Petits récits nippons : 6- La plage au Japon

Photo : Sur la plage d’Itanki, à Muroran (Hokkaido, Japon, 5 août 2024).

 

Voici le dernier chapitre de la saga de mes Petits récits nippons. Et pourtant, il me reste tant à vous raconter sur notre voyage de l’été dernier au Japon !

La faute à la place et au temps que me prennent, chaque mois, mes articles de recommandations culturelles, je mets donc le Japon en pause, au moins jusqu’à l’automne. Mais je n’oublie pas que je ne vous ai toujours pas nourri·es d’un article sur la cuisine au Japon, ni même sur la street food au Japon

Ça viendra. Avec ce qu’il me reste de notes dans mes carnets de voyage, je pense que je peux alimenter mon blog d’articles inédits sur le Japon jusqu’à l’été prochain !
#UnMoisDeVoyageDeuxAnsD’articles

Pour le moment, let’s go to the mall (qui parmi vous a la réf’? 🤩) let’s go to the beach !

 

Sur la plage d’Itanki, à Muroran (Hokkaido, Japon, 5 août 2024). 

 

Itanki est la première plage sur laquelle nous nous arrêtons, à Muroran, sur l’île de Hokkaido, au jour 12 de notre voyage. Ce n’est pas un stop prévu, on n’a même pas nos maillots de bain, on tombe dessus et on s’arrête parce que c’est beau, ces falaises recouvertes de feuillus qui surplombent une longue plage de sable fin complètement déserte.

Deux vans de surfeurs et de surfeuses sur le parking nous rappellent Shishikui, sur l’île de Shikoku que j’ai tellement aimée lors de notre premier voyage au Japon il y a cinq ans.
(Enfin, cet été, ça faisait cinq ans. Évidemment quand je me rappelle Shishikui aujourd’hui en juin 2025, ça fait six ans…)

Ce qu’on fera et ce qui sera fait

 

Sur la plage de Shishikui il y a six ans (Shikoku, Japon, juin 2019).

 

Sur la plage d’Itanki, à Muroran, cet été (Hokkaido, Japon, 5 août 2024).

 

J’adore chercher des correspondances photographiques entre notre voyage de cet été au Japon et notre tour du monde Asie-Pacifique d’un an il y a six ans. C’est long, ça me demande du temps et un gros travail de recherche, mais derrière chaque image remontent des souvenirs de découvertes, de rencontres, et une myriade de sensations physiques, gustatives, olfactives : le vent chaud, l’odeur et la saveur du natto, le sel des vagues qui cristallise sur la peau.

C’est le sens du travail que j’ai fait en décembre dernier dans l’article Instantanés du Japon maori, en mettant en parallèle ce qui m’a paru familier entre le Japon et la Nouvelle-Zélande.

Instantanés du Japon maori

 

Je me sens doublement privilégiée de pouvoir revivre une nouvelle fois ces moments, à la lumière de ce qui a changé aujourd’hui et de qui on est devenu·es. Une chance extraordinaire que je mesure, quand parfois, de manière impromptue, on re-regarde ensemble tous·tes les cinq une série de photos d’un des pays que nous avons traversé.

 

Sur la plage d’Ishikari, à Otaru, où nous sommes les seul·es Occidentaux·ales (Hokkaido, Japon, 12 août 2024). Les locaux semblent surpris·es de nous voir ici.

 

Enfin les enfants peuvent courir dans la mer, se baigner, puis s’échouer sur le sable de la plage d’Ishikari, à Otaru (Hokkaido, Japon, 12 août 2024).

 

À Muroran, les enfants sont trop frustré·es de ne pas se baigner. Mickaël promet une autre plage, une semaine plus tard. Ce sera la plage d’Ishikari que vous voyez sur les deux photos ci-dessus, à Otaru, au jour 19 de notre voyage.

Ce n’est pas une très belle plage – même si c’est là que j’ai pris ma plus belle photo l’une de mes plus belles photos du voyage (→ Voyager avec des enfants : côté pile).

