Cinq étonnements à propos du Japon

Photo : Sur la route entre Geibikei et Kakunodate (Honshu, Japon, 2 août 2024).

 

La dernière fois, je m’étonnais à propos de Tokyo.
Mais Tokyo c’est que la partie émergée, dis-toi (pour combien de temps encore ?). Et si voyager au Japon est un dépaysement total, alors tout, absolument TOUT est susceptible de vous étonner. Du moment où on prend la route au moment où on s’arrête pour manger, en passant par l’âge et l’IMC de la serveuse ?

 

 

Étonnement n°1

Comment se fait-il qu’il n’y ait jamais d’incivilités sur la route ?

 

Comment le Japon peut-il être le premier pays producteur et exportateur de motos sportives ultra puissantes conçues pour accélérer et pulvériser des records et que, au Japon, ces mêmes motos respectent les limitations de vitesse à 90 ou 110 sur l’autoroute et ne te dépassent pas ?
Comment se fait-il que les automobilistes, les motard·es, les routier·es restent toujours poli·es sur la route, qu’ils et elles te cèdent le passage en inclinant la tête gracieusement, ralentissent longtemps à l’avance aux abords des écoles maisons pour laisser traverser les enfants les vieux et les vieilles (cf. Étonnement n°2), se garent correctement, enfin, pour ne pas gêner les autres ?

Incivilités.
Actions ou/et paroles qui manquent de respect aux personnes (ce sont les incivilités dites « sociales »), à leurs biens ou aux biens publics (ce sont les incivilités dites « matérielles »), qui négligent l’intérêt général et nuisent au bien-vivre en société.

C’est la définition tirée du second volume (D-L, de détonant·e à légumineuse) de mon Dictionnaire culturel en langue française Le Robert.

Plus concise, la définition du Petit Larousse donne, pour le même terme :

Manque de courtoisie, de politesse. Acte, comportement, qui manifeste l’ignorance ou le rejet des règles élémentaires de la vie sociale.

 

Fluidité, calme et respect des usagers. Sur la route entre Geibikei et Kakunodate (Honshu, Japon, 2 août 2024).

 

Le Japon est un pays où il n’existe pas d’incivilités*.
L’impolitesse, le refus ou le mépris du respect des besoins de l’autre n’existe simplement pas.
C’est dingue.

C’est dingue et le plus dingue, c’est que ça nous paraisse dingue, à nous, parce qu’on a intégré les incivilités qu’on vit tous les jours en France comme étant notre normalité. Et sûrement que ça permet à notre système nerveux de nous assurer la distance émotionnelle nécessaire pour pouvoir les traiter de manière plus neutre, puisqu’on a à les vivre au quotidien. Seulement quand tu passes quelque temps au Japon et qu’on te donne à voir que ça PEUT être autrement, comment te dire ?… Tu as comme un petit choc de réacclimatation en rentrant dans ton pays !

* Bon, en vrai, il y en a peut-être hein, ça doit arriver… mais je ne l’ai jamais vu.

Je vais vous montrer, pour illustrer mon propos, une photo que j’ai prise au début du mois de septembre en face de chez moi, quand je tournais et tournais encore en cherchant une place pour me garer. Regardez-la bien. Rien que de la revoir, j’ai envie de hurler je sens mon souffle se raccourcir, mes poings se serrer et ma vue devenir rouge.

 

En bas de chez moi, début septembre. Tu m’aurais entendue hurler ma rage… 🤬 Mais c’est quoi ça ? T’as cru que t’étais chez tata ? La route c’est à ta mère ? Espèce de c****** dégénéré du patriarcat, va crever dans les flammes des bûchers que tu incites à allumer – et je vous fais grâce du reste de tout ce qui m’est venu à la bouche. Ça faisait même pas dix jours que j’étais rentrée du Japon. J’avais un arriéré d’insultes à rattraper.

 

Ceci ne va JAMAIS se produire au Japon.

D’ailleurs au Japon, il n’y a pas de places de stationnement le long des trottoirs. Pour ne pas risquer de gêner les piétons, les cyclistes, ou simplement la vue à l’horizontale, les lignes, l’ordre bien rangé. Donc tu gares ton auto sur une place réservée, sous un immeuble ou dans la cour de ta maison, point.

