Mon maillot de bain & moi 2 (ce que je ne vous ai pas dit)

Photo : I did it (16 août 2025).

 

Merci pour vos chaleureux messages privés après la publication de l’article Mon maillot de bain & moi, dans lequel je me mettais à nu (quoique sans photo ;-). Les commentaires sont toujours ouverts donc vous pouvez aussi laisser le vôtre publiquement sur mon blog, ou sur Substack si c’est plus simple pour vous. 🫶

 

→ Cliquez sur l’image ci-dessous pour lire Mon maillot de bain & moi.

 

 

Je me lance dans un deuxième volet parce que je veux revenir sur une remarque que l’on m’a faite sur ce précédent article.

La personne – que je sais super bien intentionnée – me dit que j’analyse surtout l’aspect sociétal des choses, l’impact du patriarcat et des normes esthétiques hétérosexuelles qui s’imposent au corps des femmes, mais que je passe sous silence les causes individuelles du trouble mental.

C’est vrai (quoique j’ai semé quelques indices pour qui s’y intéresse…).
Je ne souhaitais effectivement pas écrire un article de psychanalyse sur les troubles du comportement alimentaire (TCA), ni raconter mon histoire personnelle comme je l’ai fait il y a plus de vingt ans dans un livre.

 

Audrey Raveglia, « Jeûne Fille », éd. Balland, 2002.

 

Ce que je voulais, dans mon article, c’est montrer comment ce qu’on vit dans l’intimité de nos existences est en réalité politique. Faire savoir que le discours intérieur de honte, de culpabilité, avec lequel on marche toute la journée et qu’on ne raconte jamais à personne, d’autres femmes l’entendent et que tout ça a des raisons politiques – et mercantiles, il suffit de poser un œil sur les profits générés par le marché de la minceur chez les femmes (produits de régime, substituts de repas, crèmes anti-capitons, culottes gainantes et collants ventre plat, diet coaches, salles de sport, etc.) pour n’avoir aucun doute là-dessus.

En dénonçant les diktats hétéro-normatifs, je ne renie pas pour autant la responsabilité qui m’incombe dans cette histoire : qui je suis, ma personnalité, mon fonctionnement unique… et mon obsession pathologique de vouloir être mince.

Mais cette obsession n’est PAS individuelle, c’est ça qui est si grave.

Cette obsession d’être mince ne m’est pas personnelle, elle n’a rien d’extraordinaire comme je voulais pourtant tellement le croire à 19 ans – avant d’être hospitalisée pendant des mois dans un service où dix autres filles pesaient moins de 40 30 kilos.

 

« J’aime me rappeler ce plaisir inouï que je ne peux dire à personne. Le plaisir de me sentir si constante dans ma détermination. Si régulière. Si cohérente. J’ai ordonné le monde. Je l’ai soumis à ma volonté. Je réussissais mes examens. J’avais des projets. Je contrôlais mon destin jusque dans les plus infimes replis de ma chair évidée. J’étais si forte ! […] J’ai un jour aperçu dans le reflet d’une vitrine cette jeune femme livide dont seuls les yeux vivaient. C’était moi. Je ne m’étais pas reconnue. » (p.120)

 

Extrait de « Pleine et douce », de Camille Froidevaux-Metterie, éd. Sabine Wespieser, 2023.

 

Pleine et douce, de Camille Froidevaux-Metterie, est une de mes lectures d’août 2025.
Chaque chapitre de ce roman polyphonique partage les secrets de la vie intérieure d’une femme. Celui de Charline, que je cite ici, a résonné pour moi d’une manière plus ardente encore.

Bien sûr que ma relation à mon corps et à mon alimentation tient de mon histoire personnelle, comme pour chacun·e d’entre vous. Mais mon TCA n’est pas unique. Il ne me définit pas.

Mon anorexie est à la fois le produit et la responsabilité d’une société déviante ; pas seulement dans les images de minceur que cette société projette et que j’accusais dans mon premier article, mais, plus profondément, dans le mal qu’elle fait aux femmes et aux enfants, à la racine.
Par mal j’entends viol.
Viols, violences et abus sexuels.

Au cas où ce ne serait pas assez clair.

