Photo : Mes livres de mai 2025
Au mois de mai, j’ai pris plusse de temps pour lire parce que je ne peux plus faire de sport. Je me suis blessée au niveau du gril intercostal (ceci n’est pas un menu de barbecue). En travaillant mes grands pectoraux par des dips sur banc (ceci n’est pas non plus un accompagnement végétarien de barbecue).
Ça m’a mis un coup derrière la tête, surtout que, comme souvent dans ces cas-là, la blessure est venue avec tout un tas d’autres contrariétés et difficultés à gérer.
À la question « c’est quoi le bonheur pour toi ? », que le Grand Lièvre (14 ans) avait posée à sa grande sœur le jour de son anniversaire (→ Lis-moi février 2025), le Marcass’, qui a eu 12 ans ce mois-ci, a répondu pour lui-même :
« Moi mon bonheur, c’est tous les jours le sport, manger et faire des câlins. »
Bim ! Ben moi comme je ne fais plus de sport depuis un mois, je suis en colère et j’ai pas du tout envie de faire un câlin à qui que ce soit. Je te jure, si tu m’approches tu vas t’empaler sur mes piquants.
Je n’ai pas non plus envie de manger à cause de cette boule de fureur qui roule qui roule dans mon ventre et qui m’empêche de ressentir la faim.
Alors qu’est-ce que j’ai fait ?
Je me suis recroquevillée comme le hérisson, j’ai lu et j’ai essayé de méditer.

Le livre
→ Christophe André, Méditer, jour après jour, éd. L’Iconoclaste, 2011
Sur la photo en tête d’article, mes deux plus gros livres du mois sont Yoga, d’Emmanuel Carrère, et Méditer, jour après jour, de Christophe André. J’ai lu les deux jusqu’au bout.
Il y a même des passages que je confonds maintenant, entre les deux ouvrages, parce que la première moitié de Yoga traite aussi de méditation et que j’ai lu les deux en parallèle. Un même sujet, deux angles différents, nombreuses similitudes.
C’est dans Yoga que j’ai appris ce qu’est un zafu.
Et puis, dans la deuxième moitié de son livre, Emmanuel Carrère écrit sur sa violente dépression et ça m’a comme soulagée. J’ai mieux aimé cette deuxième partie. Ça m’a fait des vacances de méditation parce que, de vous à moi, j’en pouvais plus de l’injonction à accueillir ce qui vient, sans jugement, dans la pleine conscience de l’instant présent… 😝
Méditer, jour après jour n’a pas été une lecture plaisir. Je reconnais que je m’y suis astreinte, page après page, du début à la fin. Parfois j’en retirais de la lumière, un réconfort intérieur, et parfois c’était chiant et j’en avais marre.
Mais c’est ça aussi méditer. Parfois c’est chiant et on en a marre.
Pourtant ça fait du bien.

Je ne pratique pas le yoga. Je pratique la méditation sous forme irrégulière depuis deux ans.
Je médite seule, sur un temps de quinze à vingt minutes, à partir de méditations guidées que je choisis en amont. La plus grande régularité que j’ai atteinte dans ma pratique avant ce mois-ci s’étale sur une période de neuf mois entre 2023 et 2024 où je planifiais dans mon emploi du temps une séance de méditation par semaine. Généralement le lundi matin.
« Ce que nous apprend la pleine conscience, c’est à ouvrir les yeux. […] Cet acte est un acte de libération. Libération de nos pensées sur le futur ou le passé : la pleine conscience nous ramène dans le présent. Libération de nos jugements de valeur : la pleine conscience nous ramène dans la présence. » (p.28)
Christophe André, Méditer, jour après jour, éd. L’Iconoclaste, 2011
Le projet dans lequel je me suis lancée au début du mois et que je n’avais encore jamais réalisé, c’est de faire l’expérience de 15 minutes de méditation quotidienne pendant 30 jours.

