Poulet citron dans ma roulotte

Photo : Un snack du centre de Papeete à Tahiti. On était dimanche donc c’était fermé mais il y a toujours des gens qui discutent assis devant (Polynésie, janvier 2019).

 

Manger dans la rue à Tahiti et dans les îles

ΞΞΞΞΞ

 

On s’était préparés à ce que la Polynésie soit hyper chère et à ronger nos dents contre des vieilles écorces de noix de coco échouées sur la plage pour tromper la faim.
C’est pas vrai pour tout.
Dans les hôtels de luxe et les restaurants pour touristes, sûrement oui c’est cher. Mais pas si on achète soi-même le poisson et les fruits au supermarché ou en bord de route.
Pas non plus si on s’arrête dans les roulottes, ces food trucks ambulants, qui stationnent sur le front de mer de Papeete et un peu partout dans les îles.

À Moorea, pour notre première roulotte, ce sont les propriétaires de la supérette qui ferme à 18h qui ouvrent leur roulotte à la même heure sur le parking !

 
Les roulottes

Les roulottes proposent des plats cuisinés maison, soit à emporter soit à manger sur place (il y a toujours quelques tables dehors devant la camionnette).

Tahitiens ou chinois. Fait maison, simple, bon, copieux et pas cher.

Autour de 1200 CFP (soit 10 €) la portion tellement ÉNORME que nous sommes nourris tous les cinq avec deux portions. Et pourtant on a tous un solide appétit, hein, on ne picore pas comme des petits moineaux ! Mais c’est vraiment très copieux.

Une fois, une famille de Tahitiens s’est installée à côté de nous dans une roulotte. Ils étaient cinq dont deux enfants et ils ont commandé cinq plats… On est partis avant eux donc je ne sais pas si chacun a fini son assiette, mais ça ne me paraît pas possible. Pas les CINQ plats.

 

Poulet citron

Le poulet est proposé sous trois formes dans les roulottes : fumé ou grillé (je compte pour un car le poulet est servi tel quel), fafa, et citron.

Le poulet fafa est cuit au lait de coco et accompagné de fafa, l’épinard local. Ils mettent beaucoup de crème dedans mais bon, comme c’est un peu le seul légume vert proposé à Tahiti, je me suis jetée sur l’occasion…

Quant au poulet citron, j’ai lu sur un blog que c’est « le truc à ne surtout pas manger si vous voulez entrer dans votre maillot de bain pour la plage ». Évidemment ça a attisé ma curiosité et je ne pensais plus qu’à goûter au fruit défendu.

De toute façon, mon maillot à moi est tellement détendu que rien ne pourra m’empêcher de rentrer dedans…

Mais dans les Tuamotu, il n’y a pas de poulet citron et il a fallu attendre la fin du séjour et le retour à Papeete pour y goûter. Eh ben c’est… comment dire… des morceaux de poulet frit mais où c’est la peau du poulet qui est frite et se décolle un peu de la chair. Tu trempes ça dans une sauce claire au citron, tu croques, et au début quand tu as faim c’est bon, mais après la peau frite fond en gros gras dans ta bouche, alors tu as un peu mal au cœur et tu visualises mieux l’histoire du maillot…

 

Poulet citron du snack Jimmy de Papeete à Tahiti. J’étais une cliente de passage…

 

Chao mein

Avec le poulet citron, c’est certainement le plat le plus fréquent dans les roulottes. Comme son nom l’indique, le chao mein est d’inspiration chinoise mais en fait typique de Tahiti : des nouilles chinoises sautées au poulet et aux légumes.
Parfois c’est bon, parfois moins, ça dépend de la qualité des ingrédients. Dans tous les cas c’est gras (mais pas épicé, donc les babi ont aimé).
Je regrette de ne pas avoir pris de photo de celui qu’on a mangé dans une roulotte à Moorea mais on avait trop faim, je n’ai pas pensé à stopper tout le monde le temps de la photo !

 

Chao pao

Également d’origine asiatique, le chao pao est un beignet fourré à la viande et aux oignons et cuit à la vapeur, aujourd’hui très populaire dans tout le Pacifique.

 

Punu pua’atoro

Oubliez ça. Les Tahitiens adorent mais oubliez. Le punu pua’atoro consiste en une boîte de corned-beef revenu avec des oignons, et parfois des petits pois.
Apparemment l’addiction polynésienne au corned-beef remonte au passage des GI’s à Bora-Bora pendant la Seconde Guerre mondiale. Maintenant on trouve des étagères remplies de grosses boîtes de punu pua’atoro dans tous les supermarchés…

 

Du corned-beef, même dans l’unique supérette paumée sur l’atoll de Tikehau.

 

Taro en chips

Le taro est un tubercule de type patate douce (en plus neutre). Cuisiné en chips, il est un des produits phares de Polynésie.
On peut le manger salé avec du poisson, ou sucré en dessert, et même en glace violette !

 

Enfin un dernier truc, important quand même, sur les roulottes : les accompagnements proposés (ou à manger tout seuls), c’est riz ou frites.
Parfois c’est marqué haricots verts sur les menus mais quand tu demandes, ils n’en ont plus. À chaque fois, ils n’en ont plus. Ça peut être un problème, rapport à ce que je vais vous raconter un peu plus loin…

 
Les snacks

Contrairement aux roulottes, les snacks sont des endroits fixes, qui vendent du fast-food bon marché (mais même pas forcément) et de piètre qualité.
Nous n’y avons mangé qu’une seule fois : deux crêpes salées à partager pour nous cinq. Énormes. Blindées de fromage râpé que nous n’aimons pas, aucun de nous.

