Liberté surveillée

Photo : Une rue à Hua Hin. On voit les portraits obligatoires partout du roi Rama X et les lanternes qui restent du Nouvel An chinois (Thaïlande, février 2019).

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent… en Thaïlande ?

ΞΞΞΞΞ

 

Quand on voyage en famille, la première chose qui frappe en Thaïlande, c’est l’attention prêtée aux enfants et les sourires qu’ils font naître sur les visages.

J’en ai déjà parlé dans mon premier billet sur ce pays, mais ça ne fait que se confirmer de jour en jour. Et le phénomène s’est encore amplifié depuis que ma maman nous a rejoints avec les enfants de ma sœur puisque maintenant nous marchons avec cinq enfants. Nous emmenons cinq enfants manger dans les stands de rue. Les hommes et les femmes que nous croisons sur notre chemin se retournent sur notre passage, sourient aux enfants, touchent les deux plus jeunes…

Quand nous faisons connaissance, comme avec les femmes qui cuisinent dans le resto de rue où nous mangeons deux fois par jour, les gens nous demandent s’ils sont tous « à nous ». Combien sont « à nous ». Quel âge ils ont. Et comme cette petite est jolie, avec ses yeux bleus ! (elle n’est pas « à nous »). Et comme il est mignon celui qui a les cheveux longs, je croyais que c’était une fille ! (il est « à nous »).

En ce pays l’enfant est roi. On le câline, on le protège, on le choie.

Et à aucun moment, en aucun endroit, je n’ai vu d’enfant thaï se mettre en colère et taper une scène parce que c’est trop looooong (que le repas soit servi), ou qu’il crève de chaud ou que sa tong lui fait mal. J’dis ça j’dis rien. Toute ressemblance avec des personnes existant, etc.

Faut dire aussi, les enfants qu’on voit, même trois ans, tout petits, ils ont toujours un téléphone portable à la main, avec des jeux dessus. Ou une tablette ou une télé. Enfin un écran quoi. Ça aide pour avoir des enfants qui ne crient pas. Mais ne t’avise pas de reprendre ton téléphone pour faire, je sais pas quoi, non, jamais. C’est trop tard. Comme si un singe te pique ta crème solaire dans ton sac, ben c’est mort, tu cherches pas à la récupérer. Sinon ça va mal se passer.

 

Avec mounette et les cinq enfants. Notre chemin pluri-quotidien entre la maison que nous louons autour de Krabi et la muslim kitchenette où nous choisissons de manger tous les jours depuis que nous sommes arrivés.

 

Et on sent que cet amour des Thaïlandais pour les enfants est sincère. Ce n’est pas une posture hypocrite pour attendrir les parents et faire qu’ils achètent un truc en plus, pas du tout. Cet amour est porté par le peuple thaï et les enfants sentent qu’ils sont aimés pour eux-mêmes.

J’ai vu un homme me faire des signes dans la rue pour me dire qu’il trouvait que nos enfants marchaient trop près de la route et que c’était dangereux. Le coiffeur à Krabi était d’ailleurs surpris que nos enfants marchent tout court : il a secoué la tête à l’idée des quinze minutes à pied sous le soleil de midi qu’on inflige à nos babi pour aller déjeuner à la muslim kitchenette.
De fait, on ne voit pas d’enfant thaïlandais qui marche dans la rue…

 
Le sourire thaïlandais

Le sourire des Thaïs a construit la légende et donné son surnom au pays. Il est omniprésent pour accueillir, saluer, souhaiter la bienvenue ou donner un renseignement. Mais aussi quand mon anglais est sans doute trop laborieux et que je ne me suis pas fait comprendre. Les Thaïlandais sourient. Ce qui fait que je ne sais pas si c’est oui, ou non mais avec le sourire quand même, ou si c’est rien du tout car je n’aurai pas d’autre réponse.

Il y a un type de sourire particulier qui coupe court à la conversation parce qu’on ne peut pas aller plus loin. J’ai lu ici et là que ce sourire évite, dans de nombreuses situations, d’avoir à s’expliquer et empêche les débordements.

