Le dimanche en famille

Photo : Vue sur Paris depuis le parvis du Sacré-Cœur à Montmartre (février 2020).
C’était pas dimanche, c’était vendredi dernier. Lisez, vous saurez.

 

Quand tu as des enfants, tu passes pas le week-end tranquille à la maison. Enfin tu peux, d’ailleurs ils le réclament, passer tout le week-end en pyjama sans sortir, mais t’es pas tranquille quoi.
Surtout s’ils sont en surdose de sucre parce qu’ils ont mangé du granola industriel au petit-déjeuner, à un moment il faut VRAIMENT qu’ils sortent. Ne serait-ce que pour toi, pour pas péter un câble.

Donc tu fais le job. ON fait le job.
On part à cinq en sortie vélo sur les chemins. Avec les casques et tout, comme quoi les temps changent. Tu roules pas vite, parce qu’il faut que les babi suivent, donc t’as froid, et même comme ça, tu t’arrêtes toutes les cinq minutes pour les attendre. Donc t’as encore plus froid, c’est pas du tout comme quand tu cours.
Bref, le genre de vélo que j’aime.

À un moment, je profite de la fin d’un énième arrêt d’attente dans le froid pour embrasser Papa Écureuil qui roule encore plus lentement que moi parce que c’est lui qui ferme la marche. Derrière le Marcass’ (6 ans). La place que je ne veux surtout pas prendre.
Je l’embrasse pour dire : merci de prendre cette place. Merci de ne pas m’en vouloir parce que je suis méga saoulée de faire la balade du dimanche en millefa. Merci d’en rire. Merci de me montrer que je ne suis pas toute seule, toi et moi on joue dans la même équipe.

C’est alors que j’entends :
– Nan mais maman, le love tu peux le faire à la maison, on y va là !

Le Grand Lièvre (8 ans).

 

Le Marcass’ et le Grand Lièvre avec Papa Écureuil, dans le Transilien de la ligne H vendredi pour Paris. Le regard que Mickaël me tend quand je prends la photo, c’est exactement le même que pendant la sortie vélo le dimanche en famille. C’est celui qui dit : allez, viens ! On est bien !

 

Ce manque d’intimité les jours de week-end, ça me tue.
Le dimanche me tue.
Heureusement qu’il y a pas l’éternel gigot les haricots et qu’on va pas au square voir les cygnes.
(Pardon mais moi aussi depuis que j’ai trouvé le titre de mon article, je l’ai dans la tête à fond.)

Est-ce que ça vous fait ça, vous aussi, le dimanche ?
En milieu d’après-midi, y’a comme un truc qui s’effondre en vous et qui répand une poche d’encre noire partout à l’intérieur.

Les autres jours, c’est pas pareil. Même quand c’est des autres jours qui pourraient ressembler au dimanche parce qu’on ne travaille pas, par exemple le samedi, ou les jours fériés, ou, encore mieux, les jours airtététisés ou posés à l’arrache en semaine, volés presque.

Vendredi dernier, Mickaël a posé sa journée et on l’a passée à Paris tous les cinq. Puisque c’était encore les vacances de février. On a couru jusqu’à la gare alors qu’en fait on avait le temps, on a acheté des billets, on a pris le train, et en sortant on a d’abord cherché un café pour aller aux toilettes (et boire un café). Puis on a marché jusqu’à Montmartre et on s’est baladés là, entre Montmartre et Pigalle. Entre le Sacré-Cœur et les boutiques qui vendent des tabliers à bites en plastique.

On n’a rien fait de spécial, on était juste dehors à marcher, discuter, s’arrêter pour manger. On n’est même pas restés si longtemps que ça parce que le soir on avait des amis qui venaient dîner à la maison et qu’il fallait quand même préparer. Mais c’était super.

C’était pas du tout comme faire ça un dimanche – et je sais pas pourquoi.

 

À Paris, en descendant de Montmartre vers Pigalle (enfin d’abord direction les Abbesses où j’ai rendez-vous avec l’homme que l’on nomme Joey). J’ai aimé l’hommage rendu à ces deux femmes qui n’ont jamais cessé d’aimer (des hommes qui toujours leur échappaient).

 

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la Petite Souris. Elle a 11 ans.
Il y a pile un an, j’avais osé publier cet article sur elle.

C’est un truisme mais le voyage lui a fait gagner en maturité encore. Déjà que. En distance, en intelligence, en humour. Elle est très sensible mais elle sait se moquer d’elle-même : c’est une qualité rare, qui compte beaucoup à mes yeux.

Dimanche toujours, ce même dimanche d’avant-hier dont j’ai commencé à vous parler avec la sortie vélo, après le déjeuner, Papa Écureuil et moi nous apprêtons très clairement à prendre un café. Les garçons sont déjà descendus dans leur chambre jouer à je-sais-pas-quoi et Garance nous demande :

– Vous allez faire quoi là ?
– Ben on va faire l’amour là.
(C’est sorti tout seul, je l’ai pas senti venir.)

– Ah… Bon bah je vous laisse alors. À plus tard.

Et clac elle est partie.

Ça va, c’était une blague, on n’allait pas… là sur la table de la cuisine même pas encore débarrassée de l’éternel gigot les haricots du dhal épinards et lentilles corail. Avec force gingembre et curcuma frais. Et poivre.
C’était une blague et la Petite Souris a bien compris. Elle a répondu très naturellement, sur le même ton que le mien, et c’était drôle. Sur le moment, c’était vraiment drôle. La façon dont elle semble avoir jeté l’éponge entre son rêve d’une famille normale et la réalité que c’est de vivre avec nous.

 

Avec la Petite Souris, le matin de notre vendredi à Paris. C’était à l’aller, j’étais pas encore tout à fait présente. Après j’ai rangé mon portable dans mon sac et c’était mieux. Je suis pas une machine. Mon blouson non plus. Il vit dans l’instant, il supporte mal le téléphone.

 

Je ne crois pas qu’elle soit déçue.
Elle est trop sage, trop raisonnable pour être déçue. Elle.
Elle dit qu’il y a des choses qu’elle préfèrerait « plusse comme dans les autres familles tu vois ». Mais qu’elle aime comme on est aussi. Décalés.

Aujourd’hui elle a choisi de passer la journée seule avec sa grand-mère qu’elle aime d’amour, et ce soir je lui prépare un dîner d’anniversaire avec ce qu’elle aime aussi. Des ravioles, des blettes, et une tarte aux poires amandine. Avec une pâte sablée au beurre salé épaisse mais pas trop cuite.
Un cadeau, et peut-être même des bougies si j’arrive à les faire tenir sur la tarte.

Comme dans les autres familles, tu vois.

 

La Petite Souris devant le Sacré-Cœur, à Paris. Les garçons sautillent avec Papa Écureuil et nous on marche toutes les deux devant ou derrière en se tenant par le bras. Confidence après confidence, il y a comme un goût du voyage…

 

*****

 

Et vous, le long des longs dimanches agonisants, dans quelle tour trouvez-vous refuge ?