Street food in Asia

Photo tirée de la série Netflix, « Street food in Asia ».

 

Manger dans la rue en Asie

 

Je vous le disais la semaine dernière dans mon article Ce que cuisiner veut dire, Mickaël et moi on a re-regardé tous les épisodes de Street food in Asia avec les enfants pendant les vacances de Noël. Un épisode par soir. C’était la première fois qu’ils regardaient une série en VOST et ils ont kiffé. Moi aussi j’ai kiffé, c’était trop la fête de trouver quelque chose que je peux regarder avec eux en éprouvant du plaisir.
Rapport à mes derniers samedis (noirs) soirs, tu vois.

Épisode après épisode, nous avons retrouvé les rues que nous avons arpentées, les échoppes où nous nous sommes arrêtés. Ça nous a rappelé tellement de souvenirs, tellement d’images chaudes et pleines de couleurs. On pouvait presque sentir les odeurs, les textures, les saveurs… C’était comme revivre des rencontres et des émotions de notre voyage en Asie-Pacifique tous ensemble, c’était vraiment chouette.

Aujourd’hui j’ai envie de vous parler de ces cuisiniers et cuisinières de rue qui mettent des paillettes d’or au fond de leur marmite. J’ai envie, de nouveau, de m’arrêter dans chaque pays, d’écouter, de tout goûter. J’ai envie de partager qui sont ces gens et ce qu’est leur vie, le super qu’ils fabriquent à partir de l’ordinaire. J’ai envie de ne pas les oublier, c’est pourquoi j’ai choisi de publier leurs portraits. Et puis, de temps à autre, j’ai glissé quelques photos de plats, allez. Comme là. Quand mon texte parle trop. Pour ne pas vous perdre…

 

Brochettes de seekh kebab dans les rues de Delhi (Inde).

 

 

Épisode 1 : Bangkok, Thaïlande

On commence par la Thaïlande évidemment. La Thaïlande, je vous l’avais dit pendant notre grand voyage autour du monde, c’est LE pays de la cuisine de rue. Et en Thaïlande évidemment, la figure de proue de la cuisine de rue, c’est Jay Fai.
Pas que en Thaïlande d’ailleurs : Jay Fai est la plus célèbre cuisinière de rue du monde. C’est pour ça que je me permets d’écrire une deuxième fois « évidemment ». Parce que même si vous n’êtes jamais allé(e) en Thaïlande, même si vous ne connaissez rien à la cuisine et que vous n’avez jamais osé manger debout dans un resto de rue, ça se peut que vous ayez quand même entendu parler de Jay Fai. À 75 ans aujourd’hui, elle est la première – et la seule – cuisinière de rue qui se soit vu attribuer une étoile au guide Michelin (en 2018).

Voilà pourquoi peut-être vous la connaissez, ne serait-ce que de nom. Sa célébrité, son style, sa marque. Reconnaissable à son bonnet noir, et surtout, à son masque de ski qui la protège des projections, Jay Fai est plusse qu’une cuisinière, elle est une cheffe. Ses deux plats les plus connus sont l’omelette roulée au crabe, qui est sa création d’inspiration japonaise, et le Dry Tom Yum, qui est son interprétation personnelle du plat national thaï – si tant est qu’on puisse en élire un seul – le Tom Yum (soupe non mixée pimentée et très parfumée avec des herbes fraîches).

 

L’omelette roulée au crabe de Jay Fai, à Bangkok.

 

L’épisode vous donnera un rapide aperçu de la variété de la nourriture cuisinée dans la rue : pad thai (nouilles de riz sautées aux légumes), toutes sortes de curries végés ou carnés (vert, rouge, panang, massaman…), et plein d’autres choses que je vous racontais déjà dans mes articles sur la cuisine thaïe quand j’étais en voyage.

