Sumimasen

Photo : Premier jour à Tokyo, dans la rue qui mène au sanctuaire bouddhiste Senso-ji (Japon, mai 2019).

 

Je profite d’une après-midi où Papa Écureuil emmène les babi au Musée de l’Espace de Hong Kong pour reprendre mon ébauche d’article sur comment les hommes (et les femmes) vivent au Japon. Je voudrais essayer de donner une forme lisible aux vingtaines dizaines de petits bouts de papier griffonnés tout au long de nos cinq semaines au Japon…

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent… au Japon ?

ΞΞΞΞΞ

 

Sumimasen veut dire pardon, excusez-moi, je suis désolé(e). Les Japonais l’utilisent énormément. À tel point que c’est probablement le mot que j’ai le plus entendu pendant notre voyage là-bas… Avec arigatoo gozaimasu, merci beaucoup.
D’ailleurs, on peut aussi employer sumimasen pour dire merci. On me répond même sumimasen à la réception de l’hôtel la nuit, quand je reviens de fumer une cigarette et que je salue une dernière fois en disant konbanwa.

C’est surprenant pour nous, Occidentaux. C’est même difficile à comprendre, cette façon de s’excuser en permanence !

L’explication que j’ai trouvée – qui m’est tout à fait personnelle et ne repose sur rien d’autre que ce que j’ai empiriquement observé, au quotidien, des interactions autour de moi et de mes propres rapports avec les Japonais – se situe à la jonction de trois principes fondamentaux dans la culture japonaise : le respect de l’autre, l’attention à ne pas le blesser, et l’humilité comme valeur centrale.

Surtout, rester humble. Ne pas avoir l’outrecuidance de. Dans le doute s’abstenir.
Donc on s’excuse sans cesse, on s’incline, on s’efface.
Voire, on gribouille.

 

Statue en pierre qui m’a émue, en attitude d’humilité, au Temple Ruriko-ji de Yamaguchi.

 

Avant de débarquer au Japon, nombre de mes idées préconçues sur le pays concernaient ses habitants. Froids, rigides, conformistes, et autres attributs péjoratifs du même acabit.

Si je pensais « Japonais », ce qui me venait immédiatement à l’esprit, c’est : People are strange when you’re a stranger.
(« Strange Days », c’est l’album des Doors que j’ai le plus écouté dans mes années lycée. C’était avant le love du Live at Hollywood…)

Je me trompais complètement. Peut-être que c’est moi qui suis strange. Mais ce n’est pas la première fois, ça va, je peux encaisser ça.

 

Piste audio : The Doors, People are strange, album « Strange Days », 1967.

 
Règle n°1 : la politesse (et le civisme en général)

Oui, au Japon les gens sont polis, et ça fait du bien. Ce respect d’autrui qui commence par bonjour, s’il vous plaît, merci. Les mots magiques que l’on répète sans cesse à nos babi jusqu’à ce qu’ils soient acquis pour la vie. Néanmoins, je ne peux pas m’empêcher de constater et de dire ici que les enfants qui maîtrisent l’usage de ces petits mots sont de plus en plus rares. Qu’à l’inverse sont de plus en plus nombreux ceux qui tutoient sans distinction tous les adultes qu’ils rencontrent, les parents de leurs copains comme un employeur potentiel ou Tata Jeanine.

Je sais que j’ai l’air d’une vieille rombière de dire ça mais je le pensais déjà quand j’avais quinze ans. J’étais peut-être déjà une vieille rombière. Ou bien c’est mon côté japonais que j’ignorais.
Car au Japon, ce n’est pas comme chez nous, voyez-vous.

Les écoliers que l’on croise, à Hiroshima, à Nagasaki, sont tous extrêmement polis.

Même en groupe, au collège, même sans prof – et donc en force – ils sont tous polis et courtois. Timides parfois. Ils commencent par s’excuser de t’importuner et te demandent l’autorisation de te poser quelques questions en anglais.
Excuse me sir, thank you very much, have a nice day.

 

Parc du Mémorial de la Paix, à Hiroshima. Par groupes de dix, des écoliers nous abordent les uns après les autres pour nous poser des questions en rapport avec leur travail à rendre pour la classe.

 

J’ai vraiment aimé cette politesse qui va à contre-courant de ce que l’on observe de plus en plus sur les réseaux sociaux. Je ne vais pas ouvrir un débat là-dessus, surtout que je ne les fréquente pas : je n’ai pas de compte Facebook, Twitter ou Instagram, donc je n’ai aucune légitimité pour en parler. Mais ce que j’en entends, les incivilités, la lâcheté de quelques phrases mesquines (et pleines de fautes) balancées depuis derrière son écran, suffit amplement à me faire une opinion.

Connaissez-vous cette vidéo de Florence Porcel qui s’appelle « T’as un tic à l’œil » ?
Au cas où vous ne l’ayez jamais vue, je vous la mets ici en lien parce que je l’aime bien. Je vous préviens, elle est vénère ! Mais moi aussi je suis vénère donc ça me plaît.  😉

Je n’ai jamais été insultée sur mon blog. Probablement parce qu’il est peu lu et très peu commenté, je suis moins exposée que sur une vidéo. Ou bien parce que mes lecteurs sont exceptionnels !

Mais on n’a pas besoin de vivre l’expérience pour comprendre ce dont elle parle, me semble-t-il. Il suffit d’aller au bout de sa vidéo et de lire la bêtise et la méchanceté de crétins incapables de réfléchir à la portée de leurs actes (et de construire une phrase correcte).
T’as conscience que derrière l’écran, il y a une personne ??