Vous avez peut-être remarqué qu’on se met plus facilement en action quand on sait que d’autres personnes le font au même moment. J’observe ça pour le sport autour de moi : des gens qui se motivent à aller courir ou à aller nager ENSEMBLE.
Je ne l’ai personnellement jamais fait, je fais plutôt comme si j’étais sourde quand on me le demande parce que j’aime trop courir seule. Mais ça c’est le running & moi.
Pour ce qui est de la méditation… c’est une tout autre histoire !
Inspirée par une expérience de désencombrement menée conjointement avec mon amie Marie il y a deux ans, chacune dans son chez-elle encombré, à raison de quinze minutes par jour renouvelables une fois mais pas deux, j’ai proposé le même format appliqué à la méditation à un ami de spiritualité doté (l’ami) d’un humour irrésistible : Stéphane François.
Quinze à vingt minutes de méditation par jour, renouvelables une fois mais pas deux, ensemble mais à distance. Un peu comme quand vous buvez à la régalade. Ou en wifi, comme disent les ados. (À la régalade, c’est les vieux qui le disent.)

Et alors, vous demandez-vous avec curiosité et enthousiasme, quel est mon bilan après un mois de méditation quotidienne ?
Eh bien d’abord j’ai vu que, le premier truc que je fais sauter parce que je n’ai pas le temps ou parce que j’ai quelque chose de plus urgent / plus important ou parce que quelqu’un·e me demande quelque chose qui n’était pas prévu dans mon planning, c’est le temps de méditation.
Méditer est un exercice difficile parce que s’arrêter est difficile.
S’arrêter de courir, s’arrêter de faire, s’arrêter de produire est difficile.
À l’inverse, je ne fais jamais sauter une séance de running ou d’écriture, de cuisine ou de planification de repas. Pas tellement parce que ça me plaît davantage que la méditation, je n’ai pas plusse de plaisir à cuisiner qu’à méditer, non, je crois que si je ne les fais pas sauter, c’est parce que, contrairement à la méditation, ce sont des activités qui relèvent du « faire ».
Ce qui va passer à la trappe si je manque de temps, c’est mon sommeil ou/et ma méditation, c’est-à-dire des temps d’êtreplutôt que de faire, parce que, sur le moment, surtout si je ne vais pas bien, ces temps d’être sont inconfortables pour moi.

Et pourtant.
Méditer à la régalade avec Stéphane m’a aidée.
J’ai commencé par les méditations que Christophe André recommande pour débuter : la concentration sur le souffle et la respiration, la prise de conscience du corps, l’attention à l’instant présent, l’écoute des sons et l’observation des pensées.
J’ai aussi pratiqué à plusieurs reprises la méditation sur le corps douloureux – rapport à la blessure de mon gril intercostal qui m’empêchait de serrer, sursauter, secouer, éternuer, vous vous souvenez ? – et je me suis sentie mieux. Pas guérie, mais mieux.
Ce que dit Christophe André dans la méditation guidée sur le corps douloureux m’a rappelé une phrase de Murakami que j’ai lue l’été dernier et qui m’a marquée :
« La douleur est inévitable. La souffrance est une option. » (p.8)
Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, éd. Belfond, 2009
Bien sûr cela ne concerne que les douleurs ordinaires dans le corps. Les blessures de tous les jours. La citation de Murakami est à replacer dans le contexte de la course de fond.

J’ai poursuivi par des méditations que je choisissais en fonction de ce dont j’avais besoin sur le moment : une sur les émotions douloureuses notamment, et une autre sur la parentalité (qui n’est pas de Christophe André).
Méditer m’aide à prendre du recul (un peu) avec les ados qui partagent ma vie.
J’ai toujours envie de les encastrer dans le mur avec leur téléphone décalqué sur la joue mais la méditation m’aide (un peu) à retrouver (parfois) un certain alignement intérieur. Avec mes gouttes quotidiennes d’huile essentielle de bois de rose sur les sept chakras.
→ Méditation guidée : « Dites adieu aux émotions négatives », avec Christophe André
J’ai senti la colère dans ma nuque. Dans mon ventre d’abord, bien sûr, mais aussi dans ma nuque.
Chez moi, le sentiment de colère peut être présent sans que la raison ne me semble suffisante. En méditant, j’ai senti ma colère se dégonfler et alors j’ai vu derrière, j’ai vu le sang (sang) sur ma peau, j’ai vu la fureur et les cris j’ai vu l’injustice, la peur, et puis la tristesse et la blessure de rejet qui étaient cachées derrière. Qui n’osaient pas se montrer parce qu’elles allaient faire trop mal. C’est comme ça chez moi, la colère. C’est une sorte de superhéroïne qui arrive avec sa grande cape pour protéger tout ce qui souffre et qui n’est pas entendu à l’intérieur de moi : la frustration, la tristesse, la déception surtout.
D’ailleurs ma colère ne veut pas les entendre non plus. C’est pour ça qu’elle prend toute la place, c’est pour ça les cris et le bruit, elle s’agite pour ne pas entendre ce qu’elle protège.