 

→ Lire aussi dans mon voyage à moi :
À toute heure du jour et de la nuit (Manger dans la rue en Thaïlande)
Kinne in Thailand (Manger en Thaïlande)

 

Enfin ce n’est que le premier épisode mais si vous devez retenir une phrase de toute la série Street Food en Asie, une seule phrase, c’est celle-ci :

« J’ai été courageuse et je ne l’ai jamais regretté. » (Jay Fai)

 

Jay Fai dans son restaurant de rue, à Bangkok.

 

 

Épisode 2 : Osaka, Japon

Chez moi, cet épisode est le préféré des enfants. Sachant que le Japon est aussi le pays de notre grand voyage qu’ils ont préféré tous les trois, on peut y voir un lien…

Osaka, c’est LA ville où tu manges au Japon : des yakitori (brochettes de poulet), des okonomiyaki (crêpes-omelettes trop bonnes à tout ce que tu veux), des takoyaki incroyables (beignets de poulpe) qui ne ressemblent à rien d’autre que je connaisse, et tant d’autres spécialités japonaises.

Et puis à Osaka, il y a Izakaya Toyo, dit plus simplement Toyo. Lui c’est mon amoureux. Mon préféré, mon chouchou, mon léléri comme on dit au Mali. De tous les épisodes de Street Food in Asia. C’est un monsieur qui continue de préparer du poisson sur son stand de rue alors que les petites échoppes d’Osaka ont disparu les unes après les autres au profit de restaurants entre quatre murs plus conventionnels.
Je dis « c’est mon amoureux » parce que, sur une furtive image d’archive de lui plus jeune, on le voit en marcel blanc. Et aussi parce qu’il a brûlé mes yeux avec ses larmes. Quand il se met à pleurer, d’un coup il a six ans de nouveau.

C’est un monsieur qui vous dit :

« Ne soyez pas la queue du taureau. Soyez le bec du coq. » (Toyo)

C’est un monsieur pour qui, dans cette courte vie, rendre les gens heureux est plus important que gagner de l’argent. C’est un monsieur libre et heureux.
Je ne vous en dis pas plus, il faut le voir. 🤩

 

→ Lire aussi dans mon voyage à moi :
Ah non ? Je n’ai toujours pas écrit mon papier sur la cuisine japonaise alors qu’il y a tant à en dire et qu’on a tellement kiffé ? Mais qu’est-ce que je fous, à quoi je passe mon temps, on se le demande !
En compensation (alors que souvent la compensation est un mot poli pour s’excuser de donner un truc tout pourri), l’article que j’ai écrit à Osaka avec vidéo de ma face le matin au réveil : Ma gourmandise absolue. Cadeau.

 

Toyo au chalumeau sur son stand de rue, à Osaka.

 

 

Épisode 3 : Delhi, Inde

Nous ne sommes pas allés en Inde pendant notre voyage. Mais les premières images de l’épisode nous ont renvoyés direct au Sri Lanka : les rues, la poussière, le monde, le bruit… Et puis les marchés, les couleurs, les épices, quand tu aimes la cuisine, la mouture des épices fraîches que tu peux presque sentir, le vert des gousses de cardamome que tu n’as jamais vu si éclatant !

Dans les rues de Delhi, il y a bien sûr des samossas, des chapatis, du biryani, du korma et du tandoori. Des plats qui ont mille ans comme le seekh kebab (brochettes d’agneau haché aux épices grillées sur la braise, voir photo plus haut), et des plats que je ne connaissais pas comme le nihari stew (ragoût de viande de buffle, légumes, épices et piment) et le chole bhature (plat composé de pois chiches aux épices et d’un petit pain frit tout gonflé), originaire du Pendjab.

Dans les rues de Delhi, il y a Dalchand Kashyap. C’est lui qui prépare l’aloo tikki : des galettes de purée de pommes de terre fourrées aux lentilles et aux herbes inspirées du chaat – un en-cas typique de la street food indienne constitué de pâte de pomme de terre frite aux légumes avec une sauce au yaourt. En gros. Dalchand a repris une affaire de famille qui avait périclité dans le malheur et la pauvreté, il a relevé ses manches et, en mémoire de son père, il a magnifié l’aloo tikki. Avec les meilleurs produits, avec beaucoup de courage et d’amour aussi.