 

 

Bref. Je m’enflamme là, mais c’est pour dire que la politesse, ne serait-ce que bonjour, s’il vous plaît, merci, c’est juste un début pour pouvoir vivre ensemble à peu près correctement.
Au Japon, la politesse est une évidence, une base solide sur laquelle s’appuie le civisme de manière plus générale. Qui parle de civisme chez nous ?

Pour aggraver mon cas de vieille rombière (mais pas que, c’est aussi pour expliquer pourquoi j’ai été si éblouie par le Japon et encore plus par les Japonais), moi je pense que chaque journée d’école devrait commencer par de l’éducation civique.

Le civisme c’est, pour reprendre le fil de la vidéo ci-dessus, s’abstenir de critiquer le physique de quelqu’un. Offrir sa place dans le bus à une personne âgée. Laisser descendre les gens du train avant d’y monter soi-même (n’y compte même pas au Sri Lanka !). Arrêter son auto pour permettre aux piétons de traverser.
Je ne dis pas que les Vietnamiens sont malpolis par exemple. Mais essaye de traverser la route à Hanoï, tu vas comprendre ce que je veux dire !

Le civisme est le degré supérieur de la politesse, et les Japonais l’ont porté à son paroxysme.

 

Sur le quai du métro à Tokyo. Oui il y a un dress code tacite de sobriété… Hommes et femmes sont tous habillés soit en noir, soit en gris, soit en bleu foncé. Chemise blanche. Chaussures noires.
Quelques exemples de vie en société à la japonaise

Je vais vous donner quelques exemples concrets pour illustrer ce que je raconte.

Le premier truc qui m’a frappée – et qui va peut-être un peu trop loin – c’est que dans quasiment tous les ascenseurs japonais, même les plus étroits, il y a une série de boutons de chaque côté. Les boutons pour appuyer sur les étages, voyez ? Ils sont dupliqués au moins sur deux côtés, parfois trois, de telle sorte que tu n’aies pas besoin de toucher quelqu’un, ou de passer ton bras devant lui ou elle, et ce faisant, de le ou la gêner.

Je dis que c’est too much parce que tu peux aussi demander poliment à quelqu’un d’appuyer sur le bouton pour toi. Mais voyez l’idée.

 

Sur une aire d’autoroute au nord de l’île d’Awaji (entre l’île de Shikoku et l’île de Honshu). Qui a dit que les Japonais ne se touchaient pas en public ?…

 

Ensuite, chacun s’efforce d’étouffer le bruit qu’il fait pour ne pas gêner les autres.

Dans le métro par exemple. Le silence dans le métro à Tokyo est très impressionnant. Impressionnant au point que tu ne t’autorises pas à ouvrir le paquet de chips que t’as acheté au 7-Eleven pour tes babi affamés. C’est trop bruyant, les chips. En plus ça se trouve c’est interdit de manger dans le métro. En tout cas personne le fait. Donc nous non plus.

Et ce civisme partagé fait que le métro reste propre et silencieux.

J’ai été surprise que toute la population sans exception se plie à ces règles – qui sont parfois des lois, comme l’interdiction de fumer dans les lieux publics, mais le plus souvent de simples règles tacites. Les personnes âgées comme les jeunes. Je me suis demandé : où sont les ados ?
Comment expriment-ils leur contestation, leur haine de la société ?

 

Rame de métro à Tokyo. C’est propre et calme. Tu as de l’espace pour réfléchir dans ta tête…

 

Il n’y a aucune dégradation dans le métro, ni nulle part en ville, sur aucun mur, aucune vitrine.
Pas de vandalisme contre les distributeurs automatiques de boissons que l’on trouve partout dans la rue, sans surveillance.
Pas de vigiles dans les magasins, pas de portiques qui sonnent, et donc pas d’antivol sur les produits non plus. Pour quoi faire ? À Osaka – qui est la troisième plus grande mégalopole du Japon – j’ai vu que les gens repassent même par l’intérieur du supermarché, avec le sac de courses qu’ils viennent de payer, pour aller prendre une autre sortie du côté opposé.

 

Petit aparté sur les supermarchés

Les caddies roulent hyper bien, c’est pas tu t’appuies comme une malade dessus en mettant tout ton poids sur la barre à gauche pour amorcer un virage vers la caisse qui vient de se libérer. Non, ça roule comme le reste au Japon, fluide et sans difficulté. Avec deux doigts tu manipules ton caddie super léger qui va où tu veux. Limite il va trop vite pour toi parce que tu sais pas vraiment où tu veux aller. Dans ta vie.

 

Une rue dans Hiroshima. Ça peut sembler froid comme ça, j’avoue… mais les gens ne le sont pas du tout !

 

Mais donc : où sont les jeunes qui vont mal ?, je me demandais. Puisqu’ils ne volent pas de stylos-plume et ne traversent même pas en dehors des clous ou quand le petit bonhomme est rouge (moi je l’ai fait, j’avais l’impression d’être une yakuza !).
Eh bien les ados Japonais vivent leur révolte anti-sociale en se réfugiant dans les cosplays et les manga. Les manga vous savez ce que c’est, les cosplays je vous explique (peut-être vous savez déjà mais moi je ne savais pas donc j’explique quand même 😉 ).

Cosplays est l’abréviation de costume players, littéralement « des joueurs en costume ».