Le sable est noir, l’eau un peu trouble, et il y a beaucoup de Japonais·es en week-end car on est un jour férié au Japon. Mais les enfants s’en fichent : c’est l’été et ils et elle veulent se baigner !
Et puis là au moins, je peux nager loin sans que personne ne me siffle pour m’obliger à revenir.
Et puis il y a des cormorans et Mickaël est content de pouvoir les observer de la plage avec le zoom de mon appareil photo.

 

Sur la plage d’Ishikari, à Otaru, je peux nager aussi loin que le dernier rocher des cormorans (Hokkaido, Japon, 12 août 2024).

 

Cormoran au zoom max de l’appareil photo, sur la plage d’Ishikari, à Otaru (Hokkaido, Japon, 12 août 2024).

 

Cinq jours plus tard (ressenti dix, à force que les enfants réclament la plage la plage la plage), c’est la plage de Jodoga, à Miyako, au jour 24 de notre voyage. Mickaël avait prévu ici une pause détente en-mode-vacances pas-en mode-voyage, parce qu’il y a une plage magnifique, soleil et eau cristalline pour se baigner. Bon. Nous on a plutôt brouillard et pluie, suite au typhon qui a déferlé sur la péninsule le 12 août 2024.

Et nous sommes reconnaissant·es parce que, oui le Japon est le pays le plus sismique du monde, et en roulant toujours plus loin vers le nord, on a évité ET le tremblement de terre du 8 août survenu au large de l’île de Kyushu, ET le typhon du 12 août au nord de l’île de Honshu. Pour ces deux catastrophes, nous sommes revenu·es sur Honshu juste après le gros de la bataille.

 

Sur la plage de Jodoga, à Miyako (Honshu, Japon, 17 août 2024).

 

Mais à Miyako sur la côte d’Iwate, après le typhon, la baignade n’est pas encore ré-autorisée car la plage de Jodoga n’est pas surveillée.

Pas de surveillance = pas d’autorisation

Par « pas d’autorisation », comprendre : interdiction formelle de se baigner.
On ne rigole pas avec la surveillance des plages au Japon, comme vous l’apprendrez dans la suite de cet article.

 

Sachez que, s’il fait trop moche pour vous baigner ou/et que c’est formellement interdit comme ce fut le cas pour nous, en partant de la plage de Jodoga, il y a un chouette sentier de randonnée, accessible aux jeunes enfants, qui longe le littoral. Et c’est important de ne pas trop s’en écarter, du littoral, parce que, ici, comme je vous le racontais le mois dernier dans mon article sur les forêts au Japon, il y a VRAIMENT des ours…

Petits récits nippons : 5- Les forêts au Japon

 

Nouvelle photo d’oiseaux prise au zoom par Mickaël, sur la plage de Jodoga, à Miyako (Honshu, Japon, 17 août 2024).

 

Finalement, notre première vraie expérience d’une plage d’été où on se baigne longtemps et tout, c’est à Otsuchi, sur la plage de Kirikiri, au jour 25 de notre voyage. C’est une plage surveillée, mais de manière modérée, avec des sauveteurs et des sauveteuses qui sont là au cas où (et surtout là pour nettoyer la plage au centimètre carré). Une plage où on est considéré·e comme adulte responsable et donc à peu près libre de nager où on veut dans la mer.

J’apprécie beaucoup.
J’aurais apprécié plusse encore si j’avais su ce qui m’attendait le lendemain sur la plage de Kodanohama…

 

Le Grand Lièvre, 13 ans, sur la plage de Kirikiri, à Otsuchi (Honshu, Japon, 18 août 2024). 

 

À Kirikiri, le nom est trop bignon la plage est propre et la température de l’eau parfaite. Le ciel est dégagé mais encore nuageux après le passage du typhon. Sans soleil et donc sans grosse chaleur non plus, juste bien.
Tout est bien.

La douche chaude après le bain de mer, la pression de l’eau à la douche, tout tout tout est parfait.

 

Sur la plage de Kirikiri, à Otsuchi, les douches se trouvent de l’autre côté de la route (Honshu, Japon, 18 août 2024). 