 

→ L’Inde, c’est pas loin du Sri Lanka. On dit même que le Sri Lanka est la larme de l’Inde… Lire aussi dans mon voyage à moi :
You are gonna burn one down ! (Manger dans la rue au Sri Lanka)
Kande a Sri Lanka (Manger au Sri Lanka)

 

Dalchand Kashyap prépare l’aloo tikki dans la rue, à Delhi.

 

 

Épisode 4 : Yogyakarta, Indonésie

Chez moi, cet épisode est le deuxième préféré des enfants (après le Japon, si vous avez suivi ;-)). Yogyakarta est un doux souvenir de voyage pour eux, et pour nous aussi. C’est le moment où nous avons refait un dernier bout de chemin avec nos amis québécois, Édith & Gabriel et leurs trois enfants, que nous avons rencontrés au Laos sur le Mékong.

Les sourires, le marché, les vendeurs de rue très âgés, sont ce que nous avons vu EN VRAI. Mais le bonheur de cet épisode n’est pas Yogyakarta. Le bonheur de cet épisode n’est pas le nasi goreng (riz frit, le plat national indonésien), les saté (petites brochettes), le gado gado (crudités sauce cacahuète), que l’on trouve à tous les coins de rue en Indonésie, ni même les plats spécifiques de Yogyakarta : le gudeg (fruit du jaquier braisé avec des herbes et des épices), la mie lethek (nouilles de manioc) préparée selon une tradition séculaire, et le jajan pasar qui est le plat le plus ancien de la cuisine de rue indonésienne.
Non, le bonheur de cet épisode, c’est Mbah.

Depuis plus de 50 ans, Mbah Satinem prépare le jajan pasar, cette friandise sucrée à base de riz gluant, manioc et noix de coco, qu’elle sert dans des feuilles de bananier. Tous les jours depuis plus de 50 ans, elle se lève à minuit pour préparer le jajan pasar qu’elle ira vendre dans la rue au petit matin. Et c’est elle seule qui, le dos irréversiblement courbé, pourvoit aux besoins de toute sa famille : son mari, ses trois enfants, ses sept petits-enfants.

 

Mbah Satinem sur son stand de rue, à Yogyakarta. C’est la plus belle photo de cet article !

 

La voir, ne serait-ce que sur cette photo, l’écouter, me met en joie. C’est précieux ça. Il y a des personnes qui illuminent le monde de leur âme brillante et dont le corps vous donne envie de rester tout près, de les toucher. Je ne sais pas résister à ça.
Je veux entendre résonner encore le rire joyeux de Mbah Satinem. Je veux goûter le jajan pasar confectionné de ses mains selon la recette d’origine du VIIIe siècle. Je veux en faire une overdose de réconfort et m’endormir avec du sucre de palme qui coule dans ma bouche.

Mickaël aussi. Il était si heureux de revoir cet épisode sur Yogyakarta, les paysages javanais qu’il a tant aimés, et Mbah. Il aime sa façon de parler, de prononcer jajan pasar surtout, avec sa voix tout éraillée et le « a » qui traîne à l’indonésienne…

 

→ Lire aussi dans mon voyage à moi :
Makan di Jawa (Manger à Java, Indonésie)
Makan di Bali (Manger à Bali, Indonésie)

 

Le jajan pasar traditionnel de Mbah Satinem. Après qu’il a goûté celui-là, Soeharto, l’ex-Président de l’Indonésie, n’en a plus voulu d’autre !

