Quel voyage ?

Panneau d’affichage des vols départ à l’aéroport d’Auckland (janvier 2019).
Je voulais faire une photo d’un système comme avant, avec les lignes qui tournent quand les nouveaux vols s’affichent, mais il n’y a plus ça maintenant dans les aéroports. Seulement dans les gares encore. Quelqu’un voudrait prendre une photo pour moi et me l’envoyer libre de droits pour illustrer cet article ?

 

On part. En vacances, en voyage, soit.
Mais comment choisit-on sa destination ?
Pourquoi est-on attiré(e) par un pays plutôt qu’un autre quand on n’y a pas de racines ?

Je me suis souvent posé la question.
Pourquoi ma mère n’en finit pas de vouloir explorer l’Amérique du Sud.
Pourquoi j’ai eu tellement besoin de partir au Mali, pourquoi l’Afrique, alors que l’Asie ne me disait rien du tout. Et à l’inverse, pourquoi Mickaël est tellement attiré par le continent asiatique, le Japon d’abord, l’Asie du Sud-Est, l’Indonésie mais aussi la Russie…

Je sais que le Japon est un pays qui fascine beaucoup de gens, autour de moi notamment, mais moi pas du tout. Jamais. C’est même un pays qui me fait peur par sa raideur…

Pourquoi Mickaël a choisi soigneusement le Cambodge, en février 2010, pour ma première fois en Asie. Comment il m’a convaincue de partir avec lui sur ces mots : « Tu sais, il paraît que le Cambodge, c’est l’Afrique de l’Asie… »
C’était vrai. Au sens de : les gens sont chaleureux, ils te touchent et te prennent dans leurs bras. Le contact humain est simple et facile. Je crains que ce ne soit pas la même au Japon…

 

Ta Prohm, au milieu de la jungle, où la nature recouvre les vestiges de cité ancienne. C’est le site qui m’a le plus bouleversée parmi tous les temples d’Angkor à Siem Reap (Cambodge, février 2010).
Pourquoi là-bas ?

Est-ce qu’on décide, vraiment, de ce qui nous fait rêver ? De si on aime le chaud ou le froid ? La campagne, le silence, ou au contraire la ville, le bruit ?
Certains retiendront la pureté sauvage et vierge des fjords de Norvège.
D’autres seront parcourus de frissons à l’évocation de l’Himalaya ou du Mont Fuji.
D’autres encore préfèreront les plages de sable fin et les courants chauds du Pacifique.
Et d’autres enfin, dont je fais partie, seront balayés d’émotion devant la latérite d’une piste africaine.

Mais souvent, on ne sait pas bien expliquer d’où vient notre attirance pour telle ou telle région du monde. L’origine. Pourquoi la mer plus que la montagne. Pourquoi le cercle polaire plutôt que le désert.
Un mystère.

 

Lac aux Américains sous la brume en Gaspésie (Québec, juillet 2007).

 

Du livre que je lisais dans l’avion du premier départ, Théorie du voyage, Poétique de la Géographie, de Michel Onfray, j’ai recopié le paragraphe suivant :

« Chaque corps aspire à retrouver l’élément dans lequel il se sent le plus à l’aise et qui fut jadis, aux heures placentaires ou premières, le pourvoyeur de sensations et de plaisirs confus, mais mémorables. Il existe toujours une géographie qui correspond à un tempérament. Reste à la trouver. » (p.21)

Ce désir primal, inconscient, expliquerait que la simple lecture d’un nom sur une carte, que ce soit une région, une île, un fleuve, suffise à déclencher une avalanche d’émotions floues et mélangées.
Moi ça me fait si j’entends Addis-Abeba. Ou pays Dogon, Tombouctou, djembé, balafon, kora.
Papa Écureuil, si l’on parle du Transsibérien ou de la baie d’Halong je pense. Kyoto. Samouraï errant.
Et vous ?

 

La pirogue que je m’apprêtais à prendre sur le fleuve Niger, à Mopti, en redescendant du pays Dogon (Mali, janvier 2005). Oui c’est moi à gauche, très jeune et sac à dos…

 

C’est un peu simpliste mais j’aime bien l’idée que pour chaque personne existe un paysage, un lieu, qu’on ne peut pas forcément expliquer par des éléments objectifs.

Quand par exemple, en dehors de toute raison extérieure telle que la beauté de la vue ou la douceur du climat, on se sent bien dans un endroit qu’on découvre, on se sent comme chez-soi alors que c’est la première fois.

Depuis qu’on a pris la route, on rencontre des gens qui ont tout quitté, leur maison, leur famille, leur pays, pour aller s’installer ailleurs. Des anciens voyageurs qui ont décidé, à un moment donné, que leur grand voyage s’arrêterait là. Et quand je leur demande pourquoi, pourquoi ici, à Yeure, la réponse est toujours : « J’ai su que c’est ici que je voulais vivre. »
Comme une évidence.