Le terme désigne les personnes (très majoritairement des ados) qui s’habillent et se coiffent comme des personnages de manga ou de jeu vidéo.
À Tokyo, j’ai croisé des jeunes filles déguisées en Alice au pays des merveilles ou Marie-Antoinette et les soubrettes de l’époque. C’est un peu surprenant mais bon c’est une rébellion qui m’a quand même parue assez sage…

 

Trois copines de cosplay dans la file d’attente du Musée National de Tokyo (avec un bout du tee-shirt Nirvana du Marcass’ qui me saoule à se mettre systématiquement devant l’objectif).

 

Il y a aussi celles que l’on appelle les Shibuya girls : un peu moins sages, ces jeunes filles sophistiquées à semelles compensées sont habillées ultra court et ultra décolleté (certains diraient ultra sexy). Il faut préciser que dans la plupart des manga, même ceux qui sont destinés à un public enfant, les héroïnes féminines sont présentées de cette façon-là. En résumé : minces avec des gros seins. Les cheveux longs. Peu vêtues parce que à quoi bon sinon.

C’est à mon avis un problème que de toutes jeunes filles à peine formées s’identifient à ces fantasmes masculins ordinaires et réducteurs. Si le sujet vous intéresse, invitez-moi, on s’organise une petite soirée pour en parler…  😉

Mais voilà, pour beaucoup de jeunes apparemment, se réfugier dans l’univers des cosplays et des manga est une façon de refuser la société de leurs parents où le travail est central et mène à une obsession maladive.

 

Tokyo Tower. La Petite Souris avec Robin, son personnage féminin préféré dans One Piece. Qui est aussi le personnage féminin préféré de Papa Écureuil. Mais ce n’est pas pour ce que vous croyez. Je suis curieuse moi aussi, je lui ai demandé : « Mais pourquoi ? Pourquoi tu préfères Robin ? ». « Parce que j’aime les femmes mûres », il m’a répondu. Exactement. C’est pour ça. Parce que Robin, telle que vous la voyez là, elle a 40 ans. Le monde des manga est merveilleux.

 

Tokyo Tower. À côté de la Petite Souris, c’est Nami, l’autre personnage féminin de One Piece. Si vous vous posez la question par rapport à Robin, de savoir si elle est retraitée ou quoi, je comprends mais non, ici Nami a 17 ans. Ne me demandez pas pourquoi son jean descend si bas sur le bassin, ni si c’est confortable ou quelles enjambées elle est capable de faire quand elle marche avec. Je ne sais pas. À propos du haut, quand même, j’ai interrogé Papa Écureuil : « C’est normal que la meuf soit en soutien-gorge dans la taverne ? ». « C’est pas un soutien-gorge, c’est son maillot de bain ! ». Ah ! Ah bah alors si c’est son maillot de bain, tout va bien.

 

Ok, là je me rends compte que je me suis éloignée de mon sujet. Carrément. Mais c’est pour ça que c’est dur à écrire le Japon, il y a tant de choses à dire !

J’en étais aux règles de vie en société que tout le monde respecte.
Please refrain from smoking.
Refrain from eating while walking.
Refrain from talking on the phone.

Tout ce qui, il y a des années, aurait peut-être sonné à mes oreilles comme une entrave à la liberté me semble bienvenue aujourd’hui. Nécessaire même.

S’il vous plaît, la bienséance vous demande de ne pas hurler dans votre portable à quelle station vous vous trouvez, la dernière aventure sexuelle de votre collègue de bureau, et ce que vous pensez préparer à manger dimanche midi. S’il vous plaît.
Parce que, grâce au respect de ces règles de bienséance, le wagon est propre, calme et silencieux (en plus que les gens ne polluent pas mes sens avec leur parfum lourd). Et c’est si agréable.

Est-ce qu’on ne vit pas, hors Japon, dans un monde grossier où la majorité sans gêne ne respecte plus rien ni personne ?
J’essaye de ne pas m’énerver en pensant à ça mais c’est le Walter Sobchak qui ne dort jamais en moi qui s’agite…

Has the whole world gone crazy ? Am I the only one here who gives a shit about the rules ?

Extrait : Une scène culte de ce film génial des frères Coen qui s’appelle The Big Lebowski.

 

Transports en commun ou pas, c’est toujours un profond respect d’autrui que j’ai observé absolument partout au Japon.
En auto, personne ne nous klaxonne même si on roule à deux à l’heure sur les petites routes de montagne. Personne ne fait des doigts d’honneur à Papa Écureuil dans les dépassements comme en Nouvelle-Zélande !

Les gens patientent patiemment sans manifester de signe d’impatience. Patients quoi.

En cinq semaines, je n’ai pas vu une seule embrouille dans la rue, pas un mot plus haut que l’autre entre automobilistes. Polis. Respectueux. Bienveillants. (Ou alors ils cachent super bien qu’ils sont vénères et je les admire tout autant !)

 

Pêcheurs à Mogi, petite ville tranquille tout près de Nagasaki. Avez-vous remarqué le héron à droite qui attend la bonne prise ?…
Règle n°2 n°1 bis : la propreté

Puisque j’en suis à parler automobile, j’y reste avec un autre aspect fondamental de la vie au Japon : la propreté. Alors ici les autos ne sont pas seulement propres, ou plutôt propres. Non. Les autos sont extrêmement propres. Et silencieuses, autant qu’un moteur le permet. Ce qui fait que les rues sont calmes aussi, comme les gens.

