La chute

Photo : Quand tout semble contre toi… mais toi tu SAIS que tu ne te trompes pas.

 

Mercredi dernier, peu après midi et demi ce 18 novembre, je suis tombée dans l’escalier. Toute seule, sans chahuter, sans qu’on me pousse.

Qui est déjà venu chez moi sait comme les escaliers sont raides et étroits.
Imagine quand tu les descends avec une panière de linge propre bien plié coincée sous le bras, et, dans l’autre main, un fatras de trucs qui attendent depuis trois jours sur la première marche que quelqu’un les descende. Le tout en chaussettes de yoga trouées aux deux talons et dont les semelles antidérapantes sont usées jusqu’à la corde – donc glissantes – parce que jamais on ne te verra enfiler des chaussons. Jamais. No way. Tu t’imagines Fantômette en pantoufles ?
Mais autant prendre ma retraite tout de suite !

Donc ben j’ai mal. J’ai super mal. Le coccyx c’est tout petit pourtant, si t’as pas idée de où ça se trouve et que tu regardes sur une planche d’anatomie. N’empêche : tu griffes les mains de ta mère.
Y’a des petites choses comme ça qui font super mal. Un bout d’os, une seconde, un mot.

Je peux pas m’asseoir, je peux pas me lever, je peux pas dormir, je peux pas tousser, et surtout, JE PEUX PAS COURIR !!!

Quelle ironie. Que ça m’arrive à moi, maintenant, qui vous rappelle il y a seulement deux semaines : l’important c’est pas la chute… c’est l’atterrissage ! (newsletter 69 # 8 novembre 2020)

Là dans l’escalier je n’ai pas atterri, je ne me suis même pas réceptionnée, je me suis laissée tomber.
Laissée tomber. Comme quelqu’un à qui soudain on lâche la main.

 

Intro du film La Haine, de Mathieu Kassovitz, 1995.

 

Aujourd’hui ça fait huit jours, j’ai encore plus mal qu’au lendemain de ma chute. Comme si d’autres petits os s’étaient brisés tout autour du coccyx. D’autres secondes, d’autres mots.
Alors que notre Président annonce avant-hier soir que nous serons désormais bientôt autorisés à sortir de chez nous jusqu’à 20 km, et, soyons foufous, trois heures durant : je ne peux pas prendre mon vélo. Je suis physiquement empêchée par mon propre corps.
Isn’t it ironic ?
Ce sont les mots qui me viennent. Still Alanis.

De fait, l’ironie est très présente en ce moment dans ma vie.
Tu sais, quand tu espères un message à gauche, et qu’il te revient en écho à droite. C’est exactement le même message, au mot près, mais celui-là tu ne l’entends pas. Du tout. Tu es sourde d’une oreille.

Papa Écureuil manie bien l’ironie, lui aussi.

– Donc moi je vis avec la meuf qui se dit : attends, ce mois de novembre n’est pas assez pourri, je vais faire un truc que j’ai encore jamais fait, je vais tenter… la fêlure du coccyx !

 

J’ai près de moi des amies qui m’invitent à m’interroger sur le sens profond de ma chute.
Qu’est-ce que mon corps cherche à me dire par là ? Pourquoi de cette façon-là précisément ? Pourquoi maintenant ?

 

 

Alors je veux bien croire que mon corps me délivre, par la douleur, un message chargé de sens que probablement je n’ai pas su entendre avant pour qu’il en vienne à cette extrémité, mais je l’ai dit : je dois être sourde d’un côté. Je vois que ça ne va pas, mais je n’arrive pas à déchiffrer.
J’ai comme un voile opaque devant les yeux.

Pourtant cette question : pourquoi vous tombez ?, je sais que mon ostéo va me la poser. Quand je retournerai le voir. Pas maintenant, plus tard. Quand je n’aurai plus mal. Dans une autre vie. Un jour.

Et il ne va pas s’arrêter là. C’est un bon ostéo. Il est consciencieux. Il va creuser.

Quelles actions j’entreprends qui ne sont pas en adéquation avec mes aspirations profondes ?
Qu’est-ce que mon corps, ou mon cœur, me raconte dans sa chute ?
Qu’est-ce que je fais contre moi-même ? Contre mon âme, pour m’empêcher d’être libre et légère comme dans un roman d’Édith Wharton ?

Mais là encore, Papa Écureuil a la bonne explication. Rationnelle. Comme il faut.

– T’as glissé parce que tu veux pas mettre de chaussons à cause d’idées à la con que t’as dans la tête. Si seulement ça pouvait te servir de leçon… mais je sais, et c’est ça le pire, JE SAIS que non !

 

Mon mari est d’un soutien inconditionnel, comme on voit.
Je dis ça sans ironie hein. Pas là. Au moins il ne me dit pas :
« Mais pourquoi t’as descendu tout ça toute seule ? Fallait demander, je l’aurais fait ! »

Non. C’est un mec bien. Il n’ose pas.
Il a peur que tu le pulvérises avec les rayons de feu qui vont jaillir de tes yeux comme le Homelander dans la série de superhéros que vous regardez en ce moment sur Netflix, The Boys.

Il te prend dans ses bras et il se baisse pour t’aider à ramasser par terre les innombrables mouchoirs en papier usagés du Grand Lièvre (9 ans) dont les poches de jean doivent certainement être trouées comme mes chaussettes de yoga. C’est pour ça. Sinon je vois pas.

J’ai comme un voile opaque devant les yeux.

 

Pour moi c’était les descendre, en l’occurrence.

 

*****

 

Et vous, la fêlure du coccyx ça vous dit d’essayer ?

Je trouve que plus on vieillit, plus c’est important de faire des choses pour la première fois…

 

 

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