 

Notre deuxième vraie expérience de la plage d’été où on se baigne longtemps et tout, c’est à Oshima, sur la plage de Kodanohama, où on va aller deux jours de suite. (On est à jour 26 et jour 27 de notre voyage, il est temps de tenir les promesses aux enfants qui ne se sont baigné·es que deux fois depuis le début alors qu’il fait une chaleur à crever.)

Sur cette plage, comme sur toutes celles où nous sommes allé·es, on est les seul·es Occidentaux·ales… et ça se voit ! On n’a pas les codes du bain de mer à la japonaise : on n’a pas de tente et pas de bouée, on est en maillot de bain sur la plage et on s’est installé·es sur le sable à un endroit où il n’y a personne parce que ce n’est pas en face du périmètre autorisé pour la baignade.

On nous regarde avec curiosité.

 

À droite de la ligne de flotteurs, une seule serviette pour cinq sur le sable, deux serviettes pour s’essuyer : notre équipement est minimaliste. Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

À gauche de la ligne de flotteurs, comment se passe la baignade dans la vraie vie des Japonais·es. Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

Nous aussi, on les regarde avec curiosité.

–  Regarde mon amour, ça c’est le next level de l’organisation…

Ah ouaiiiis…. Quand tu accroches la bouée de plage – que tu as préalablement rincée à l’eau claire au bloc de douches attenant à la plage – quand tu accroches la bouée de plage, donc, à un crochet fixé SUR la tente pour éviter que du sable se colle dessus.

– Naaaan… mais c’est ouf !

– Bah ouais… Si t’as cru qu’il y avait des bunch of fucking amateurs au Japon !

 

Et vous avez bien en tête la gueule de Walter Sobchak, bien sûr, puisque vous avez vu et revu ce film culte des frères Coen dans lequel il n’y a RIEN à jeter, The Big Lebowski !!!

 

« Say Aloha », plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024).

 

L’unique leçon à retenir du Japon est : Il. N’y. A. Pas. De. Bunch. Of. Fucking. Amateurs.
Never.
Jamais.

C’est ce qu’on se dit ici à chaque fois, tous les jours, plusieurs fois par jour. Pour tout, tout, tout, tout et n’importe quoi, même de minuscules choses comme le scratch qui attache entre eux les deux pans de rideaux pour éviter le mince espace qui laisse filtrer le jour. Ou la façon dont les sièges autos se replient sur eux-mêmes pour maximiser l’espace. L’espace libre entre les deux sièges avant. Les portières coulissantes (mais bon, ça je sais qu’il y a des Partner Tepee en France qui en ont). Le rebord des toilettes à la turque mais en fait à la japonaise.

Et ÇA, les ami·es, laissez-moi vous dire que ça change tout ! Ça change tout qu’il y ait un rebord plus haut qui limite les éclaboussures et ça change tout que l’ensemble soit plus étroit parce qu’alors tu peux poser tes pieds de chaque côté du trou sans t’écarteler – déjà que t’es en appui sur les cuisses.
C’est si bien pensé.
C’est si bien pensé comme tout au Japon, pour être plus simple, plus facile, plus agréable.

Petits récits nippons : 4- Les bains au Japon

 

Dans les toilettes publiques des jardins du château d’Hirosaki (Honshu, Japon, 15 août 2024). Ce sont les toilettes les plus spartiates que j’ai vues au Japon. Une seule et unique fois. Et c’est propre, rien à voir avec les toilettes à la turque de la base de loisirs de Cergy-Pontoise où tu réfléchis un petit moment avant de décider si vraiment, VRAIMENT, tu peux pas essayer de retenir ton pipi plus longtemps.

 

Je reviens à la plage pour vous donner un autre exemple de la perfection japonaise avec le parking – car l’organisation de la sortie à la plage à la japanese style commence sur le parking.

1/. Les coffres des autos japonaises sont rangés au Tetris*, MÊME quand ils sont blindés de trucs ras-la-gueule ;

2/. Les Japonais·es ne se garent JAMAIS hors des emplacements prévus, donc il est très facile d’entrer, sortir et circuler dans le parking (essaye à Argelès au mois d’août, tu vas sentir la différence).