À mon niveau, je n’ai encore jamais pratiqué la méditation en silence, sans guide audio. Ou si, quelquefois, dans les transports ou les salles d’attente, quand le dermato que je n’ai pas vu depuis quinze ans et qui me récitait de la poésie a une heure et demie de retard par exemple.
C’est ma prochaine étape (la méditation en silence).
Si vous avez envie de vous lancer, je trouve que l’approche et les méditations guidées de Christophe André sont chouettes, même si là j’avoue j’en peux up. Sa voix est très apaisante et j’aime qu’il laisse de longs temps de silence qui permettent d’entrer en soi.
Pour débuter, à part la lecture du livre Méditer, jour après jour, je vous conseille le podcast Trois minutes à méditer, sur France Culture, dans lequel Christophe André propose 40 épisodes de trois minutes (pas plusse !) de méditation guidée en pleine conscience.
→ https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/trois-minutes-a-mediter

La bulle de conscience
→ Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, illustré par Antoine Grimée, L’Arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée, éd. Glénat, 2024
L’illustration de couverture de cette bédé est tellement représentative du sujet, j’ai adoré ! Et l’enquête est passionnante dans les interrogations personnelles qu’elle suscite et les perspectives de changement sociétaux qu’elle ouvre.
C’est un travail richement documenté, qui s’appuie sur des études de chercheurs et chercheuses, et émaillé de nombreux entretiens. En parallèle, les auteurs questionnent leur propre implication dans leur couple et leur parentalité, avec une honnêteté qui fait du bien. C’est ce double mouvement, d’ouverture aux autres et d’introspection, qui m’avait déjà enthousiasmée dans la première bande dessinée de Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin : Les Contraceptés (je vous en reparle juste après).
En quelques chapitres comme autant de prismes – le foyer, les vacances, le travail, l’argent, l’éducation, les violences – les auteurs montrent que, au-delà des individus eux-mêmes, c’est tout le système institutionnel qui entretient les inégalités hommes / femmes – et encore plusse les inégalités pères / mères.

Moi, l’info que j’ai déjà lue et entendue plusieurs fois ailleurs, que je trouve ahurissante et qui, en même temps, correspond tout à fait à la réalité que j’observe, c’est que, dans les couples hétéro, la charge des tâches domestiques (parentales aussi bien que ménagères) diminue pour les hommes au moment où ils se mettent en couple, se marient, puis qu’ils ont un enfant, puis deux, puis trois, alors que cette charge augmente au même moment de façon exponentielle pour les femmes !
Tu m’étonnes après ça qu’on est claquée et qu’on vieillit deux fois plus vite en couple hétéro que si on est célibataire ou en couple lesbien !!!

Le cœur de l’enquête menée par Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, c’est de mettre en lumière que, oui les hommes changent leurs mentalités (au mieux), oui les hommes s’engagent davantage dans la paternité, oui les hommes d’aujourd’hui font mieux que les pères d’hier, MAIS ils font surtout ce qui est valorisé socialement.
Les papas font avec leurs enfants les trucs fun, les activités qui permettent de créer du lien : le jeu, le sport, ou donner un biberon. Mais ils prennent nettement moins leur part quand il s’agit des trucs chiants et de la charge mentale qui nous grille la bande passante : trier les vêtements, planifier les repas, préparer le sac à dos du goûter ou des affaires pour la crèche, anticiper le rendez-vous avec un ou une pédiatre pour obtenir le certificat médical dudit sport…
Une stat’ pour appuyer mon propos ?
Sur Doctolib, 83% des rendez-vous médicaux sont pris par les mères (Source : Doctolib, communiqué de presse du 8 mars 2023).
Et encore, ce chiffre concerne seulement les parents séparés. Pour les couples non séparés, à votre avis, qui prend les rendez-vous médicaux pour les enfants ?

