Est-ce ainsi que les hommes et les femmes vivent en Nouvelle-Zélande ?

Photo : La vue que j’avais sur le bateau, en revenant des Glowworm Caves à Te Anau (Nouvelle-Zélande, décembre 2018). C’est beau. Mais est-ce que c’est vivant tellement tout est bien rangé ?

 

Article initialement publié le 21 décembre 2018 sous le titre :

Clean up your mess !

ΞΞΞΞΞ

 

Avant d’arriver en Nouvelle-Zélande, j’ai appris, grâce à Hervé dans Cinq barbares en chemin, que c’est le seul pays au monde, avec la France, où les soins médicaux sont entièrement gratuits. Je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui mais voilà, ça donne un premier indice. Ici, la santé et la sécurité c’est sérieux.

Il y a une loi dans la constitution néo-zélandaise qui stipule que « chacun est responsable de la sécurité des autres ».
Ça peut sembler une bonne chose de prime abord mais j’ai trouvé que ça prenait parfois des formes un peu tordues…

Le maître mot, le truc qui revient tout le temps, c’est : safety first.

Et cette safety first, qu’on pourrait traduire par « la sécurité avant tout », implique d’une part de se montrer propre et soigné (be clean and tidy), d’autre part de bien suivre les règles (follow the rules).
Without any exception.

Be clean and tidy

Dès l’arrivée à l’aéroport, nous avons eu un aperçu du zèle néo-zélandais en matière de bio-sécurité. Pas seulement sur l’interdiction d’introduire des aliments dans le pays, mais aussi sur la propreté attendue des chaussures. Et des semelles en dessous les chaussures. Nous c’est passé je ne sais pas comment, avec celles de Lulu franchement… Heureusement qu’ils ne lui ont pas demandé de les enlever.

Depuis j’ai appris que si la saleté des semelles déborde le seuil de tolérance néo-zélandais, les douaniers exigent une désinfection immédiate.

 

Et c’est pas parce que t’as passé la douane que c’est fini. Nettoie tes chaussures sur les brosses disposées à cet effet aux endroits de passage, devant l’office du tourisme, en revenant de la plage ou de la forêt, et avant de monter dans ton auto espèce de gros crado…

 

La Nouvelle-Zélande, c’est propre et c’est bien rangé.

J’ai déjà dit à quel point les routes sont entretenues, quotidiennement, avec même des mecs qui balayent la chaussée. Le propre c’est mieux que le sale, hein, sûrement, mais là c’est trop neat pour moi en vérité. La route bien droite, les moutons d’un côté, les vaches de l’autre. L’herbe bien tondue, les supermarchés bien rangés, et les maisons bien alignées. Little boxes.

 

« Si vous salissez, merci de nettoyer ». Le type de messages qu’on lit partout : dans les campements, sur les sites naturels, au cours des visites…

 

Il y a cette peur, omniprésente, de la contamination.

On en a reçu une bonne leçon à notre arrivée à l’aéroport mais c’est partout dans le pays.
On trouve des distributeurs de solution hydro-alcoolique bactéricide sans eau dans les toilettes publiques pour se désinfecter les mains. Comme dans les maternités. Les hôpitaux. Les milieux stériles.

Alors que tout est déjà hyper propre. Safe. Sans danger.

Rappelez-vous, il n’y a pas d’animal féroce en Nouvelle-Zélande. Je veux dire, c’est quand même une terre où les oiseaux ont carrément cessé de voler tellement y’a pas de prédateurs au sol.
Mais les enfants grandissent dans cette vision de l’autre comme un danger potentiel.

 

Au musée Te Papa de Wellington. « Trouve les envahisseurs ! ». Les enfants sont sensibilisés à l’hygiène et à la bio-sécurité du pays depuis tout petits.

 

Il y a un côté Frisson l’écureuil (en moins sympa).
Si vous ne connaissez pas Frisson, eh ben lisez Frisson, c’est bon. Il croit qu’il est québécois mais je sais maintenant c’est un Kiwi (en moins sympa). À paniquer au moindre contact avec l’étranger. Le microbe.

Dans les campements, on a vu des affiches qui invitent à informer la direction si toutefois on repère des individus présentant des symptômes de gastro-entérite type diarrhée, fièvre, vomissements. Pour s’en protéger. Instaurer une quarantaine peut-être ?

 

« Safety first », là encore. « S’il vous plaît ne gardez pas la porte ouverte pour les autres, même si c’est pour être poli ou gentil. »

 

Car tout est parfaitement compartimenté. Tu ne vas pas aux toilettes dans un campement si tu es un randonneur qui dort à la sauvage. Même si tu as une envie pressante. Parce que tu n’es pas autorisé. On ne sait jamais qui tu es. An invader ? No way, safety first !

