Tout vivre

 

Là c’est wooo.
Je ne suis pas une groupie d’Eddy de Pretto. J’aime certaines de ses chansons, d’autres moins, je ne les connais pas toutes. Celle que je partage avec vous aujourd’hui, j’en ai découvert un petit bout toute seule à la radio, à peine le dernier quart entendu dans mon auto et qui m’a tellement saisie que j’en ai retenu trois phrases dans ma tête que je me suis répétées dix fois d’affilée pour pouvoir retrouver la chanson plus tard dans la barre de recherches de Google. Ensuite j’ai oublié, et quand je me suis rappelé ce que je devais chercher sur Internet, il s’était passé une semaine, et même un peu plusse. De l’extrait que je m’étais répété dans mon auto et que je vous reproduis ici, il ne me restait plus en mémoire que la première phrase :

Il faut tout vivre, tout vivre pour trouver des choses à dire
Faire des pauses et voir le vide
Ce qu’il me fait dans mon dedans

J’ai eu de la chance de la retrouver facilement parce que le titre de la chanson c’est : Tout vivre. Et elle m’a fracassée. Fra-cas-sée. Comme ces chansons que tu écoutes et tu as l’impression que c’est toi qui les as écrites quand, parfois, tu trouves les mots pour dire bien.
C’est la dernière du dernier album d’Eddy de Pretto, « À tous les bâtards », qui est sorti fin 2021. Je vous préviens, le mec a écrit son Demain c’est loin !

Wooo, voilà ce que ça fait. Enfin moi ça me fait wooo. Wooo wooo wooo. Mais c’est pas tout le monde apparemment. Quand je l’ai fait écouter à mon mari, il a dit :

– Oh tu sais, moi la poésie…

Hein ?? Mais là c’est pas la poésie, c’est la vie ! T’as tout dit Eddy, et même si t’écris plus rien après ça, tu peux dormir tranquille. On t’oubliera pas. Moi je t’oublierai pas. Et je me sens comme : j’ai plus rien à dire après toi. Mais ça va revenir.

 

Eddy de Pretto, Tout vivre, album « À tous les bâtards », 2021.

 

Eddy de Pretto, Tout vivre

 

Qu’est-ce que j’vais raconter ?
J’suis tous les soirs triste
J’suis censé raconter ma vie
Dire tout c’que j’ai dans mes tripes
C’est c’que tout l’monde aime, hein
Voir si l’herbe est plus ou moins verte, hein
Dans le jardin de nos peines, là
De nos cris à la dérive.

Alors j’vais tout te balancer
Comme à quelqu’un d’intime
J’pensais qu’tout allait changer
C’est pourtant les mêmes acides
Que je prends toujours en cachets
Pour oublier que mon temps mine
Rien n’a changé, j’te dis
C’est toujours les mêmes voix qui couinent
Toujours les mêmes excès
Et même si le beau temps arrive
Je me rends compte finalement que ce n’est pas la gloire qui prime.

Je me demande pour qui j’écris, pour quoi j’écris,
Et ça c’est tous les soirs
Je me regarde et je me dis :
Pourquoi c’besoin d’s’aimer si fort ?
Alors je force et je me bute à vivre des trucs de folie
Car quand on vit fort, on a l’sentiment d’être en vie
Et d’avoir des grandes choses à dire
Des choses qu’on n’dit pas à demi
Des choses qui demandent à grandir
Et qui mûrissent avec les rides.

Mais il presse le temps
Personne ne trouve de rimes
On court tous après du vent
Pour sûrement se prouver qu’on trime
Qu’on fait mieux qu’les autres
Pourtant, on est tous dans la même frime
Celle qu’on nomme avec un grand F
Se montrer qu’on est légitimes.

Je peux écrire des lignes, qui sont toutes les mêmes parfois
Il faut que j’aille chercher le but
Vivre tout fort avec mes tripes
Pour ça je dois prendre mon temps
Sortir du jeu à la va-vite
J’écris pas de poèmes, de chants,
En faisant un concours de bites.

Tout l’monde me dit : « Eddy, tu prends trop de temps aussi »
À croire que c’est à celui qui
Vivrait le plus rapide, qui écrirait le plus vite
Le plus fort, le plus souvent possible,
Avec sa grosse, grande, plume qui aurait tout l’mérite.

Mais je ne veux pas raconter n’imp’
J’attends que les bons mots pour que la vie s’ancre
J’veux être fier de moi, et dire des choses incr’
Et pour première fois laisser le temps vaincre.

Oh ! Donc je veux pas presser mon monde
Regarde, je vais prendre mon temps
Car quand on fait comme tout le monde
On devient bête et méchant
Moi j’voudrais jamais paraître bête
Faire des trucs pour combler l’blanc
J’espère dire des choses qui restent
Et accepter de perdre du temps.

Il faut tout vivre, tout vivre pour trouver des choses à dire
Faire des pauses et voir le vide
Ce qu’il me fait dans mon dedans
Trouver son propre rythme
Pas dire dix fois moins bien qu’avant
Je le f’rai jamais pour l’show-biz
Pour mes tourments y’m’faut du temps
Alors on s’pose et on se calme
On laisse les autres courir à vue
On met des pauses et on s’écrase
Un temps pour se remettre à nu
Je veux m’servir de cette tribune
Comme si c’était la toute dernière
J’préfère peser mes mots
Être sûr que j’dis pas plein de choses en l’air.

Alors tout vivre, tout vivre, aller fouiller dans le dedans
J’ferai pas de course au centimètre
J’attends juste de presser mon sang
Il y a des choses qui sortent lentement
J’préfère bien prendre mon temps
Souvent j’écris pour dire trop rien
Parfois j’trouve les mots pour dire bien.

C’est pour tout ça qu’j’ai hiberné
Pour tout ça qu’j’ai tout coupé
Que j’me suis pas affiché
À montrer mon ennui en vain
Pour tout ça qu’j’me suis cassé
Le plus loin que je pouvais
Pour venir chercher au plus près
Le plus fort de c’que j’avais.

Et maintenant me revoilà
Je remets mon cœur en vente
Je vous d’mande d’en prendre soin,
Au rayon des maux d’urgence
Et maintenant me revoilà
Avec le deuxième dans les bras
Faites bien des écoutes d’avance
Le troisième j’y arriverai p’têt’ pas…

 

Street art by Misstic, gros plan sur un morceau de fresque murale. (Dans une rue de Trouville, février 2020).

 

Wooo.

Après, si vous avez l’album entier, vous n’êtes pas obligés d’écouter QUE celle-là en boucle… Par exemple, si vous avez chez vous un Grand Lièvre de fraîchement 11 ans qui adore la première, vous pouvez l’inclure dans la boucle. Dans mon auto et sur l’ordi, ça se fait tout seul : quand la dernière de l’album se termine, elle s’enchaîne automatiquement avec la première. Ça fait que Lu et moi, depuis quinze jours on saoule tout le monde avec nos deux chansons d’Eddy, et comme là Lulu est parti en classe de découverte, je me sens bien seule avec ma musique…

Quand j’avais personne
Qu’une soif qui déborde
J’rêvais des tonnes
J’me voyais déjà en haut…
Et c’était beau
Début début début, beau !

(C’est un extrait des Bateaux-mouches, le premier titre du même album d’Eddy de Pretto.)

 

*****

 

Si rien dire c’est mentir, dire tout ce que t’as dans les tripes c’est quoi ?