Photo : Ma joie d’octobre 2025. Avant que novembre ne vienne tout prendre.
Ce mois-ci j’ai beaucoup lu, et aussi beaucoup écouté de podcasts (= j’ai beaucoup marché, beaucoup roulé seule en auto, beaucoup cuisiné et beaucoup étendu de lessives).
J’ai appris le sigle DNF qui n’était pas expliqué, comme si tout le monde le connaissait.
C’était dans le chapô d’un épisode du podcast « Dans la tête d’un coureur » – que je n’ai pas écouté parce que je ne supporte pas la voix de Guillaume Centracchio, comme vous le savez depuis cet article.
Je n’écoute pas les voix qui m’insupportent (#CarlaBruniTais-Toi), mais je lis les descriptifs d’épisodes, surtout quand j’y vois un mot, une notion que je ne connais pas. Après, bah je fais des recherches. Pour apprendre.
DNF.
Did Not Finish.
Mais peut-être que vous faites du trail et que vous le connaissiez, vous ?
Pire, peut-être que vous ne faites pas de trail et que vous le connaissiez quand même ?
Peut-être que TOUT LE MONDE le connaît.
Pffff.
Celles et ceux qui ne sont pas TOUT LE MONDE et qui, en lisant DNF, ont froncé les sourcils pensant que j’avais fait une faute de frappe pour écrire BnF, dites-le-moi dans les commentaires.
Soyez solidaires s’il vous plaît, et je vous dirai ce qu’est une villanelle – ou un marley.

La chanson
→ Kery James, Avec le cœur et la raison, album « Réel », 2009
Dans mes articles et mes newsletters, je tâche de m’en tenir aux sujets que je maîtrise. Pour les autres sujets, avant de parler, d’abord me documenter. Écouter. Chercher et croiser les sources d’information. Ça ne fait pas de moi une experte, mais au bout d’un moment les gens, juste en temps qu’être humain je peux pas ne pas me positionner. Ni aveugle, ni sourde, je ne serai pas muette.
Se taire c’est parfois cautionner la violence et le non droit
Je ne serai pas complice du silence
Parce qu’à Gaza, il y a bien un occupant et un occupé, il y a bien un oppresseur et un opprimé.
Il y a bien un occupant et un occupé
Il y a bien un oppresseur et un opprimé
Le renier c’est tenter d’effacer l’Histoire
Et effacer l’Histoire c’est refuser qu’on la répare
On en parle de la puissance de ce texte écrit par Kery James en 2009 ?

On va dire que j’écoute du rap de daronnes. Je le sais, ça m’a été dit par la Petite Souris, née au printemps 2009 au moment où est sortie cette chanson, pas plus tard que le mois dernier.
Et ?
Est-ce qu’on peut écouter du rap de daronnes et pleurer, seize ans plus tard, de comment encore il résonne ?
Il ne s’agit pas de deux forces égales qui s’affrontent
Les médias parlent de guerre quelle honte
Quelle honte. Quel crime.
J’peux pas me désolidariser
Juste en temps qu’être humain je peux pas ne pas me positionner
C’est un appel à partager leurs peines
Mais les ignorants diront que c’est un appel à la haine
On ne nourrit pas l’injustice en la dénonçant mais en la taisant
Quoi qu’ils disent j’écris avec le cœur et la raison
Kery James, Avec le cœur et la raison, album « Réel », 2009.
Le film
→ Muganga, de Marie-Hélène Roux, 2025
Alors là vous allez dire : ouaaais je saaais, t’es allée voir le film juste pour Vincent Macaigne !
Eh bien non, figurez-vous. Pas que.
Je suis allée voir le film pour apprendre.
Pour ne pas fermer les yeux sur ce qu’il est horrible de voir, pour ne pas pouvoir faire semblant de ne pas savoir.
Muganga, en swahili, ça veut dire « celui qui soigne ».
Le film n’est pas un documentaire mais une fiction inspirée par la vie réelle du vrai docteur Denis Mukwege, gynécologue congolais et lauréat du Prix Nobel de la Paix 2018, qui soigne et répare depuis trente ans des milliers de femmes victimes de viols et de mutilations sexuelles.
Le Dr. Mukwege a créé et dirige l’hôpital Panzi, situé à Bukavu dans la province du Sud-Kivu (à proximité de la frontière rwandaise) en République démocratique du Congo.