 

 

Épisode 5 : Chiayi, Taïwan

Taïwan, c’est d’abord les buildings, les montagnes, les marchés de nuit, le turkey rice (riz à la dinde) et le douhua, pudding à la fleur de tofu made in Taïwan. Mais à Chiayi, dans le sud-ouest de l’île, c’est aussi le ragoût de tête de poisson et le ragoût de chèvre trois jours trois nuits : deux recettes ancestrales qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Le ragoût de tête de poisson, ça vous semble peut-être peu ragoûtant de prime abord… mais si je vous dis que Grace le prépare selon la recette unique et inchangée de sa grand-mère ? Qu’elle se lève tous les jours à trois heures du matin pour acheter les poissons les plus frais du marché ? Qu’elle a lutté et persévéré pour faire accepter ses idées à ses parents pour qui le changement c’est jamais maintenant ?

 

Grace, « Smart Fish », prépare le très goûtu ragoût de tête de poisson de Chiayi.

 

Quant au ragoût de chèvre trois jours trois nuits, c’est un plat qui a 1 500 ans et qui, à l’origine, était destiné à l’empereur de Chine. Comment ça se passe ? Bah tu creuses un trou au sol dans une pièce fermée à 70°C., tu enterres ta marmite de viande de chèvre et tu la laisses fumer pendant trois jours et trois nuits.
Uncle Goat, dont le vrai nom est Monsieur Chou, se tue la santé pour toi. Ses poumons sont tout noirs et il ne veut pas que ses enfants continuent à faire ce qu’il fait. C’est lui pourtant qui dit :

« Faire du ragoût est un acte d’amour. »

Je me demande qui lui offrira des poumons supplémentaires pour aimer encore.
Et Mickaël ne veut pas choisir entre les deux ragoûts, la chèvre et la tête de poisson. Il veut tout. Il veut aller à Taïwan. Moi je préfèrerais aller à Bahia tu vois…

 

→ Taïwan, c’est presque Hong Kong (ou l’inverse ?!). Lire aussi dans mon voyage à moi :
Douzième arrêt : Hong Kong (pour les dim sum)
Hong Kong façon guide (pour la Symphonie des Lumières)

 

Uncle Goat, aux poumons noircis et aux yeux qui sourient, avec son masque à gaz.

 

 

Épisode 6 : Séoul, Corée du Sud

Évidemment je vous dis Corée, vous me répondez… ?
Kimchi. Ben oui. Moi aussi. Le kimchi c’est la vie trop bon, avec du riz blanc, avec un wok de chou chinois et de nouilles sautées, avec blablabla, même avec juste des œufs au plat c’est trop bon ! Au point qu’en l’écrivant, les saveurs me reviennent et je me demande pourquoi je n’en ai fait qu’une fois (ou deux, allez).
Oui mais : y’a pas que le kimchi dans la cuisine coréenne. Peut-être que vous, quand on vous dit Corée, du tac au tac vous répondez… bibimbap ! Et je crie oui oui oui, je plussoie, je trissoie, avec les yeux et la bouche en cœur ! J’ADORE le bibimbap ! Sauf que. Je ne veux pas le faire. Je veux que ce soit Mickaël qui le fasse pour moi et il ne fait pas assez. Lui vous dira que le problème c’est ma conception du « pas assez », mais on va pas se disputer.

Si vous n’avez jamais, de votre vie jamais, préparé un bibimbap vous-même et que, en 2022, vous avez décidé de faire des choses pour la première fois (je vote pour), assurez-vous d’avoir pléthore de temps devant vous (tu vas comprendre pourquoi chez moi on ne le fait pas assez souvent). Et surtout, mon conseil pour vous, ne vous éloignez pas de la recette de Maangchi, en vidéo ici : https://www.maangchi.com/recipe/bibimbap

Mickaël & moi on se le dit tout le temps, depuis des années c’est devenu une private joke à propos de tout et n’importe quoi : « very colourful, beautiful bibimbap » !!!

 

Cho Yoonsun sur son stand de Gohyang Kalguksu au marché de Gwangjang, à Séoul.

