Leçon d’amour de soi

Photo : Marcel, cet été à Pataias (Portugal, août 2022).

 

Mais dites donc les gens… ça fait bien longtemps que je n’ai pas publié d’article dans cette catégorie toujours pleine de surprises de mon blog qui s’appelle Vis ma vie de maman !
Pourtant, tout dans mon quotidien me confirme que je continue d’être une maman – et avec deux collégien⋅nes sur trois, laisse-moi te dire que ce n’est pas une sinécure…

Mardi 24 janvier, le Marcass’ (9 ans) est rentré de l’école complètement exalté après son atelier d’arts plastiques sur Yayoi Kusama, animé par Raphaël, un intervenant passionnant qui avait déjà soulevé l’enthousiasme du Grand Lièvre pour Niki de Saint-Phalle en CM2.
Quand le Marcass’ est rentré, donc, j’étais en train de préparer trois recettes en même temps pour deux de mes cops qui venaient dîner (quand les week-ends sont trop chargés pour se voir, rappelle-toi qu’avec tes copines instits, le mardi soir c’est la valeur sûre  😉). Eh ben c’était chaud à suivre. Surtout que je voyais même pas qui c’était, moi, Yayoi Kusama. Je pensais que mes copines instits, oui, elles au moins elles sauraient, mais même pas ! Comme quoi, tout part à vau-l’eau et l’école c’est plus ce que c’était.

Devant une banane et une montagne de quelques spéculoos, le Marcass’ m’a raconté la vie terrible de Yayoi Kusama. La pauvre, elle a pris cher. Et elle a pas fini parce qu’elle a 93 ans !
De ce que j’ai compris de ce que Marcel a retenu de ce qu’il a appris, l’artiste est vénère. Vénère ET féministe – quoique de plus en plus, je me demande si les deux ne sont pas indissociablement liés. Si on peut réellement faire acte d’engagement féministe sans être vénère. Enfin c’est un autre débat, je vous recause féminisme dans un prochain article sur le langage inclusif.

Voyant que je m’intéressais à ce qu’il me racontait (ce qui est loin d’être le cas de tous les goûters de la semaine, hoche la tête si toi aussi t’es une maman), le Marcass’ a voulu prolonger le moment et il a cherché des photos de Yayoi Kusama sur Internet en me disant :

– Tu vas voir, je suis sûr que tu vas aimer sa coupe de cheveux !

Après, quand je raconte cette histoire à mes cops, il dit : « j’ai jamais dit ça ! », et j’ai envie de le taper. C’est comme ça depuis Ça va les collines, en décembre 2018 ! Après la publication de son article de voyage en Nouvelle-Zélande, il m’avait reproché : « j’ai jamais dit ça va les collines ! ». Alors qu’il passait SON TEMPS à dire : « j’en ai marre des collines, ça va les collines ! ». Son papa, sa grande sœur, son grand frère et moi on a pété les plombs.

 

En Nouvelle-Zélande, quoi qu’en dise Marcel, y’avait pas que des collines ! Ici dans les fjords, c’était les montagnes et la neige (Monkey Creek, Fiordland, île du sud, décembre 2018).

 

Enfin bon. Oui. Oui j’ai aimé la coupe de cheveux de Yayoi Kusama. Moi n’importe quelle couleur, n’importe quel carré, qu’il soit court à la Louise Brooks, long à la Clara Luciani, ou carrément déstructuré à la Mary J. Blige dans le clip de « Family Affair », du moment qu’il y a une frange bien droite qui descend jusqu’aux sourcils, tu peux être sûr⋅e que je vais kiffer.
Si vous updatez régulièrement la barre de droite de mon blog, vous avez appris cette semaine que dans la saison 4 de Fauda qui vient d’arriver sur Netflix, il y a la nouvelle cheffe des forces spéciales israéliennes qui s’appelle Dana et elle est trop belle. Frange droite. Jusqu’aux sourcils. Vis le rêve de ma vie. Si j’avais les cheveux raides. Si j’avais pas un énorme épi à l’endroit où d’autres ont, et depuis toutes petites, la chance dont souvent elles n’ont même pas conscience d’avoir cette frange naturelle qui rend tous les visages incroyablement charmants.
J’arrête sinon je vais me raser la tête comme Doron je vais pleurer.

