Vanille & perles de Tahaa

Photo : À Tahaa sur la route de la vanille. L’espèce de tube en métal qu’on voit, c’est pour que la camionnette du boulanger dépose les baguettes commandées, le matin vers 5h (Polynésie, janvier 2019).

 

Nous sommes en ce moment à Tahaa, « l’île vanille ».
C’est une île qui partage le même lagon que Raiatea, comme deux sœurs (en promenade, ma sœur ;-). Regardez sur Google Maps, c’est intéressant de voir l’enveloppement du lagon et la barrière de corail qui passe tout autour des deux îles. On les appelle « les îles jumelles ».

Tahaa c’est tout petit, il n’y a pas d’aéroport, pas de distributeur d’argent, pas de magasin où faire des courses (à part au port, mais nous on est trop loin donc on ne mange pas le midi).
Ça veut dire que depuis Moorea on atterrit à Raiatea, et ensuite on ne peut se rendre à Tahaa qu’en bateau. Ça veut dire aussi que la plupart des touristes ne viennent que pour la journée et que « le soir, dit le Guide du Routard, la quiétude reprend le dessus : atmosphère authentiquement polynésienne ».

Alors des touristes, à part un couple de Marseillaises dont l’une est Tahitienne, y’en a pas ici ; la quiétude oui ; et en termes d’atmosphère pour nous, c’est surtout la pluie. Authentiquement polynésienne je ne sais pas, mais authentiquement torrentielle c’est sûr !

Ça fait trois jours qu’on est là, ça fait trois jours qu’il pleut « comme on n’a jamais vu ça », nous a dit hier soir la cuisinière de la pension où on loge.

Notre tentative d’emprunter des kayaks pour pagayer jusqu’au jardin de corail et faire un peu de snorkeling s’est soldée par un repli précipité, et tout mouillé, sur notre bungalow. Bungalow équipé d’une télé, qui fonctionne, sur laquelle les babi découvrent avec joie Ninjago, C’est pas sorcier et Une saison au zoo !
En revanche, pour moi sur le blog, la connexion à Tahaa c’est comme le kayak dans les courants : au gré du vent…

 

Ça c’est la vue que j’avais ce matin en prenant mon café. À Tahaa, il pleut pas un peu… 
 
La vanilleraie de la Vallée de la Vanille

Sous l’eau qui tombe, et pour ne pas devenir complètement fous avec les gros crabes qui se jettent dans des trous juste devant nous avant que j’aie pu prendre une photo, nous décidons de nous mettre en quête d’une vanilleraie.

La vanille de Tahiti (et des îles autour) est connue de ceux qui cuisinent pour la forte teneur en arôme de ses gousses.

Je pense qu’elle est considérée comme la meilleure au monde, avec celle de la Réunion bien sûr. (Moi j’aime bien quand Muguette ou Nanou me rapportent quelques gousses brillantes et charnues en direct de la Réunion…)

 

Les gousses mûres et séchées, prêtes à être utilisées pour une crème brûlée, un riz au lait ou un rhum arrangé…

 

Dans les années 1950, la Polynésie exportait 300 tonnes de vanille par an, dont 200 tonnes produites uniquement sur la petite île de Tahaa. Mais vers 1960, la chute du prix de la vanille parallèlement au début des essais nucléaires dans le Pacifique a provoqué une chute massive de la production. Une grande partie des producteurs ont quitté l’île pour aller travailler dans les essais nucléaires qui étaient super bien payés par la France.

Aujourd’hui, depuis la fin des essais et le retour au bio des pays occidentaux, la culture de la vanille remonte peu à peu mais elle reste bien loin du niveau d’autrefois : 10 à 15 tonnes seulement sont exportées chaque année et ne suffisent pas à satisfaire la demande mondiale.

 

Des fleurs de vanille, des gousses vertes en cours de maturation et des gousses noires bien mûres, un flacon de graines de vanille en poudre, et un pot de pâte de vanille idéal pour cuisiner.

 

La fleur de vanille ressemble à un mix de fleur de tipanier et de fleur de tiaré : cinq pétales couleur crème avec un cœur jaune comme le tipanier, mais fins et écartés comme le tiaré.

Une fleur donne une seule gousse.
Et surtout, la fleur ne vit qu’une journée : elle s’ouvre le matin très tôt et elle se referme le soir pour toujours. Il faut une intervention humaine avec un fin morceau de tige ou un cure-dent pour la pollinisation car la fleur est hermaphrodite. En effet, le pollen se trouve dans une poche au cœur de la fleur, juste au-dessus de l’autre petite poche qui doit recevoir ce nectar pour faire pousser une gousse.

Donc la fleur de vanille, c’est maintenant. Si on laisse passer le moment, c’est trop tard. C’est terminé.

Après la pollinisation, il faut environ neuf mois pour que la gousse grossisse bien et commence à développer un parfum.

Certaines fermes protègent leurs plantations du soleil et des oiseaux picoreurs en les mettant sous ombrière, augmentant ainsi leur rendement. Mais la cueillette des gousses de vanille se fait toujours à la main, comme celle des fleurs de tiaré.
De même, la fabrication du monoï (et Shalimar, futal en skaï comme Travolta) existe encore sous une forme artisanale en Polynésie : on fait sécher des noix de coco, puis on récupère la chair (la coprah) pour en extraire l’huile, à laquelle on ajoute des fleurs de tiaré mises à macérer.