Bien sûr, les inégalités ne sont pas QUE la faute des hommes pris individuellement. J’entends que les femmes doivent aussi lâcher leur pré carré – à la maison, avec les enfants, le linge… Apprendre à déléguer. Accepter que les choses ne soient pas faites comme elles, et blablabla.
Oui, c’est vrai. On a nous aussi à déconstruire parce que, au même titre que les hommes, nous avons intériorisé des attentes et des attitudes sexistes.
Mais, au-delà de nos transmissions familiales, les institutions et les politiques publiques ont une énorme responsabilité dans le maintien des inégalités hommes / femmes !
« Les hommes ont quand même une bonne part de responsabilité. Mais en fait, pour que ça bouge… c’est toute la société et son organisation qui doit être repensée. » (p.141)
Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, illustré par Antoine Grimée, L’Arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée, éd. Glénat, 2024

Pour moi, un des nerfs de la guerre, c’est l’allongement du congé paternité. Ça commence là. Il me semble que la montée en compétence parentale des hommes et des femmes doit se faire ensemble, en même temps. Dès le début. Et donc ça touche, forcément, le rapport au travail des hommes. L’entreprise. Le statut social et ses représentations.
Quand on y pense, quand on y pense vraiment, est-ce que c’est pas un truc de ouf, quand t’es parti de chez toi à 7h30 le matin, de rentrer du boulot à 20h le soir ?
Pour ne prendre que l’exemple de ce qui se vit tous les jours (ou presque) sous mon toit ?
On pourrait chercher une explication du côté de ma situation professionnelle, du fait que je ne travaille pas et que donc, chez moi, il n’y a qu’un salaire pour nous cinq. Mais, en vrai, si je travaillais, est-ce que la journée de travail de mon mari serait différente ?
Est-ce qu’il pourrait quitter le taf à 17h l’esprit tranquille et rentrer à la maison pour prendre sa part de ce qu’il reste à faire, ou simplement pour, attention je vais dire quelque chose de dingo, commencer à VIVRE ?

On cite souvent l’exemple de la Suède comme le pays le mieux classé du point de vue de l’égalité hommes / femmes. Dans la bédé, les auteurs y consacrent tout un chapitre, très instructif.
Évidemment la Suède donne super envie, par rapport à la situation chez nous. Et pourtant, même en Suède où chacun des parents a droit à un congé maternité / paternité de sept mois chacun·e seul·e avec l’enfant (dont un mois de congé ensemble pendant la première année du bébé), même quand l’homme et la femme ont tous les deux un travail à l’extérieur du foyer, les femmes continuent d’assurer les deux tiers des tâches domestiques.
Il y a une idée portée par Ida Östensson (activiste féministe suédoise, conférencière sur les questions d’égalité, autrice d’un livre sur les inégalités de genre qui a fait un carton en Suède et qui s’appelle Tout ce que nous ne voyons pas), que je trouve novatrice et pleine de promesses, c’est d’opérer dans le couple les arbitrages qui permettront à chaque conjoint·e d’avoir la même quantité de temps et d’argent après que les principales choses familiales sont faites et payées.


En France on est loin du compte. Et en même temps, comme le soulignent les auteurs, chaque homme a à se remettre en question personnellement et à prendre sa responsabilité sans attendre que le changement vienne des politiques publiques.
Si je regarde comment ça se passe chez moi, certaines tâches sont très genrées, c’est clair, mais je trouve que c’est biaisé par le fait que je ne travaille pas. Il y a derrière, l’idée que c’est normal que celui ou celle qui travaille pour la maison en fasse davantage que celui ou celle qui travaille à l’extérieur. Après, cela pose d’autres problèmes, dont le modèle hyper tradi qu’on transmet ainsi à notre fille et nos deux garçons n’est pas le moindre…
« Les images, c’est fondamental. Si tu dis à une fille : « tu peux tout faire », mais qu’à la maison sa mère subit toute la charge mentale, elle prendra tout sur elle plus tard. » (p.176)
Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, illustré par Antoine Grimée, L’Arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée, éd. Glénat, 2024