Et là on arrive à ce qui me dérange le plus. Parce que c’est quoi la morale ? Claquez la porte à la gueule des autres, au moins vous ne risquerez rien ? Montrez du doigt ceux qui sont malades et vous serez épargné(e) ? C’est ça les messages qu’on transmet aux enfants sur la porte des toilettes ?

 

« Une récompense de 200 $ vous sera attribuée si vous identifiez quiconque dégrade ces toilettes. »

 

La délation ne semble pas être un problème ici. Mais moi j’ai un (gros) problème qu’elle ne soit pas un problème. Je na cautionne pas le vandalisme, pas du tout, mais dénoncer, quand même… Encore une fois, c’est quoi le message qu’on transmet aux enfants qui voient ça ?

The law is the law, I know.

Follow the rules

Quand on a récupéré le campervan en Nouvelle-Zélande, Papa Écureuil m’a dit que la fille de l’agence lui a demandé immédiatement si on avait bien des sièges auto pour les babi (oui on a des Bubble Bum). Alors qu’en Australie, chez les « no worries, man ! », on ne nous a même pas posé la question. Pourtant j’imagine que c’est obligatoire aussi.

Et donc, avec le campervan, on fait beaucoup de camping sauvage. Je vois vos yeux qui brillent : waouh c’est cool ! Non. C’est chouette. C’est beau. C’est gratuit. Mais c’est pas « cool ».

« Cool » n’est pas un adjectif qui sied au pays kiwi.

Par exemple, à un moment je me suis endormie sur la route (ce n’est pas moi qui conduisais, ok ?), et papa Écureuil m’a raconté qu’il a eu plusieurs doigts d’honneur d’autos qui l’ont doublé. Alors c’est vrai qu’il conduit comme un vieux pépé. Mais quand même c’est pas une raison pour faire un doigt d’honneur, surtout à un vieux pépé, non ?
Moi aussi ça m’énerve, ben je dis rien. Les Australiens non plus. Parce qu’on est « cool » (enfin moi, non en vrai, mais c’est un autre sujet).

 

Affichage clair des règles de camping sauvage. Pas plus de trois nuits consécutives et jamais plus de dix nuits par mois. Pas de vagabonds ici, merci.

. 

Mais revenons au camping sauvage.
Le camping sauvage en Nouvelle-Zélande ne doit JAMAIS être sauvage.
Il doit répondre à un certain nombre de conditions bien définies. Pour bien encadrer. Pas laisser la chienlit quoi. Et sous vidéo-surveillance 24h/24. Alcool interdit.

 

« Interdit de boire de l’alcool à tout moment ». Là bien sûr devant les jeux tu peux comprendre. Mais devant le panneau, c’est pas la ville, juste une aire de camping sauvage…

 

Bon, nous on boit du vin dans le camion quand même. Papa Écureuil se sent mal de braver la loi mais il prend sur lui. Il fait disparaître la bouteille de vin de devant la fenêtre et il verrouille la porte. Car les cops tournent pour surveiller. Ouais. Genre en bas de la cité en auto banalisée. Sauf que t’es en pleine nature. Entre les montagnes ou devant la mer de Tasman.

Même. Ils sont là et ils te surveillent.

Si tu as un véhicule autonome. Self-contained.
Si tu as bien le droit d’être là. Si tu vas pas laisser ta canette de bière, ton mégot ou ton pipi dans l’herbe. Je n’exagère pas, hein. Quand je ressors fumer, je les vois guetter. À la lampe torche, les mecs. Et toute la nuit ils tournent. Ils traquent les jeunes en minibus Volkswagen qui croient qu’arriver à une heure indue les dispensera de payer l’amende. Ha. Without any exception, man.

 

En camping sauvage à Greymouth, devant la mer de Tasman. La police tourne…

 

Si t’as pas de toilettes autonomes dans ton camtouche, tu payes. Et après tu dégages.
Même si dans les endroits les plus sauvages réservés au camping sauvage, il y a toujours une cabane en bois pour les toilettes. Hyper propre, genre tes babi viennent te chercher en courant : « Regarde maman comment c’est propre ! ».
Avec plusieurs rouleaux de papier toilette d’avance.
Parce que faire pipi dans la nature ici, c’est interdit.

 

L’autocollant apposé à la vitre de ton camion qui certifie que tu es « self-contained », c’est-à-dire autonome pour ton pipi (et le reste).

 

Et c’est aussi rigoureusement interdit de laisser un sac poubelle à l’extérieur. Sinon c’est 400 $. Nan j’déconne. Si on te prend à abandonner tes déchets dans la nature ici, c’est pas une amende, tu vas en prison direct.
D’ailleurs il n’y a aucun container à ordures, ni dans les campings sauvages, ni aux abords des forêts, ni même sur les aires de pique-nique aménagées près des lacs.