 

Vue sur la baie de Ha’amene à Tahaa, la plus longue baie de toute la Polynésie Française. (Il pleuvait toujours.)

 

En chemin on a appris plein d’autres histoires passionnantes, grâce à notre chauffeur qui était plein d’humour et très sympa.
Sur le nono par exemple. Pas le moucheron, l’autre, le fruit des arbres qui pue la mort…
Non vraiment, l’odeur est terrible. On dirait des pieds moisis. Pourtant, les feuilles vertes de nono étaient utilisées pour désinfecter et faciliter la cicatrisation du pénis après la supercision (tehe en tahitien). La quoi ? La supercision.

Un truc barbare (mais qui je suis pour juger barbare ?…) pratiqué sur les garçons à partir de 12 ans, et qui consiste à inciser le prépuce avec une lame de rasoir.

Pas ôter un bout comme dans la circoncision, mais juste fendre la peau pour ouvrir.
Une question d’hygiène. Un rituel d’entrée dans l’âge adulte surtout.

 

L’arbre à nono, le fruit avec les taches de léopard. Les feuilles sont utilisées à des fins médicinales.

 

Sinon le fruit du nono en lui-même a des vertus anti-oxydantes et rajeunissantes, paraît-il. Une sorte de DHEA naturelle exportée aux États-Unis où la pulpe de nono entre dans la composition de cosmétiques. Le jus se boit aussi, mélangé à d’autres jus pour atténuer l’odeur et le goût…

 

L’odeur du nono ouvert est infecte, personne ne mange ça ici !
 
La ferme perlière de Love Here Pearl Farm (ouais je sais…)

Vous connaissez peut-être la perle noire de Tahiti. Moi je connaissais pas mais si si c’est connu.

La perle noire de Tahiti ne doit pas son nom à sa couleur noire, très rare, mais à l’huître au cœur de laquelle elle se trouve : la Pinctada Margaritifera, mollusque aux lèvres noires présent dans les lagons polynésiens.

Les perles de culture de Tahiti mesurent environ 1 cm de diamètre et offrent une palette de nuances qui vont du gris anthracite très foncé au gris argent, en passant par le turquoise, le doré, le vert émeraude, le marron glacé ou le violet aubergine profond.

Les six critères de qualité qui définissent une perle de Tahiti sont la couche de nacre, le lustre, la perfection de la surface, la taille, la forme et la couleur.

Plus une perle a d’épaisseur de nacre avec un lustre profond, plus elle est lumineuse, et plus elle est considérée comme belle (et donc plus elle est chère).
Pour vous donner une idée, une perle de bonne qualité, c’est 25 000 CFP (soit un peu plus de 200 €). LA perle. Toute seule, pas montée sur un bijou, rien.

 

Le bracelet de surfeur que le Grand Lièvre a choisi, avec lanière en cuir ajustable et perle noire de Tahiti.

 

Comment est fabriquée une perle de culture de Tahiti ?

Les perles sont produites dans des fermes perlières, des sortes d’élevages où plusieurs milliers d’huîtres sont « greffées ». Il faut cinq ans d’études pour devenir perliculteur (trois ans en école, puis deux ans d’apprentissage dans une ferme perlière).

Le perliculteur (qu’on appelle aussi greffeur), ouvre l’huître vivante avec une pince sur 1 cm, puis il pratique une incision au niveau du manteau de l’huître perlière avec un scalpel. Il introduit alors un nucleus, en général une petite bille de coquillage, couvert d’un petit morceau de chair issu du manteau noir d’une huître donneuse : c’est ce greffon qui donnera la couleur à la perle.
La nacre est ensuite sécrétée par le mollusque tout autour de ce noyau, et il faut attendre deux à cinq ans pour obtenir une perle.

 

Ouverture d’une huître perlière. Ça fait un peu pied-de-biche… et on n’est jamais sûrs de trouver une perle dedans car le greffon ne prend pas toujours.

 

Les huîtres perlières sont immergées dans l’eau sur des cordages de deux fois dix huîtres à la verticale. Les plongeurs les remontent plusieurs fois au cours de leur vie d’huître, d’abord parce qu’elles subissent quatre greffes successives au fur et à mesure que le nucleus grossit, mais aussi, et surtout, parce que chaque huître doit être nettoyée tous les trois mois à la main avec une petite brosse pour enlever les parasites (éponges, crustacés).

Les principaux sites de culture perlière se trouvent dans les îles des Gambier, qui sont réputées pour produire les plus belles perles, et sur les atolls des Tuamotu (Ahe, Manihi, Fakarava).
Mais la perle noire de Tahiti est aussi cultivée à Raiatea et à Tahaa. La preuve…  🙂

 

Cette huître malade (on le voit à la plaque rouge sur le dessus de la coquille) a été sacrifiée pour nous. Mais nous avons eu de la chance car elle contenait une perle qui apparaît sur le scalpel ! On distingue bien le manteau noir dont on se sert pour donner la couleur à la nacre.

 

Je n’ai pas acheté de perle. Je n’ai pas besoin de bijoux moi, nue ça me va.
Mais je ne peux pas vous parler de perle noire sans penser à La Promesse : l’album jeunesse que j’ai le plus acheté, le plus offert et le plus vendu aussi, quand j’étais libraire.
Lisez-le. Achetez-le. Offrez-le.
Parce que même si un têtard ne devrait jamais tomber amoureux d’un papillon, c’est la vie petit.

 

*****

 

Et vous, aimez-vous rapporter quelque chose de vos voyages ou de vos vacances ?