Néanmoins, chez moi, c’est toujours Mickaël qui fait les valises par exemple. En vacances, c’est aussi lui qui s’occupe du linge, prépare les repas et checke les devoirs pour la rentrée.
Je ne vais pas ENCORE faire l’éloge de mon mec parce que ça le saoule, mais je suis heureuse de vivre qu’avec lui c’est pas « l’arnaque » – pour reprendre le titre du livre. Il a pris sa place de co-parent dès la naissance des enfants, et même avant, pendant la grossesse, je vous en parlais dans L’allaitement & moi.
Et maintenant que les enfants sont plus grands, que ce soit pour passer la demi-journée avec l’un à sa compèt’ de ping-pong, emmener l’une faire du shopping (quelle angoisse) ou recoudre un bouton avec l’autre, le mec est là. Il assure. Pas d’arnaque.

Je m’arrête là pour cette bédé parce que le mieux, c’est quand même que vous la lisiez !
Si vous êtes curieux·se d’entendre les auteurs parler de leur travail d’enquête (ils sont cool), je vous invite à écouter cette interview de Blast.
Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain invités par Blast à la sortie de leur bédé L’Arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée (17 déc. 2024).
À propos des auteurs
Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain ont précédemment collaboré sur une première bédé : Les Contraceptés – Enquête sur le dernier tabou, illustré par Caroline Lee, éd. Steinkis, 2021.
Se trata de un Il s’agit d’un travail d’enquête historique et sociologique sur la contraception masculine, dont je vous avais déjà parlé il y a trois ans dans l’article S’il n’en restait qu’un(e) # avril 2022.
Sur le sujet de la contraception en particulier, je suis sidérée par l’inconséquence des mecs. Et quand j’emploie, à dessein, le vocable de « sidérée », je ne parle pas d’être révoltée par le fait que ce sont les femmes qui portent, à une majorité écrasante, l’intégralité de la charge contraceptive. Révoltée je le suis, bien sûr, mais ici quand je dis « sidérée », je ne me place pas du point de vue du combat féministe pour une meilleure répartition des rôles.
Non.
Je suis sidérée parce que je n’arrive pas à comprendre comment les mecs abandonnent EN TOUTE DÉTENTE la question de la contraception à leur meuf. Il y a un truc qui buggue dans mon cerveau. Je ne comprends pas que les mecs délèguent d’un revers de bite main un sujet aussi lourd de conséquences. En se reposant sur des meufs qu’ils connaissent parfois à peine. Mais les gars, vous êtes des grands malades ou quoi ??!! Ça va là-haut ? Vous n’avez pas peur ?… Je veux dire, vous n’êtes pas flippés de jouer comme ça à la roulette russe de la paternité alors que vous ne voulez pas d’enfant (ou pas maintenant) ??
Ça me tue ! Ça me sidère, voilà.
Cette inconséquence.

Je ne sais pas ce qu’il en est de la contraception en Suède, si les hommes s’en emparent davantage – ou pas. Mais franchement les gars, vous avez de la chance qu’il n’y ait pas tant de connasses que de connards que ça !
Si vous n’avez pas assez de temps en ce moment pour vous procurer et lire la bédé Les Contraceptés, je vous propose de faire un premier pas vers l’idée de contraception masculine à travers l’écoute du podcast « Les bijoux de famille », réalisé par Benoît Bories produit par Arte Radio.
L’épisode est centré sur la contraception hormonale masculine (qui consiste essentiellement en une injection hebdomadaire de testostérone) et ne dresse pas l’inventaire des autres méthodes. Le journaliste a toutefois le mérite de s’interroger, et d’interroger les hommes de son entourage, sur leur attitude démissionnaire concernant ce sujet…
→ Podcast « Les bijoux de famille », réalisé par Benoît Bories, sur Arte Radio