J’avoue que j’ai beaucoup de mal avec ce truc de « sauver la face en public » en continuant à sourire même si ça ne va pas. Je sais que c’est culturel. Et que de mon côté c’est personnel. Moi si ça va pas, ça va pas, qu’il y ait du monde ou pas. Si je suis en colère, je suis en colère, et ça ne change rien qu’il y ait des témoins qui pourraient être gênés par mon émotion parce que je ne sais pas la garder pour moi. Voyez pourquoi j’ai peur d’aller au Japon

À Bangkok le premier soir, dans un resto de rue où on s’est assis pour dîner, je crie très fort sur le Marcass’ parce qu’il geint encore qu’il sait pas quoi faire, qu’il a faim, qu’il est fatigué, que c’est trop looooong (ah c’était lui ?!) et qu’il va rien aimer de toute façon… Je crie très fort et je sens immédiatement que ça ne se fait pas ici. On ne crie pas. En privé je ne sais pas, mais en public c’est sûr que non. Ça va que je suis une farang (= une Occidentale). Dégénérée.

 

À Surat Thani après le pont, tout près du parc de l’île Ko Lamphu, située sur le fleuve Tapi qui traverse la ville. En nous voyant marcher avec trois enfants, les marchands de rue nous sourient, les gens sur les motos ralentissent et nous sourient.
 
La vie, la rue

Pour me rattraper, je fais attention avec ma cigarette.
En Thaïlande, il est interdit de fumer dans tous les lieux publics (gare, aéroport, restos…) et sur les plages : j’ai vu des panneaux qui menacent d’une pénalité de 100 000 bahts (soit 2 600 € quand même !) pour ceux qui fument à la plage. En réalité, à Hua Hin, il y avait plein de Blancs qui fumaient affalés sur des transats. Peut-être ils avaient un cendrier. Je sais pas.
Depuis l’année dernière, une nouvelle loi interdit désormais de fumer dans un périmètre de cinq mètres autour de l’entrée de tout bâtiment public.

Tu peux toujours dire que tu savais pas, mais tu prends le risque d’une amende de 2 000 bahts. Pareil si tu jettes ton mégot dans la rue : 2 000 bahts.

Moi ça va parce que la journée il fait trop chaud, je ne fume pas, et le soir j’éteins mon mégot par terre dans la caillasse et je vais le jeter dans une poubelle. C’est depuis la Nouvelle-Zélande, je suis un peu traumatisée. Au moins je me fais pas arrêter par les cops. Car il paraît qu’ici il y a des policiers zélés qui vont jusqu’à suivre discrètement les touristes qui fument pour voir ce qu’ils font de leur mégot…

 

Un paquet de cigarettes coûte 95 bahts, soit 2,65 €. Papa Écureuil était comme un dingue de trouver cette mini crème Nivéa (39 bahts) parce que la dernière fois qu’il est parti en déplacement à Chicago il s’est fait piquer la sienne au contrôle de sécurité. (Pour info la boîte bleue traditionnelle, celle qu’utilisait ta grand-mère – et ton mec donc – fait 150 ml, or la limite autorisée est de 100 ml). « C’est génial cette mini crème quand tu prends l’avion ! ». Ben ouais, c’est génial.

 

En plus il y a des caméras partout en Thaïlande. Dans la rue, dans les magasins, dans le train, le métro, les hôtels, les guesthouses, partout. Attention aux enfants qui s’imagineraient qu’ils peuvent piquer une sucette dans un 7-Eleven…
7-Eleven et Family Mart sont les deux enseignes de supérettes les plus répandues en Thaïlande. Ouvertes 24/24.

J’ai ouï dire qu’il existait plus de 40 000 7-Eleven à travers le pays !

On trouve de tout dedans : des dizaines de sachets de chips et de nouilles chinoises, des briquettes de jus de fruits, de lait de soja et de lait de vache aromatisé à plein de parfums, mais aussi des préservatifs, des produits d’hygiène et des mini pots de crème Nivéa (voir photo ci-dessus). J’ai même trouvé du lait de riz pour le Grand Lièvre. Et du café pour nous. Des gobelets en polystyrène avec un petit sachet en mousseline dedans, tu verses l’eau bouillante dessus. Comme du thé mais c’est du café. Bon t’es pas à Rome non plus hein, faut pas s’enflammer, mais ça trompe un instant le goût du café instantané.

 

La monnaie thaïlandaise. Il y a encore l’ancien roi (celui avec les lunettes) sur pas mal de billets parce que les Thaïs l’aimaient beaucoup et qu’ils n’aiment pas le nouveau roi, son fils. Le porte-monnaie cousu main par la copine de papa est d’une solidité à toute épreuve. Son imperméabilité résiste bien aussi à la moiteur des mains. En ce moment, la copine de papa est au Cap-Vert. Bon voyage Célia !
 