 

 

Étonnement n°2

Comment se fait-il que les serveuses des fast-foods et des konbinis soient si âgées ?

 

Indice 1 : le Japon est le pays au monde qui a la plus longue espérance de vie.
84,26 ans, hommes et femmes confondu·es, d’après l’OMS.

Indice 2 : jette un œil sur la pyramide des âges du Japon.
On n’a pas comme un souci de natalité, les gars ? Y’aurait pas comme un déficit de crèches ? Un poids des traditions qui pèse des tonnes sur ce qu’il est attendu avec beaucoup de pression au Japon d’une épouse (soumise), d’une mère (sacrificielle) et qui fait que les femmes aujourd’hui n’ont PAS ENVIE (tu m’étonnes) de consacrer leur vie à élever des enfants qui deviendront de jeunes adultes actifs et actives qui pourraient travailler pour participer à la retraite des ieuv.

 

Pyramide des âges du Japon en 2019.

 

Évidemment il y a d’autres raisons que mon petit raccourci culturel (et les raccourcis c’est dangereux) sur la charge maternelle des femmes au Japon. Je vous ai mis la pyramide des âges de 2019 parce que c’est la plus récente que j’ai trouvée sur Internet, mais il manque à ce schéma une information indispensable pour comprendre les variations de la natalité : c’est la mention des années de naissance. On peut les déduire, bien sûr, à partir des tranches d’âge indiquées en se rappelant qu’on est sur la pyramide de 2019, mais quand même, c’est moins visuellement parlant.

Par exemple, le net recul que vous voyez à 53 ans tout pile hommes et femmes confondu·es, ce sont les personnes nées en 1966. Et si on vous le dit pas, ben vous pouvez pas deviner que cette année-là, 1966, c’est l’année du Cheval de Feu.
Du cheval de quoi ? me demandez-vous avec une étincelle brillante dans les yeux car vous pensez à la chanson de Jeanne Cherhal.

L’année du Cheval de Feu, Hinoeuma, qui a lieu tous les soixante ans, et pour laquelle la superstition raconte que les filles nées cette année-là finiront par tuer leur mari. Ce qui réduit drastiquement la natalité tous les soixante ans. Alors que, je me dis, il suffirait qu’elles ne se marient pas. Qu’elles mettent leur robe de gala et aillent danser à l’Olympia, qu’elles changent d’amant quatre fois par mois, qu’elles prennent la braise et qu’elles la gardent, ah la belle vie que ça sera… si elles ne se marient pas ! Salut à toi Boris  😝

Voilà, c’est ça aussi le Japon. Ce pays ultra moderne.

 

Sur les hauteurs de Kesennuma (Honshu, Japon, 20 août 2024). Le ryu ou tatsu (dragon japonais) est un symbole d’équilibre, de puissance et de prospérité. Contrairement au dragon de la culture occidentale, il est perçu au Japon comme un signe d’harmonie et de protection. 

 

Enfin, cet été je n’avais pas en tête la pyramide des âges, ni ces informations évidemment, mais j’ai pu observer directement sur le terrain et par moi-même qu’il existe un vrai travail du 4e âge au Japon. Dans les supérettes, les restaurants, les jardins publics, les parcs, les musées, les taxis, les hôtels, les chantiers… pas que à Tokyo et dans les grandes villes.
En France c’est des jeunes (et des femmes) qui occupent majoritairement les petits boulots à temps partiel et mal payés. Parfois même ils et elles ont encore des boutons d’acné (true story).

Bosser au McDo en France, c’est un taf d’étudiant·e, alors qu’ici au Japon, les serveuses ont 100 ans !

Pareil pour les jardiniers qui travaillent à l’entretien des arbres et des haies autour des châteaux, des temples bouddhistes ou des sanctuaires shintoïstes… Vous l’auriez vu s’ils n’étaient pas de dos sur la photo de Yamadera que je vous ai mise dans mon article Japon façon guide : le Nord !

 

En me renseignant, en lisant, en discutant, j’ai compris que ce n’est pas parce que les Japonais·es sont workaholic et ne savent pas s’arrêter de travailler. Ils et elles le sont, en vrai, mais c’est pas pour ça. Non. Accepter, à 80 ans et plusse, des petits boulots payés la misère dans des conditions précaires, c’est surtout par obligation parce que le montant des pensions de retraite est insuffisant pour vivre.

