The perfect mother

Planche extraite de la bande dessinée de Sophie Lambda, « Tant pis pour l’amour – Ou comment j’ai survécu à un manipulateur » (p.182), éd. Delcourt, 2019.

 

Il y a quinze jours, pendant ce long week-end ensoleillé de l’Ascension, j’ai fait l’inverse de l’ascension. J’ai fait la déscension. Je te jure. Avec un D comme Dégringolade. Ou : j’ai fait de la D, comme disent les ados chez moi entre deux portes où ils s’enclenchent se démarrent se cherchent et s’insultent.

De la grosse D même, si je veux être honnête avec vous. Une crise de dépression sévère, déclenchée par je ne sais même plus quel(s) enfant(s) exactement, sans doute un peu les trois, et ça a duré trois jours pleins avec des répliques du séisme les jours d’après. Je pense que je ne m’étais pas sentie aussi mal depuis au moins deux ans. Comme ça, sans prévenir, à partir de mots et d’attitudes d’enfants qui ne reflétaient rien de plus que ce à quoi s’attendre de la part d’enfants élevés dans notre société consumériste, dans le cocon d’une sécurité matérielle et affective. Mais ça m’a fait péter les plombs, tu peux pas savoir.

Ça m’a minée.

La violence de cette colère que j’ai ressentie à l’intérieur. La rage, le désespoir. Devant moi se riaient mes ennemis et n’avais-je donc tant vécu que pour cette infamie, enfin voyez la grande scène de théâtre que je me suis jouée.
Mon monde était devenu tout rouge, comme dans le magicien des couleurs.

 

Double page extraite du « Magicien des couleurs », d’Arnold Lobel, éd. L’École des loisirs.

 

Je savais bien au loin qu’il devait exister d’autres couleurs mais je ne les voyais plus, vraiment, je ne pouvais plus les voir. Je n’avais plus accès à aucun des outils de coaching qui m’aident d’habitude à regarder les choses autrement et à faire un pas de côté parce qu’en vrai : je ne voulais pas regarder les choses autrement. Je ne voulais pas faire un pas de côté. Je voulais rien. Pas lire, pas écrire, même pas courir. Je ne voulais pas appeler une amie dans les bras de qui j’aurais pu pleurer tout ce que j’avais besoin de pleurer, je ne voulais pas être consolée, ni réconfortée, ni même soutenue, parce que je ne voulais pas me sentir mieux.
Je. Ne. Voulais. Pas. Me. Sentir. Mieux.

Je voulais rester EN COLÈRE.

 

Alors aujourd’hui, en ce jour spécial de l’année où on fête les mamans – qui peuvent bien frotter leur gueule par terre le reste du temps et tout le monde s’en bat les reins – je fais une pause parmi les articles d’enfants pour me célébrer, pour VOUS célébrer.

Des fois vous en pouvez up, vous pensez que vous n’êtes pas faite pour ça, que franchement vous ne savez pas comment font les autres, ou bien encore que, devenir mère, on vous l’a survendu. Qu’on ne vous a pas tout dit. Voire qu’on vous a menti. Et le pire du pire, c’est comme l’histoire du Père-Noël, c’est qu’il y a fort à parier pour que vous vous surpreniez vous-même en train de mentir, à votre tour, à vos enfants (et à la face du monde) comme quoi être mère est un bonheur de chaque jour.

 

The Perfect Mother, SNL, mai 2019.

 

That’s because every moment was a joy.

T’as raison, ouais. Bullshit. Y’a rien qui est un bonheur de chaque jour sans qu’on n’ait rien à faire. Surtout pas élever des enfants putain ! Un cochon peut-être, à la limite, parce qu’un cochon c’est vraiment mignon  😍
Mais des enfants, haha (ha), sûrement pas.

Alors mon message pour vous, c’est que c’est NORMAL de galérer. Et de craquer.
C’est normal que vous en pouvez up parce que c’est hyper dur d’être sollicitée en permanence.
C’est normal que des fois vous ayez envie de tout plaquer parce que vous crevez du manque de temps et d’espace en vous.
Bravo de ne pas le faire (tout plaquer). De tenir.
Bravo de douter, de vous interroger et d’essayer toujours de faire mieux.
Bravo de vous donner ce dont vous avez besoin pour, parfois, vous faire passer en priorité. De plus en plus.

Vous valez mieux que cette putain de perfect mother de papier glacé.

 

Vous êtes une warrior.

 

Ta gueule, Mafalda.

 

You are doing an amazing job (even when you think you don’t).
Eh ouais.

 

*****

 

Et si vous me laissiez un commentaire pour me dire que, vous aussi, des fois, vous avez envie de vous barrer, je sais pas où mais, vous barrer ?
Au-delà de la chance qu’on sait qu’on a, bien sûr, d’avoir des enfants ingrats et donc, en parfaite santé mentale ?