Les snacks proposent pizzas, burgers, frites, casse-croûtes – et parfois crêpes donc.

Le casse-croûte tahitien consiste en une demi-baguette qui fait quasiment la taille d’une baguette française « tradi » entière (même si j’ai horreur d’entendre ça à la boulangerie, « une tradi » au lieu de une baguette  🙁 ). 40 cm, je dirais. Peut-être plus. Dedans on bourre de steak haché en sauce et de frites, on arrose le tout de ketchup et de mayonnaise, puis de mayonnaise et de ketchup, voire encore de ketchup et de mayonnaise.

Ou bien il y a une variante avec de la sauce au roquefort. Je ne sais pas si dans ce cas-là ils mettent la mayonnaise quand même. C’est possible.

 

Le snack de Moorea où nous avons mangé une crêpe, juste devant notre première pension. Et des frites pour les babi.

 

Cette avalanche de sauces – et pas que dans les casse-croûtes, dans les plats aussi – peut expliquer pas mal de choses concernant l’obésité des Polynésiens que l’on constate très vite dès qu’on sort dans la rue. En fait, c’est l’une des deux premières choses qui m’ont frappée quand je suis arrivée à Tahiti. L’obésité et le tutoiement.

Ceux qui me connaissent savent que je ne parle pas d’obésité à la légère – si je puis dire – pour quelques kilos de trop.

Je pense qu’il y a un grave problème de santé publique ici, lié à la malnutrition, mais je n’ai aucune légitimité pour en parler parce que je n’ai rien lu sur le sujet, juste observé dans les différents endroits où nous sommes allés.
Et pensé que notre pédiatre serait horrifiée de l’IMC des enfants à Tahiti.

 

À l’aéroport de Tikehau.

 

Car ce que je ne vous ai pas dit à propos du casse-croûte que j’ai décrit plus haut, c’est qu’il est servi dès 6h du matin, avec un grand verre de coca pour faire passer. Et qu’il s’ajoute à la junk food venue d’ailleurs, paninis, burgers & co, dont les jeunes Tahitiens semblent friands.

Une junk food pas chère du tout : le menu basique du McDo de Papeete est à 750 CFP, soit 6 €.

La grosse barquette de frites, souvent servie d’office avec beurre et sauce barbecue ou ketchup, est à 300 CFP, soit 2,50 € dans tous les snacks que j’ai vus. Et le casse-croûte est toujours moins cher et plus nourrissant que la petite salade de crudités.
Où l’on voit que l’alimentation moderne urbaine sépare ceux qui financièrement peuvent faire le choix de manger sainement, et les autres…

 

Le menu McAttack pour 1000 CFP, soit 8 €, est le plus vendu à Tahiti. Ça correspond à un maxi best of + un burger en plus. Mickaël ajoute que « le grand Coca est plus grand que chez nous ».

 

Dans le contexte d’augmentation rapide du coût de la vie et de la misère depuis la crise de 2009, nous a-t-on expliqué ici, la nourriture facile et pas chère des snacks et des fast-foods a rapidement fait des adeptes.
En plus de ce que j’observe dans la rue et au supermarché, je remarque que les deux femmes d’origine européenne qui nous ont loué des Airbnb sur Moorea étaient minces, mais que les Polynésiens qu’on rencontre par ailleurs sont tous gros : notre chauffeur super sympa, sa sœur et son père qu’il nous a présentés, le monsieur de la vanilleraie et sa famille, toutes les femmes de la ferme perlière sauf la petite jeune qui nous a fait la présentation, et, encore plus, la cuisinière adorable de notre pension à Tahaa.

 

Colette et Henere chez qui nous logions à Tikehau. Maison polynésienne typique : paréos, tissus au mur et feuilles de pandanus tressées. À la pension, la cuisine est simple et familiale, proche de celle des roulottes.
 
Quelques chiffres

J’ai fait une petite recherche quand même, par acquit de conscience, pour imprimer un peu d’objectivité chiffrée dans mes impressions.

Selon une étude menée en 1995 et remise à jour en 2010 par la Direction de la santé en Polynésie Française, 70% de la population adulte est en surpoids, dont 40% a atteint le stade de l’obésité.

Il y a plus de personnes obèses en Polynésie (40%) qu’aux États-Unis (35%) !

Les chiffres sont encore plus alarmants chez les femmes, dont plus de la moitié est obèse (55% contre 38% des hommes). Et ça risque d’empirer pour les générations à venir puisque 36% des enfants entre 7 et 9 ans sont déjà en surpoids, dont 16 % obèses.

 

Je sais qu’on dirait plutôt une dame mais c’est un monsieur, à l’aéroport de Raiatea.

 

Au moment de la publication de cette étude, j’ai lu que les autorités polynésiennes ont interdit la vente de frites et de bonbons au petit-déjeuner à l’intérieur des écoles (ce truc de fou déjà !). Et les commerçants extérieurs ne doivent pas non plus vendre de frites aux élèves avant 8h30 du matin… mais bon après 8h30 c’est open bar !
Et j’imagine que les chiffres de 2010 n’ont fait que s’aggraver sur les dix dernières années, comme partout ailleurs.

 

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Et vous, avez-vous souvent recours aux fast-food ?
Est-ce que vous aimez ce que vous y mangez ?