 

Bon mais là je me suis enflammée, c’est le combo kimchibibimbap ça me fait ça, mais je vais me recentrer parce que l’épisode sur la Corée s’intéresse aux plats traditionnels moins connus, cuisinés sur le marché de Gwangjang à Séoul. J’ai pris des notes pour quand on ira.
(Mickaël est à fond, c’est moi qui ai dit non quand on préparait notre tour du monde d’Asie-Pacifique.)

D’abord il y a les nouilles coupées au couteau de Cho Yoonsun. Les autres commerçants du marché lui ont fait la misère pour la décourager de s’installer. Elle a tenu bon mais tu sens que ça a été dur. Et il lui a fallu onze ans pour rembourser jour après jour toutes les dettes de sa famille et de son mari, onze années d’angoisse, alors ses nouilles artisanales coupées au couteau comme les préparait sa mère quand elle était petite, tu vas les apprécier.

Et puis il y a le crabe mariné, la bindae-tteok (galette aux haricots mungo) et la baked baffle : fusion d’éléments anciens et modernes dans une seule recette créée par une femme du marché de Gwangjang. La baked baffle, c’est deux galettes de riz cuites avec un œuf au milieu, plusse tout un tas de trucs que j’ai oubliés, de la sauce pimentée (enfin c’est pas précisé mais moi je trouve que ça ressemble drôlement au gochujang qu’on utilise pour le bibimbap) et des flocons de bonite par-dessus. Au final on dirait un bacon and egg british muffin tu vois, mais en mieux !

 

Baked baffle au marché de Gwangjang, à Séoul. Là y’a pas les flocons de bonite sur le dessus, mais quand même. Me dis pas que t’en as pas envie…

 

 

Épisode 7 : Hô-Chi-Minh-Ville, Vietnam

À Hô-Chi-Minh-Ville, un million de personnes font de la cuisine de rue. Un million, dis-toi. (Pour info, la population de la ville est de neuf millions d’habitants.)
Et parmi la variété de cette cuisine de rue, les fruits de mer, palourdes, crabes, pétoncles et potamides obtus sont la nourriture la plus prisée. Les potamides obtus ouais, t’as bien entendu. Et je suis comme toi, moi non plus je ne savais pas ce que c’était. De quoi ça s’agit ?? J’aurais cru à un cours de géométrie. Un truc sur les angles dans les pyramides ou je sais pas quoi. J’ai demandé au Grand Lièvre (10 ans) s’il avait une idée et il a demandé à son ami Wiki. Les potamides obtus, en fait, c’est des espèces de petits escargots de mer en forme de joints cônes.

La dame qui les prépare s’appelle Truoc. Eh ben j’ai eu envie de goûter. Alors que, perso, je ne mange pas les escargots. Pas plus que de bulots, larves, limaces, huîtres, cervelle, crottes de nez décortiquées et autres compagnons animaux de la viscosité. Je précise « animaux », parce que la sauce gombo aussi c’est gluant et visqueux mais sauf que c’est trop bon. Parce que les gombos sont des végétaux, pas des animaux. C’est pour ça, c’est pas pareil.

 

Truoc devant son stand de potamides obtus et autres fruits de mer, à Hô-Chi-Minh-Ville.

 

De son côté, le Marcass’ (8 ans) a cassé le suspense dès les premières images :

– Et je suppose que cette dame, quand elle était petite elle était pauvre, avec sa famille elle n’avait pas assez à manger, et maintenant elle se lève à minuit pour aller au marché et préparer ses plats, et les enfants sont obligés d’aider leurs parents ! Moi j’en ai marre, C’EST TOUJOURS PAREIL dans cette série de cuisine de rue !

Bon c’est vrai qu’on en était au septième épisode et qu’on n’a pas entendu d’histoire où tu viens d’une famille aisée et d’un coup tu quittes tout pour aller vendre du phó dans la rue. D’ailleurs le phó je ne vous en parle plus, vous en avez soupé autant que moi dans les articles que j’écrivais quand nous étions au Vietnam…
Mais dans cet épisode, vous verrez aussi du com tám (brisures de riz) et des bánh mi, ces petits pains hérités de la baguette française pendant la colonisation et farcis de viande ou de pâté de foie (beurk), voire de Vache-qui-rit et de confiture de fraise (beurk beurk).

