Photo : Mes livres de mars 2025.
Comme le mois dernier et l’avant-dernier, je vous fais partager ici mes découvertes de lecture.
Ce mois-ci j’ai eu pas mal d’insomnies et j’ai beaucoup lu la nuit, c’est pour ça que sur la photo de mes livres du mois, c’est ma tasse de la nuit qu’on voit. Ma tasse anciennement du café clandé. Avec un lait de sésame noir qui me rend dingue dingue dingue.
Le livre
→ Emily Nagoski, Je jouis comme je suis – Guide pour une sexualité féminine épanouie, éd. Leduc, 2021
Ça faisait deux ans un moment que ce livre attendait son heure sur ma pile de livres à lire. Quelques synchronicités de-ci de-là lui ont fait remonter les strates jusqu’à cette heure de début mars où ma main l’a attrapé.
Emily Nagoski est une sexothérapeute américaine connue. Elle a aussi écrit, avec sa sœur Amelia : Pourquoi les femmes font des burn out – Le guide pour en finir avec le cercle infernal du stress (que je n’ai pas lu). Je précise le fait qu’elle soit américaine parce que ça se sent dans cette façon particulière d’écrire le développement personnel, avec parfois des tournures qui m’agacent un peu mais le contenu est tellement intéressant que je passe outre.
Pour être tout à fait transparente, je n’ai pas encore fini de lire Je jouis comme je suis. Vous le verrez donc (ré)apparaître sur la photo de mes livres du mois prochain, et peut-être même encore sur celle d’après. C’est un guide de 477 pages en quatre parties, qui prône des notions qui vont à l’encontre de celles qu’on a intégrées « par défaut » depuis qu’on est né·es et qui demandent donc du temps et des efforts pour être assimilées.

Ce que je retiens de plus important est la mise en lumière de freins et d’accélérateurs du désir.
Prendre conscience de ce qui freine, personnellement, notre désir, et de ce qui l’accélère, à la fois à l’extérieur de soi – les circonstances du moment (par exemple la présence des enfants dans la pièce d’à côté, la machine à laver terminée qu’il faudrait étendre maintenant sinon le linge va puer), autant que le ou la partenaire (son hygiène corporelle est insuffisante pour moi, il ou elle a les ongles longs*, je n’aime pas les bruits qu’il ou elle produit pendant qu’on fait du sexe) – ET à l’intérieur de soi – mon rapport à mon corps (je n’aime pas mon ventre et donc je ne suis pas à l’aise dans certaines positions), autant que mon rapport à mes émotions (je suis stressée à cause de tout ce que j’ai à penser, j’ai l’impression que je ne vais pas y arriver).
* il ou elle a les ongles longs : ah non pardon, j’ai barré parce que ça pour moi c’est pas un frein, c’est un énorme panneau STOP ! 🛑
La phrase de mon paragraphe précédent est longue, mais je voulais l’étayer avec des exemples de freins fréquemment cités dans les enquêtes pour que vous saisissiez mieux l’idée. Après, ce qu’il faut, c’est se l’approprier, y réfléchir avec la plus grande honnêteté possible et l’écrire pour soi-même. Identifier ses propres freins et ses propres accélérateurs.
Alors c’est sûr que, dit comme ça, ce ne sont pas des explorations qu’on a super envie de mener au débotté un lundi matin… et pourtant c’est tellement riche !
« Lorsque vous prenez le temps de prendre conscience de vos croyances non choisies, et de décider si oui ou non vous voulez garder ces croyances, vous vous donnez le pouvoir de vous assurer le bien-être sexuel qui vous convient, sur mesure. » (p.200)
De mon côté, plus je relie des points entre mes différentes expériences sexuelles (les meilleures, les pires, les moyennes, les excentriques…), plus j’en apprends sur moi. Et mieux je connais les conditions de mon désir, celles de mon plaisir, ma façon unique de fonctionner, meilleure devient ma sexualité.

J’aime beaucoup la métaphore du jardin qui parcourt le livre. On ne parle pas ici de jardin secret mais d’un jardin intime à défricher avant de le cultiver, bêcher, retourner la terre, arracher le putain de chiendent qui a été planté là avant même qu’on réalise qu’on avait une parcelle de terre à s’occuper.
Ce jardin, c’est tout à la fois notre corps et notre environnement social et culturel, les idées sur la sexualité que l’on a reçues et celles que l’on a développées, nos croyances et nos expériences.
Aujourd’hui mercredi 26 mars, j’en suis à la moitié du livre, vraiment pile à la moitié. Et jusqu’à là où je suis arrivée, le chapitre 5 (p.195 à p.237), deuxième chapitre de la deuxième partie, est celui qui m’a le plusse fait avancer. Il se trouve que c’est aussi le dernier que j’ai lu, ce qui me semble de bon augure pour la suite. (La suite p.239 étant : « Troisième partie, le sexe en action » 😝)
Le chapitre 5 porte sur le contexte culturel du sexe et interroge la possibilité d’avoir une vie sexuellement positive dans un monde sexuellement négatif. Il analyse en particulier les trois messages M sur la sexualité des femmes que l’on reçoit, dans l’immense majorité, quand on a grandi en tant que femme : le message Moral (vous êtes mauvaise), le message Médical (vous êtes malade) et le message Médiatique (vous êtes inadaptée).