Même les babi ont été frappés par la propreté des autos. La brillance satinée.
La Petite Souris a fait remarquer à propos d’une voiture garée le long du trottoir :
– Regarde, tu peux passer ton doigt, c’est tout doux et tout lisse !

Sauf Lulu, on a dit. Par mesure de sécurité. On sait jamais, peut-être avec son doigt il va laisser une marque noire et on va se sentir mal.

Les jours passant et les autos extrêmement propres se succédant, Papa Écureuil a fini par dire :
– Nan mais c’est bon, c’est parce qu’elles sont neuves en fait. Elles sortent du garage…

Oui, bien sûr. Chaque jour, toutes les autos que nous croisons sur la route sortent du garage.
Les Japonais consomment un grand nombre de voitures neuves sans doute.

 

Parking de monospaces dans une rue de Tokyo. Les autos sont petites au Japon. Cubiques. Fiables. Sans ostentation. Et propres. Extrêmement propres. 

 

Mais il n’y a pas que les autos dans la vie. Il y a les camions aussi. Les jantes des camions.
Papa Écureuil a dit :
– Je pourrais couper mes poils de barbe en me regardant dedans !

Pas de vieille trace de dentifrice de babi séché comme sur le miroir de notre salle de bain.
Et puis c’est pas que les jantes chromées pour des toqués du tuning. C’est aussi la toupie du camion-toupie, la benne du camion-poubelle…
Les mecs je ne sais pas comment ils font. Ils travaillent sur des chantiers PROPRES.

 

Bon, sur celui-là il n’y a pas de jantes, dommage qu’on ne voit pas les roues du camion qui arrive à droite. Mais même les pneus ! Regardez le plateau, les essieux, la toupie. Et l’arrière de la cabine, sans aucune projection !

 

Il se trouve que j’ai fréquenté, un peu, les camions. Disons que je sais le temps que ça prend de nettoyer un semi-remorque. Et je sais la vitesse à laquelle se resalissent le hayon, le bas de la remorque ou le pare-brise. Les jantes ne peuvent pas briller comme elles brillent ici sans être astiquées tous les jours. Les portières de la cabine rutiler comme elles rutilent sans être frottées à la peau de chamois à chaque arrêt. Et c’est ce que font les chauffeurs de poids lourds japonais.

Je les ai vus sur les parkings d’autoroute. J’ai même vu que certains portent des gants blancs au volant. Comme tous les chauffeurs de bus et de taxi. Il y a un côté suranné oui.
J’aime assez.

 

Vous voyez ce que je veux dire à propos de extrêmement propre ? Et c’est pas un camion qui sort du garage hein ! C’est un camion pareil à tous ceux que l’on croise, sur une aire d’autoroute au sud de l’île de Honshu en remontant de Kyushu.

 

Enfin, comme nous avons loué une auto, nous avons découvert la clé de toute cette propreté.
Les autos ne sortent pas du garage, non, elles sortent de la station essence.
Dans chaque station essence, quelqu’un est là pour te servir en essence (ou parfois tu te sers tout seul), et te proposer une serviette imbibée si tu veux nettoyer on the inside. À l’intérieur. Ton tableau de bord, ton volant, tes lunettes, tes dents, tout ce que tu veux nettoyer tu peux.
J’ai halluciné.

Ils te demandent pour le inside parce que le outside coule de source.

Je veux dire, bien sûr que tu vas nettoyer l’extérieur de ton auto. Parce que tout le monde le fait ! Il y a des serviettes et peaux de chamois propres à disposition à côté des pompes à essence pour frotter ton pare-brise. Lustrer ta carrosserie.
Waaouh. Même en Nouvelle-Zélande y’avait pas ça. Et pourtant c’était propre déjà, tu pouvais te faire arrêter et avoir des ennuis avec la police si ton camion était négligé.

 

Station essence sur l’île de Shikoku. Serviettes imbibées et peau de chamois. 

 

Un autre truc qui m’a scotchée dans les stations essence – sans parler des toilettes qui sont hyper propres – c’est quand les pompes à essence tombent d’en haut. Je ne sais pas si ça existe en France, mais ça c’est juste génial pour les camions, pour manœuvrer sans galérer ! Il n’y a pas de pompes verticales, il y a plein de place, c’est dégagé… Pour les yeux aussi c’est important.

Mais j’arrête de vous parler auto, je fais même pas de chapitre moto au pays de la Kawasaki, sinon vous allez finir par croire que je m’intéresse à la mécanique. Alors que non, juste j’aime conduire (et j’ai un casque Shoei aussi. Mais ça c’est sujet tabou.).

 

Station-essence à Kyoto. Dernier plein pour notre auto de location. Sur la photo ça va, on ne remarque pas trop qu’on l’a rendue crado. On voit les pompes à essence qui viennent d’en haut.

 

Au Japon, les autos sont propres, les transports en commun sont propres, les supermarchés sont propres, les parcs sont propres, tout, absolument tout ce que tu vois dans la rue est propre parce que les Japonais sont éduqués, dès le plus jeune âge, à respecter l’espace public.

Le troisième jour de notre arrivée à Tokyo, j’ai vu des enfants qui marchaient à peine se diriger vers les poubelles de tri dans le parc de Ueno pour jeter leurs emballages d’onigiri. Authentique.

Le sol est propre dans les restaurants, sur le trottoir. Ça nous change.

La griffe de papa Écureuil
Attends mais je peux poser mon sac par terre pendant que je mange !

C’est ouf. Des fois c’est tellement propre que même la poubelle ne veut pas de tes ordures…

 

Dans le Parc du Mémorial de la Paix à Hiroshima.