 

À la fin de l’article de juillet de Mon maillot de bain & moi, je vous posais cette question désespérée, à propos de mon impossibilité à me défaire de mon angoisse de grossir :

Mais pourquoi, dis, pourquoi celle-là elle s’en va pas ?

Bien sûr que la question n’était que rhétorique. Je l’avais assortie de l’illustration suivante.

 

Peut-être qu’une part de moi sait pourquoi celle-là, elle s’en va pas. Plus j’accepte de regarder ce qui est fracturé chez moi, plus je sais. Mais tout ne se raconte pas ici, n’est-ce pas, on n’est pas en thérapie.

 

Je sais pourquoi.

Je sais la cause, une des causes, la cause originelle sans doute, c’est pas pour autant que j’arrive à faire disparaître totalement les symptômes qui m’ont permis d’y survivre. À cette cause. Le trouble dysfonctionnel et perfectionniste qui m’a néanmoins assuré de remonter du précipice où j’ai été projetée enfant, on comprend que ce soit difficile de le lâcher.
Il faut avoir assez grandi pour rassurer la toute petite qui est restée au fond.

Ça prend du temps. Du travail. Des années.
Parfois même on n’y arrive jamais.

Dans mon article Pourquoi j’ai mal au ventre ?, je partageais avec vous les résultats de l’étude Ipsos de 2019 qui évalue les conséquences sur la santé (une fois adulte) des violences sexuelles subies dans l’enfance.
J’avais posté plusieurs schémas statistiques et infographies, dont celle-ci.

 

52 % des personnes violées pendant l’enfance développent des TCA (le plus souvent de l’anorexie).

 

Infographie issue du Rapport d’enquête Mémoire Traumatique et Victimologie / IPSOS 2019.

 

52 %, bien sûr, c’est le chiffre officiel, déclaré. C’est un chiffre qui ne tient pas compte :

1/. des victimes qui n’ont PAS porté plainte ;
(Dans les cas de viols et de violences sexuelles, seules 10% des victimes portent plainte. Pour rappel.)

2/. des victimes qui ont trop honte pour reconnaître qu’elles souffrent d’un TCA (surtout quand c’est de la boulimie ou de l’hyperphagie), ou/et qu’elles ont subi un viol ;

3/. des victimes qui, lorsque l’amnésie traumatique est encore active, ne se souviennent pas du viol qu’elles ont subis – et donc ne peuvent pas le déclarer.

Ça a été mon cas.

Au moment où je suis hospitalisée à 29 kilos, à 19 ans, je n’ai aucun souvenir conscient d’avoir été violée entre mes 5 et mes 7 ans. Et pourtant…
La mémoire traumatique a besoin de temps et de sécurité pour émerger. Ce temps est imprévisible et variable selon les individus ; il peut prendre vingt ans, trente ans, quarante ans et plusse (n’en déplaise à Madame Badinter).

Si la personne n’est pas entourée par un·e thérapeute contenant·e et des relations sécures, laisser remonter à la surface ce qui s’est passé n’est psychiquement pas tenable. La décompensation risque de faire éclater toutes les barrières que la victime a construites pour survivre.

 

Infographie issue du Rapport d’enquête Mémoire Traumatique et Victimologie / IPSOS 2019.

 

Avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance est le premier facteur de décès précoce et peut faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie.

 

Qu’est-ce qui est de l’ordre de la liberté individuelle là-dedans ?
Où se situe « mon véritable moi » dans le TCA quand j’ai été violée à l’âge de cinq ans et que tant d’autres femmes dans le même cas arrivent au même endroit ?
Est-ce que le trouble mental attaché aux TCA peut encore être pensé comme une singularité de la personne quand il est aussi massivement partagé ?
Qu’est-ce qui relève de la thérapie individuelle et qu’est-ce qui relève d’un changement de société et de nouvelles lois ?

Il n’y a pas que le culte de la minceur qui détruit la santé mentale des femmes dans notre société. Non non non. Si c’est ce que vous avez retenu du premier volet Mon maillot de bain & moi, alors je m’y suis mal prise. Car il y a la culture du viol aussi.

Il y a, d’abord, la culture du viol.

 

→ Je vous remets ici la courte vidéo que j’avais postée à la fin de mon article Pourquoi j’ai mal au ventre ?

