La promesse de décembre

Photo : Quand tu es seule à voir le fruit qui résiste, et que tout le monde croyait péri.

 

Comme je vous l’annonçais dans mon premier article de l’année (relisez-le, j’ai tout donné pour celui-là* ; mes prochains articles ne seront que succédanés à faible densité nutritionnelle !), je vous propose de célébrer les 3 ans d’existence de mon blog par un rappel des articles parus le même mois pour chaque année écoulée.

(* C’est pas tout à fait vrai… J’ai beaucoup donné aussi pour celui-ci et encore plus pour celui-là.)

 

Quand je pense décembre, je pense fin, froid, tristesse, obscurité, plombée. (Pas plan B, plOMbée.)

Ma cops Clea a dit de décembre : son ciel qui traîne par terre. Ça m’a plu. Ça m’a parlé, j’y ai trouvé de la poésie, moi qui déteste pourtant l’hiver et ses arbres secs pétrifiés dans la glace.

Pour mon dernier poème de cette année, je voulais un poème de femme.
Je voulais un poème écrit par une femme parce que je me suis rendu compte que sur les onze auteurs des chansons et poèmes que je vous ai proposés, un par mois depuis janvier, il y a neuf hommes pour une seule chanteuse (Jeanne Cherhal ici) et une seule poétesse (Mélanie Leblanc ici).
Le constat est rude. Alors j’ai cherché chez Emily Dickinson, chez Sylvia Plath, et encore plus loin chez Renée Vivien, Marceline Desbordes-Valmore et jusqu’à Louise Labé, mais ça m’a trop déprimée. Les poèmes que je lisais, c’était dur, c’était triste, ça disait l’impossibilité de se comprendre dans un combat perdu d’avance, alors à quoi bon ? Autant mourir tout de suite. D’ailleurs c’est ce que deux d’entre elles ont choisi de faire : Renée Vivien et Sylvia Plath, la trentaine à peine.

Je ne voulais pas désespérer. Déjà que la période, v’là, t’as juste envie d’oublier. De t’enfuir, de croire que tu vas partir, où je sais pas, sur une autre planète peut-être, et quelque part, sûrement, quelqu’un qui t’attend. Seulement voilà, depuis août déjà, et encore plus depuis octobre et mon amour de jeunesse pour Boris Vian, c’est devenu plus difficile de trouver de la poésie dans ma vie. J’ai essayé de me souvenir : qu’est-ce que j’aimais avant ? Si on me demandait par exemple est-ce que tu es quelqu’un qui aime la poésie, à qui je penserais, qu’est-ce que je répondrais ?

 

 

C’est Prévert qui m’est venu en premier.

Peut-être parce que c’est le poète de l’amour, ou celui de la liberté, ou peut-être simplement parce qu’il a été le premier. Le premier des fois vaut mieux l’oublier, d’autres fois on sait qu’il restera pour toute la vie. Moi c’est Prévert que j’ai aimé petite, Prévert que j’ai continué d’aimer ado quand j’ai découvert Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné, et que j’ai rêvé : un jour j’aurai une fille et elle s’appellera Garance, j’aurai un garçon aussi et il s’appellera Marcel. Je ne savais pas que la vie me ferait don, entre les deux, de la lumière pure et joyeuse d’un Lucien.

Et c’est Prévert que j’aime encore et que je relis aujourd’hui.

Alors c’est sûr que je ne vous présente pas la plume néo-punk hardcore de la poésie, on parle bien du Prévert plébiscité par les instits à l’école depuis trois générations pour les récitations ET les tables de multiplication, deux et deux quatre, quatre et quatre huit, huit et huit font seize, répétez et gnagnagna. Sauf que Prévert c’est pas que ça. Vraiment pas. Peut-être que c’est pas assez rebelle, un peu trop fleur bleue, et surtout trop loin du féminisme engagé que j’aurais souhaité. Mais vous savez quoi ? On choisit pas qui on aime.

Quand j’étais au lycée, quelqu’un (je me souviens très bien qui) m’a offert Paroles, qui est sans doute le recueil de poésie le plus connu de Prévert et celui que j’ai le plus souvent relu. Je l’ai souvent prêté aussi, très souvent, et puis un jour on ne me l’a pas rendu. Il a disparu.

C’est ce qui arrive avec les livres qu’on aime le plus : on a tellement envie de les prêter pour les partager et les donner à aimer à ceux qu’on aime, on oublie quand, qui, où, et parfois ils disparaissent. Alors on les rachète et on les relit.