– « Non, mais quand même, a dit Camilla, les images que nous voyons – ou ne voyons pas – sont importantes. Tu connais les filles d’Escher ?
– Non, c’est quoi une fille d’Escher ?
– Ce sont les personnages féminins des bandes dessinées avec des abdominaux si plats qu’il n’y a pas de place pour leurs organes internes, et leurs colonnes vertébrales sont incroyablement tordues pour qu’on puisse voir les deux seins et les deux fesses en même temps. Leurs poses sont si anatomiquement absurdes qu’elles portent le nom d’un artiste connu pour ses illusions impossibles. » (p.49)
Les images que nous voyons – ou ne voyons pas – sont importantes.
Les images que nous ne voyons pas, quand les corps réels, vieillissants, ne sont pas représentés, quand nulle part on ne voit admiré·e, désiré·e, quelqu’un·e en maillot de bain avec des bourrelets – je ne parle pas des rares mannequins qu’on appelle pudiquement « grande taille » – ces images que nous ne voyons pas ont un impact franchement délétère sur notre perception de ce qui est possible, acceptable, sur notre jugement de ce qui a sa place dans la société, dans le groupe, en couple, et de ce qui ne l’a pas. No way. Par exemple quand on se voit nous, dans le reflet du miroir, miroir miroir ne me dis pas, et qu’on ne peut pas envisager un instant de se trouver belle parce qu’il y a toujours quelque chose « qui ne va pas ».
Alors que. C’est la société « qui ne va pas ». Évidemment.

La bulle d’air
→ Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, Akissi de Paris, tome 1, éd. Gallimard BD, 2024
Avant-hier c’était mon anniversaire et la journée a assez mal commencé par une embrouille à six heures (douze) du mat’ avec mon troisième enfant, furieux que je vienne le réveiller à 6h12 au lieu de 6h comme il me l’avait expressément demandé pour un rendez-vous de départ en bus avec sa classe à 7h45 devant le collège (ledit collège étant à dix minutes à pied de la maison).
Alors pardon mais oui, il m’a fallu douze minutes pour me lever ce matin-là, et, dans la mesure où l’enfant de 6e ne se prend pas quarante minutes de maquillage + vingt minutes de petit-déj’ tous les matins comme une autre jeune et jolie personne qui vit chez moi, permettez-moi de penser qu’on était large sur le timing.
Mais l’enfant de 6e ne l’a pas vu de cet œil. L’enfant en question est quelque peu rigide et ne supporte pas, vraiment pas, l’idée d’arriver en retard (qui sont ces gens ?).
J’ai donc subi, au petit matin de mon anniversaire, reproches et agression verbale comme quoi je n’écoute JAMAIS rien, on ne peut pas me faire confiance, etc., à la suite de quoi j’ai enfilé précipitamment ma tenue de running, mes baskets, claqué la porte avec une certaine force et salut. Allez bien vous faire cuire le cul. Et puis après, pendant que je courais avec mon sentiment de manque de reconnaissance, j’ai décidé que, puisque c’était MON anniversaire aujourd’hui, je ne ferais que des choses qui ME plaisent. Et c’est ce qu’elle fit. Et c’est ce que je fis.

J’ai passé ma journée d’anniversaire seule.
Quand je suis rentrée de mon run, tous mes poussins enfants étaient parti·es à l’école.
J’ai pris mon temps.
J’ai écouté des podcasts dans la salle de bain sans personne qui entre bruyamment et appuie sur pause sur mon téléphone parce qu’il ou elle a quelque chose à me demander. Son tee-shirt de foot, un mot d’avertissement à signer, ou est-ce que tu pourrais me racheter du produit à boucles s’te plaît ?
J’ai mangé ce que j’avais envie de manger. Pas des trucs qu’il faut manger parce que c’est healthy, pas des trucs qu’il faut finir parce que personne n’en veut, non non non. Pour une fois, j’ai mangé ce que j’avais vraiment envie de manger. Et c’était incroyablement bon.
Je ne suis pas allée en courses pour la semaine comme j’étais censée le faire (tant pis produit à boucles).
Je n’ai pas travaillé sur cet article comme j’avais planifié de le faire.
Non.
J’ai attrapé la bédé d’Akissi que j’avais empruntée à la bibliothèque pour mes garçons, je me suis installée sur le fauteuil le plus confortable de chez moi sur lequel je ne pose jamais mon cul, et j’ai lu Akissi de Paris d’une traite comme ça en pleine journée.
Mschiii [bruit de tchip] la punk ! La meuf transgresse ses propres rules quoi !
Au début de ma lecture, j’ai été assaillie par mille pensées de choses que j’aurais mieux à faire. Mais comme j’étais calme et satisfaite (j’avais mangé exactement ce qui me faisait envie, je vous rappelle), j’ai laissé ces pensées être là et brouiller mes premières pages. J’ai reconnu la voix de Monique qui s’agitait dans ma tête et je ne me suis pas engueulée avec elle. Je lui ai répondu très posément : j’entends ce que tu dis, et merci de me rappeler tout ce que j’ai à faire mais là, je vais prendre une heure pour lire cette bédé. Si tu veux tu peux rester, sinon à tout à l’heure.
Et c’est ce qu’elle fit. Et c’est ce que je fis.

Les pensées bruyantes se sont tues peu à peu et j’ai lu Akissi de Paris pendant une heure.
Évidemment je préfère Aya*. Akissi c’est pour les petits. Surtout le Grand Lièvre qui explose de rire à chaque album d’Akissi au pays (en Côte d’Ivoire), parce que c’est une petite fille dégourdie qui n’est surtout pas la dernière à faire des bêtises.
Néanmoins, j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver Marguerite Abouet. Et l’histoire un peu folle avec ce nouvel album d’Akissi, c’est qu’on s’est aperçu·es, le Grand Lièvre et moi, que Marguerite Abouet est la tante de son pote Darel avec qui il traîne tous les jours depuis la rentrée de 4e ! Véridique !!!
* Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, tomes 1 à 8, éd. Gallimard BD.

(Bon après avec Monique, on a quand même fait la vaisselle. Merci à elle 🙌🏼)
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Et vous, qu’avez-vous lu en mars ?