 

La culture du viol en 64 secondes, par La Gazette des Femmes (Québec).

 

95% des victimes de viol voient leur santé mentale altérée.

 

Alors oui, bien sûr qu’il y aurait soudainement beaucoup moins de TCA s’il n’y avait plus de viol. Évidemment.

Moins de viols = moins de honte et de dégradation de soi = moins de TCA.
Moins d’anorexie, moins de boulimie.
Moins d’arrêts cardiaques, moins d’obésité, moins de suicides.

Moi franchement, j’ai eu de la chance de ne pas en mourir.
Ouf que t’es pas morte, comme m’a dit le Marcass’, 12 ans, mercredi dernier. Sinon qui va préparer mon goûter ?

 

Planche extraite de l’album « Cher corps », de Léa Bordier, éd. Delcourt, 2019 (p.24).

 

Mes souvenirs d’enfant, dans la cave, la minuterie sonore de la lumière jusqu’au clic qui plonge dans l’obscurité, la peur, mes émotions intactes, la bouche pleine, mon écharpe, l’étranglement, tout ça m’est revenu sous forme de flashs de plus en plus précis en séance avec la psychiatre-psychanalyste-psychothérapeute qui me suivait depuis ma sortie de l’hôpital.
J’avais alors presque 24 ans.

Les violences sexistes et sexuelles ont un impact avéré, majeur, sur la santé mentale (sur la santé tout court) des femmes, et sur les troubles du comportement alimentaire en particulier.
C’est connu, on le sait.

Pourtant, les violeurs ne sont jamais poursuivis pour ces conséquences-là. Pour une fille en HP, qui pèse 30 kilos avec une sonde dans le nez et dont le cœur risque de s’arrêter de battre d’un instant à l’autre. Je n’ai jamais entendu de poursuite pour ça.

Remarque, les violeurs ne sont pas poursuivis du tout donc bon.

 

Ça c’est quand mon mari m’envoie des petits textos marrants dans la journée. Je rigole cinq minutes de ce qui me donne plutôt envie de tout casser. Pour pas que la colère me fasse un ulcère – ou pire, un cancer.

 

C’est les femmes aussi, ces folledingues hystéro. On peut plus rien dire, on peut plus rien faire.

Je ne reviens pas sur comment Freud a fondé sa théorie du complexe d’Œdipe à partir du nombre inimaginable de témoignages de ses patientes qui évoquaient de l’inceste, du viol, et dont Freud trouvait que, tant de récurrences, c’était pas possible. Qu’à ce point-là de récurrences, c’était forcément des fantasmes transposés, pas la réalité.
Je dis ça, je dis rien.

Il y aurait tellement à dire sur le sujet des femmes qu’on fait passer pour folles.

 

Il paraît qu’il faut absolument lire Adèle Yon. Adèle Yon, dont le premier roman, Mon vrai nom est Elisabeth, a fait le buzz de la rentrée littéraire 2024. Le premier roman qui a été encensé par la critique et dont on a entendu parler partout.
D’habitude, le tapage médiatique autour d’un livre ou d’un film a plutôt tendance à me faire fuir. Mais pour ce livre-là, recommandé par Lauren Bastide et Géraldine Dormoy entre autres, j’ai reçu depuis un an plusieurs messages d’ami·es différent·es qui tous et toutes m’ont dit (à moi, personnellement) :

« Audrey, il faut ABSOLUMENT que tu lises ce livre. »

 

 

→ Podcast Folie douce, épisode #29 avec Adèle Yon et Laurie Laufer (10 avril 2025)

 

Je ne vous avais pas parlé de cet épisode du podcast « Folie Douce » parce qu’il est sorti le 10 avril 2025 et que je venais juste, en mars, de vous recommander l’épisode #27 de « Folie Douce », avec Charlotte Bienaimé : Ce que le féminisme fait à la santé mentale.

 

Écoute-moi mars 2025

 

Or je me suis fixé la règle un peu rigide de vous présenter chaque mois un podcast différent. (D’ailleurs, je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas vous reparler de « Folie Douce » à la fin du mois alors que vient de sortir, la semaine dernière, un épisode avec Juliet Drouar 🤩)

Bon. Mais cliquez sur le visuel et écoutez l’épisode avec Adèle Yon et Laurie Laufer. Si vous vous intéressez un minimum au féminisme et à la psychanalyse, c’est obligé que vous connaissiez Laurie Laufer. Elle est une référence dans le domaine de la psychanalyse moderne (Vers une psychanalyse émancipée – Renouer avec la subversion, c’est le titre de son avant-dernier essai, éd. La Découverte, 2022).

