pas [d’habitude, c’est moi qui dis t’inquiète pas], rappelle-toi le amok [Cambodge, 2010] ! On va traverser plein d’autres pays qui font mijoter des trucs dans des feuilles de bananier. »
Oui mais bon. Ce sera autre chose.
Rohitha nous a raconté que le lamprai était le repas que lui préparait sa maman le matin, quand il était petit, pour son déjeuner à l’école, et que c’était merveilleux de défaire la feuille dans la cour et de sentir l’odeur de la maison.
Je me suis imaginée me lever à 5h du mat’ pour cuisiner et emballer trois lamprai avant de partir à l’école… eh ben c’était juste surréaliste !!!
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Voilà, maintenant vous êtes prévenus si vous voulez manger dans la rue au Sri Lanka…
Je sais que certains d’entre vous projettent de partir bientôt, début 2019, alors venez raconter si vous tentez le devilled !