Évidemment le viol utilisé comme arme de guerre, c’est pas nouveau ; un moyen efficace de briser les femmes pour humilier les hommes de la partie adverse. Il y a du viol dans toutes les guerres – dans toutes les paix aussi.
Ce que le film montre est tellement insoutenable que, dans l’obscurité de la salle de cinéma, une pensée dérangeante s’est mise à flotter de plus en plus nettement dans mon esprit : il y a des degrés dans le viol. Les viols que j’ai vécus personnellement petite, puis adulte, ne sont pas ceux que j’ai vus dans le film.
Il y a des degrés d’atrocité dans le viol.
Quand c’est même plus une bite qu’on enfonce dans ton vagin, mais un bâton, un couteau, une machette. Devant les yeux de tes enfants.
Quand on force deux fils à violer successivement leur propre mère.
De l’horreur comme ça jusqu’à la nausée, et encore après. Sans limite, sans fin, sans que l’ONU ne fasse rien.
Moi je ne savais pas ce qu’il se passe, et continue de se passer au moment où j’écris cet article, dans l’est de la République démocratique du Congo. Maintenant je sais.

La série
→ Killing Eve
Une série créée par Phoebe Waller-Bridge, sortie en 2018.
Quand tu es encore très secouée, deux jours après Muganga, et que tu as besoin de t’évader mais qu’il n’y a plus aucune série qui te branche parce que, ce que tu voudrais vraiment c’est Fleabag et que Fleabag c’est fini, qu’est-ce que tu fais ?
Tu tapes Phoebe Waller-Bridge sur Netflix… et tu tombes sur Killing Eve !
Une série créée par Phoebe Waller-Bridge en 2018 qui vient d’être remise au catalogue Netflix.
Un truc de zinzin.
Genre tu t’aperçois à la fin de la saison 1 que tu es restée en apnée tout le long.
Et tu avales les deux saisons suivantes sans reprendre ta respiration.
C’est haletant, drôle, extrêmement bien joué, et vous reconnaîtrez dès le premier épisode l’humour jubilatoire et si singulier de Phoebe Waller-Bridge (qui est aussi la scénariste de la saison 1).
J’ai adoré.
Entre les complications autour de la vente de ma maison et le quotidien avec mes ados (j’ai des ados qui jouent à la perfection leur rôle d’ados, vraiment, c’est bluffant), regarder chaque soir un épisode de Killing Eve avec mon mari est le meilleur moment de ma journée.
Les deux actrices principales, Jodie Comer et Sandra Oh, sont incroyables, de même que Fiona Shaw qui interprète Carolyn, que Mickaël aime beaucoup – comme Sophie.
Et tous les soirs je dis : c’est fou comme Villanelle ressemble à ma nièce, Giulia.

Quand vous aurez vu la série, revenez me dire dans les commentaires ce que vous en avez pensé, ça m’intéresse !
Ah oui, et pour villanelle (sans capitale), apprenez que la villanelle est un petit poème pastoral d’origine française, de forme fixe divisée en couplets qui finissent par le même vers – comme un refrain.
Exemple classique : « Villanelle », de Jean Passerat (vers 1600).
J’ai perdu ma tourterelle :
Est-ce point celle que j’oy ?
Je veux aller après elle.
Tu regrettes ta femelle,
Hélas ! aussi fais-je moi ;
J’ai perdu ma tourterelle.
Si ton amour est fidèle,
Aussi est ferme ma foi ;
Je veux aller après elle.
Ta plainte se renouvelle,
Toujours plaindre je me doi ;
J’ai perdu ma tourterelle.
En ne voyant plus la belle
Plus rien de beau je ne voi ;
Je veux aller après elle.
Mort, que tant de fois j’appelle,
Prends ce qui se donne à toi :
J’ai perdu ma tourterelle,
Je veux aller après elle.
J’ai trouvé ça super naze, mais apparemment il existe peu d’autres villanelles françaises célèbres car la forme a surtout été reprise et perfectionnée par des poètes anglais (notamment Dylan Thomas ou W. H. Auden).
Enfin peu importe. Ma préoccupation c’est plutôt que j’arrive à la dernière saison. Et je ne veux pas aller trop vite, j’ai peur d’être dans le mal quand ce sera fini. Comme après Fleabag.

