Pastille sexe #4 : Le ras-le bol (et les hormones)

Illustration de Diglee dans « Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux » (p.6).

 

Tout l’été, je vous propose ce que j’ai appelé des « pastilles sexe », comme un peu le pratiquaient les magazines féminins à une époque où je faisais les spécial tests sur la plage. Je ne sais pas pourquoi dans ce type de magazines les dossiers sexualité c’est toujours l’été, à croire que dès la rentrée tu poses à toi et à ton mari (ta femme) une ceinture anesthésiante, et allez salut, on se revoit en avril !
Enfin, je vais pas commencer à m’énerver…

L’idée de mes pastilles sexe, c’est de proposer une piste de réflexion à partir de ce que je lis et entends sur les rapports hommes / femmes et les relations amoureuses hétérosexuelles. Le tout dans un article court – d’où la pastille – avec le présupposé que personne l’été n’a envie de passer du temps seul(e) sur son ordi mais que ce sont d’excellents sujets à discuter entre amis. Et avant tout en couple, bien sûr.

Je sais qu’il y a aussi des préados qui aiment me lire – coucou les filles, je vous fais un cœur avec les mains ♥ – donc je précise que ces pastilles sexe de l’été ne nécessitent pas de contrôle parental comme sur Snapchat et qu’elles peuvent tout à fait être lues et discutées avec des préados. Voire avec des enfants comme chez nous, je me souviens très bien d’une conversation sur le porno l’été dernier en Grèce avec mes enfants qui avaient alors 7, 9 et 11 ans… mais évidemment ça dépend si vous êtes à l’aise sur ces sujets ou pas.  😉

Lisez, réfléchissez, discutez-en à plusieurs et interrogez-vous : c’est comme ça qu’on fait avancer nos représentations !

 

 

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Pour cette quatrième pastille, j’ai choisi une planche de l’illustratrice Diglee, tirée du recueil de lettres d’Ovidie que je suce comme des pastilles cet été : Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux (2020).
Elle accompagne l’introduction du livre qui pose la question : « Et maintenant on fait quoi ? On fait comment ? Faut-il, pour autant, sortir de l’hétérosexualité ? ».

« L’hétérosexualité, c’est donc aussi ça, 40 kilos de contraintes. C’est l’injonction à être séduisante selon les normes de contrôle du corps féminin. C’est s’affamer pour rester mince, c’est risquer sa santé pour se faire poser des prothèses mammaires, c’est s’épiler la chatte à s’en faire hurler, c’est claquer des fortunes pour des injonctions dans l’espoir que les hommes nous regardent encore un peu. C’est un système où tout tourne autour du phallus et du besoin de le flatter. » (p.8)

Certes, on ne fait peut-être pas tout, toutes, et tout le temps. Mais pensez-y ! Partagez aussi, parlez-en, ça vous changera du covid…

 

 

Inspirée par l’illustration de Diglee en tête d’article, je vous glisse un extrait de conversation qui revient régulièrement chez moi, et depuis trois bonnes années, avec mes garçons de 8 et 10 ans.

– Maman, est-ce que LÀ tu vas avoir tes règles ?
– Hein ?
– Par exemple demain ou après-demain ?

[Bon, là aujourd’hui mercredi 18 août 2021, il se trouve que oui, effectivement, demain ou après-demain. Ce n’est pas une information capitale, mais je le précise pour mes deux amies que je vois presque tous les jours car nous observons sur les six derniers mois, entre nous trois, une étonnante synchronisation menstruelle – plus connue sous les termes de « phénomène du dortoir ». Toutefois, je ne vais pas toujours avoir mes règles au moment où la conversation que je vous rapporte survient, il ne s’agit pas de savoir si mes garçons ont des talents de médium. Reprenons.]