 

→ Lire aussi dans mon voyage à moi :
Phô et usage de phô (Manger dans la rue au Vietnam)
An o Vietnam (Manger au Vietnam)

 

Là c’est une photo d’un stand de bánh mi que j’ai prise dans une rue d’Hoi An (mai 2019), mais c’est pareil à Hô-Chi-Minh-Ville. Tu la vois, la Vache-qui-rit ?

 

 

Épisode 8 : Singapour

À Saint-Gap’ les mollusques, la street food n’est pas à proprement parler dans la rue. Elle se vit dans les hawker centers : des halles couvertes avec plein de petites échoppes le long des quatre murs et des tables au centre. On prend un plateau, on achète à manger, on s’installe à une table où on veut et on débarrasse nous-même à la fin du repas comme dans une cafétéria.
Le Marcass’ a détesté les hawker centers parce qu’il n’y a que des assiettes en mélamine empilées. Tu vois ce que c’est la mélamine, la vaisselle lavable et incassable pour bébés ? Pour le Marcass’, mélamine = plastique et il ne supporte pas le plastique. Ni les assiettes en plastique, ni les plateaux en plastique, ni les couverts, ni les gourdes, ni les gobelets en plastique. Rien en plastique. Ce gros bourge.

La cuisine singapourienne, qui mêle des influences chinoises, indiennes, malaises et peranakan, est proche de la cuisine taïwanaise. Je trouve. Par exemple le plat national singapourien, le chicken rice (riz au poulet), est comme le frère jumeau du turkey rice taïwanais.

Il y a des gens qui perpétuent les recettes traditionnelles de leur culture d’origine, d’autres qui fusionnent et qui créent, et tout le monde goûte de tout selon les jours, les envies.
Dans l’épisode, il y a un homme qui dit, en parlant du travail des cuisiniers de rue :

« Ils ont du respect pour ce qu’ils font. »

C’est vrai. Et c’est ça qui me touche tellement je crois, dans tous les épisodes de cette série. Le fait qu’en préparant leurs plats avec respect et amour, en cherchant à donner le meilleur d’eux-mêmes, ces hommes et ces femmes les transcendent complètement. Ils en font de la lumière qui nourrit l’âme. (Jetez-moi des cailloux, je m’en fous. Offrez-moi un nem.)

 

Le putu piring traditionnel de Singapour.

 

À Singapour, le chilli crab (crabe au piment), c’est LE plat qui fait rêver Mickaël (avec les deux ragoûts de Taïwan). Il y a aussi les raviolis won-ton. Si vous en avez déjà fait à la maison, même avec les carrés de pâte won-ton toute douce que t’achètes déjà prédécoupés dans un petit sachet à l’épicerie asiatique, vous savez comme c’est fastidieux. À farcir, à coller. Vous savez qu’il faut neuf fois plus de temps pour les préparer que pour les manger…

Enfin, la friandise traditionnelle emblématique de Singapour est le putu piring.
C’est un dessert à base de riz cuit à la vapeur et aggloméré avec du sucre de canne caramélisé, servi avec de la noix de coco et des petites feuilles de pandan. Le sucre de canne qui est utilisé vient d’Indonésie et le putu piring ressemble beaucoup au jajan pasar de Mbah Satinem à Yogyakarta, tu te souviens ? Sauf qu’ici c’est du riz blanc étuvé, pas du riz gluant avec du manioc, et la préparation est différente aussi. Il faut voir celui d’Aisha Hashim (qui a une voix de petite fille).

 

→ Lire aussi dans mon voyage à moi :
Treizième arrêt : Singapour (pour le chicken rice)
Singapour façon guide (pour le fried carrot cake)

 

Aisha Hashim sur son stand de putu piring, à Singapour.

