Photo : Champ de blé aux corbeaux (1890), par Vincent Van Gogh.
Peint à la fin de sa vie, de l’autre côté de chez moi, près de là où je cours.
La saison des charades est repartie chez nous. Sur le chemin de l’école, à table, je décroche systématiquement. Il faut dire aussi, je suis ailleurs en ce moment. J’ai du mal à m’arrimer. Je flotte dans une brume douce mais épaisse qui parfois m’engloutit toute entière. Jusqu’à ce que j’entende, étouffé, comme en écho de très loin :
– Alors ? Alors maman, tu trouves ?
Mais rien ne me vient, ni le premier, ni le deuxième, ni le tout, parce que je n’y étais pas.
Ce matin, Le Grand Lièvre est venu me réveiller dans mon lit. Il avait faim. Il a toujours faim.
Il a dit :
– Maman, j’ai une charade pour toi.
Mon premier est la deuxième syllabe de « goujat ».
Mon deuxième est ce qu’on fait pour attacher ses lacets.
Mon troisième est le mot qu’on dit pour embêter quelqu’un quand on claque le pouce sur le menton.
Indice en image pour trouver mon troisième.
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Mon quatrième est le souffle de respiration des Détraqueurs dans Harry Potter.
Mon tout est une chanteuse que tu adores et où tu vas au concert ce soir !
C’était trop bignon. Je n’ai pas eu le cœur de corriger : on ne dit pas une chanteuse où tu vas au concert ce soir.
C’est compliqué dans la tête du Grand Lièvre.
Il y a des ramifications que tu ne comprends pas. Que PERSONNE ne comprend. Des idées, des réflexions qui laissent à penser qu’il vient d’une autre planète. Et comme l’autre Petit Prince, celui de l’astéroïde B612, il y a aussi dans son cœur des voies lumineuses, évidentes, qui le relient à toi. Sans parler.
Ce matin, après que j’ai deviné, peut-être pour la première fois, la réponse à sa charade, il était heureux. Il a dit :
– Les chansons de Jeanne Cherhal, on dirait un peu comme des poésies. Tu trouves pas ?
Voilà. C’était lui, Lucien, mon poème de ce matin.
Le samedi matin, Papa Écureuil emmène la Petite Souris et le Marcass’ à la piscine.
On se retrouve tous les deux avec Lulu. On partage le secret des BDC, qui suit notre SDR.
BDC pour Buveurs De Café. Secret parce que chacun sait que le café n’est pas pour les enfants. Interdit.
Lu me prépare mon café à la machine et je lui prépare le sien avec les sticks de café instantané qu’il nous reste du voyage. Il l’aime comme ça. Il ajoute un morceau de sucre entier dans sa tasse, et parfois il réclame la moitié d’un autre à croquer comme ça.
Je dis oui, parce que c’est secret.
Je sais bien que le sucre c’est le mal, comme dirait ma copine Adeline, mais le mal c’est ce à quoi on s’expose quand on veut vivre pour de vrai.
En cadeau pour vous, cette chanson de Jeanne Cherhal que je découvre à l’instant, dans une sorte de fièvre de pré-concert de ce soir. Elle est tirée d’un ancien album que je ne connais pas celui-là, et qui s’appelle vous savez quoi ?
Charade.
Comme quoi. La vie c’est dingue.
Jeanne Cherhal, Plus rien ne me fera mal, Live au Bataclan 2010.
Jeanne Cherhal, Plus rien ne me fera mal, album « Charade », 2010.
Quand j’aurai tout navigué
Sur mon vaisseau fatigué
Que j’aurai rompu le mât
Sous le ciel trop bas
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai couru longtemps
Après dix mille printemps
Et soufflé, essoufflée
Sur les mèches allumées
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai mangé de tout
Quand j’aurai bu à genoux
Que je n’aurai plus faim
Plus rien ne me fera mal
Ne me fera mal.
Quand j’aurai pris tous les trains
Qui m’attendaient en chemin
Des papillons tout autour
Sous le ciel trop lourd
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai fait de mon ventre
Un royaume, un cœur, un centre
Et puisé, épuisée
Tout ce qui s’y trouvait
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai tant embrassé
Quand j’aurai tant caressé
Que je n’aurai plus faim
Plus rien ne me fera mal
Ne me fera mal
Ne me fera mal.
Simple et commun, n’est-ce pas
Que de penser à ça
Quand sous mes briques de chair
Il peut faire si froid.
Quand j’aurai démaquillé
Quand j’aurai déshabillé
Ce corps assagi de tout
Sous le ciel trop doux
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai coupé mes pages
En confettis de passage
Et livré, délivrée
Tout ce qui s’y cachait
Plus rien ne me fera mal.
Quand j’aurai tant désiré
Que je n’aurai plus faim
Plus rien ne me fera mal
Ne me fera mal
Ne me fera mal
Ne me fera mal
Ne me fera mal
Ne me fera mal.
Et pour encore plusse de Jeanne Cherhal sur ce blog :
Douze fois par an
http://letsgofishing.fr/2018/03/23/mes-regles-moi/
Femme debout
http://letsgofishing.fr/2019/09/13/la-b-o-des-newsletters-de-lets-go/
Quand c’est non c’est non
http://letsgofishing.fr/2018/10/25/smiling-and-warm-but-so-rude
Cinq ou six années
http://letsgofishing.fr/2021/05/01/le-choix-de-mai/
Et notre chanson préférée entre toutes, à Lulu et à moi :
http://letsgofishing.fr/2018/10/16/jai-faim/
Mais bon, celle-là c’est pas comme si vous ne l’aviez pas déjà devinée :
Sur le bitume accroché de clous
Dans un fracas de verre à minuit
Ou même d’un flot de lait de riz blanc…
* Note du 26 novembre 2019 *
La chanson qui commence par « Je veux être un champ de blé », titre que j’ai donné à cet article, s’appelle L’art d’aimer. Avec une autre qui s’appelle Soixante-neuf et qui porte merveilleusement son nom, elle est ma préférée du dernier album de Jeanne Cherhal, « L’An 40 », qui est sorti il y a juste deux mois. Mais elle ne l’a pas chantée au concert, je ne sais pas pourquoi. Peut-être que c’était trop d’émotion déjà, dans les autres choix.
Avec même une reprise espiègle de Dalida ! Qui est une chanson d’amour aussi. De l’amour fou de l’amour fort.
Dalida, Parle plus bas. (Je ne sais pas de quand date la vidéo.)
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Et vous, des secrets qui sont comme des poèmes à partager, vous en avez ?