 

Et les rues aussi donc. Parce que l’espace public, c’est avant tout la rue. Toutes les rues, tous les trottoirs, tous les squares sont propres. Jamais un mégot par terre puisque personne n’oserait s’aventurer à fumer en dehors des zones réservées. Pourtant, il y a pas mal de gens qui fument au Japon. Et comme je vous fais un tour du monde de la cigarette, sachez que :
Un paquet de Mevius, c’est 480 yens, soit presque 4 €.
Un paquet de Marlboro, 510 yens.

Mais je fume des Mevius toutes blanches (bien propres 😉 ) et ça me fait plaisir.

Les cigarettes japonaises sont plus légères. Les normales, j’entends.

(Merci de noter que je ne fume pas des light. Je n’ai JAMAIS fumé des light. De la même manière que ça fait au moins dix ans que jamais une crème fleurette ou un yaourt light n’a passé la porte de mon frigo. Qu’ils crèvent.)

Parce que sinon, pour en revenir aux cigarettes, il y a des Mevius light, super light et extra light. Je ne sais pas trop ce que tu fumes avec de l’extra light du coup, mais bon, c’est sûrement parce que moi je suis lourde, voilà.
I’m so heavy.

 

Ah vous aussi vous croyez que c’est des cigarettes STANDARD le paquet tout blanc hein ? Ben non, perdu, ce sont des capotes ! Je ne veux pas entrer dans le sujet mais les capotes Made In Japan sont comme leurs cigarettes. Light (my fire). Et oui c’est super beau derrière, c’est un soir sur la terrasse en bois devant la plage, chez les surfeurs à Shishikui, sur l’île de Shikoku.

 

Enfin, bien sûr, c’est incroyablement propre dans toutes les maisons.

On a dormi sur des futons d’épaisseur et de qualité variables, mais toujours impeccablement propres. Avec une couette blanche et fluffy comme j’aime, douce sur la peau nue. Sans vieille odeur de transpiration ou pire sur les oreillers. Et, après notre périple de quatorze semaines à travers l’Asie du Sud-Est, je me suis rendue compte en arrivant au Japon que la propreté c’est comme le luxe : c’est agréable.

Dans tous les hôtels, même petits, il y a des yukata (kimonos en coton avec lesquels on se couvre après le bain) et des chaussons à disposition parce que :

ON N’ENTRE JAMAIS DANS UN INTÉRIEUR JAPONAIS AVEC LES CHAUSSURES.

On n’entre pas non plus dans une pièce à tatamis avec les chaussons : on les laisse à l’entrée, devant la cloison coulissante, rangés avec la pointe vers l’extérieur.
Et dans les toilettes et la salle de bain, on enfile des espèces de mules, plastifiées, pour ne pas risquer de mouiller ou de salir les chaussons réservés au reste de la maison.

 

Dans une auberge à Beppu. Sur la première ligne, les mules pour les toilettes qui sont imperméables et un peu plastifiées (je pense qu’elles sont lavées tous les jours). Sur la deuxième ligne, les chaussons d’intérieur qu’on est censés mettre dans la maison. (Et tout devant tout devant, ce sont mes pieds qui dépassent quand je prends la photo vite fait alors que Papa Écureuil m’attend pour aller faire des courses au 7-Eleven !)

 

Bon, moi je ne fais pas tout ça parce que je vais pieds nus. Pas tant parce que je suis une rebelle que parce que je ne supporte VRAIMENT PAS les chaussons. Mais je ne me sens pas super à l’aise de contrevenir à la règle, comme si le regard de nos hôtes allait être réprobateur parce que peut-être ils pensent que mes pieds sont trop sales pour marcher sur le sol chez eux. Et c’est vrai que ça peut arriver. Le noir sous les pieds. C’est à cause des tongs.

Enfin tout ça c’est seulement ce que j’imagine qu’ils pensent. En vrai je n’ai jamais eu de mot ni d’attitude de réprobation.

Mais normalement, il faut mettre les chaussons.
Dehors c’t’assez crado, faut qu’dedans ça soit bien.
Il se trouve qu’ici au Japon ce n’est pas le cas parce que, comme je viens de vous l’expliquer longuement, dehors c’est pas crado justement. Mais avec l’histoire des chaussons qu’il faut enfiler à l’entrée de toutes les maisons, c’est quand même aux patins de cette chanson que je pense… Et comme c’est pour moi une des meilleures de Renaud, je ne résiste pas au plaisir de la réécouter ici !  🙂

Piste audio : Renaud, Banlieue Rouge, album « Le retour de Gérard Lambert », 1981.

Alors, c’est pas une des meilleures franchement ?
Après c’est toute une histoire pour s’rendormir ouallou !
C’est ce que je me dis pas mal de nuits… Et Michel Drucker, le mec est toujours là ! Même moi j’ai pas la télé mais je sais qu’il est toujours là. Et la chanson date de 1981, s’te plaît !

La plus belle surprise : l’ouverture aux autres

Mais peut-être que toute cette politesse et cette propreté, vous, ça vous fait flipper…
Peut-être que moi aussi, si je ne l’avais pas vécu à ce moment-là du voyage, à ce moment-là de ma vie, la rencontre ne se serait pas faite. Je ne sais pas.

Laissez-moi vous parler de deux autres aspects sur lesquels, peut-être, on attend moins les Japonais. Que moi je n’attendais pas en tout cas, et qui m’ont surprise – et ravie.