Plus du tiers de la population japonaise – on parle de 35 % là, les gens – a plus de 65 ans. Plusse de 65 ans, et 65 ans c’est l’âge légal de départ à la retraite à taux plein. Imagine. Un tiers de la population, hop à la retraite. Au-delà de l’âge de la retraite, c’est même 10,1 % des Japonais·es qui ont plusse de 80 ans. Imagine encore. Ça représente 12,6 millions d’octogénaires sur un pays de 125,1 millions d’habitant·es. Et pas de jeunes pour payer.

Et donc ben, dans tout le pays, c’est des vieux et des vieilles qui font le ménage des chambres d’hôtels, qui tiennent la caisse des parkings sur les sites touristiques, organisent la circulation des routes quand il y a des travaux et font le plein de ton auto à la station-service. C’est eux, et elles surtout, qu’on retrouve au konbini ou chez Lucky Pierrot parce que… parce qu’ils et elles n’ont plus la souplesse nécessaire pour laver les vitres des bureaux !

 

Photo prise en attendant le Shinkansen à la gare de Sendai (Honshu, Japon, 21 août 2024).

 

 

Étonnement n°3

Comment se fait-il que les konbinis restent ouverts 24/24, MÊME dans les endroits paumés, loin très loin du triangle touristique Tokyo-Kyoto-Osaka ?

 

Et pourquoi sont-ils à cinq minutes à pied max les uns des autres ?
Qui va marcher jusqu’au 7-Eleven au milieu de la nuit alors que, au pire, si t’as une irrésistible envie de taiyaki, y’a le Family Mart ouvert juste en face de ton appart’ ? (moi)

Je n’ai pas d’indice. Je ne sais pas pourquoi les konbinis restent ouverts jour et nuit partout. Des fois, dans les trous vraiment vraiment paumés, ils ferment entre minuit et 5h du mat’. Allez.

Je ne sais pas non plus comment ils font pour ne pas couler alors que les quatre grandes chaînes de konbinis (7-Eleven, Family Mart, Lawson + Seicomart très présent sur l’île de Hokkaido) se font directement concurrence dans une même rue, un même quartier. On en reparlera dans mon article qui sera pas prêt avant longtemps Manger dans la rue au Japon.

 

Sur le tourisme au Japon, je veux quand même vous informer que, sorti du circuit ultra balisé Tokyo-Kyoto-Osaka, c’en est fini de voir des Occidentaux·ales. On n’en a quasiment pas croisé. Dans les rues d’Hakodate un peu, sur la barque à Geibikei – « les trois Français qui puaient » (sic de la Petite Souris, 15 ans, au nez de laquelle tout le monde pue, si elle est enceinte un jour sa vie sera un cauchemar olfactif je peux pas m’empêcher de penser) – et un jeune couple de Français, aussi, à l’auberge de jeunesse de backpackers de Towado.
C’est tout, en trois semaines de road trip pendant les vacances d’été. Au point que ça nous a fait drôle, en revenant à Tokyo, de retrouver des visages de gaijin (étrangers, en japonais).

 

Quand t’as une irrésistible envie de taiyaki au milieu de la nuit. Tu n’as que la rue à traverser, en tongs, pour aller au Family Mart juste en face de ton Airbnb mais tu préfères les taiyaki du 7-Eleven et le 7-Eleven le plus proche est à trente pas sur le même trottoir alors tu peux aussi y aller en tongs. (Sapporo, Hokkaido, Japon, 12 août 2024).

 

 

Étonnement n°4

Comment les Japonais·es peuvent-ils et elles être si minces alors qu’il est si difficile de trouver des fruits et légumes frais à un prix abordable ?

 

Je vous ai parlé dans mon article De retour du Japon de l’angoisse du A4 qui m’a saisie quand j’ai débarqué à Tokyo. Bon. Ok j’étais fatiguée, en crise hormonale, tous les voyants de mon système nerveux allumés, je ne voyais plus que ça. Je ne comprenais pas comment c’était possible, tant de riz blanc, tant de tonkatsu et de poulet frit sans crudités et avec si peu de légumes, comment font-elles ??