 

* Admettons que, comme moi, vous n’ayez jamais joué à Tetris ni à aucun autre jeu vidéo de votre laÿfe. Quand même, vous n’êtes pas sans savoir que Tetris est un jeu où on range des barres et des carrés de la façon la plus optimale possible, non ? Tiens, Homer…

https://www.koreus.com/video/simpsons-tetris.html

 

Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

En sortant du parking à pied en direction de la plage, Mickaël remarque :

– En France, y’aurait déjà deux autos garées ici sur le trottoir, et en Italie j’t’explique même pas !

 

Ça me fait rire. Mon mec est drôle. Après on déroule la liste de comment ce serait dans les pays où on est allé·es.
Au Vietnam ou au Sri Lanka, y’aurait des autos garées dans tous les sens jusqu’à l’entrée du parking, partout même où tu crois que c’est pas possible de se garer, les unes sur les autres, et tant pis pour ta gueule si t’es cécoin pour sortir !!!

 

Sur le parking de la plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

Même parking, le lendemain. Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024).

 

Arrive maintenant le moment de vous raconter l’ultra-contrôle la surveillance des plages qui m’a tellement saoulémarquée.

Vous savez ce qu’on dit (et qui est vrai), à propos du retard cumulé des trains au Japon qui ne dépasse pas 30 secondes sur une année ?
Eh bien je pense que c’est pareil avec le risque qu’un être humain boive la tasse dans la mer d’une plage sous surveillance au Japon.

Kodanohama, sur l’île d’Oshima (petite île qui dépend elle-même de la préfecture de Miyagi, sur la côte nord-est de Honshu) est une plage hautement surveillée parce qu’elle figure au classement des douze « meilleures plages » pour se baigner au Japon. Donc il y a du monde (mais c’est pas non plus San Vito Lo Capo en Sicile le 15 août hein !).

 

Voilà, c’est pas San Vito Lo Capo ! Il suffit de s’installer à droite de la ligne de baignade autorisée et y’a plus personne… Le Marcass’ (11 ans) sur la plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

Brefs éléments de contextualisation.

J’adore la mer. J’aime l’espace et le silence qui se font autour de moi quand je m’en vais nager au loin et que l’eau devient toute noire en dessous. Parfois un·e enfant s’élance pour me suivre, attends maman je viens avec toi !
Je ne réponds pas, je me contente d’accélérer mes mouvements de brasse pour augmenter la distance qui nous sépare. Je sais que l’eau qui devient toute noire en dessous effraye les enfants. Du bord de l’eau j’entends Mickaël crier : laisse maman nager ! Et ça me fait une vague de gratitude dans le ventre.

J’adore la mer mais je supporte pas d’être parquée dans un périmètre autorisé avec les gens, leurs crachats, leur bruit et leur pipi. Et même si, au Japon, les gens ne font pas de bruit et pas de pipi, eh ben il y a mes garçons, et eux, ils font beaucoup de bruit et beaucoup de pipi. Ils se battent avec des algues et des bâtons en poussant des hurlements guerriers. Ils éclaboussent tout et tout le monde sur leur passage. Au point que la sauveteuse de bord de mer s’est mise en alerte spéciale. Focus sur eux.

 

Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024). Lifeguard au bord de l’eau. Périmètre de baignade autorisée bien délimité par des flotteurs (on a pied). Familles japonaises dans l’eau avec des bouées ou, plus loin, sur un paddle (avec des gilets de sauvetage). Tout est calme sauf… sauf… à droite, mes garçons.

 

Je ne peux pas rester à côté des garçons. Je ne suis pas détendue. Je n’ai pas de plaisir. J’ai le taux de cortisol qui s’envole et la tête farcie de cris alors que, je l’ai dit et je le redis : j’adore la mer parce que je peux m’en aller nager loin jusqu’à ce que j’entende plus rien.
Mais ça, au Japon, c’est pas possible. Quand la ligne de bouées à ne pas dépasser est à 10 mètres max du bord de l’eau, c’est pas possible. Et ça m’énerve 🤬

Je DÉTESTE qu’on m’empêche d’aller nager loin.