Ces deux aspects concernent l’ouverture aux autres : il s’agit de la tolérance et de la générosité.

Contrairement à ce que je croyais (mais pourquoi ??), le Japon est un pays tolérant. Du moment qu’on est propre et poli bien sûr !  ;-).
Et qu’on respecte les autres. Car la tolérance japonaise s’appuie sur la confiance, la certitude presque, que l’autre ne va pas abuser. Que sa liberté va s’arrêter là où commence celle des autres, comme je l’ai entendu quelque chose comme : toute mon enfance.

(C’est d’ailleurs curieux que ma mère n’ait jamais été attirée par le Japon parce que c’est vraiment le pays où cette maxime pourrait être érigée en devise nationale. Vu qu’il n’y a pas de devise officielle. Parce que ce serait manquer de respect au peuple que de lui en imposer une, peut-être, je sais pas…)

 

Temple de Kofuku-ji, à Nara. Au Japon, chacun est libre de pratiquer sa religion et la tolérance est grande, dans la rue comme dans l’enceinte des sanctuaires religieux, du moment que la pratique se fait dans le respect des autres.

 

Il y a la tolérance vestimentaire, qui transparaît sur la photo d’en-tête de cet article. Ou quand les costumes cravates côtoient dans le métro les tenues les plus farfelues. J’en ai déjà parlé un peu plus haut sans pour autant employer le mot de « tolérance », quand j’ai évoqué les cosplays et les Shibuya girls.

La tolérance de cul aussi : j’ai vu des couples d’hommes, des couples de femmes, des couples de tu sais pas trop. Tous jeunes en revanche. Je pense qu’il y a une grande liberté sexuelle avant le mariage. Après je ne sais pas. Il faudrait creuser.

Et puis cette immense tolérance de culte, à laquelle nous ne sommes pas habitués. Et qui est, pour ce que j’en ai vu, peu répandue dans le monde. Jamais autant, jamais aussi bienveillante qu’au Japon.

Dans une société que je sais pourtant si codifiée, ce qui se fait de ce qui ne se fait pas, que l’on puisse se rendre dans un temple bouddhiste ou un sanctuaire shinto les épaules complètement dénudées, ça m’a sciée. Même avec ma robe trop courte et dos nu sur laquelle j’ai regretté de ne pas avoir mon vieux keffieh dans le sac pour me couvrir un peu plus, personne ne m’a rien dit.

 

Au temple Tairyuji, sur l’île de Shikoku. Ouais c’était abusé ma tenue pour une visite de temple, mais il faisait chaud ce jour-là et je n’avais pas anticipé ! Heureusement au Japon, tu viens comme tu es…

 

Et pas seulement rien dit, c’est que, les pèlerins que tu croises dans le temple, avec ta robe trop courte et ton dos nu, ils te saluent. Avec bienveillance, devant tes enfants qui crient et courent partout, ils te sourient.
Quand même, on est loin des temples interdits aux femmes ou des temples qui te bannissent quand tu as tes règles !

D’ailleurs, sur les chemins du Temple 21 à Shikoku, en plus de ma robe trop courte et dos nu, j’avais mes règles.

Je ne vous raconte pas la vie de mon cycle pour vous faire partager mes tourments de femme mais parce que, à ce moment-là précisément, il m’a soudain frappée que l’entrée des onsen ne t’est pas interdite quand tu as tes règles. Alors que bon, dans les onsen, pour une question d’hygiène peut-être, tu pourrais comprendre. Toutes nues ensemble dans le même bain, ça pourrait. Mais non. C’est même pas mentionné.

 

Une fleur mûre qui m’a retenue dans une rue de Karatsu. Rouge ardente. Hibiscus ? (Là je tente un truc, je ne connais absolument rien au jardin !)

 

Vous n’en avez pas marre ? Vous en voulez encore ?

Allez, en plus de toutes ces belles surprises du Japon, le civisme, la tolérance et le respect des autres, il y a eu, pour nous étrangers, la générosité de l’accueil. Des inconnus qui prennent le temps de nous sourire dans la rue, de nous aider au supermarché.
À l’encontre de mes a priori, je n’ai pas du tout trouvé que les Japonais étaient froids – et pourtant je trouve souvent que les gens sont froids. Ou rudes.

C’est l’inverse : les gens sont tellement gentils, tellement accueillants, chaleureux même (dans la mesure de leurs capacités émotionnelles bridées par une éducation rigoureuse 😉 ) !

Je ne saurais dire combien de grues en origami on nous a offertes pour nous porter bonheur. Et les babi de s’exclamer la première fois à Tokyo :
– Oh ! C’est comme fait la copine de papa !

(La même « copine de papa » que celle qui a cousu notre porte-monnaie de voyage, oui. Avant notre départ elle avait ébloui les babi avec ses grues en origami ! Mais elle s’appelle Célia sinon. Répète après moi : Cé-lia.)

 

Déjeuner dominical au Hirome Market de Kochi (sur l’île de Shikoku). Une grande convivialité dans cette cantine où tout le monde se côtoie et se serre aux mêmes tables, couples et familles avec enfants comme jeunes fêtards célibataires.

 

Voyager avec des enfants facilite les contacts avec les gens, c’est certain.
Nous l’avons vérifié à maintes reprises, notamment en Thaïlande et au Vietnam, et le Japon ne fait pas exception.
Partout où nous allons, les sourires se dessinent à la vue des babi, les cœurs s’ouvrent et les attentions pleuvent. Pourtant ils sont bruyants (je parle des garçons bien sûr).