Tant mieux, c’est vrai que c’est souvent moche une poubelle.

Mais voilà, tu trimballes tes pelures de concombre et tes noyaux d’abricot dans ton camion quoi (oui parce que c’est l’été ici je vous rappelle, pendant que vous préparez votre menu de Noël).

 

« S’il vous plaît ne jetez rien. Prenez vos poubelles avec vous. »

 

Voilà ma perception de comment c’est ici. Papa Écureuil vous dirait sans doute que j’ai un problème avec la contrainte, mais en vrai, même lui il trouve que c’est abusé.
J’ai discuté à plusieurs reprises avec des Néo-Zélandais, surtout dans les supermarchés bizarrement, et quand ils me parlent des autres pays, de l’Australie souvent, qui est à côté et qui est « cheaper » (moins chère), à chaque fois la conversation se termine par :

« Still, our country is safer than anywhere else ».

Daz coo.
D’accord, oui. Peut-être. C’est sûr même. Mais safer from what ?, t’as envie de t’écrier.
Qu’est-ce qui est si effrayant à la fin ? (à part que pour dire au revoir les gens te disent « be safe » !).

La transgression du fumeur

(parce que moi toute cette safety, ça m’angoisse et ça me donne envie de fumer 😉 )


Depuis le début du voyage, je vous fais un point sur le tabac dans chaque pays. Je continue ?

En Nouvelle-Zélande, les cigarettes coûtent une blinde encore plus blindée qu’en Australie. C’est seulement parce que je fume très peu que ça nous a pas mis hors-budget c’est pas ça qui nous a mis hors-budget. Ici la marque la moins chère, West, c’est 30 $ le paquet. De 20 cigarettes, oui.
En goudron et en papier, pas en poussière d’étoile à fumer.

 

C’est écrit en anglais et en maori.

 

Pour ce prix-là, les photos sur les paquets sont encore plus flippantes que chez nous et la marque du fabricant n’apparaît que tout en bas sur un côté.

Le boutoir du Marcass’
Maman tu vas avoir les pieds comme ça si tu fumes ces cigarettes !
(Heureusement papa Écureuil l’a immédiatement rassuré : « Mais non mais qui fume avec ses pieds franchement ?? »)

 

Et puis faut voir comment tu pars en mission quand t’achètes de la cigarette. Au début t’es une mère de famille normale, tu fais tes courses. Personne peut se douter. Mais après, ça s’passe à l’arrière d’une caisse Four-Square, Countdown ou Pack’n’Save.
La caissière enregistre ta demande d’un signe de tête et elle passe un appel en cachant sa bouche dans un téléphone. Quelqu’un vient. Te regarde droit dans les yeux genre : de toi à moi maintenant, est-ce que tu es sûre de ce que tu veux faire là ? Absolument sûre ?

C’est-à-dire que moi quand je prends une décision, je ne m’arrête plus avant d’être arrivée au bout.

Même s’il s’avère en chemin que c’est une mauvaise décision. Surtout s’il s’avère que c’est une mauvaise décision. Parce que c’est au bout tout au bout que la raison s’achève.
C’est mon côté Churchill. (Ou Goldman peut-être.)

 

Je pense tout le temps à cette phrase. Je ne sais plus où je l’ai trouvée il y a des années de ça, mais j’y pense tout le temps.

 

Donc, la caissière. Après, et après seulement, que tu as confirmé d’un air que tu t’efforces de rendre navré que oui tu es sûre que c’est là que tu veux aller, en enfer, elle ouvre un coffre-fort fermé à clé sous la caisse dans lequel sont stockés les sachets de poudre blanche paquets de cigarettes.

T’as l’impression de faire un truc totalement illégal, un peu comme dans un coffee shop à Amsterdam sauf que là-bas c’est légal et qu’en plus ici t’es filmée. Au cas où. Because it’s safer (parce que c’est plus prudent ??).

Enfin la caissière te montre du doigt les paquets, un à un, jusqu’à ce que tu hoches la tête pour dire oui celui-là c’est bien. Il me restera peut-être assez d’argent pour acheter un Père-Noël en chocolat à partager entre mes trois enfants. Non c’est pas vrai. J’achète pas de Père-Noël en chocolat. Les babi cherchent des pièces par terre s’ils en veulent.
Pas de pièce, pas de chocolat.

 

*****

 

Et vous, avez-vous déjà côtoyé des Néo-Zélandais(e)s ?

Avez-vous été frappé(e) par ce soin étonnant apporté à l’hygiène et au rangement ? Au respect des règles et des lois ?