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Quelques mots, avant de terminer, sur la B.D. d’Émilie Gleason (qui n’a rien mais rien à voir avec ce dont on vient de parler) : Junk Food – Les dessous d’une addiction, éd. Casterman, 2023.
Je n’ai pas DU TOUT aimé l’illustration, le style de dessin, les couleurs, ni le texte d’ailleurs. Cependant. J’ai poursuivi ma lecture jusqu’au bout parce que ce qui est dit, au-delà de la forme, est important.
Oui, la nourriture peut être une addiction extrêmement toxique qui mène à la mort.
À quoi j’ajouterais personnellement : la restriction, la privation volontaire de nourriture, est aussi une addiction. Puisque s’empêcher de manger revient à penser à la nourriture tout le temps. Tout le temps tout le temps tout le temps. Tout le temps comme… tout le temps. Au travail, au sport, sous la douche, quand on fait du sexe, avant de s’endormir, au réveil…
Dans notre société, le « pas ou peu » manger est clairement valorisé par rapport au « trop » manger, mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est la même drogue, le même combat. Deux racines de la même addiction qui conduit à penser à la nourriture en permanence et à comment on va s’y prendre pour manger (ou ne pas manger).
Et le sevrage est particulièrement difficile car, comme je l’ai souvent dit, on peut arrêter de fumer, on peut arrêter de boire, on peut arrêter de sniffer de la coke ou de se piquer à l’héroïne, on peut même arrêter le sexe, le sport, les jeux vidéo, on peut arrêter de cramer sa carte bleue dans les magasins, ses jetons au casino, mais on ne peut pas arrêter totalement de manger. À vie. N’en déplaise à celles et ceux qui voudraient se nourrir exclusivement de lumière #prana.
Bah non. Croyez bien que je suis la première à en être désolée. Mais non.
Vraiment pas.

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Un mot enfin sur L’île aux lapins, un album de Jörg Steiner, illustré par Jörg Müller, aux éditions Mijade, que j’ai relu ce mois-ci. Je veux vous montrer une illustration qui m’a interpelée. Elle m’a fait le même effet que lorsque je vois des images d’archives de l’émission littéraire Apostrophes avec des auteurs (plus rarement des autrices, sauf peut-être Françoise Sagan ou Marguerite Duras) en train de fumer sur le plateau avec Bernard Pivot.
Ben là, dans cet album jeunesse de 1978 – mon année de naissance – y’a un mec qui décharge son camion la clope au bec. Il faut dire qu’à cette époque lointaine, la cigarette de Lucky Luke n’a pas encore été remplacée par une brindille. Ça ce sera en 1983, sous la pression des associations anti-tabac, au moment de l’adaptation de Lucky Luke en dessin-animé par les studios américains Hanna-Barbera Productions. De rien. Et fun fact, vous savez quoi d’autre ? Je profite que j’ai la parole pour vous imposer de la culture générale que vous n’avez pas demandée à la Ted Mosby’s style, « l’Île aux lapins », c’est ainsi qu’on appelle Okunoshima ou Okuno-jima, une petite île de la Mer Intérieure du Japon rattachée à la ville de Takehara dans la préfecture de Hiroshima. Je vous en prie.

Bon enfin je ne fais pas l’apologie de la cigarette, je constate simplement qu’elle a disparu du champ médiatique ET des livres à destination de la jeunesse. Alors qu’il y a toujours, quelque part, un mec qui décharge son camion la clope au bec.
Et pour le fond, aujourd’hui comme en 1978 (voire encore pire, en termes d’élevage industriel intensif) cette histoire d’île aux lapins est un cauchemar.
Dans le manuscrit de mon amie Myriam que j’ai relu ce mois-ci pour ultimes corrections avant publication, j’ai appris que :
« Un félin en captivité vit jusqu’à trente ans alors qu’à l’état sauvage, c’est à peine la moitié. »
Myriam Bouroche, À demeure, éd. Château d’encre, à paraître en 2025.
N’empêche, même si on vit moins longtemps, ne restons pas dans nos petites cages.
Ayons le courage d’affronter nos peurs pour vivre libre !

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Et vous, qu’avez-vous lu en mai ?