Admettons qu’au ryokan traditionnel de Kurokawa onsen, au prix où on paye la nuit, ils offrent un petit cadeau de bienvenue aux enfants. Les nôtres ont choisi hand spinner et balle rebondissante. Ou anneau déroulant et réfléchissant, je sais plus trop.

Admettons que ce soit là un geste commercial. Ils ne sont pas obligés au demeurant, mais peut-être gagnent-ils à obtenir le calme des enfants et donc la paix des parents. (Quoique, la balle rebondissante au niveau du calme, je ne recommande pas.)

Mais la vendeuse du 7-Eleven qui a bien dépassé l’âge de la retraite et qui continue à faire les 3×8 (enfin je dis ça, je ne connais rien au droit du travail au Japon, ça se trouve elle fait les 2×12) et qui vient apporter des petits porte-clés aux enfants entre deux clients, qu’a-t-elle à gagner ?

 

J’ai pris une photo au quinzième jour de notre voyage au Japon, après j’ai cessé de compter. Ici il y a aussi des choses qu’on m’a offertes à moi : une étoile filante, une grue amoureuse qui se cache…

 

Et des exemples comme celui-là, j’en ai plein !

La serveuse du quasi seul resto qu’on a fait à Tokyo qui donne aux babi des sucettes en forme de sushis.

La dame de notre modeste guesthouse à Beppu (celle qui a pleuré quand on est partis, après seulement deux nuits…) qui distribue des grues en pagaille. Et puis le matin, en plus des patates douces et des œufs cuits à la vapeur des sources d’eau chaude, elle apporte aux babi une tomate et deux kiwis. Cela ne vous paraît peut-être rien, mais quand on sait le prix des fruits au Japon !
Elle était si émue…

Pour nous désigner nous-même, nous indiquons généralement notre poitrine avec la main à la perpendiculaire. Les Japonais montrent le bout de leur nez avec leur index.

Et cette dame qui ne parlait pas du tout anglais partait dans des logorrhées en japonais, avec un visage très expressif, comme si nous pouvions la comprendre, et elle désignait alternativement le bout de son nez et son cœur. J’ai fini par la serrer dans mes bras. Mais je n’ai pas pris de photo d’elle, je le regrette maintenant.  🙁

 

Aux Enfers de Beppu : le Kamado jigoku.

 

Toujours à Beppu – ma cops Clea m’avait prévenue : « les gens de Kyushu sont formidables ! » – il y a aussi le monsieur des jigoku. Il est occupé avec un groupe de touristes japonais mais il vient exprès chercher les babi. Il leur fait souffler sur le bout de sa cigarette en direction de la source à 100° pour qu’ils produisent eux-mêmes une fumée prodigieuse née du contact de la cendre et de l’eau bouillante. Extraordinaire expérience. Puis il disparaît en nous faisant signe d’attendre et revient avec un sachet de billes pour les babi. Cadeau !

Ou bien encore le gardien du château d’Hiroshima qui savait si bien construire les avions en papier. Comme ça, pour rien, juste pour le plaisir. Des merveilles d’avions en papier qui volent hyper bien et hyper longtemps. Les babi étaient vraiment heureux.

 

Je n’ai que cette photo. On ne voit pas très bien comme le gardien du château d’Hiroshima semblait heureux de faire plaisir aux enfants. Mais on voit qu’il essaye de caresser Chouch sur le dos, d’établir un contact…

 

La photo est pourrie aussi mais les garçons étaient si heureux avec leurs avions en papier dans le parc du château d’Hiroshima !
 
Où est la faille ??

Alors me direz-vous, où est la faille ??

Eh ben je devrais peut-être filer la métaphore de ma découverte du Japon avec une rencontre amoureuse parce que pour l’instant, je ne vis que le ravissement, je ne vois pas les défauts !
Je les pressens à certains moments, mais ils ne me pèsent pas.

Par exemple, j’ai parfois eu l’impression que toute cette chaleur humaine dont je viens de parler jaillissait aussi puissante avec nous parce que nous étions des étrangers. De passage. Vous savez comme c’est parfois plus facile avec des inconnus.
Quand il y a moins d’enjeux.
Alors que ce qui relève de l’émotion et du sentiment est beaucoup plus contenu entre Japonais.

Peut-être que les gens ne vont pas bien au fond. Peut-être qu’ils sont névrosés et qu’il y a comme un manque d’amour qui les étrangle. Une grande solitude. Mais en France aussi. Et c’est pas pour ça que les gens sont gentils ni polis ! Ou respectueux. Enfin voyez.

 

Hagi, mer du Japon. Un pêcheur solitaire.

 

Bien sûr au Japon, il y aurait certainement ceux qu’on appelle les otaku.
Un otaku c’est quelqu’un qui, à force de vivre dans les manga et dans un monde de fiction, se coupe progressivement de la réalité jusqu’à ne plus sortir de chez lui – de taku signifiant « maison ». Comme un cosplay mais en plus pathologique.

Évidemment je simplifie et je généralise ; il y a des otaku qui ont une vie sociale, mais dans l’idée, c’est un peu ça.

Est-ce que ce serait vraiment déconnant de rapprocher les otaku du nombre croissant de jeunes (et de moins jeunes) en France et dans tous les pays dits « modernes » qui développent une addiction aux jeux vidéo, voire aux réseaux sociaux et à l’illusion virtuelle ?
Enfin j’dis ça j’dis rien…

 

À Osaka, en route pour Denden Town, le quartier des geeks et des otaku… (Les gens que vous voyez traverser sac à dos au milieu de la chaussée ne sont pas des Japonais. Touristes grossiers ! Mais l’auto japonaise qui arrive en face va s’arrêter bien sûr.)

