Pastille sexe #6 : L’espoir du changement

Illustration de Diglee dans « Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux » (p.42).

 

Tout l’été, je vous propose ce que j’ai appelé des « pastilles sexe », comme un peu le pratiquaient les magazines féminins à une époque où je faisais les spécial tests sur la plage. Je ne sais pas pourquoi dans ce type de magazines les dossiers sexualité c’est toujours l’été, à croire que dès la rentrée tu poses à toi et à ton mari (ta femme) une ceinture anesthésiante, et allez salut, on se revoit en avril !
Enfin, je vais pas commencer à m’énerver…

L’idée de mes pastilles sexe, c’est de proposer une piste de réflexion à partir de ce que je lis et entends sur les rapports hommes / femmes et les relations amoureuses hétérosexuelles. Le tout dans un article court – d’où la pastille – avec le présupposé que personne l’été n’a envie de passer du temps seul(e) sur son ordi mais que ce sont d’excellents sujets à discuter entre amis. Et avant tout en couple, bien sûr.

Je sais qu’il y a aussi des préados qui aiment me lire – coucou les filles, je vous fais un cœur avec les mains ♥ – donc je précise que ces pastilles sexe de l’été ne nécessitent pas de contrôle parental comme sur Snapchat et qu’elles peuvent tout à fait être lues et discutées avec des préados. Voire avec des enfants comme chez nous, je me souviens très bien d’une conversation sur le porno l’été dernier en Grèce avec mes enfants qui avaient alors 7, 9 et 11 ans… mais évidemment ça dépend si vous êtes à l’aise sur ces sujets ou pas.  😉

Lisez, réfléchissez, discutez-en à plusieurs et interrogez-vous : c’est comme ça qu’on fait avancer nos représentations !

 

 

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Pour cette sixième et dernière pastille, j’ai choisi une planche de l’illustratrice Diglee, tirée du recueil de lettres d’Ovidie que j’ai sucé comme des pastilles cet été : Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux (2020).
Elle accompagne la « lettre à celui qui ferme boutique après avoir éjaculé ».

« La génération à venir est beaucoup plus porteuse d’espoir que ce vieux monde qui ne veut toujours pas céder quelques parcelles de privilèges. Celles et ceux qui sont actuellement à l’aube de leur sexualité sauront sans doute mieux réinventer les relations amoureuses. » (p.117)

Pensez-y ! Partagez aussi, parlez-en, ça vous changera du covid…

 

Précision : ce dessin en tête d’article ne représente pas mon idéal sexuel, loin de moi l’idée d’abandonner un homme insatisfait sur l’oreiller ! Mais l’illustration est tellement décalée qu’elle m’a fait rire, et je trouve qu’elle montre aussi le début d’un changement de paradigme. Pourquoi pas ? Une façon pour les hommes d’intégrer que, faire passer le plaisir de l’autre avant le sien c’est lui montrer de l’amour, et que, dans cet amour-là, s’endormir frustré de temps en temps, ben c’est pas si grave, n’est-ce pas ? Peut-être ce sera encore meilleur le lendemain…

Mon ami (et grand philosophe) Arnaud V. m’a dit cet été sur une plage de la mer Égée :

Pas de plaisir sans frustration !

L’été dernier sur cette même plage, il m’avait dit :

La frustration tu sais, c’est l’école du bonheur…

 

Et si ça devenait : « Je veux qu’elle se sente bien » ? (Dessin tiré du roman (bio)graphique de Léonie Bischoff : Anaïs Nin, Sur la mer des mensonges (p.141).

 

Et puisque depuis mon article Le cœur (et les couilles) sur la table, je rattrape les épisodes des Couilles que j’ai loupés, cette semaine je vous recommande particulièrement l’épisode 39 : « Pénétrer ».

Victoire Tuaillon rappelle d’abord que si la pénétration vaginale est un moyen très efficace d’atteindre l’orgasme pour les hommes (ils y parviennent 9 fois sur 10), c’est seulement 26% des cas pour les femmes. Ça calme quand même. Enfin je trouve. Si j’étais un homme. (Haha ah ouh… mais je ne le suis pas.)

À partir de là, on peut légitimement se demander pourquoi la pénétration vaginale est-elle tellement la norme dans les rapports hétérosexuels, et pourquoi les autres pratiques sont-elles reléguées au rang de « préliminaires ». Pourquoi elles ne sont que des « à-côtés ». Pourquoi la pénétration est LE BUT ULTIME de l’acte sexuel, ce qui le définit, ce qui le caractérise. Et bien sûr, en quoi cette norme perpétue les schémas de domination masculine car que se passerait-il si c’était l’inverse, si c’étaient les hommes qui n’atteignaient l’orgasme par la pénétration vaginale que dans 26% des cas ? Est-ce que ça ne ferait pas tout sauter ?

L’invité de Victoire Tuaillon pour cet épisode est l’écrivain Martin Page, dont l’essai Au-delà de la pénétration est paru en 2019. Je ne l’ai pas lu mais j’ai aimé l’humilité avec laquelle il aborde le véganisme dans son livre précédent (Les animaux ne sont pas comestibles), et surtout j’avais adoré son premier roman au Dilettante il y a vingt ans (Comment je suis devenu stupide) !
Ici, Martin Page suggère :

« C’est à nous les mecs, de poser des questions, d’être attentifs aux signes, de prendre le temps de discuter avec notre partenaire et d’accepter aussi d’avoir, dans un premier temps, un plaisir moins évident et facile. Pour nous le plaisir évident et facile, c’est la pénétration-éjaculation. Et c’est à nous de renoncer et de se dire : ben tiens cette fois, peut-être qu’il n’y aura pas de pénétration. Peut-être même qu’il n’y aura pas d’éjaculation, mais on s’en fout, voilà, on apprend […] et tant mieux si ça permet au plaisir de notre partenaire d’être plein et d’être comblé. »

 

C’est donc sur cette dernière piste de réflexion que je vous laisse à vos préparatifs de rentrée, avec une autre grande phrase de mon pote Arnaud à méditer, une de mes préférées :

Faut pas s’interdire des trucs juste parce que ça n’a jamais été fait.

Think about it. Et comme y’a pas que le sexe dans la vie, vous pouvez vous le dire pour tout. Libérez-vous !

 

 

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Références

Ovidie et Diglee, Baiser après #MeToo – Lettres à nos amants foireux, éd. Marabulles, 2020.

Podcast Les couilles sur la table, épisode 39 : Pénétrer
https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/penetrer/

Martin Page, Au-delà de la pénétration, éd. Monstrograph, 2019.

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Précédemment
Pastille sexe #5 : Ce que c’est qu’être sexy

 

Et vous, la frustration ça vous fait quoi ?

Pensez-vous que l’on vive actuellement une période de grands changements dans les relations hommes / femmes ?