Illustration tirée du livre de Camille, « Je m’en bats le clito – Et si on arrêtait de se taire ? », éd. Kiwi, 2019. (Ce livre est inspiré du compte Instagram du même nom, Je m’en bats le clito. Je n’ai pas Instagram et je n’ai pas ce livre non plus, mais ce que j’ai pu en lire, de la vérité, rien que de la vérité dans une large dose d’humour, a largement remporté mon adhésion ❤️)
Début janvier, quelqu’un m’a raconté la polémique autour de la chanteuse Hoshi, les insultes et le harcèlement dont elle a été victime. Alors vous allez me dire : nan mais attends, ça fait deux ans l’histoire ! Tu vivais où depuis deux ans ? Tu connais covid ?
Ouais je sais. Des fois je passe à côté de trucs énormes, je ne sais pas comment expliquer. C’est comme avec la mort d’Amy. Bousillée comme Amy, bousillée comme Britney. Enfin. Mais vous, vous qui vivez dans le vrai monde, vous savez. Pour Hoshi. Je ne vous ferai donc pas l’affront, dans cet article, de vous re-raconter de quoi ça s’agit. Ce que je veux, c’est partager avec vous ce que ça m’a fait à moi, la colère qui monte, la rage que ce genre de choses arrive.
D’abord, à cause des mots méchants et des jugements assassins publiés sur les réseaux sociaux, l’histoire d’Hoshi m’a rappelé la vidéo de Florence Porcel qui s’appelle « T’as un tic à l’œil ? » que j’avais intégrée, il y a trois ans et demi déjà, à mon article Sumimasen.
Cette question du regard que l’on porte sur le physique des gens, du regard jugeant, du regard désobligeant, je me la pose souvent. Bien sûr qu’on a tous et toutes une première impression, agréable ou désagréable, quand on rencontre quelqu’un. Mais c’est quel monde dans lequel cette impression est gouvernée par la reconnaissance de conformité esthétique, ou au contraire de non-conformité esthétique, à un certain « idéal » corporel ?
Au-delà de la souffrance de rejet qu’on inflige à celles et ceux qui ne sont pas jugé·es conformes, est-ce que ce monde n’est pas totalement insécurisant pour nous-même ?
Est-ce qu’il ne donne pas très clairement à entendre que si notre aspect physique s’éloigne trop de l’idéal à atteindre, on ne sera pas ou plus aimé·e ?
À quelles valeurs pourries correspond cet « idéal » ?
Pourquoi certain·es se sentent autorisé·es à écrire du mal sur les réseaux sociaux (en plusse avec des fautes 🤬), comme s’il n’y avait pas une vraie personne qui reçoit ces messages derrière son écran comme autant de coups de poignard dans le cœur ?
Pourquoi l’apparence a-t-elle pris tant d’importance ?
Pourquoi tant de jugement, pourquoi tant de violence ?
En préparant cet article, il m’est revenu en mémoire la conférence Ted d’une top modèle que j’ai écoutée il y a des années, après que j’ai lu Le Bonheur sans illusions, de Malene Rydahl. Un livre que je vous recommande, en passant. J’ai méchamment galéré à retrouver cette conférence car je ne me rappelais ni le nom de la top modèle en question, ni la date – je savais juste que c’était avant 2018, avant notre grand voyage.
J’ai méchamment galéré MAIS j’ai retrouvé ! Donc dites merci pour ces neuf minutes qui vont perturber celles et ceux qui pensent qu’une jolie femme est forcément une femme sans cervelle…
« Pour une fille belle t’es pas si bête, pour une fille drôle t’es pas si laide. »
Voyez ? C’est dans « Balance ton quoi » (un jour peut-être ça changera). Merci Angèle de mettre des mots sur ce qui n’est pas dit et pourtant si bien entendu.
