On marche mais on sait pas où on va

Photo : Le goûter des garçons (septembre 2020). Regarde bien le tee-shirt du Grand Lièvre (à gauche), tu vas comprendre l’histoire.

 

27 août 2020. Le Marcass’ (7 ans) gémit dans les rues d’Athènes.

– Donc là on marche mais on sait pas où on va. C’est ça ?

 

On lit sur son visage transpirant l’incompréhension la plus ouvertement dépitée. Résignée mais dépitée. Genre t’as des cheveux mais t’as pas de shampooing. Nan mais allô quoi.
Papa Écureuil ne se laisse pas impressionner. Il sait qu’avec le Marcass’ ça se joue à celui qui a la plus grosse barbe.

– C’est ça Marce, t’as bien compris. On marche mais on sait pas où on va. On marche juste pour marcher.

 

Le Marcass’ hausse alors les sourcils, à la fois hautain et blasé :

– Alors moi je propose qu’on marche jusqu’au bout de cette rue et qu’après on rentre à la maison et on fait RIEN.

 

Nous avons donc marché jusqu’au bout de cette rue, et après nous avons trouvé d’autres rues et continué à marcher. Une paire d’heures. En rond. Les garçons étaient au bout de leur vie et se confiaient l’un à l’autre comment c’est trop pourri de nous avoir comme parents, avec tout ce qu’on les oblige, TOUT LE TEMPS, à faire. Marcher, marcher, visiter, se doucher, pas de goûter, c’est tout ce qu’on fait.
(Après trois semaines sur une île grecque paradisiaque, je précise quand même parce que bon.)

Je traîne un peu, je les écoute l’air de rien, et j’entends la réflexion du Grand Lièvre (9 ans) :

– En plus c’est bon, on l’a vue l’Acropole ! On va pas la regarder toute la journée !

 

Dans le centre d’Athènes, tout près de l’Acropole, la rue en question, où il s’agissait de marcher « jusqu’au bout » (août 2020). Le resto à touristes où le Pap’ et la Mam’ ne voudront JAMAIS s’arrêter, se plaignent les garçons. (Ils ont raison.)

 

À Paris ou en vacances, sur nos trajets quotidiens ou en voyage, j’aime marcher devant avec la Petite Souris. On parle beaucoup toutes les deux.

En Grèce, quand on a trop soif on s’arrête et on attend les garçons – avec le Pap’ qui porte l’eau. J’aime entendre qu’ils ont arrêté de geindre et sont maintenant très occupés à jouer à « What’s for breakfast ? ». Ils adorent ce jeu qu’ils ont inventé à partir d’un tee-shirt du Grand Lièvre qui m’a été donné dans un sac de vêtements énorme par ma copine Céline qui a deux garçons plus âgés (et hyper soigneux, je comprends pas pourquoi c’est pas comme ça chez moi).
Ce tee-shirt représente un dinosaure qui hurle : What’s for breakfast ? C’est celui de la photo en tête d’article.

Et le jeu « What’s for breakfast ? » consiste à inventer toutes sortes de plats à base de dinosaures divers pour lesquels les garçons demandent à Papa Écureuil de leur traduire les mots en anglais.

Ouais je sais. Moi aussi quand ils m’ont expliqué de quoi ça s’agit, je me suis dit : WTF ?! Mais leur maîtresse à tous les deux cette année – puisqu’ils se retrouvent dans la même classe de double niveau CE1 / CM1 – c’est celle du Grand Lièvre l’année dernière : celle qui aime Gogo l’extraterrestre et qui comprend tout très bien, elle au moins.
Elle ne dira pas WTF. Je suis sûre qu’elle serait même cap’ de jouer à WFB avec eux.

 

Le matin de la rentrée des classes (mardi 1er septembre 2020). De gauche à droite : CM1, CE1, 6e. T’y crois toi qu’il y a deux ans d’écart, pas plus pas moins, entre chacun de mes enfants ?

 

Pendant ce temps, pendant qu’on marche dans les rues d’Athènes, la Petite Souris et moi on est en train de parler de comment on peut s’aimer si fort au début quand on est amoureux(ses) et un jour ne plus s’aimer. Ou moins. Ou pas pareil.
Et en plein milieu de notre chemin de pensée, le Grand Lièvre vient nous interrompre :

– Eh maman, tu sais ce que j’ai trouvé pour le dessert du petit-déjeuner ?
– …
– Tu donnes ta langue au chat ?
– Euh… oui… voilà… Je donne ma langue au chat.
– Pour le dessert, c’est du beignet au sang de raptor !
[Et il change sa voix et il fait les bruits avec, pour te faire peur : du saaang de râââptor !]
– Haaa…
– Et pour boire, de la bave de stégosaurus avec quelques dents et un peu de sang !

 

La Petite Souris et moi on se regarde. Sans un mot on se comprend. J’arrive pas à croire qu’il n’y a que deux ans d’écart entre ma fille aînée et mon fils puîné.

– Daz coo, Lulu.
– Mais si t’aimes pas les beignets au sang de raptor, je peux te faire des chips à la langue d’ankylosaurus si tu veux. Ou si tu préfères du sucré : des cookies à l’estomac de stégosaure, c’est très bon…

 

Sur le chemin côtier d’Artémonas à Kastro (Sifnos, août 2020). Les garçons ramassent des bâtons et font je sais pas quoi avec, comme font les garçons. Le Grand Lièvre porte son tee-shirt favori. Je marche loin devant avec la Petite Souris.

 

Je remercie ma copine Céline pour ce « What’s for breakfast ? » improvisé qui permet à mes deux garçons de 7 et 9 ans de marcher des heures sous le soleil sans demander :

– C’est bon maintenant ? On a assez marché ?

(Presque sans demander.)

 

*****

 

Et vous, le régime paléo ça vous branche ?

 

 

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