De manière générale, je DÉTESTE qu’on m’empêche, je DÉTESTE qu’on me parque dans un couloir et qu’on laisse Bébé dans un coin. C’est pourquoi je ne fais pas de triathlon : parce que je DÉTESTE les piscines et les couloirs de nage des piscines.
(Et aussi parce que j’ai peur je ne suis pas hyper à l’aise en vélo.)

 

Tiens, la photo suivante c’est quand j’ai dit aux garçons :

– Regardez là-bas, un trésor !
– Un trésor ? Quel trésor ?
– Un trésor là-bas, tout au bout c’est sûr y’a un trésor ! Allez, allez-y tous les deux, et surtout, ne revenez pas sans !

 

C’est la même plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima, et c’est toujours le 19 août 2024. Je n’ai absolument pas bougé de ma serviette entre cette photo et la photo que vous avez vue plus haut de comment se passe la baignade dans la vraie vie des Japonais·es. Pourquoi il n’y a personne (sauf mes deux garçons) ? Parce qu’ici c’est à droite de la ligne de flotteurs, donc pas surveillé, donc on n’a pas le droit de se baigner dans cette eau-là… 🤬

 

Bon. Aller nager loin, j’ai voulu le faire quand même, évidemment. Mais le lifeguard ne plaisante pas ici : aux jumelles il guette si tu t’éloignes du bord, et si c’est le cas, il se met à siffler comme un fou furieux. Alors l’autre lifeguard – celle qui reste tout au bord de l’eau pour surveiller de plus près, alors que 80% des gens dans l’eau ont des bouées s’te plaît – l’autre lifeguard t’interpelle en te faisant de grands signes. Reviens tout de suite par là !
Je ne veux pas la contrarier donc je fais demi-tour, de force et pas du tout de gré, ou bien c’est du très mauvais, de gré, quand soudain la lifeguard bondit parce qu’une gamine recouverte d’un gilet de sauvetage et dans une bouée a pris un petit rouleau au bord de l’eau.

Sécurité 11/10, a dit Mickaël.
Ambiance New Zealand.

Dans un carré bien délimité où carrément t’as pied sur tout le périmètre.

 

Le lifeguard aux jumelles. La lifeguard sur sa chaise, prête à bondir pour prêter main forte à sa collègue de la chaise au bord de l’eau. Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024).

 

Dans l’eau le carré bien délimité où carrément j’ai pied sur tout le périmètre donc (je mesure 1,60 mètre, pour info), je discute avec un Japonais qui balade sa petite fille dans une bouée. C’est lui qui vient me parler. On échange un peu – en anglais hein, on s’entend que c’est pas avec mes dix mots de japonais que je vais créer du lien – et il me montre sur la plage ses deux autres enfants plus âgés. Je lui exprime ma surprise, rapport au taux de natalité particulièrement bas au Japon, et il m’apprend que les adultes de sa génération font plusse d’enfants que celles et ceux des générations précédentes. Deux ou trois enfants par couple. Ce qui explique qu’on croise plusse d’enfants qu’on ne l’aurait cru, finalement, pendant ce voyage.
Plusse que le souvenir que j’en avais d’il y a cinq ans, plusse que ce à quoi je m’attendais.

Quand cet homme, au contact étonnamment facile par rapport aux normes d’ici, sort de l’eau, il dépose sa petite fille à sa femme sous la tente et monte sur le parapet tout en haut de la plage pour aller fumer une clope. Nan mais le rebelle ! Le thug, comme disent mes ados.

 

Ici les rebelles, c’est donc les pères de famille de trois enfants.
Ceux qui rêvent que leur boulot salarié ne soit pas toute leur vie.

 

Le parapet, plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

Même le mec avec le dos intégralement tatoué que vous apercevez sur la photo ci-dessus, un gros rebelle qui vapote sur la plage (houhou attention, thug en vue), il arrive à la plage avec sa tente en toile bien soignée pour protéger sa famille des rayons UV, sa glacière, sa poubelle de plage et son petit landau pour transporter les choses. Ce même landau dans lequel j’ai vu transporter les enfants aussi bien que les chiens.