Au risque de me répéter encore et encore : je dépanne GRATUITEMENT tous les parents qui sont saoulés à l’idée d’emmener leur fille ado au concert d’Angèle. J’accompagne, je danse, je raccompagne. (Puisque ma fille ado à moi n’aime plus Angèle. Genre, plus du tout 😖)
Conférence Ted de Cameron Russell (mannequin de Victoria’s Secret), évoquée dans le livre de Malene Rydahl, Le Bonheur sans illusions.
« Reconnaître le pouvoir de l’image dans la perception de nos réussites comme dans celles de nos échecs. »
Est-ce que ce pouvoir de l’image n’est pas en train de prendre toute la place ? D’aveugler nos cœurs et de créer un monde superficiel, sans âme et sans art ?
Frida Kahlo, à qui Hoshi me fait penser sans que je comprenne pourquoi, n’aurait-elle jamais pu chanter parce que son physique n’entrait pas dans les canons de beauté ?
Parce que ses sourcils se touchaient et qu’elle était handicapée ?
Ou est-ce que si on est peintre, on est plusse tolérée d’être moche que si on est chanteuse ?
Et qui dit moche ? Qui décide qu’on est belle ou moche ? Selon quels critères ?
Est-ce que c’est belle ou moche selon les critères étroits d’âge, de couleur de peau, de tour de taille et de longueur de jambes définis par des hommes dont l’esprit n’a d’égal que la pauvreté de ces mêmes critères ?
Quel type d’individu ose asséner comme une vérité scientifique que Hoshi est moche ? Qu’elle est même « effrayante » et que personne ne voudrait d’un poster d’elle dans sa chambre, putain ?!!! Ou bien qu’elle est grosse ? Que ses attitudes ne correspondent pas aux attitudes attendues d’une femme et que, cela n’étant pas compatible avec une carrière de chanteuse, elle doit donc laisser ses chansons aux autres (= aux belles), et elle quoi ? se cacher ?
Mais on va où là ? Jusqu’à quelle limite de la liberté d’expression on laisse la parole à un homme qui croit encore que les femmes n’ont rien de mieux à rêver que de rentrer dans les schémas de séduction stéréotypés, infamants et rabaissants que lui et ses connards de consorts ont bâtis ?
Quel mépris pour toutes les chanteuses grosses extraordinaires qui peuplent la scène musicale et nous font cadeau de leur talent en même temps que de leur être unique !
Moi j’ai pas la télé et je ne regarde pas The Voice mais je me souviens d’une vidéo que m’a envoyée ma cops Marlou un jour de l’année dernière ou bien était-ce il y a deux ans, le temps passe si vite ! On parlait Depeche Mode (entre meufs qui ont grandi dans les années 80-90) et je lui disais que ma chanson préférée de Depeche Mode, c’est « Just can’t get enough ».
(Je vous le disais à vous aussi, avec vidéo d’origine, dans l’article La couleur de tes murs.)
Audrey, « Just can’t get enough », reprise Depeche Mode pour The Voice, 2017.
Voilà, c’est la vidéo The Voice que Marlou m’a envoyée. J’ai adoré. J’ai gardé le lien YouTube dans mes notes parce que je la réécoute très fort quand je me sens glisser vers peindre mes murs en gris et que je veux retrouver du jaune et toutes les petites étoiles qui brillent derrière. Surtout maintenant que SML a arrêté son podcast « À bientôt de te revoir », laisse-moi te dire que je vais l’écouter encore plus souvent, c’est un médicament le truc !
Pourtant, c’est pas gagné d’avance quand quelqu’un reprend une chanson que tu aimes beaucoup dans sa version originale… Mais l’énergie de cette femme ! La joie qu’elle dégage ! Moi je la veux bien en poster dans ma chambre et dans les oreilles tous les matins au réveil ! 🤩
En revanche, pas Vincent Delerm. Ni le matin, ni le soir, ni l’après-midi non plus. Désolée. Je précise tout de suite que je n’ai rien contre le physique de Vincent Delerm ; je le trouve même plutôt beau, mais il ne me touche pas. Par « il ne me touche pas », je veux dire : il me déprime total. Eh ben c’est pas pour ça que je vais l’insulter sur sa chaîne YouTube pour lui reprocher de me déprimer enfin ! Si je n’aime pas sa voix, je ne l’écoute pas, c’est tout. Je sais que d’autres l’aiment, et d’ailleurs des gens que j’aime l’aiment, et tant mieux qu’il y ait de la diversité partout. Mais de la diversité qui œuvre à plusse d’amour, pas le chant de haine de Fabien Lecœuvre. Connard de journaleux de Blanc hétéro cisgenre CSP++ entre 50 et 70 ans de merde !