 

Mais j’ai trouvé un truc un peu weird quand même au Japon. DEUX trucs.

C’est d’abord les cafés à chats, à chiens, à chouettes, à hérissons…
On en a fait un, à Tokyo, de café à chats. Le principe c’est : tu payes une blinde pour boire un café américain dégueu et espérer caresser des chats qui sont saoulés et préfèrent s’installer à des endroits où tu peux pas les atteindre. N’espère pas les attirer avec une balle ou une pelote de laine parce qu’ils sont à moitié dépressifs et tout ce qu’ils veulent c’est dormir. Voilà. Ah oui, j’oubliais : tu payes pas ton café, tu payes chaque tranche de dix minutes supplémentaires. Vite fait j’ai dit : on se casse. Déjà que j’aime pas ça, caresser les chats…

Y’avait un mec qui avait emmené une fille dans ce café, dans l’espoir de conclure j’imagine. On avait de la peine pour lui. La fille ne voulait plus partir, on voyait le visage du mec se décomposer au fur et à mesure que son porte-monnaie se vidait… Le pauvre, j’espère qu’il a conclu. J’espère vraiment.

Même Papa Écureuil qui aime un peu mieux les animaux que moi a dit :
C’est affreux !

Pourtant, suite à notre bref (et incompréhensible) passage au café à chats, le Marcass’ a demandé :
On pourra aller dans un café aux cochons ?

 

Le Marcass’ à Tokyo, en sortant du café à chats de Shibuya.

 

Et le deuxième truc chelou ici, c’est qu’ils promènent les chiens dans des landaus ou des poussettes. (En même temps, il y en a bien qui ont été aperçus dans ma ville, au bord du fleuve, en train de balader une tourterelle dans un berceau ! Si, si, véridique.)
Les petits chiens hein, je ne vous parle pas de bouviers bernois. (Y’en a pas au Japon, y’a pas assez de place.)

Ça m’a choquée au début, et puis maintenant je me dis : moi j’ai pas de chien, je m’en fous, qu’est-ce que ça peut me faire de voir des gens promener leur chien à couettes dans un landau si c’est le prix à payer pour qu’il n’y ait pas de déjections canines sur les trottoirs ?

 

Trottoir qui longe le marché du dimanche à Kochi.

 

Au moins ici, ton enfant ne risque pas de rouler son cartable dans une grosse merde posée juste devant la grille de l’école où tu arrives hors d’haleine juste avant qu’elle ne se ferme. De la merde de chien bien fraîche parfaitement moulée dans les rainures du renfort en plastique du cartable. Ouais, c’était un bon matin, une journée qui commençait bien. Trop facile à nettoyer avec du papier toilette mouillé hyper fin qui s’émiette au premier passage dans les rainures. Enjoy.
Mais tu dis rien, déjà tu remercies la maîtresse qui t’a laissée entrer dans la cour jusqu’aux toilettes de l’école en dépit du plan Vigipirate. Et de ton retard. Bref.

Au Japon, en cinq semaines, je n’ai pas vu une seule crotte de chien sur un trottoir.

 

Himeji. Tu vois la route, elle est neat. Pas de mégot, pas de papier gras du Domac et pas de merde de chien.

 

 

Ainsi, le Japon est à l’opposé de ce que j’imaginais.

Je voyais une fourmilière de gens froids, pressés et coincés. Malades dans leur tête de solitude et de névroses. Comblant le vide de leur vie dans les salles de pachinko et les librairies de manga.

J’ai découvert des gens reliés les uns aux autres, respectueux, et, parce que ça va de pair, soucieux de leur empreinte sur l’environnement. Je n’en ai pas parlé dans cet article sur les personnes mais la nature au Japon est magnifique. Respectée, préservée.

Je sais que les gens travaillent comme des dingues, mais le sentiment que j’ai éprouvé moi au Japon, en tant que touriste, c’est celui de vivre dans une atmosphère calme et feutrée. Peaceful.

Même le sable de la plage, tu t’enfonces doucement dedans comme sur un tapis moelleux.
Même la nourriture. L’ œuf parfait, cuit mais dont le jaune reste coulant, les boulettes de riz, les mochi, c’est doux. Il n’y a pas besoin de mâcher fort. Pas besoin de se battre. Et ça m’a fait du bien. Vraiment.

 

Vue depuis le Mont Misen sur l’île de Miyajima.

 

 

* Note du 6 juillet 2019 *

 J’ai trouvé une vieille vidéo de l’INA (1981) sur le regard que portent les Japonais sur les Français. Intéressant… Notamment les mots des enfants qui en disent long, si on les écoute en creux, sur comment on vit au Japon.

J’ai aussi été interpelée, à 2’30 de la vidéo, par cette Japonaise qui s’étonne de l’attitude des Français dans une anecdote qu’elle raconte, et interroge : « Mais vous êtes froids ou quoi ?! ».
C’est assez embarrassant de l’entendre. Surtout quand, en tant que Français, on a tendance à penser que ce sont les Japonais qui sont froids…

Cliquez sur le lien : https://youtu.be/hmn1qFwtNl8

 

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Et vous, que savez-vous des subtilités de la culture japonaise ?

 Êtes-vous déjà allé(e) dans un pays où vous vous êtes senti(e) totalement dépaysé(e) ?