Le podcast
→ Podcast Renverser la table : Pourquoi je suis obsédée par le rangement
https://www.radio.fr/podcast/renverser-la-table2
Cet épisode du 1er octobre 2025 est venu me chercher car le désencombrement c’est ma quête.
Je tends à moins, de plus en plus je tends à moins, parce que le trop m’angoisse. Les choses me pèsent, je rêve de tout balayer, tout tout tout, et en même temps, au moment de le faire, je suis comme retenue par des liens invisibles qui m’oppressent. La tourniquette à faire la vinaigrette, le ratatine-ordures et le coupe-friture.
Il y a des gens qui vivent très bien avec – un coupe-friture c’est tout de même bien pratique.
Moi ça m’oppresse parce que j’ai ce sentiment très fort que plus on a de choses, plus on passe de temps physique à s’en occuper (ranger, trier, nettoyer). Plus on passe de temps physique à s’en occuper, plus elles prennent de l’espace mental dans nos têtes. Plus elles prennent de l’espace mental dans nos têtes, plus on disparaît derrière elles.
Comme dans Les Choses, de Perec, tu vois.
Sylvie et Jérôme, tu te rappelles ?
La dissolution de l’être dans les choses.
C’est pour ça que cinq serviettes de toilette dans ma maison où on vit à cinq, ça m’allait bien. (Je parle au passé parce que, très récemment, on m’en a donné d’autres. La Petite Souris qui a 16 ans trouve qu’on n’a RIEN. Que « c’est la honte quand y’a quelqu’un·e qui vient ».)
Mais avant très récemment, pendant dix ans on a utilisé quatre serviettes de toilette pour cinq, et on en gardait une propre pour « quelqu’un·e qui vient ». Moi je trouvais que c’était bien.

Bon, les serviettes de toilette c’est juste un exemple. Je vous avais écrit tout un texte hyper intéressant sur l’accumulation des choses et la société capitaliste dans la partie « Notes » de mon téléphone et je l’ai perdu stupidement en faisant un copier-coller dans les brouillons de ma boîte Gmail sur mon téléphone qui n’a pas fonctionné. Quand j’ai ouvert ensuite ma boîte Gmail sur mon ordi pour récupérer mon texte hyper intéressant et l’insérer dans le document Word de cet article, il n’y avait plus rien.
J’étais dég’. Ça m’a fâchée parce que ce n’est pas la première fois que ça m’arrive et on dirait que je n’ai toujours pas tiré la leçon.
J’ai appelé ChatGPT à mon secours – comme j’ai pris le réflexe de le faire pour mes problèmes informatiques – et walou j’ai rien retrouvé du tout. Ce crétin de ChatGPT m’a assommée d’un :
Malheureusement parfois ce qui est perdu est perdu.
Mais ta gueule toi ! D’où tu me dis « malheureusement » alors que t’es qu’une machine ??
Comme quoi, pour les trucs vraiment importants, ChatGPT peut pas t’aider.
Bon après, la vie continue. Tu écoutes d’autres podcasts, tu vas à la muscu, tu prépares une soupe à l’oignon. La vie quoi.

Pour en revenir au podcast du mois, depuis que Victoire Tuaillon a quitté Les Couilles sur la table (à cause d’une embrouille avec Joël Ronez, le patron de Binge Audio), elle a créé deux nouveaux podcasts :
-
- Renverser la table, dont je vous parle ce mois-ci ;
- Et parfois on gagne, que je vous recommande aussi. Surtout à celles et ceux que je sais nombreux·ses parmi vous à apprécier les podcasts d’Histoire.
Et elle a gardé sa frange. Victoire. J’adore la frange de Victoire Tuaillon. Mais bon, on va pas revenir là-dessus. J’ADOOOORE LES FRANGES !
D’ailleurs, je vous avais raconté ou pas que l’année dernière, après une soirée de débats militants féministes au resto-bar À la Folie à La Villette, j’ai partagé le dancefloor avec elle, Victoire ? Et j’ai même pas osé aller lui parler 🙈
On a dansé à deux pas l’une de l’autre sur le marley. (Marley, vous chercherez hein ! Je vous ai déjà expliqué ce qu’est une villanelle, ça va, je suis pas non plus un dictionnaire en ligne.)

J’espère qu’en cliquant sur l’image, vous écouterez aussi le dernier épisode de Renverser la table : « Comment résister sans se décourager, avec Salomé Saqué (15 octobre 2025) ».
Mais c’est la meuf de Blast ! Bien vu Lulu, c’est la meuf de Blast.
Dans cet épisode, Salomé Saqué cite quelques passages d’Indignez-vous !, le court essai de Stéphane Hessel publié en 2010, qui a eu un grand retentissement médiatique. J’ai retenu :
« Israël n’est pas au-delà du droit international. »
Ne devrait pas. Voilà.
On en revient au texte de 2009 de Kery James au début de cet article. Avec le cœur et la raison.

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Et vous, que vous a apporté octobre ?





