Photo : Au jardin, 23 octobre 2020.
La semaine dernière, je partageais avec vous ce vieux tube des années 80 : Depeche Mode, Just can’t get enough.
Il a servi de trame à une discussion sur l’addiction que j’ai eue avec mes enfants (c’est les vacances, on est tout le temps ensemble, et beaucoup sur la route).
Depuis qu’ils sont nés ils me voient fumer, et ils ont un papa qui ne fume pas – on n’a pas parlé du visage de la perfection justement ce week-end ?… (newsletter 68 # 25 octobre 2020)
Les enfants posent souvent les questions que les adultes ne posent plus. Ils viennent te chercher à des endroits cachés de toi que tu ne pensais pas qu’ils puissent entrevoir et ils tapent dedans.
– Maman, est-ce que tu la trouves belle ?
Des questions simples et directes qui, comme toutes les questions simples et directes, sont les plus pertinentes.
– Maman, pourquoi tu fumes ?
– Parce que j’aime fumer, mon petit lapin.
C’est ce que je leur réponds tout le temps. Enfin là c’est au Grand Lièvre, parce qu’à la Petite Souris je dis « ma minette », et au Marcass’ « mon petit chat ». Comme ça vous savez tout de ma vie de maman.
Parfois les enfants insistent, s’intéressent, parce qu’ils apprennent des choses du dehors, ils découvrent le monde autour, ils font des liens.
– Mais c’est pas bon pour la santé de fumer, non ?
– Non, c’est pas bon.
– Mais alors… pourquoi tu fumes ?
C’était dans l’auto. En écoutant les Doors. Touch me baby. Can’t you see that I am not afraid ?
On a profité de passer les vacances dans le Sud chez papy et mamie pour aller acheter des cigarettes en Espagne, rapport à ce que mon dernier paquet de Philip Morris à Paris m’a coûté 9,80 €. Alors je sais, c’est pas bien l’Espagne, je devrais faire marcher l’économie de mon pays, tout ça. Mais 10 € le paquet s’te plaît ??!
(Alors que seulement 20 francs le cunnilingus ! Ceci est un message privé pour mon pote David qui n’a rien à voir avec le sujet de l’article. Pardon mais j’ai pas pu m’empêcher… 🙂 )
10 € le paquet donc, et je peux même pas choisir à qui je lâche ma taxe tabac ?
Si par exemple moi je veux qu’elle aille au budget éducation pour plus qu’ils soient 36 par classe au lycée de Sarcelles ?
Ou bien si je veux qu’elle serve à créer une vraie discipline d’enseignement civique et laïc, avec des profs formés et soutenus, des moyens importants, et qui commence dès l’école maternelle pour expliquer ce qui se passe quand on détourne les religions de leur humanisme, où mènent les replis identitaires et les dérives extrémistes ?
Putain. Et à la place, avec mes clopes à 10 € le paquet, je rembourse une partie des putain de tests covid des gens qui font la queue tous les jours au labo en bas de chez moi et qui croient que le trottoir est à leur putain de mère, donc moi quand j’emmène les garçons à l’école, on peut bien marcher sur la chaussée et se faire klaxonner par des putain de connards excités, c’est pas grave parce que eux tous les deux jours ils reviennent se faire tester gratuitement.
Putain. J’ai lâché un truc là. Je vais aller m’en griller deux ou trois pour calmer mes nerfs.
On parlait de la cigarette. Et des vilains gros mots dont j’ai bercé mes enfants et qui continuent de leur vriller les tympans.
– Mais maman, si la cigarette c’est pas bon pour la santé et qu’en plus c’est très cher les paquets, alors… pourquoi tu fumes ??
Ben oui, pourquoi ?
Depuis qu’ils sont tout petits je leur dis :
La cigarette mon babi, c’est comme le sucre dans les bonbons, les glaces, le chocolat ou les Granola. Tu sais bien que c’est pas bon pour ta santé de manger ces trucs-là, mais dans ta bouche c’est bon oui ? Et au moment où tu en manges, tu te sens bien même si tu sais que c’est pas bon pour toi, n’est-ce pas ? Voilà pourquoi tu en prends. Et quand tu as fini, tu as envie d’en prendre encore comme si tu allais jamais t’arrêter. La cigarette c’est pareil. C’est ça qu’on appelle la drogue. Et c’est bon que ce soit bon mais il faut faire attention que. Pas trop. Et ça tu vois, c’est le plus difficile… Il faut être très fort(e) pour réussir à faire un peu, mais pas trop.
Donc je les laisse manger leurs oursons guimauve en chocolat dégueu et ils me prennent pas la tête avec la cigarette. Pas comme d’autres enfants sortis de ci de là qui te font chier avec des :
– Han ! C’est pas bien de fumer !
Ça m’énerve tellement putain, j’ai envie de les taper. Mais DÉGAGE, toi ! T’as dix ans, t’es qui pour me dire ce qui est bien et ce qui est pas bien ??
Bon, j’ai eu une petite montée d’adrénaline là. Pardon. Je reviens à mes enfants à moi. En grandissant, ils poursuivent leur exploration du sujet et reviennent avec de nouvelles questions.
– Mais maman, c’est quoi le pire ? Le sucre ou la cigarette ?
Le sucre, j’ai répondu immédiatement. Bien sûr. C’était facile.
Pour l’herbe, c’est plus compliqué. Parce que le THC appelle le sucre, c’est le problème. Enfin le sucre, pas que. Le sucre, le sel, et le sexe aussi… 😉
Après tu comprends pourquoi you just can’t get enough !
C’est ainsi que j’en suis arrivée à la même conclusion que mon article de la semaine dernière : on peut arrêter le sucre (moi je peux), on peut arrêter la cigarette (j’en connais plein), mais la beuh l’amour ?
Notre vie c’est quoi sans ressentir ce qu’on ressent, lâcher prise de temps en temps, et prendre le risque de ressentir plus profond encore en nous attachant les uns aux autres ?
Souvent on me demande :
– Mais tu trouves pas ça chaud de parler de la cigarette avec tes enfants alors que tu fumes ?
Ou des drogues ou de la sexualité, on me demande aussi.
Ben non en fait. Pas du tout. Je ne trouve pas ça chaud parce que je sais de quoi je leur parle. Et je ne prétends pas avoir raison, je ne leur assène pas de leçon, mais je suis claire dans ce que je dis. Alignée. Je ne triche pas avec ce que je fais ou ne fais pas, ni avec ce que je ressens, même au milieu de mes contradictions. Donc non, je ne trouve pas ça chaud.
Maintenant va expliquer à tes enfants qu’on vit dans un monde, dans le pays des Droits de l’Homme (et de la femme vite fait), où un prof peut se faire décapiter juste comme ça, parce qu’il a osé parler en classe de la liberté d’expression.
Va leur expliquer sans les faire désespérer de la société dans laquelle tu les as projetés.
The scream of the butterfly.
Va et reviens me dire parce que moi franchement je sais pas.
*****
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