Hoshi répond aux insultes de Fabien Lecœuvre sur son physique, vidéo Konbini, 2021.
Après ça j’ai fait quelques recherches – apprendre est un des plaisirs qui me ravissent le plusse dans le fait de ne pas travailler, être totalement libre de choisir ce que je veux pour mon temps – et je ne sais plus comment je suis arrivée sur la série « Cher Corps » réalisée par Léa Bordier. J’apprécie sa façon de s’effacer derrière la caméra et de laisser toute la place aux personnes qu’elle interviewe, anonymes comme célébrités. Je trouve qu’elle fait de très beaux portraits (et je précise que ce n’est pas une copine, je ne la connaissais pas avant mes recherches !).
Si vous aimez son travail, que vous allez découvrir à travers les quelques vidéos que je partage ici avec vous, sachez que Léa Bordier a réalisé d’autres podcasts sur des thèmes qui me tiennent aussi particulièrement à cœur parmi lesquels :
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- « Exilées », une série courte avec des portraits magnifiques de femmes réfugiées ;
- « Amours », une série sur l’amour et les différentes façons de s’aimer, de ne plus s’aimer et de se re-aimer (ou pas !) ;
- « On en parle », une série sur l’adolescence qui offre un espace de discussions libre autour de la puberté, le rapport au corps, la sexualité, l’école, la famille ;
- Et enfin « Le bel âge », que j’ai beaucoup aimé : une série qui permet aux femmes que notre société patriarcale invisibilise, je veux parler de la team post-ménopause des femmes de plus de 55 ans, de s’exprimer sur des sujets tels que la féminité, le temps qui passe, le corps qui change, l’amour qui passe ou/et qui change aussi, la vieillesse…
Vous pourrez explorer tout ça et revenir me dire, dans les commentaires sous cet article ou en message perso, ça me fera plaisir. J’adore partager les découvertes qui m’enthousiasment. Me décentrer. Réfléchir à partir d’autres expériences de vie que la mienne, à travers les témoignages qui constituent ces podcasts. Écouter Dina, Fatima, Mariam et Bamba raconter leur histoire dans « Exilées » ouvre une autre porte de perception du monde que lorsqu’on lit : un bateau avec à son bord 290 migrants a été intercepté par les garde-côtes de Lampedusa.
Écouter Dina, Fatima (qui a seize ans), Mariam et Bamba, c’est comme sentir et toucher derrière les mots. Ça fait un supplément d’humanité.
Cher Corps, Claire (Pomme)
Mais j’en reviens à « Cher Corps », série la plus connue de Léa Bordier, également celle qui compte le plus grand nombre d’épisodes.
Dans l’épisode ci-dessus, vous reconnaîtrez la chanteuse Pomme (oct. 2017).
« Si je pouvais me souhaiter un truc pour l’avenir, et aussi à toutes les meufs de la terre, c’est d’avoir un rapport sain avec le premier truc qui fait que t’es en vie : la bouffe. »
Je le souhaite aussi. J’aurais jamais dit « bouffe », mais je le souhaite aussi très fort. À toutes. À tous même (sauf Fabien Lecœuvre que je voudrais bien voir crever, étouffé de dinde aux marrons).
Cher Corps, Juliette (L.E.J.)
Dans l’épisode ci-dessus, vous reconnaîtrez la chanteuse Juliette de L.E.J. (déc. 2017).