J’ai racheté Paroles et je l’ai relu. Mais à chaque fois que je l’attrape sur l’étagère, ce soir encore, à chaque fois, j’ai un pincement à l’endroit de mon cœur que ce ne soit plus l’exemplaire qui m’a été offert. L’image de couverture n’est pas tout à fait la même, l’édition plus récente et plus lisse, les pages ne sont pas cornées, le livre moins plié, moins gondolé par les années, il a été moins ouvert, moins prêté. Le pincement attire mon attention sur quelque chose qui a à voir avec l’amour et le temps qui passe.
Pourtant c’est toujours Paroles.
Dans le recueil il y a ce poème, « Le concert n’a pas été réussi ». Et il s’est produit une jolie synchronicité la semaine dernière, alors que j’avais déjà commencé à écrire cet article sur Prévert, parce que j’ai reçu comme un cadeau sur mon téléphone la chanson « Compagnons » de Feu! Chatterton qui en reprend le texte. Merci 007.

Dans ce recueil, Paroles, j’ai mes poèmes préférés, ceux que je viens chercher pour eux-mêmes de temps en temps, l’un ou l’autre, sans les relire tous. Il y en a de très connus que leur popularité ne m’empêche pas d’aimer, « Barbara », « Déjeuner du matin » ; il y en a que j’avais oubliés et qu’un jour, sans que je m’y attende, l’on m’a rappelés, « Le miroir brisé », « La chanson du geôlier » ; il y en a de très courts, « Le jardin », « Sables mouvants », « Fille d’acier » ; et puis il y a ceux que je porte en moi partout où je vais parce qu’ils m’ont fracassée dès la première fois et qu’ils me fracassent toujours. J’en ai cinq : « Le désespoir est assis sur un banc », « La grasse matinée », « Je suis comme je suis », « La lessive », et celui qui s’appelle « Cet amour ». C’est ce dernier que j’ai choisi de partager avec vous ici.
Et j’ajoute Jeanne Moreau et Serge Reggiani pour leurs voix. Parce que je les aime aussi.

 

À l’époque, ça parlait à des gens. Mais bon, ça c’était avant.

 

 

Jacques Prévert, Cet amour, 1946.

Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui nous sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.

 

Cet amour par Jeanne Moreau : https://www.youtube.com/watch?v=J4_VzP1LrII

Cet amour par Serge Reggiani : https://www.youtube.com/watch?v=MJ24-X_FCmM
(Si tu es hermétique à la poésie comme mon mari, t’inquiète, tu vas pas pleurer. Mais si tu l’es pas, hermétique, je te préviens ça risque d’être plus compliqué…)

Vous le préférez en musique ?
Cet amour par Serge Reggiani : https://www.youtube.com/watch?v=V6_J_5S8mDc

∼∼∼∼∼

En décembre 2018, c’était… le sud-est de l’Australie, puis la Nouvelle-Zélande.

 

1er décembre : Super campervan ! (article de la Petite Souris)

 

2 décembre : L’école sur la route (article de Papa Écureuil)

 

3 décembre : No worries, man ! (Est-ce ainsi que les hommes vivent… en Australie ?)

 

4 décembre : The Great Ocean Road

 

5 décembre : See you Australia ! (À bientôt Australie)

 

 

8 décembre : Quatrième arrêt : Nouvelle-Zélande

 

10 décembre : Prends l’avion avec Maman Ourse ! (article de Papa Écureuil)

 

12 décembre : Welcome to New Zealand ! (Bienvenue en Nouvelle-Zélande)

 

14 décembre : Papa, c’est dans la vraie vie ça ?

 

15 décembre : Ton kiwi à la Marmite (Manger dans la rue en Nouvelle-Zélande)

 

16 décembre : Fiordland, les fjords de Nouvelle-Zélande

 

17 décembre : Ça va les collines ! (article du Marcass’)

 

19 décembre : Noël & moi

 

21 décembre : Clean up your mess ! (Est-ce ainsi que les hommes vivent… en Nouvelle-Zélande)

 

23 décembre : Eating in New Zealand (Manger en Nouvelle-Zélande)

 

24 décembre : Une famille normale (article de la Petite Souris)

 

25 décembre : Les animaux de Nouvelle-Zélande

 

27 décembre : Le Père-Noël des Kiwis

 

28 décembre : Ma double vie (article du Grand Lièvre)

 

29 décembre : Nouvelle-Zélande façon guide

 

30 décembre : Le jour de la marmotte (article de Papa Écureuil)

 

31 décembre : Goodbye New Zealand ! (Au revoir Nouvelle-Zélande)

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En décembre 2019, c’était… le souffle coupé

 

2 décembre 2019 : Les gousses

 

6 décembre 2019 : Il y a un an… en Nouvelle-Zélande

 

25 décembre 2019 : Avancer sans faire un pas en arrière

∼∼∼∼∼

En décembre 2020, c’était… les cendres dans la bouche

 

3 décembre 2020 : Là où j’ai peur, j’irai

 

10 décembre 2020 : Des sorcières pas comme les autres

 

17 décembre 2020 : À bas la balade !

 

24 décembre 2020 : En attendant le Père-No

 

31 décembre 2020 : La B.O. des newsletters de Let’s go : 2020

 

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Et vous, que vous inspire décembre ?
Que vous inspire le monde en cette fin 2021 ?

 

 

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