L’une de mes lectrices, Fanny, me disait en commentaire sous l’article Japon façon guide : le Nord, combien elle aime la nourriture japonaise parce qu’elle est « légère et diététique ». Oui mais… non ! Pas toujours. Ça dépend « légère et diététique » par rapport à quoi, à qui ?
Merci Fanny, donc, pour votre commentaire qui me permet d’y revenir et de nuancer. J’ouvre ici une parenthèse : (lectrices, lecteurs, vos retours sur mes articles me donnent souvent matière à réfléchir, ne les gardez pas pour vous ! je ferme la parenthèse).

Le Japon est un pays riche industrialisé dans lequel il est tellement (mais tellement) facile de s’arrêter dans n’importe quel konbini parmi ceux, nombreux, devant lesquels on passe plusieurs fois par jour et d’acheter pour pas cher du tout un snack salé ou sucré tout prêt.

 

Rayon frais au Lawson près du Musée Upopoy (Hokkaido, Japon, 7 août 2024). Taiyaki, dorayaki, baumkuchen, sandwiches tartinés à la margarine transformée et brioches fourrées de toutes sortes. Rayon du haut, quatrième en partant de la gauche, mon petit pain préféré à la crème au café. Je vous le montre un peu plus bas.

 

Seicomart de Sounkyo onsen (Hokkaido, Japon, 11 août 2024). Cups de soupes miso et de nouilles déshydratées minute, plats industriels lyophilisés, paquets de chips, multitude de snacks faciles à grignoter. Mais pas de fruits, pas de légumes.

 

Les Japonais·es ont certes un patrimoine génétique qui fait d’eux et d’elles des personnes naturellement menues, mais il y a aussi, clairement, un contrôle de l’alimentation pour ne pas prendre de poids. L’injonction à la minceur, avec encore plusse de pression pour les femmes, est présente au Japon comme dans tous les pays dits « développés ».
En témoignent les salles de fitness ouvertes 24/24 dans les villes et la représentation forte, dans les konbinis, de la gamme de substituts de repas hypocaloriques CalorieMate dans toutes ses déclinaisons. Le konjac en nouilles prêtes à l’emploi ou en bloc à cuisiner. Les salades d’algues, les boissons diététiques. Et puis, surtout, le hara hachi bu.

La pratique japonaise du hara hachi bu consiste à manger jusqu’à être rassasié·e à 80 %.

Cela permet d’éviter de trop manger en choisissant de s’arrêter avant de ressentir la satiété complète. Après, comme vous le savez, c’est trop tard…
Je dis « comme vous le savez » parce que, dans un mois c’est Noël, et je pense qu’il vous est déjà arrivé au moins une fois à tous et à toutes de sortir de table en vous sentant trop plein·e. Même pas besoin, pour cela, d’attendre les fêtes de fin d’année, synonyme pour nombre d’entre vous de repas interminables et de tables trop chargées. Pensez simplement à votre dernière raclette. Cette sensation physique très pénible d’avoir trop mangé. Enfin c’est moi qui juge « très pénible », évidemment. C’est mon ressenti personnel, dans mon corps, c’est une des sensations physiques que je déteste le plusse, je voudrais ne plus jamais la ressentir – et pourtant ça m’arrive encore, régulièrement.

 

Un élément du petit-déjeuner traditionnel au ryokan de Zao onsen (Honshu, Japon, 30 juillet 2024). Tofu soyeux (un des meilleurs que j’aie jamais mangés de ma vie), flocons de bonite séchée, negi émincé, gingembre frais râpé, et quelques gouttes, à peine, de sauce de soja subtilement umami, pas trop salée.

 

À l’inverse, il y a chez moi un Marcass’ de 11 ans que ça ne dérange pas du tout, qui surkiffe même, au contraire, l’idée de manger beaucoup. D’avoir une énorme assiette. De faire des énormes bouchées. De pouvoir se resservir autant de fois qu’il veut. De manger vite, longtemps, de tout, en quantité, jusqu’à se sentir « bien rempli ».
Et cependant, avant son entraînement de tennis, il ne fait pas ça. Avant d’aller à la piscine non plus. Il s’auto-limite parce qu’il ne veut pas être « lourd ». C’est bien la preuve que, MÊME LUI, le trop-plein ne le satisfait pas tant que ça, non ? Même lui, qui vote à fond pour la philosophie Osaka contre le régime d’Okinawa. Car il existe une opposition majeure d’état d’esprit entre les deux villes que je vous expliquais à la fin de mon article Ce que cuisiner veut dire.