 

Affiche de Giulia Schiaparelli.

 

« Un podcast à soi » aussi, c’est dur de ne pas vous en parler tous les mois.
J’espère que vous êtes abonné·e.

Sur le sujet croisé de la psychanalyse et du féminisme, dans l’article Écoute-moi mars 2025, je vous recommandais aussi les épisodes 51 et 52 de « Un podcast à soi » : le premier sur la psychiatrisation des émotions des femmes, le second sur l’invention de thérapies féministes qui prendraient en considération les rapports systémiques de domination.
C’est très exaltant, je trouve, de chercher des voies de compréhension et d’émancipation.

Allez, je vous remets les liens ici. Vous n’avez qu’à cliquer sur l’image et ouvrir vos oreilles. Ne me remerciez pas.

 

→ Un podcast à soi, épisode 51 : Psy et féminisme, partie 1 – Au procès des folles

 

 

 

→ Un podcast à soi, épisode 52 : Psy et féminisme, partie 2 – Inventer une thérapie féministe

 

 

Avez-vous vu le film Le bal des folles, sorti en 2021, de et avec Mélanie Laurent ?
Pour voir comment le bon Docteur Charcot dirige ce qu’il appelle le « service des hystériques »…

La folie, l’enfermement, ce que certains – les médecins, les sachants, les hommes – décrètent comme étant folie qui nécessite l’enfermement, me touche particulièrement.

 

Peut-être mes ami·es le savent, c’est pour ça qu’ils et elles m’assaillent avec le roman d’Adèle Yon. Mais je ne l’ai pas lu. J’ai écouté Adèle Yon en parler, je me suis dit, à propos de sa grand-mère : six enfants en sept ans, à quel moment tu pètes pas les plombs ? Quel être humain ?
Mais je n’ai pas acheté le livre. Pas encore.

Pardon à mon ancienne collègue Muguette qui, la première, m’en a parlé, puis Laetitia une abonnée du blog, puis mon amie Marie, puis Noémi l’ex-N+1 de mon mari, puis mon pote David.
Peut-être j’ai peur. C’est rare, un livre autant recommandé.
Trop de pression.

 

 

Perso, je rencontre peu de folles.

En revanche, je rencontre un grand nombre de femmes violées, abusées, dominées, qui cherchent à se réparer. Parfois des femmes dont la mémoire traumatique se réveille à peine, autour de la quarantaine, parce qu’elles sont à présent en capacité de l’entendre et d’y faire face.
Des femmes qui se demandent si, et comment, elles peuvent continuer à être en relation avec des hommes. La vérité c’est qu’il n’y a aujourd’hui pas de meilleure safe place pour exprimer ses fragilités, être soi-même, danser comme on veut et sans danger, que la non-mixité.

J’en ai encore fait l’expérience au début du mois. Deux soirées DJ set où je suis allée pour danser, deux vendredis soirs d’affilée : soirée mixte hétéro versus soirée queer femmes et trans.
Dans les deux soirées je me suis fait aborder, par un homme à la première, par une femme à la deuxième. Ben c’est clairement pas la même.

Ressenti contrôle+hypervigilance versus joie+liberté.

 

 

Je ne dis pas qu’il n’existe pas, jamais, de harcèlement et de viol dans les milieux queer. Il y en a peut-être. Mais c’est loin d’être une pratique institutionnalisée de domination comme ça l’est par ailleurs à tous les échelons de notre société. En politique, en entreprise, à l’église, dans les médias, le cinéma, le sport, l’éducation.
Quand c’est ton prof, l’agresseur.
Ton prof d’aviron ou ton prof de lettres et de théâtre en Terminale.

Et tu dis rien.
Parce que tu es pétrifiée, tu n’envisages même pas que tu aies le droit d’en parler. À qui ?