Dégage ton iench !

 

Car oui, les Japonais·es viennent à la plage avec la tente et la glacière. Le bain ne s’improvise pas.
Bon, après, moi j’aime pas manger sur la plage, parce que je ne mange pas en maillot de bain. Et je ne vais pas me baigner quand j’ai mangé, comme vous savez – Trois choses à propos de moi.

 

« C’est la première fois que je vois maman PAS faire de seins nus sur la plage. »
Garance, 19 août 2024

Oui bah pardon ! Excuse-moi bien, ici c’est pas trop l’esprit comme tu peux voir.
Au-delà des attaques de péri-ménopause que je subis depuis quelques mois et qui s’en prennent à mon corps aussi, faque j’ai pas trop envie d’être seins nus en ce moment.

 

Oui, je vous remets la même photo que celle dont je vous parlais plus haut de comment se passe la baignade dans la vraie vie des Japonais·es. C’est pas l’esprit topless. Dans le carré bien délimité. Toujours la plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 19 août 2024).

 

Déjà qu’on est les seul·es Occidentaux·ales, qu’on nous regarde avec curiosité, déjà qu’on n’a pas de tente et pas de bouée, si en plusse j’enlève le haut…

Il y a quelques hommes qui se mettent torse-nu, mais c’est une minorité. Rebels only. Le tatoué qui vapote, le père de trois enfants qui fume des vraies clopes sur le parapet, eux sont torse-nu sinon à quoi bon un tatouage du dos intégral ?
Mais à part eux, sur la plage ou dans l’eau, la plupart des Japonais·es portent un tee-shirt et un short long par-dessus le maillot de bain. Jamais (jamais de jamais) je n’ai vu une Japonaise seins nus sur la plage. Au Japon, fais comme les Japonais·es. Donc je garde mon maillot – même si ça m’énerve, ça me gratte et ça me serre.

 

En fait tu viens à la plage avec ta maison. Et tu te déshabilles pas. Sur la plage d’Ishikari, à Otaru (Hokkaido, Japon, 12 août 2024). 

 

Ah oui, et encore un autre truc que j’aime pas, dans le carré bien délimité, c’est les algues qui flottent quand je nage. J’essaye de prendre sur moi à base de : c’est juste des algues, ok ? juste des algues. Je les éloigne autant que je peux avec mes mouvements de brasse, mais ce que je déteste c’est qu’après elles s’enroulent autour de mes poignets, ou pire, autour de mes chevilles, ou, pire du pire du pire, quand je fais deux mouvements de brasse la tête sous l’eau (je ne nage pas le crawl stylé, ce qui constitue un autre problème pour le triathlon), et quand je ressors, j’ai une algue longue enroulée autour du cou. Ah là là laisse tomber !

Mon cœur s’est emballé.

Je ne supporte pas qu’on m’étrangle, alors imagine dans un parc marin saturé de bouées, étouffée au milieu des gens. J’ai agité mes bras et mes jambes dans tous les sens et je suis sortie de l’eau direct.
Les mains encore mouillées, je suis venue écrire ces lignes dans mon carnet sur la plage. Près d’un garçon semi-enterré qui n’a pas peur qu’on l’étrangle.

 

Le deuxième jour, on pense à emprunter un parapluie dans la maison qu’on loue pour s’en servir de parasol à la plage. #MarcelLaDébrouille. Plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024).

 

Et puis on est reparti·es.
Et là, téma la propreté des autos sur le parking de la plage. Comment font-ils·elles ???

Le rangement du coffre. Je te jure.
Tu comprends maintenant pourquoi le sable collé sur la bouée, c’est juste PAS POSSIBLE ?

 

Sur le parking de la plage de Kodanohama, sur l’île d’Oshima (Honshu, Japon, 20 août 2024).

 

Même endroit. Permettez-moi de faire remarquer que la Toyota de gauche ne semble pas hyper clean. Mais si. Sous la plaque d’immatriculation. Alors ?

 

*****

 

Précédemment
Petits récits nippons : 5- Les forêts au Japon

 

 

Et vous, la plage, vous l’aimez libre ou surveillée ?