 

 

Épisode 9 : Cebu, Philippines

Les Philippines, c’est un pays constitué en archipel de plus de 7 000 îles où nous ne sommes pas encore allés. Sa colonisation par l’Espagne a laissé des traces très présentes dans la nourriture. Je l’ignorais. Il y a tant de choses qu’on ignore…
De la cuisine philippine, je ne connaissais que le poulet adobo que je prépare avec du tamari et du vinaigre de cidre. C’est super bon avec du chou chinois et du riz gluant, ou même avec du thaï blanc. Mais je ne connaissais rien de ce qu’on voit dans l’épisode : le nilarang (soupe de poisson) qui semble si populaire, et surtout, le nilarang bakasi, la soupe de murènes que prépare Florencio Escabas dit Entoy, qui signifie « petit garçon » comme l’appelait son grand-père.

Sa soupe de murènes, il l’a d’abord rêvée, imaginée, puis créée, elle est unique au monde. Comme la personne que tu aimes qui rend ta vie si différente. Maintenant le vieux n’a plus de dents parce qu’il a mangé trop de bonbons et il m’a tellement émue avec son histoire, son grand-père dont tu comprends qu’il est le seul à l’avoir aimé, qui lui a appris à pêcher, à préparer la soupe de poisson et qui lui achetait des bonbons quand il se faisait tabasser par son père (d’où les dents, t’as compris).

« Quand vous mangez des murènes, vous prenez un nouveau départ dans la vie. »

Je vous invite à méditer cette phrase d’Entoy que j’ai retenue. Personnellement je n’ai encore jamais mangé de murènes. J’ai hâte de me lancer. Prendre ce nouveau départ. C’est si beau chez lui, au bout de la rive de Cebu…

 

La soupe de murènes et le resto de rue d’Entoy, à Cebu.

 

À Cebu, tu peux aussi prendre des lumpia (rouleaux de printemps à la chinoise) ou du lechon (cochon entier rôti sur une broche), présent dans tous les repas de fêtes. Moi je mange pas trop le halouf – ni les autres viandes, vous me connaissez maintenant, c’est pas une surprise hein – mais le lechon de Celia, je veux bien. Même si je crois que c’est un cochon de lait et que c’est très mal de manger des bébés.

Et puis dans la rue aux Philippines, tu peux goûter un truc que je n’ai jamais vu ailleurs : le tuslob-buwa. C’est une sauce brune à base de cervelle de porc, de sauce de soja et d’huile que l’on porte à ébullition dans un poêlon placé sur la table au milieu des convives, suivant le même principe que la fondue savoyarde (ou suisse si t’aimes mieux), et dans laquelle on trempe du pusô (des boulettes de riz cuit). Plus light donc que la fondue qu’on connaît. En même temps je vois pas ce qui peut être plus hardcore pour ton estomac que la fondue savoyarde !
Oh mais ça c’était AVANT. Avant je voyais pas. Depuis, j’ai vu le premier épisode de Street food in Latin America en Argentine, et désormais je sais. Je sais qu’en termes de hardcore, quand tu crois être tout en haut, eh ben y’a encore plus haut…

On fait une pause et je vous en parle la semaine prochaine ?

 

Florencio Escabas, dit Entoy. C’est l’image de son visage que je garde en refermant ce chapitre sur la street food en Asie.

 

À voir aussi :

Street food in Latin America
Chef’s Table (par les mêmes réalisateurs, mais je n’ai pas encore vu)
Les tribulations culinaires de Phil
Midnight Diner : Tokyo Stories (attention, cette série est une fiction)

 

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Précédemment
Ce que cuisiner veut dire

À suivre
Street food in Latin America

 

J’espère que j’ai su vous donner envie de voir, ou de revoir, Street food in Asia.
Venez me raconter ce qui vous a touché(e), étonné(e), et les personnes que vous avez aimées !