J’ai longuement réfléchi à ces questions. À la sorte de Graal de longévité en bonne santé que constituerait la pratique du hara hachi bu. En théorie, oui, on sait aujourd’hui scientifiquement que le corps humain gère mieux le manque que l’excès. Mais, en réalité, je ne suis pas sûre que le hara hachi bu puisse convenir à tout le monde. À tous les corps, à toutes les situations, à tous les tempéraments. Que tout le monde puisse l’adopter. Car c’est quand même une culture de : LA JUSTE MESURE.

Moi qui suis d’une nature excessive, ma tendance m’emmène plutôt à 10 % ou à 110 %, voyez. Alors 80 % c’est difficile pour moi. Mais mon mari, lui, est là-dedans, complètement : il aime manger bon et il mange en quantité suffisante pour se sentir bien dans son corps, jamais trop. Tibidibidi le Blond. C’est pour ça qu’il se sent tellement dans son élément au Japon, le mec hara hachi bu naturellement !

 

Voici le plateau que j’ai composé pour moi un soir au buffet de l’hôtel de Sounkyo onsen dans le Parc national du Daisetsuzan (Hokkaido, Japon, 11 août 2024). Tout en haut à droite c’est du kimchi coréen et tout en bas à gauche c’est une crudité qui s’appelle « grove » en anglais. Si certain·es d’entre vous connaissent, éclairez-moi car je n’arrive pas à comprendre ce que c’est exactement, mais j’ai adoré ce petit goût frais et gingembré.

 

Pratiquer le hara hachi bu, ce serait donc manger le contenu des neuf cases du plateau de mon dîner et s’arrêter là. Pendant que, ce même soir, à la même table, le Marcass’ en mode Osaka style a mangé 30 sushis saumon et un barbecue de viande. True story.

Tout ça pour vous dire que, concernant l’alimentation, il y a vraiment ce truc, au Japon (sauf Osaka), de la mesure et de la « petite portion ». Contrairement par exemple à ce que je sais de l’Italie, de la Roumanie, ou à ce que j’ai pu observer directement au Portugal il y a deux ans et que je vous racontais dans l’article S’il n’en restait qu’un(e) # août 2022.

Et puis voilà, dans l’alimentation traditionnelle japonaise, il n’y a pas de pain, pas de produits laitiers, pas de sucre. Donc bon. Moi j’dis ça j’dis rien. Mais y’a pas que moi qui remarque…

 

« Tous les gens sont minces ici. On dirait que c’est l’inverse de chez nous, parce que les seuls que j’ai vus un peu gros dans la rue, sur la plage et dans les onsen, c’est les enfants. Alors que chez nous, c’est plutôt les enfants qui sont minces et les adultes qui sont gros. »

Le Grand Lièvre (13 ans) sur la plage de Kodanohama, à Oshima, lundi 19 août 2024.

 

J’ai avancé une explication spontanée et non-documentée sur la prolifération des fast-food en milieu urbain et l’augmentation exponentielle des produits alimentaires transformés, notamment les plats préparés prêts à consommer, qui envahissent les rayons des supermarchés des pays industrialisés et uniformisent de la pire manière les façons de manger dans le monde.
Céréales trop sucrées du petit-déjeuner, snacks rapides trop gras trop salés, sandwiches mous dans des pains au lait ou de la baguette viennoise industrielle ou du pain de mie au sirop de glucose. Crêpes fourrées au beurre de cacao et brioches à la crème.

Dans les konbinis au Japon, on voit beaucoup (vraiment beaucoup) de desserts et viennoiseries puffed with custard and whipped cream. On ne mastique pas, on ne mâche presque pas. Ça fond. C’est mou. C’est facile. C’est bon. Mais ça appelle encore et ne nourrit pas le corps.

 

Mon petit pain préféré à la crème au café. Tu mâches à peine et il remplit ta bouche de doux et de fondant. (À Kuji sur l’île de Honshu, Japon, 17 août 2024).

 

 

Étonnement n°5

Comment se fait-il que ce soit si impoli de se moucher en public alors que, en même temps, les Japonais·es font v’là les bruits de succion pour avaler leurs ramen ?