J’ai demandé au Marcass’ :

– Et toi, tu aimes la coupe de cheveux de Yayoi Kusama ?
– Non c’est moche ! Moi j’aime bien mes cheveux.
– …
– Il faut juste que j’apprenne à faire mon chignon tout seul pour aller au judo et quand je vais partir en classe de découverte, sinon ils sont beaux.

Cette satisfaction à être lui-même m’a rappelé notre dernier été à Sifnos, lorsque je lui avais demandé qui il aimait. (Si vous avez cliqué sur le lien précédent, vous pouvez scroller sur la page jusqu’à la carte musicale éphémère #17 du lundi 23 août 2021).
Y’a des enfants comme ça, tu sens qu’ils sont bien dans leur peau.

 

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Dans cette vidéo de la Coupe de judo de Noël dernier, à part l’intérêt de vous montrer à quoi ressemblent les cheveux auto-aimés du Marcass’ parce que je n’ai pas de photo plus récente, on entend parler les mamans dans les tribunes d’où je filme avec mon téléphone portable.

– Oh ! T’as vu la petite fille comment elle y va ? Nan mais elle se laisse pas faire, t’as vu ?! C’est bien dis donc, elle a pas peur !

Ces propos sur mon enfant m’ont interpelée. Parce que, voyez-vous, je suis à peu près certaine qu’elles n’auraient jamais tenu ce discours si elles avaient pensé que Marcel était un garçon. Elles ne se seraient jamais étonnées comme elles se sont étonnées qu’il n’ait pas « peur d’y aller », qu’il ait cette hargne et cette combativité qu’on attend des petits garçons.
Si je n’avais pas été en train de filmer, je les aurais détrompées immédiatement. Par réflexe. J’aurais dit : « c’est un garçon ». Mais quand j’ai eu fini de filmer, je n’ai plus eu envie de leur dire. J’étais prise dans mes propres questionnements.
Que se passe-t-il pour les petits garçons qui ne vont pas au combat ? Qui ont « peur d’y aller », peur d’avoir mal ou de faire mal aux autres ? (Ce qui était le cas du Grand Lièvre au judo quand il avait six ans. Maintenant il fait du ping-pong.)

Qu’est-ce que je dis, moi, quand je rencontre une petite fille avec ses parents ?
Est-ce que je commence par lui dire comme elle est jolie ? Comme sa robe lui va bien ?
Est-ce que je fais le même commentaire sur sa tenue ou ses cheveux si c’est un petit garçon ?
Ou est-ce que je souligne plutôt comme il a l’air vif et intrépide ?

Depuis quelques années, je fais extrêmement attention aux messages que je transmets aux enfants que je côtoie, à l’école, en sortie, chez des ami⋅es ou dans les activités extrascolaires. Cette attention part d’une volonté consciente, déterminée, et elle me demande une vigilance de chaque instant parce que sinon, moi comme les autres, je reproduis sans y penser, sans même l’interroger, ce que j’ai toujours entendu. Et ce que j’ai entendu, c’est que les petites filles doivent être jolies et les garçons forts et courageux. Cette assignation de qualités humaines à un genre est une des innombrables grosses merdes que continue de produire le patriarcat et qui font beaucoup de mal. À tout le monde mais aux femmes plusse encore.

Enfin. Je sens que je digresse de nouveau de mon article du jour qui a pour but de vous encourager à aimer vos cheveux même si vous n’avez pas la chance d’avoir une frange comme Yayoi Kusama à vous aimer vous-même. Je reprendrai très bientôt le sujet des injonctions sociétales à être comme ci ou comme ça dans un prochain article sur le corps.

 

Laisse-t-on les petites filles jouer torse-nu en short aussi facilement qu’on laisse jouer les petits garçons ? Cette photo de Marcel a été prise deux jours après celle des fjords. Parce qu’il fait chaud aussi en Nouvelle-Zélande… (Queenstown, île du sud, décembre 2018).

 

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Et vous, vos enfants vous donnent des leçons de vie à l’heure du goûter ?