Les pratiques, les coutumes

La Thaïlande a une des lois les plus strictes de lèse-majesté dans le monde. Ça veut dire qu’insulter le roi est une infraction criminelle punie de 15 ans de prison. La peine vaut aussi pour les étrangers, et pour une « image » du roi.

C’est pourquoi il ne faut JAMAIS marcher sur une pièce de monnaie ou un billet portant le royal profil. Et, de manière générale, mieux vaut éviter de débattre sur la politique ou la religion. D’ailleurs à la télé thaïlandaise, il n’y a aucune émission d’actualités, que des jeux télévisés et de la télé-réalité.

 

Peinture murale dans une rue de Krabi Town. Dans le médaillon à droite, une représentation de Rama IX, l’ancien roi de Thaïlande, très aimé du peuple – contrairement à son fils Rama X, le roi actuel.

 

La prostitution aussi est censée être illégale en Thaïlande mais la loi est appliquée, disons, avec une certaine « tolérance ». Plusse que si on te chope à jeter ton mégot dans le caniveau.

Pattaya, petite ville située au sud-est de Bangkok sur le Golfe de Thaïlande et mondialement connue pour ses clubs et gogo bars ouverts 24/24, compterait à elle seule plus de 27 000 travailleuses du sexe.
Je dis « mondialement connue » parce que des filles là-bas soufflent des bougies avec leur sexe et expulsent des balles de ping-pong avec leur vagin, et apparemment tout le monde sait ça. Moi je viens de l’apprendre. J’ai dit à Mickaël : « Attends c’est ouf, il faut qu’on aille voir ça !!! » (à Bangkok, aussi il y en a qui le font). Mais papa Écureuil est old fashioned – je vous l’ai déjà dit, non ? – il n’est pas intéressé par la bougie, ni le truc de la balle de ping-pong. Bon.

 

Le Pornthep Hotel se trouve juste à côté de la muslim kitchenette où nous déjeunons tous les jours à Krabi. Ce n’est pas un lieu de prostitution. Mais papa Écureuil trouve quand même que ce mélange de « porn » et de « tape » n’est pas très heureux…

 

Et donc les estimations concernant la prostitution pour toute la Thaïlande vont jusqu’à plus d’un million de travailleurs du sexe, hommes et femmes confondus.

« Confondus », ça m’est venu comme ça, c’était sans jeu de mots, mais l’enchaînement est pas mal pour vous parler de la sexualité, très libre, en Thaïlande. On croise des couples homosexuels dans la rue, en tout cas à Bangkok, qui n’ont pas besoin de se cacher. Et surtout, plus rare chez nous, on voit pas mal d’hommes qui sont devenus des femmes (ladyboy ou katoï), et autant d’hommes qui sont nées femmes (tom boy ou simplement tom).
En fait souvent, on sait pas trop dire si c’est un homme ou une femme. David Bowie période Ziggy Stardust un peu, voyez ? Enfin pour les toms, je veux dire. Les ladyboys, on reconnaît plusse que c’étaient des hommes quand même. Est-ce que vous aussi quand on vous dit ladyboy, ce qui vous vient immédiatement c’est :
Who you think I am […] Feel like a lady, but you my lady boy…

 

 

Cheveux très courts, pantalon ou jean, chemise à manches longues, le style des toms est résolument masculin. J’ai lu quelque part que « la plupart des touristes qui les voient [les toms] au bras de belles et jeunes Thaïlandaises les prennent pour de jeunes hommes efféminés ». Donc peut-être moi aussi je n’en ai pas reconnu certain(e)s. Mais c’est pas important.
Totalement acceptées par la société thaïlandaise, les toms et leurs compagnes évoluent « sans honte ni crainte de discrimination dans leur environnement quotidien ». (Ça aussi je l’ai lu, je ne passe pas assez de temps en Thaïlande pour me faire ma propre opinion sur ce sujet.)

 

Voilà un peu, entre sourires, censure politique et sexualité libérée, les quelques images et impressions que je peux vous livrer sur ce que je vois et sens de la Thaïlande.

 

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Et vous, que connaissez-vous du peuple thaïlandais ?

Saviez-vous pour ce truc spécial d’expulser une balle de ping-pong en public dans des clubs ??

(Si vous pratiquez l’œuf de Yoni, s’il vous plaît, contactez-moi par mail 😉 ).