Newsletter 80 # 25 avril 2021

Tout le monde ne sait pas jouer

*****

https://www.youtube.com/watch?v=Kg6aD8EGcKw

Nothing But Thieves, Impossible, album « Moral Panic », 2020.

*****

C’est quelqu’un qui

 

Salut les abonnés !

Voilà une chanson que ma chouette m’a envoyée il y a quelques semaines. C’était OSÉ de sa part parce que j’ai lu après que Nothing But Thieves est partout comparé à Muse, qu’ils ont d’ailleurs souvent fait la première partie de Muse en concert. Et moi j’aime pas du tout Muse (ni Coldplay). Mais j’ai écouté son partage comme un cadeau physique, avant d’en lire quoi que ce soit, et ça m’a fait des PAPILLONS dans le ventre.

Ensuite j’ai eu tendance à l’écouter en boucle pas mal de jours pendant que je cuisinais – la cuisine étant ouverte sur le salon, cela a duré jusqu’à ce que tout le monde chez moi connaisse la chanson par cœur. Comme elle l’aimait beaucoup aussi, Garance m’a demandé :

– Ça veut dire quoi maman les paroles ?

C’est une chanson qui raconte que ce que tu n’imaginais pas se produit parfois. Que c’est ça la vie. La surprise de la vie. Quand arrive, improbable, inattendu, un trésor, quelqu’un que tu n’imaginais même pas en rêve. C’est l’amour qui rend possible l’impossible.
Mais la chanson raconte aussi que parfois, l’amour provoque un tel tsunami que tu pourrais t’y noyer. Plonger si profond que tu pourrais ne plus jamais remonter.

– Mais c’est triste alors ?

Des fois oui, c’est triste. Mais c’est ça mon babi faire l’expérience entière de la vie.
Si tu ne t’éloignes jamais du bord, si tu n’essayes jamais de mettre la tête sous l’eau, si tu ne vas jamais là où tu n’as pas pied, alors tu ne sauras jamais non plus si tu sais nager. Pour connaître la mer (l’amer ? l’âme erre ?), il faut lâcher la corde à un moment. Te faire confiance. Descendre.
Et puis moi je crois qu’on remonte toujours, même quand on a avalé beaucoup d’eau salée. Parce que tu portes en toi la clé, et que, de chaque côté, il y a des ami(e)s et de l’amour pour t’aider ma petite poupée. (Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas appelée « ma petite poupée » comme quand elle était bébé.)

 

À part ça, aujourd’hui Lucien a 10 ans.
Depuis quelques années, lui et moi on joue au « Qui est-ce ? » d’une façon euh… disons… à notre façon. On s’en fout de savoir si notre personnage est un homme, s’il est brun ou s’il a une grosse barbe. Sinon je crève d’ennui comme au Monopoly.

Avec Lu, on pose des QUESTIONS qui impliquent de s’oublier totalement SOI pour se glisser dans la pensée de l’autre. Dans son ressenti, ses émotions, son interprétation… et on s’en remet alors à notre intuition pour deviner s’il a la carte X ou Y. (Ou les deux. XY. C’est hyper dur mais on peut jouer à deux cartes chacun si on veut, c’est ça qui est bien quand on crée nos propres règles.)

Dirais-tu que ton personnage est quelqu’un de généreux ?
Est-ce que c’est quelqu’un à qui tu confierais tes enfants ?
Tu crois que c’est quelqu’un qui part en vacances en camping et qui dort sous la tente ?
Tu penses que c’est quelqu’un qui préfère les croissants ou les pains au chocolat ?

 

Bien sûr c’est un détournement de règles. Une forme de résistance joyeuse à la conformité triste, un peu comme un atelier clandé en temps confinés. C’est une histoire de lâcher prise et de confiance offerte à l’autre qui ne va pas nous laisser nous noyer – comme dans la chanson de Nothing But Thieves, voyez ?
D’ailleurs c’est une règle de notre jeu au même titre que la libre imagination : on ne laisse pas l’autre se noyer, on lui tend la main et on accepte ses propositions. C’est comme dans les matchs d’improvisation au THÉÂTRE si vous préférez. Sinon ça s’appelle un refus de jeu et c’est sanctionné. On avance ensemble.

Mais évidemment pour ça, il faut accepter :

1/. de lâcher le bord
Plonger NU(E) sans a priori ni interdits, et naviguer à vue sans savoir à l’avance où on va s’arrêter ;

2/. de se laisser surprendre par l’autre
Découvrir de nouveaux chemins, et peut-être, aller là où on ne s’attendait pas à aller.

 

Eh ben devinez quoi ?
Rares sont les personnes avec qui tu peux jouer de cette façon-là. Les gens ça les TROUBLE, et après ils ne veulent plus jouer. Par exemple avec Marcel, y’a pas moyen. Abandonner l’idée qu’on joue pour gagner, d’abord ça ne lui plaît pas. Ensuite faire confiance à l’autre c’est difficile. Déléguer à un autre élève la tâche de nettoyer le tableau de la classe, déjà c’est difficile, donc jouer avec nos règles si particulières à Lu et à moi, tu comprends bien que ça va pas le faire…
Jouer seulement pour aimer, pour être bien, jouer pour se rapprocher sans qu’il y ait forcément quelque chose à gagner à la fin, ça le met en colère.
Lui, Marcel, quand il joue au « Qui est-ce ? », il demande :

Est-ce que c’est une fille ? Est-ce qu’elle a du ROUGE À LÈVRES ?

Et la réponse est si prévisible, les questions si pauvres et si semblables les unes aux autres, quels que soient le jour et le partenaire de jeu ! Comment en revenir à ça quand on a goûté le sel dans les vagues ? Quand on sait donner le U qui rend chaque partie UNIQUE ?
Tu peux revenir, mais tu vois que très vite tu t’échappes dans ta tête. Parce que tu t’ennuies, t’es pas vraiment là.
C’est pour ça, il faut bien choisir avec qui on joue.

Tout le monde ne sait pas jouer.

 

Bonne rentrée avant d’arriver à Z (et de Z à A il n’y a qu’un pas).

 

Audrey

 

P.S. Aidez-moi, partagez vos films préférés dans les commentaires de Mon TOP 10 cinéma ! Je tourne en rond devant mon écran confiné (et Lucien n’est pas dispo le soir pour un « Qui est-ce ? »), j’ai besoin de nouvelles idées pour m’évader…

Double je

 

22 avril 2021 : En reconfinement : le Grand Lièvre a 10 ans !

 

15 avril 2021 : Mon TOP 10 cinéma