À ta meilleure amie seulement tu le dis, et vous faites le pacte de ne plus jamais vous laisser l’une ou l’autre seule dans la classe avec lui. Dans son cours, vous ramassez vos affaires avant que la cloche sonne pour partir plus vite.
Vous vous sauvez.

 

Ma copie de Terminale, bac blanc de lettres.

 

Chaque semaine depuis un mois, je choisis un endroit de ma maison et je désencombre.
La semaine dernière, j’ai attaqué le palier de ma chambre. C’est un point chaud où j’empile tout ce que je ne veux pas prendre le temps de trier et de ranger. Un amoncellement de papiers divers et variés d’importance variable. En ouvrant une vieille chemise à élastiques (dont les rabats se sont délités sous mes doigts), j’ai retrouvé des copies du collège et du lycée – dont celle que j’ai photographiée ci-dessus.

Je sais que mon prof de lettres est mort maintenant donc j’ai plus peur et j’en ai plus rien à foutre de dire ce qui s’est passé.
Quoique.
C’est pas vrai.
J’ai de la honte encore. La honte de n’avoir rien dit, la honte que ça me soit arrivé à moi et que les gens se demandent : pourquoi ?

T’étais habillée comment ?
Pourquoi t’as attendu si longtemps ?

 

Planche extraite de l’album « Cher corps », de Léa Bordier, éd. Delcourt, 2019 (p.27).

 

Pourtant quand je relis le commentaire qu’il a inscrit sur ma copie, c’est de la colère qui monte.
C’est lui qui devrait avoir honte. C’est lui le prédateur. C’est lui le coupable.
De quel droit m’a-t-il fait ça ?
Est-ce que c’est ok, après ce qu’il m’a fait, d’écrire en vert ce qu’il écrit sur ma copie ?
Imagine-t-on une femme, pareillement prof de lettres à la soixantaine, écrire sur la copie d’un lycéen de sa classe de Terminale :

« Notre charmant Lucien s’éveille, bla-bla-bla… » ?

Ou bien est-ce que ton prof d’alors se permet ce petit clin d’œil parce qu’il se sait en totale impunité, le 22 janvier 1996, de t’avoir peloté les seins avec sa grosse main et fourré sa langue dégueu dans ta bouche ?

 

 

 

Il me reste peu de temps pour terminer cet article (j’ai encore beaucoup d’endroits de ma maison à désencombrer), mais je vais quand même prendre le temps nécessaire pour répondre ici, en plusse de l’avoir fait personnellement, à celles et ceux qui ont osé me demander après la publication de Mon maillot de bain & moi :

Mais alors, comment ça s’est passé pour toi cet été ?
Avec ton maillot de bain pailleté ?

 

Cet été, j’ai porté tous les jours mon maillot de bain pailleté.
J’ai joué au beach volley dans l’eau en maillot de bain pailleté.
J’ai même joué aux raquettes sur la plage en maillot de bain pailleté.
Je suis même (même) descendue depuis le studio jusqu’à la plage en maillot de bain pailleté – comme une fille normale comme mon mec.

 

Si, à l’issue de mon premier article Mon maillot de bain & moi, tu n’avais pas compris ce qu’était la dysmorphophobie, téma l’ombre. Voilà. Dans mon corps c’est ça que je vois. Sur la photo, c’est ce que j’ai vu en premier. Sisyphe portant son rocher (16 août 2025).

 

Cet été, il me semble que ça a été plus facile que les étés passés.
Plus facile que ce à quoi je me préparais.

D’abord parce que, pour la première fois, il y avait toutes sortes de corps autour de moi.
Mon mari me dit qu’il y a toujours toutes sortes de corps, tous les étés, mais moi je les voyais cette année pour la première fois. Et ça m’a fait du bien parce que j’avais beaucoup travaillé pour ça.

Ensuite, comme je ne reste jamais à me faire bronzer sur le sable, j’ai réalisé que le malaise d’être en maillot de bain ne dure finalement que le temps d’entrer et de sortir de l’eau. Le malaise a cet avantage que je ne prends jamais de coup de soleil sur les cuisses parce que j’entre très vite (jusqu’au nombril) dans l’eau.
Le reste de la journée, je ne suis pas en maillot de bain. Je suis nue sous mon paréo et je me sens bien.

Nue.