J’ai aimé qu’elle parle de suivre ses envies plutôt que ses peurs. C’est tellement important ! Ça détermine tellement les directions que l’on va suivre dans sa vie, ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas, ce qui restera pour toujours des regrets parce qu’on n’aura pas osé…
« La curiosité, c’est le meilleur truc au monde. Parce que c’est comme ça que tu te découvres, c’est comme ça que tu deviens quelqu’un. »
Mais bien sûr ! La curiosité, même dans les toutes petites choses, même dans ce qu’on croit qu’on connaît déjà, la curiosité qui donne envie de découvrir, d’explorer et d’expérimenter quelque chose de nouveau, c’est meilleur que tout ! Moi personnellement, si je perds ma curiosité, c’est que j’ai perdu goût à la vie, tu peux direct me passer le Seroplex en intraveineuse dans le bras gauche et le Zoloft dans le bras droit !
Cher Corps, Nafyssa
Ensuite j’ai écouté plusieurs « Cher Corps » de personnes inconnues, qui ne sont pas des artistes. Parce que l’histoire d’Hoshi fait réfléchir à ce qui est attendu du corps de la femme dans notre société en général, pas seulement lorsqu’on devient une personnalité publique. Et ce sont les mêmes injonctions, avec la même violence, qui s’abattent sur vous et moi avant même qu’on les voit venir, avant même qu’on les conscientise – et donc avant qu’on apprenne, sinon à les combattre, au moins à les déjouer.
J’ai écouté plusieurs « Cher Corps », et Nafyssa, c’est le témoignage que j’ai envie de partager avec vous.
« Puis les violences obstétricales. Être grosse et enceinte, c’est juste horrible. Quand t’es gros dans le monde médical, t’es négligé de dingue. On te considère même pas. Parce que t’es gros. »
J’ai pleuré. Et pourtant je ne sais pas. Pardon. J’ai pleuré parce que justement je ne sais pas. On ne sait pas. Parce qu’il n’y a pas, ou trop peu, d’espace pour entendre ce que ces femmes endurent. On ne veut pas entendre ce qu’elles dénoncent, alors on leur fait comprendre que c’est de leur faute. Qu’elles n’ont qu’à perdre du poids (mais je t’emmerde !). On ne veut pas voir le miroir qu’elles nous tendent, alors on les invisibilise – comme les femmes qui dépassent l’âge de la ménopause dont je parlais plus haut. Et le pire du pire, ce qu’on instille en elles pour que surtout elles se taisent, c’est la honte. La honte de leur corps. Et c’est ça qui m’a fait pleurer. Je trouve que c’est pire que tout de faire éprouver à quelqu’un la honte de soi, la honte de son corps, parce qu’il·elle ne rentre pas dans les normes édictées par la majorité.
« La vie c’est fait pour évoluer. Tant que tu évolues, c’est que tu es sur le bon chemin. »
Ces mots m’ont fait du bien. Nafyssa m’a rappelé l’importance de ne pas se figer dans le temps. Ne pas s’identifier à nos croyances limitantes que j’évoquais dans Paye ta question #1.
Cher Corps, Kiskeya
Bon, et comme j’ai pas fait que pleurer et qu’il y a une voie de guérison à la honte, je vous laisse maintenant dans la joie pure avec Kiskeya.
Cliquez sur la vidéo juste au-dessus… je vous préviens, c’est un cadeau ! 🤩
« L’amour de soi pour moi c’est politique, surtout quand tu corresponds pas aux standards de beauté. Tu propages un message. »
Je ne me sens jamais aussi puissante que nue.
Je ne me sens jamais aussi moins nue que nue.
Nue, je me sens puissante.
Je suis puissante.
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Et vous, votre corps, vous l’aimez ?
Vous avez dégommé le Fabien Lecœuvre qui fait sa loi dans votre tête ? Ou il est toujours là ce gros bâtard, mais vous arrivez à garder vos AirPods dans vos oreilles quand il vous parle ?
(Ouais ok ouais oh san san san)