– Maman, est-ce que LÀ tu vas avoir tes règles ?
– Hein ?
– Par exemple demain ou après-demain ?
– Mais non, pas du tout ! Pourquoi tu me demandes ça ?
– Bah parce que je trouve que tu es quand même beaucoup énervée là…

J’hésite à chaque fois sur l’attitude à adopter. Je ne sais pas si c’est une remarque qui ferait hurler les féministes ou si, au contraire, formulée sans moquerie ni mépris, elle témoigne des clés de compréhension d’un très jeune garçon sur une partie fondamentale de la vie avec une femme. De la vie tout court.

 

« Ma plus grande peur, c’est que le SPM (syndrome prémenstruel) n’existe pas et que ce soit ma vraie personnalité. »

 

Et puisque depuis mon article Le cœur (et les couilles) sur la table, je rattrape les épisodes des Couilles que j’ai loupés, cette semaine je vous recommande particulièrement l’épisode 2 : « L’amour c’est pas pour les garçons ».
Il y est question des discours sur l’amour que l’on entend quand on est petit(e), bien différents selon qu’on est une fille ou un garçon, et des attentes et des désirs forcément différents aussi qui en découlent.
L’invité de Victoire Tuaillon pour cet épisode est le sociologue Kevin Diter dont la thèse de doctorat porte sur la construction et l’intériorisation des normes et représentations genrées et androcentrées de l’amour chez les enfants de 6 à 12 ans. Kevin Diter explique :

« L’amour participe à la domination et à la reproduction de la domination masculine dans la mesure où il y a un investissement différentiel dans le couple et dans les sentiments de la part des hommes et des femmes. C’est-à-dire que, depuis toutes petites, les femmes sont plus investies au bien-être des autres et sont plus dépendantes émotionnellement de leur conjoint. En tout cas c’est ce qu’on leur demande : s’investir dans l’affectif. »

J’ai trouvé difficile de l’écouter parce que je n’aime pas du tout la voix du type et la voix c’est vraiment très important pour moi. Mais je suis allée au bout et il me semble que le propos est intéressant. Surtout pour « tous les mecs cis-hétéros » (cf. illustration en tête d’article) qui se flattent encore de penser les différences de genre comme étant ontologiques et non sociologiquement construites par un système dominant et reproduites par le modèle éducatif traditionnel qui y est attaché.
En d’autres termes, des mâles qui croient – peut-être même sincèrement, et je me demande si c’est pas pire – que si les hommes vont guerroyer c’est parce qu’ils sont par nature plus courageux, et que si les femmes restent à attendre passives et fidèles le retour de leur mari en tissant des tapisseries à la con, c’est parce qu’elles sont par nature trop lâches et n’osent pas « porter leurs couilles de par le monde » (sic).

Enfin j’dis ça j’dis rien. Je vais pas m’énerver contre cette pauvre bécasse de Pénélope qui n’y est pour rien et dont le mythe est né du fantasme de pureté de virils et valeureux guerriers, frères d’armes des religieux de tout poil qui veulent voir venir les femmes vierges au mariage…

 

En vrai, Pénélope était peut-être trop heureuse que son mec soit barré et ne voulait certainement pas s’en coltiner un autre à qui il faudrait de nouveau préparer à manger, repriser les habits, satisfaire sexuellement, écouter, consoler, rassurer… (Dessin extrait de la bande dessinée de Soledad Bravi, « L’Iliade et l’Odyssée, d’après Homère », éd. Rue de Sèvres, 2015.)

 

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Références

Ovidie et Diglee, Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux, éd. Marabulles, 2020.

Podcast Les couilles sur la table, épisode 2 : L’amour c’est pas pour les garçons

https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/lamour-cest-pas-pour-les-garcons

 

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Précédemment
Pastille sexe #3 : La capote (cocotte)

À suivre
Pastille sexe #5 : Ce que c’est qu’être sexy

 

Et vous, est-ce que vous en avez pas marre, des fois, de vous préoccuper tout le temps du bien-être des autres ? SPM ou pas SPM, est-ce que vous n’avez pas envie parfois, exceptionnellement, de leur crier à la gueule : mais tu sais quoi ? je m’en bats les boobs de tes petits problèmes !