 

Un bungalow sur l’atoll de Tikehau. Pour la vérité vraie, ce n’est pas le nôtre. Le nôtre est moins beau. Mais c’est celui de juste à côté quand même, sur la même plage, avec les mêmes cocotiers… (Polynésie, janvier 2019).
Et avec qui ?

Au-delà de l’attirance profonde et mystérieuse que l’on éprouve pour quelqu’un un pays, il y a les contingences de la vie réelle. Et, avant même l’aspect financier du voyage, se pose la question de avec qui partir.
Qui est l’autre ? Et qu’est-ce qui l’attire, lui ? Qu’est-ce qui lui donne envie ?

La vie en voyage, c’est du 24/24, on ne peut pas ne pas considérer ce que ressent l’autre, dans l’inconnu, dans la fatigue, qu’est-ce qu’il dit (ou ne dit pas) ?

Et surtout : est-ce qu’on peut marcher de conserve ? Pas à pas, sur le même pas ?
On peut se tromper mais au fond de soi, on sait avec qui on a envie de partir. Avec qui on sent qu’on pourra partager plus que quelques jolies photos.

 

Une photo que j’aime beaucoup. Dans le bus local, deux ou trois par siège, sur la route de Sihanoukville à Phnom Penh (Cambodge, février 2010).

 

C’est pourquoi, quand je pose la question « avec qui ? », ce que j’entends réellement, c’est : avec ou sans enfants ? Parce que ce paramètre peut complètement changer les plans et reporter l’épopée rêvée à une autre vie (mais peut-être cette épopée ne serait pas si jolie).
L’ Afrique déjà, en grande partie, tu évites.
Et même là où on est là, en ce moment, avec enfants, à Tikehau. Sur un atoll des Tuamotu, perdu au fin fond du Pacifique. Il n’y a pas de médecin, encore moins d’hôpital. On est loin de tout. Et bien sûr, c’est le moment où Lu commence à développer une plaque de boutons infectés vraiment pas beaux, de plus en plus gros, sur tout le côté du torse. Ils grandissent et se répandent, et je n’ai que mes poudres et mes huiles essentielles pour le soigner.

Je me dis que ça va aller, mais il y a cette petite voix en moi qui s’inquiète.

 

Sur la plage de Christies Beach, juste en dessous d’Adélaïde (Australie, novembre 2018).

 

Surtout que l’unique magasin dans lequel on n’a rien trouvé de plus que trois boîtes de sardines à l’huile (il y avait aussi du corned-beef mais non merci) est en rupture d’eau.
J’ai cru que j’allais défaillir quand papa Écureuil m’a annoncé la nouvelle en revenant, tout transpirant, les bras chargés de notre dernier pack quotidien de 6 x 1,5 litres. En rupture d’eau pitain ! Alors que l’eau n’est pas potable sur l’atoll !! Tout ça parce que le bateau n’est pas passé depuis trois semaines…

Je peux rester pas mal de temps sans manger. Mais j’avoue, l’idée de manquer d’eau me fait paniquer. Genre très très vite.

Heureusement, la pension de famille dans laquelle on est hébergés a encore des packs d’eau en réserve jusqu’à l’arrivée du prochain bateau après-après-demain. Normalement. Si tout va bien.
Chaque bouteille coûte le double du prix magasin mais bon, c’est de l’eau là, moi je négocie pas, je payerais une fortune pour de l’eau.

 

Nan mais c’est sympa la Bretagne aussi l’été… Il fait pas trop chaud. C’est safe… En plus, dans cette ville qui s’appelle Le Bono, ils fabriquent une brioche, le gotchial, qui est la meilleure que j’aie jamais mangée de ma vie (Golfe du Morbihan, août 2010).

 

Et je pense, depuis que je suis une maman : quand même, avec des enfants, c’est flippant de se retrouver paumés au milieu de nulle part, en conditions hostiles et pays inconnu.
Je les sais si fragiles parfois.
Ils peuvent s’écrouler sous une forte fièvre soudaine et inexpliquée, tomber de la terrasse (d’ailleurs moi aussi je peux, mais comme je l’ai déjà fait pour les 40 ans d’un ami, maintenant c’est bon, j’ai plus trop envie), se faire piquer par un cent-pieds, attaquer par un requin, mordre par un chat errant possiblement enragé, et des idées comme ça j’en ai plein d’autres quand je ne dors pas la nuit…

*****

 

Et vous ? Quelle est la partie du monde qui vous attire ?
Savez-vous pourquoi ?