 

Là on touche un vrai sujet. Au Japon, tu peux renifler bien dégueu toutes les dix secondes, mais surtout tu ne te mouches pas ! C’est très impoli, très mal vu. Ça. Ne. Se. Fait. Pas.

Et c’est bizarre parce qu’il y a énormément de boîtes de mouchoirs à disposition dans les hôtels, les maisons qu’on loue, les restos, dans les administrations même. C’est étonnant, je trouve, pour un pays où se moucher en public est perçu comme un affront. Même à la station-service où tu t’arrêtes pour faire le plein, on t’offre une boîte de mouchoirs gratos espèce de gros crado de Français·e.
Je vous reparlerai de cette histoire dans un article à venir sur les transports (Petits récits nippons : 4- Les transports au Japon).

 

Stop à la station-service sur la route pour Sendai (Honshu, Japon, 21 août 2024).

 

Perso je m’en fous, je ne me mouche jamais. Mais mon mari, et nos trois enfants à qui il a légué ses merveilleux gènes ORL, ne sortent jamais sans un paquet de mouchoirs au fond de leurs poches et dans leur sac EastPak. Et ils et elle se mouchent particulièrement bruyamment – un truc de famille apparemment. Ça ne me dérange pas. Peut-être suis-je habituée à la maison à les entendre se moucher à grand bruit les un·es après les autres du matin au soir (et la nuit ils et elle ronflent à niveau sonore équivalent).

Non, moi mon problème au Japon, c’est plutôt la misophonie qui fourmille de mes oreilles à mes nerfs quand les gens mangent des ramen à côté de moi au resto.
Mi-so-pho-nie.
Souvenez-vous il y a deux ans, S’il n’en restait qu’un(e) # novembre 2022.

 

Un dernier truc à propos de ramen, et des restos au Japon de manière générale : prévoyez d’y aller tôt, même à Tokyo. Les Japonais·es mangent tôt. Parce qu’ils et elles se couchent tôt. Parce qu’ils et elles se lèvent tôt. Parce qu’en fait bah… à 4h30 du matin là-bas il fait jour, c’est l’heure d’aller courir (coucou Clea !).

Je comprends mieux maintenant pourquoi on dit : pays du Soleil-Levant. Je n’y avais jamais pensé avant. Enfin, chacun·e se lève à l’heure qui lui plaît pour son miracle morning bien sûr. Non, le problème, c’est que les Japonais·es mangent tôt LE SOIR.

Et ça pour moi c’est dur.

 

Horaires de dîner à l’hôtel de Shikaribetsu onsen (Hokkaido, Japon, 7 août 2024). J’ai entouré 19h parce que c’était le plus tard mais 19h pour moi c’est tôt. Jamais je mange à 19h. Et 17h30 s’te plaît ???

 

Horaires de dîner à l’hôtel de Sounkyo onsen (Hokkaido, Japon, 10 août 2024). Non mais 17h c’est quoi ? Le goûter ??? Je comprends qu’il faut réguler le flux des touristes dans cet endroit paumé du Parc national du Daisetsuzan où il n’y a pas de resto à côté, mais franchement… c’est pas abusé ? Je suis partie comme une furie négocier à la réception pour un petit 19h30. Et puisque j’y étais, j’ai demandé à changer l’horaire du petit-déj’ du lendemain aussi. Mes enfants, les lever à 8h30 déjà c’est la lutte, alors 6h30 laisse tomber, y’a pas de petit-déjeuner.

 

 

Dans mes prochains articles, j’explorerai un aspect particulier de la vie au Japon, de la culture, de la cuisine ou du voyage, avec une volonté de moins de texte et plusse de photos. Je ne vais pas me TikTokiser non plus, hein, mais je me rends compte que beaucoup d’entre vous me lisent sur leur smartphone et pas sur un ordi. Force à vous car je ne sais pas comment vous faites pour vous repérer dans le menu et pour naviguer dans les liens d’une page à l’autre !

Allez, en attendant, c’est cadeau pour celles et ceux qui ont souri à l’étonnement n°2…  😝

 

Chanson de Boris Vian, Ne vous mariez pas les filles, par Michèle Arnaud (1964).

 

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Et vous, que vous y soyez déjà allé·es ou non, qu’est-ce qui vous surprend au Japon ?