 

 

Parfois il y a du vent et les pans de mon paréo se soulèvent. Ça me gêne pas. Tony, qui squatte l’appart’ du dessus, ça le gêne pas non plus. Je ne suis pas pudique.
Je sais que c’est paradoxal pour quelqu’un·e de complexé·e. Mon hypothèse est que mon cerveau a internalisé toutes les images de corps parfait, habillé ou peu habillé (en sous-vêtements ou en maillot de bain par exemple). Donc quand je vois mon corps dans ces mêmes tenues, ça me fait un choc. C’est une des raisons pour lesquelles je ne porte pas de sous-vêtements.
Mais comme personne d’autre que moi ne porte mon corps nu, je n’ai pas de référence.

Enfin, cet été dans mon maillot de bain pailleté, je n’étais pas seule. Je voyais le regard de mon mari tous les jours. Le regard qu’il pose sur moi. Et ce regard porte tellement d’amour.

En vingt ans, jamais je n’ai entendu un truc du genre :

 

Vignette extraite de la BD « Le Seuil », de Fanny Vella, éd. Le Courrier du Livre Graphic, 2024 (p.11). Je vous ai parlé de cette BD dans Lis-moi août 2025.

 

Ou encore :

 

Mais va bien te faire cuire le cul ! 🤬 (Même ouvrage, p.54.)

 

Jamais.
Le regard posé sur moi est inconditionnellement positif.

J’ai de la chance.

Je réalise que c’était le cas aussi dans ma grande histoire d’amour précédente. Je ne parle pas ici de toutes les relations amoureuses ou/et sexuelles que l’on noue au cours de sa vie ; je parle des vraies grandes histoires d’amour réciproques – et des comme ça on n’en a pas tant.
Dans le passé, j’ai connu un homme qui m’a aimée du simple au double de mon poids. Quand j’y pense, j’ai des larmes qui montent avec une forte émotion de gratitude parce que, du simple au double, c’est beaucoup. Cet amour immense que j’ai reçu quels que soient la forme et le volume de mon corps, je crois que c’est ce qui m’a permis de commencer à me réparer.

Me sentir aimée de manière inconditionnelle pour la première fois.

Peut-être que je l’avais été avant, dans mon enfance, mais je ne le savais pas.

 

J’essaye.

 

Voilà Myriam, merci pour ta lecture attentive de mon article Mon maillot de bain & moi et ta remarque sur les causes individuelles du trouble mental dans les comportements alimentaires, qui m’ont permis de développer plus loin ma pensée.

Je souhaite que ce deuxième volet montre que :
Non, je ne passe pas ces raisons sous silence quand j’ai l’espace pour les dire ;
Les causes individuelles ne peuvent plus être considérées comme purement individuelles dès lors qu’elles sont observées comme résultantes d’un système de violence et de domination.

Toi-même, tu es bien placée pour en témoigner. Alors… GO !

 

Allez ! Myriam Bouroche, « À demeure », Montréal, éd. Château d’encre, à paraître en 2026 ?

  

 

* États généraux de la santé mentale des femmes *

Hep, ultime info avant de partir ! J’apprends par hasard que se tiennent après-demain, vendredi 10 octobre 2025, les premiers « États généraux de la santé mentale des femmes », une journée animée par Lauren Bastide au GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences, Site Sainte-Anne.

C’est gratuit sur inscription (mais je ne sais pas s’il reste des places).
Lauren Bastide y enregistrera, pour son podcast « Folie Douce », une table ronde sur le thème :

Le coût psychique des violences sexuelles, comprendre et guérir.

C’est pas un truc de zinzin, la synchronicité avec l’article que je publie aujourd’hui ??

Les invitées prévues sont Florence Berthier, psychologue spécialisée dans la thérapie du psychotrauma au GHU Paris ; Vahina Giocante, une des actrices qui ont témoigné contre Depardieu, également autrice du livre À corps ouvert (récit de l’inceste qu’elle a subi petite et journal de guérison) ; et Héloïse Onumba-Bessonnet, directrice de l’association Loba.
La table ronde sera diffusée plus tard dans le podcast « Folie Douce », je vous dirai quand.

 

 

*****

 

Et vous, comment ça va avec vos TCA, votre(vos) viol(s), votre maillot ?